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tielle de faire contribuer indiftinélement tous
les Citoyens, & fur-to.ut les Propriétaires, à
ce qui étoit entrepris pour le bien de tous, condition
prefcrite par le droit naturel, & qui l’étoit
également par le droit civil & politique de la
France. II falloir, de plus, que cette opération
portât un caractère de légalité qu'elle n’avoit
pas, puifque M. Turgot la fit fans autorifation
lpéciale, & par fes feules ordonnances particulières.
Mais; toute incomplette qu’elle étoit,
elle méritoit & obtint les plus grands éloges.
M. Turgot, devenu Miniftre, voulut l'étendre à
toute la France, & il excita les plus vives réclamations,
parce que les Privilégiés voulurent
maintenir une exemption que nos anciennes Loix
leur refufôient; mais q u i, fans leur avoir été
attribuée par aucune Loi pofiérieure, s’étoit
trouvé établie de fait, avec l'ufage de conftruire
les chemins par Corvées. Ils s’accoutumèrent
aifément à croire que la dépenfe des ouvrages
publics ne devoir point les regarder, & cet état
d’ufurpation leur parut d’autant plus commode,
que ce qu’il y avoir d’odieux ne pouvoit leur
être imputé. Ils ne virent pas que leurs intérêts
mêmes étoient bleffés dans l’inégalité de cette
répartition -, que tous les fervices, Içs travaux
& les importions qu’on exigeoit des Cultivateurs
de leurs domaines, retomboient fur le revenu
de ces domaines*, qu’ils fe trouvoient payer en
réfultat, & ce qu’il en çoûtoit à ces Cultivateurs,
& l’intérêt de l’avance que ceux-ci faifoienr, &
même l’aflurance, fi l’on peut fe fervirde cette
éxpreffion commerciale, ou la garantie d'un
danger qu’ils appréhendoient toujours,quoiqu'il
dût fouyent être imaginaire.
M. Turgot ne fe rebuta point de la difficulté
de fon opération & du temps qu’elle exigeoit.
Commencée en 1762, elle ne fut complettement
& généralement exécutée qu’en 1764 : mais, depuis
cette époque, les chemins furent toujours
faits & entretenus à prix d'argeht, dans la Généralité
de Limoges, L ’impofitipn varia, félon
qu’on voulut hâter plus ou moins les conftruc^
ttons nouvelles. Il y eut des années où elle ne
monta qu’à quarante mille écus, & elle n’en paffa
jamais cent mille. C’eft avec une fomme auffi
modique qu’on fit la rpute de Paris à Touloufe
par Limoges, & pelle de Paris à Bordeaux par
Angoulême, commencées depuis 80 ans par la
Corvée & auffi peu avancées qu’au commence-*
mept ; car l’ouvrage avoitété fi mal fait par les Cor-
voyeurs, qu’une parue avoir toujours été détruite
avant que l’autre fut achevée. On fit la route de
Bordeaux à Ly on, par Limoges & Clermont;
celle de Limoges à la Rochelle par Angoulême ;
celle de Limoges en Auvergne, par E.y mou tiers
& Bort ; on fit une partie de celle de Bordeaux
à Lyon , p.ar Brive & Tulles ; une^parfie de celle
dç Limoges à Poitiers *. une partie de celle d’An-
g.oulême à Libourne par SaintrAulaye, 8f l’on
C O R
rendit praticable la route de Moulins à Touloufe
parla Montagne. C'eftplus de cent cinquante lieues
de route dans le pays le plus difficile, où il
faut fans ceffe monter & defeendre. Toutes les
pentes ont été adoucies avec tant d’intelligence,
il y a eu une telle quantité de rocs à brifer Sl
de terre qu’il a fallu remuer, qu’on croiroit ap>
percevoir, dans cet Ouvrage, l’enfouiflement
des tréfors d'un vafte Empire. Cependant on n’y
a employé que les foibles moyens d’une Province
pauvre, & ces travaux qui ont fourni des-
falaires à fes habiians malheureux, ont été faits
au milieu des bénédictions, & n’ont pas coûté
une larme.
