
eu courante où flagrante. Elle eft courante, quand
c'eft dans un fleuve ou dans une rivière : elle efl
gagnante, fi c’eft dans un étang, dans un lac, ou
dans une mare. ,
11 y a des pays ou on emploie a cet ulage des
ruiffeaux, dont le cours efl fi lent qu’on pourroit
en regarder l'eau comme flagrante,
On pratique encore auprès des fontaines, ou le
Ion» des rivières & des, ruiffeaux, de larges trous,
qui°d’abord fc rempliffent d’eau entièrement &
dont la furface enfuite fe renouvelle par un blet,
qu’on y îaiffe entrer & fortir.
Pour faire’ rouir le Chanvre à l’eau d un fleuve
ou d’une rivière, on plame de forts piquets fur les
bords,dans le lieu qu’on a choifi,&on fixe des perches
à ces piquets.S’ily a des arbres à portée, on en
profite,: ils tiennemlieu de piquets-, on y attache
les perches*, on place les bottes du Chanvre au
milieu fans précaution, en les pofant lesmnesfiir
les autres, ou bien on leur donne une difpofiuon,
qui en fait, pour ainfi dire, un radeau. Cette
difpofition confiftè à former un quarré, dont chaque
côté foit compofé de deux poignées, attachées
bout-à-bout, & traverfé par une croix de quatre
poignées, arrangées de la même manière. Entre
lès croifillons on met d’autres hottes de Chanvre,
têtes contre racines. Sur cette bafefe place le fur-
plus des bottes, toujoursavec laihême difpofition.
Les radeaux’ font formés quelquefois de quatre
•cens bottes de Chanvre : on a l’attention de ne
les pas ferrer les unes contre les autres, afin que
l ’eau puiffe les pénétrer. On recouvre le tout de
paille, St*par-defii!5 de terre ou de fable, ou de
boue, ou de gazon,, ou de pierres, ou de pièces
vie bois, pour le bien affujettir. Par ce moyen le
-courant ne peut entraîner le Chanvre, dont la
pefanteur efi à celle de 1 eau, comme un efl à deux.
" M.l’Abbé Brafle profcrit la boue & les gazons,
qu’il regarde comme propres à gâter la fitafle ; il
préfère tout autre lefte. L’ufage de faire rouir dans
Ses grands fleuves efi à peine connu en Efpagne:
dans ce royaume on fe fert quelquefois des petites
^rivières. , \ ' - ,
Quoique dans un lac & dans un grand étang,
xrn n’ait pas à craindre le courant, cependant 1 a-
’iondance de l’eau, qui peut être agitée par le
vent , feroit capable de déranger le Chanvre. On
\doit comme dans les fleuves,peut-être avec moins
de précaution feulement, arracher des pique ts pour
retenir le Chanvre. Dans la manière de difpoier
ie Chanvre pour le faire rouir , employée par
$ 1. l’Abbé Brade , on prend deux perches parallèle
s } fur lefquelies on étend des poignées déliées,
de l’épaiffeur d’un pied ;• on applique deiîus deux
autres perches ; on attache les quatre enfemble,
on gliffe le tout dans l’eau , en l’affujettiffant
avec des matières lourdes. Les piquets font inutiles
fi le rouiffage fe fait dans des marres, ou des
trous, ou dans des haflins étroits. Il fuflit de charger
Ja maffe avec des corps pefans.
On confeille d’éviter pour le rouiffage les eatt*
où il y a des chevrettes. Ces petits animaux, dit-*
on, coupent le Chanvre, & endommagent la filaffe.
Ce confeil n’efi utile que pour les pays voifins de
la mer, parce que les chevrettes ne vivent que
dans les eaux falées.
Dans beaucoup de pays on profite des amas
d’eau quife trouvent aux environs-, dans d’autres,
il y a des baflins communs, où chacun apporte
fon Chanvre à rouir • dans d’autres, les particuliers
creufent eux-mêmes des foffes fur le bord
des fontaines ou des rivières ; ils y introduisent
de l’eau & bouchent la communication. Quelques- .
uns lai fient arriver continuellement un filet d’eau,
qui s’échappe par une des extrémités de la folle :
‘ cette dernière manière efl la plus ufitée en Efpagne.
On y loue les foffes plus cher après, un premier
rouiffage qu auparavant, & plus cher après un
fécond qu’après un premier. Ces foffes ne font jamais
nétoy ées pendant toute la faifon du rouiffage.
Les balfins ou foffes portent les noms de roû—
toirs ou rouijfoirs. Ona donné quelques règles pour
leur formation & difpofition. Iis doivent être d’une
étendue proportionée aux befoins du pays,
ou des perfonnes auxquelles ils fervent. On peut
les faire plus étroits au fond que près de la furfa-
c e , parce qu’on place les petites bottes au fond &
les plus longues àu-deffus.Un routoir, large de dix
à douze pieds à la fùrface & de huit à neuf au fond*
| fur une largeur-de cent cinquante pieds, & fur^
neuf à dix de profondeur, pourroit contenir 6400
poignées, ou 128c bottes, de cinq poignées chacune.
Les bons routoirs font dallés aufond, & revêtus,
fur les cotés, ou de pierres, ou de ciment,
ou de pouzolane; & , à leur défaut, de terre
argiieufe bien battue. Je defirerois que, dans leur
conftruction, on ne négligeât pas la commodité &
l’utilité des ouvriers, llfaudroit qu’ilspuffentplacer
& déplacer les bottes fans entrer dans l’eau.
Il y a des pays, où les Seigneurs ont'établi des
routoirs communs, qui leur procurent une-redevance.
Pour ic o bottes de Chanvre, du poids de
7 a 8co livres, on paie trqis livresfix à fept fols,
dans quelques villages de la Flandres.
Le Chanvre étant arrangé dans les rivières ou
dans les routoirs, il y refte jufqu’â ce que la filaffe
puiffë fe détacher de là chenevotte & de l’écorce.'
On efl obligé d’y regarder de teins en teins & d’ef-
fayer fur quelques brins ; car, s’il rouiffoit trop ,
on n’auroit que de l’étoupe, ou de la filaffe tendre,
mollette, cotonneufe. Un mauvais rouit peut
diminuer la récolte d’un fixième, & même d’un
quart : s’il ne rouiffoit pas affez, la filaffe feroit
dure , rude , caffante.. Cet inconvénient feroit
moindre, que celui qui réfulteroit d’un rouiffage
trop considérable , parce qu’on y remédier oit én
étendant encore quelques jours le Chanvre fur un
pré, ou fur du chaume, où il s’acheveroit. L ’ufage
apprend le point jufle où il faut ^arrêter. C’eft
lorfque la chenevotte fe caftant à-peu-près net, 1$
filaffe s’en, détache , non pas avec une extrême facilité,
mais fans peine & fans fe rompre. La couleur
jaune ou blonde, plus ou moins claire de la
tVe la chûte, .& la Séparation des feuilles & des
parties de lafruéfification , font encore des Agnes
propres à donner une bonne indication.
Le plus ou moins de durée du rouiffage, dépend
de plufieurs circonfiances. Si le Chanvre eft placé
pour rouir ,auffi-tôt qu’il eft arraché, s’il eft chargé
de feuilles & encore vert, fi les brins font longs
& gros, s’il a crû dans un terrain frais, fi la maffe
des bottes eft confidérable, fi les eaux font chaudes,
alkalines, ou tiennent en diffolution de la.
craie ou des matières végétales,il rouit plus promptement
, que quand on le laiffe ftcher quelques
jours après qu’il eft récolté, que quand on l’a cultivé
dans un terrain fe c , ou qu’on l’a fait rouir dégarni
de feuilles, que quand il a trop mûri,
qu’il eft dans le routoir en petite maffe ou
que la faifon eft froide, & l’eau agitée & crûe.
Les racines rouiffent plutôt que les têtes-, les
individus mâles, plutôt que les individus fe -
nielles. Dans les routoirs, les bottes le plus près de
la furface fe rouiffent les premières. Les Rouiffeurs
intelligens & attentifs les retirent un jour ou deux
avant les autres. C’eft , fur-tout, le degré de chaleur
qui y influe le plus. Voilà pourquoi le rouiffage
eft moins long dans les eaux ftagnantes, plus
capables de s’échauffer que celles qui font courantes
: la différence peut être de deux à trois jours,
f l eft plus rapide en Eté qu’en Auromne, & en Automne
qu’en Hiver, dans les pays chauds, que dans
les climats froids ou tempérés. Dans celui de
Paris, j’eftime que le rouiffage, en eau courante,
doit durer fept à huit jours au mois d’Août, dix à
douze en Septembre, vingt & vingt-quatre en
ipélobre, St quelques jours de moins, dans chaque
mois, en eau ftagnante.