L ’entretien de ces chemins fut réglé d’une
manière auffi foignée & auffi peu coûteufe. L’entrepreneur
étoit obligé, par fon marché, dégarnir
de petits tas de pierres le bord du chemin, &,
pour quinze fols par jour, un feul homme étoit
chargé de l’entretien d’environ trois lieues. Il
fe promenoir chaque jour, d’un bout de fa tâche
à l’autre, avec une hotte & une pelle. S’iL voyoit
un commencement d’ornière, il y mettoit des
cailloux qu’il étaloitavec foin, & l’ornière n’avoit
jamais le temps de fe former.’ Si l’on en trou-
voit une, la négligence du manoeuvre étoit punie
par la perte de fes appointemens d’une femaine;
à la fécondé fois, on lui retranchoit la paye de
quinze jours ; à la troilième, il étoit deflitué.
Jamais on ne fut obligé de prononcer ces peines,
& d’un bout de la Province à l’autre, les chemins,
étoient auffi beaux que les allées de nos
jardins.
La follicitude de M. Turgot ne porta pas
feulement fur cette efpèce de Corvée dont la
defiruétion pouvoit lui promettre de la gloire;
il étendit fes principes d’humanité .à une autre
Corvée très-fâcheufe, quoique plus obfcure, &
qu’il fît auffi difparoître» C ’étoit, celle des voitures
pour le paffage des troupes. Il obferva que
les mouvemens de troupes, arrivoient fouvent
dans les momens où il importoit le plus de ne
pas déranger les Cultivateurs de leurs travaux.
Les Cultivateurs, en Limoufin, n’employent que
des boeufs qui vont très-doucement, & qui ne
mènent que de petits charriots qu’on ne peut
charger beaucoup, Il falloir en raffembler de fort
loin un nombre confidérable, qui fouffroient
un grand préjudice pour faire mal & lentement le
fervice exigé. M. Turgot fit un marché avec un entrepreneur
qui, pour une fomme annuelle affez
modique, & régulièrement payée; fe chargea de
fournir routes les voitures néceflaires au paffage
des troupes. Cet homme employoit des chevaux
& des mulets, les occùpoir ordinairement à porter
ou traîner des marchandifés pour le Commerce,
& , au premier avis d’arrivée de troupes, il qiprr01t
tout pour lcs.fervir. Ses animaux & fes voitures
valoient beaucoup mieux que les boeufs & les petits
ch^pripts de payfans-, le fervice étoit beaucoup
mieux fait ; il ne coûtoit pas le quart de la perte
qu’occafionnoit l’ancien; il portoit d’une manière
infenlible fur toute la Province, tandis que l’ancien
écrafoit les paroifles voifines des chemins ,
& le peuple, débarraffé d'une fervitude onéreufe,
vaquoit èn paix à fes travaux.
Pour lui épargner encore la charge du logement
dés gens ae guerre, qu’on pouvoit bien
regarder comme une Corvée, pour lui éviter les
dépenfes & les inconvéniens de toute efpèce,
qui en font inféparables, inconvéniens aufli
miifibles à la difeipline que funeftes aux moeurs,
M. Turgot loua différentes maifons pour former
des cafernes dans les principaux lieues d’étapes.
Par ce moyen, la difeipline étoit beaucoup mieux1
tenue, & la dépenfe du logement des troupes
moins grande en elle-même, fe trouvant répartie
fur tous les Contribuables de la Province, devint
peu fenfible pour tous les habitans.
Dans le temps même où M. Turgot commençoit
fon opération fur les Corvées (en 1762), la Société
Economique de Berne, accueilloit des obfer-
vations intéreffanres de M. Chrift, de Bâle,
Bailli de’Moenchenftein , qui avoient le même
objet. Ce n’étoit pas pour la première fois qu’il
en étoit quefiion dans le fein de cette Compagnie ;
aucun de fes Membres n’avoit négligéToccafion
de parler des Corvées, telles qu'elles étoient,
comme d’un des principaux obftacles aux progrès
de l’Agriculture : mais M. Chrift, leur con-
facrant un Mémoire particulier , rapportoit
quelques exemples de la manière dont on pouvoit
les modifier pour les rendre moins funeftes. Ces
exemples., à la yérité, prouvent qu’on avoit
encore voulu ménager les Privilégiés, & q ue ,
faute de remonter aux principes, on ne fait rien
que d’imparfait. Il parle fu r - tout d’un village
compofé de deux cent quarante habitans où l’on
eft parvenu à régler & exécuter commodément
les Corvées. Nous citerons, fans aucune réflé-
xion, le mode qu'on y avoit adopté, par le même
principe qui environne d’une lorte de réfpeCt,
les premiers efforts de l’art, malgré leur imperfection,
& c’eft par-là que nous terminerons cet
article.