M. Luce , Apothicaire de Graffe , en Provence
, a fait beaucoup d’expériences fur
le rouiffage du Chanvre. En ayant mis tremper
dans un baquet, dont l’eau étoit à d ix -
îmit degrés de chaleur, il l’a examiné jour par
jour. Le premier jour, la filaffe ne put en être dé1-
tachée ; le deuxième, le troifième & le quatrième,
elle fe détachoit par lambeaux ^ le cinquième, elle
çédoit un peu plus facilement-, le fixième, encore
mieux, mais non pas parfaitement -, le feptième,
la filaffe qu’on féparoit étoit rude , & le huitième.,,
elle avoir toute la foupleffe d’une filaffe rouie en
rivière. Du Chanvre qu’il mit rouir dans une étu-
y e , à vingt-un degrés, le fut entièrement en fept
jours-, enfin en ayant faithouillir fur le feu, après
deux heures & demie, il put en extraire une filaffe
aufli belle que celle du Chanvre, qui avoir été
huit jours dans une rivière.
la récolté, ofi fe contente d’ôter la graine des in-»,
dividus femelles, & de bien faire fécher les mâles
& les nielles, avant de les ferrer.
Suivant M. l’Abbé Brafie, le Chanvre mis dans
l’eau, lorfqu’il eft encore vert, eft plus long-tems
à rouir que celui qui eft fec. Il affure en avoir fait
fouvent l’expérience. Cette affertion eft abfolu-«
ment contraire à l’opinion de M. Marcandier, & *
à ce qui me femble, à l’opinion commune. Car
les parties du Chanvre encore vert ont une fort©
d’humidité naturelle, qui les difpofe à la fermen-*
tation, ou à la défunion , pour peu que cette humidité
JJy a des pays où l’on remet au mois de Mai le
rouiffage. Ort l’obtient meilleur, lorfqu’on peut
attendre cette faifon -, fur-tout fi les pays étant
Croit!? j le Chanvre y mûrit tard. Pans ce cas, après
foit aidée par l’aélion d’un fluide qui les
pénètre. Je le crois mieux fondé lorfqu’il confeill©
de jeter, fur la maffe du Chanvre qui rouit dans
une f«ffe ou dans un baflin, un peu de rofeaux 011
de paille, afin que le foleil échauffe moins le§
bottes, les plus près de la furface» qui font toujours
rouies avant les autres : au refle, on peu®
prévenir cet inconvénient autrement. Il fuffit d’avoir
l’attention de tirer du routoir ces bottes, ui»
jour ou deux avant les autres,comme je l’ai obfervé.
Le rouiffage eft d’autant meilleur qu’il eft plus
accéléré.Les Hollandois mettent dans leurs routoirs
un ferment putride, & les débris des plantes macérées,
qu’ils conferventà cette intention. M. Jules
Diviano d’Afti, en Piémont, propofed’y jetterune
certaine quantité de marc de raifin. Il prétend que
l’efprit-de-vin, qui y eft contenu , diffoudroir la
réfine du Chanvre. Sans avoir égard à cette explication,
qui ne peut être admire, on ne doit pas
rejetter cette propofition. Le marc du raifin four-
niroit des fels lixiviels, capables de hâter le rouif^
fage. Si l’on craignoit que le marc du raifin rouge
ne teignît la filaffe, on emploieroit plutôt celui du
raifin blanc : au refte, les leflives fubféquentes
déteindroient cette filaffe. Dans les environs de
Graffe, en Provence, le Chanvre femelle, le plus
long à rouir, eft faUpoudré de chaux- vive, avant
d’être placé dans le routoir. Enfin, M. Prozec,
Apothicaire d’Orléans, confeille, d’après M. Home,
de joindre de l’alkali à Feau des routoirs. I!
voudroit même que cet alkali fût rendu un peu
caüftique, par un mélange de chaux. Sa dofe
confiftè en une livre de potaffe & une livre de
chaux i ou fix livres de cendres ca'cinées, & une
livre, ou une livre & demie de chaux, pour 240
pintes d’eau, qui font la continence d’un poinçon y
ou d’un deini-muid d’Orléans. Il eft aifé de juger
ce qu’un routoir contient dé muids d’eau : on
fait le poids d’un muid de chaux ou de cendres.
Une des grandes queflions fur le rouiffage du
Chanvre eft de favoir, fi celui qui fe fait à l’eau
courante, efi préférable à celui qui fe fait dans
l’eau ftagnante. L’éclaîrciffement de cetrc queflion,
n’eft important que pour les pays où l’on a des
eaux courantes & des eaux ftagnantes ; car on n’a
pas toujours le choix.Lesa vis font partagés fur cette
queftîon. M. Duhamel du Monceaux, Auteur d’un
\ J ra i té fu rC o rd e r iç , & un des meilleursObfer?*
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