« Cette Communauté, dit M. Chrift, fut
chargée de la conftruCtion d’un chemin de l’étendue
de 772 perches, à 16 pieds la perche ,
chaque jour, un certain nombre d’ouvriers,
avec les voitures néceflaires, dévoient être fournis
pour cet Ouvrage par la Communauté. Tous
oes ouvriers furent diftribués par diviftôns, dont
chacune avoit pour chef un homme intelligent
qui favoit lire & écrire. Le foir de la veille,
on commandoit ceux qui dévoient fe trouver le
lendemain matin, au fon de la cloche, devant
la maifon de leur InfpeCteur avec les uftenfiles
néceflaires. L à , on en lifoit le rôle pour voir
ceux qui étoient préfens, & l’on marquoir auffi
lesabfens à la fin de la journée, lorfqueda chofe
étoit praticable, afin de voir fi chacun avoit
rempli fa tâche. Ceux qui fe rendoient trop tard
à l’alfignation, & ceux qui feretiroiem trop tôt,
étoient notés; & cette note étoit remife au Chef
du lieu. Au bout dit mois, elle étoit lue publiquement,
en préfence de la Communauté,
pour s’affurer-s’il n’y avoit point d’erreur; on en
raifoir enfuitë copie dans un livre deftiné à cet
ufiige, & lorsqu’une fois l’enrégiftremenr étoit fait
fans oppofition, on n’en rendoit plus raifon à
per fon ne. On fui voit la même règle à l’égard
des voitures; la journée de chacun des ouvriers
étoit auffi appréciée; on allouoit au manoeuvre
quatre bons Batz & demi (quinze fols), & à
un voiturier qui avoir deux chevaux ou deux
boeufs, un demi-rixdaller ( 37 fols & demi par
jour ). Le paiement de ces Corvées étoit affigné
fur les fonds de cette manière : on avoir un
livre dans lequel étoient deftinées plus ou moins
de feuilles, pour chaque Communier; on inf-
crivoit fur ces feuilles, les pièces de terre, prés,
champs, vignes, chenevières & bois de chacun,
& , après en avoir fait faire l’indication fermen-
tale, en préfence de douze perfonnes du lieu ,
le Propriétaire étoit obligé de fe retirer. Alors
ces gens-là faifoientl’eftimation des fonds indiq nés
pièceàpièce, fuivant le fermentqu’ilsenavoient;
on faifoit enfuite rentrer ceux à qui ils appar-
tenoienr, on leur lifoit la taxe pour favoir s’ils
n’avoient rien à répliquet ; on paffoir aux autres
de la même manière, par ordre. Enfuite, on
ouvroit le livre où les jourpées des ouvriers
étoient annotées, & l’on voyQit ce que chacun
avoit gagné, & par conféquent la fomme dont
on avoit befoin pour le paiemtnt des ouvrages.
Lorfqu’on a calculé à-peu-près les fommes né-
ceffaires, on fixe un jour pour en faire la répartition
fur chaque perfonne. Chaque année,
on dreffe un femblable compte exaCt, mais en
déduit à chacun, au riche comme au pauvre,
quatre journées fur la totalité des Corvées ; afin
que, par ce moyen, le pauvre qui eft inferit dans
le compte comme ne jouiffant d’aucun fonds, &
qui cependant profite beaucoup par-là fur fes
Concitoyens, ne foit pas tout-à-fait exempt de
cette charge commune.... Les maifons, les jardins,
les légumiers, & en général tout ce qui
s eft trouvé renfermé dans l’enceinte du village,
eft refté déchargé .de cette impofttion ». ( M. /.
B. D ubois ).
C O R Y M B E .
Le Corymbe, ( Corymbus) ,N eft une difpofi-
tion des fleurs dont l’idée fe prend de l’épi. Les
fleurs en épi font rangées le long des côtés, d’un
pédoncule commun , fans être élevées fur des
pédicules ou pédoncules particuliers , autrement
dit, des queues. Si tontes les fleurs qui partent
de points divers fur le pédoncule ou jet principal
, s’élèvent à la même hauteur, elles forment
alors le Corymbe qui diffère fi peu des fleurs