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pour faire renchérir les grains ; fociétés, courfés
dans les Provinces^' faux bruits répandus, monopoles
par les achats de tous les grains, fur -
enchères dans les marchés, arrhemens de grains
en verd ou dans les granges & les greniers;,
rétention en magafins,, Tous ces. moyens furent
employés ,; les autres Marchands, & fur - tout
Tes forains, • furent travérfés par ceux - ci.
Le froment, après là moiffon faite, fut porté
jufqivà vingt - quatre livres le fetier ( i ) -, & ce
prix alla toujours en augmentant. >5
11 fut défendu , par une Ordonnance du 13
Septembre, de faiïe fortir aucune efpèce de grains
du Royaume^!') ; cette défenfe ne produilit pas
l ’effet qu’on s’en étoit promis. Le défordre intérieur
quon vouloir prévenir, augmenta au
point que des fôjdats & des perfonngs du menu
peuple s’attroupèrent, pillèrent & prirent , à
force ouverte, du pain expbfé en'Vente chez
les Boulangers au marché'dé la Place-Maubert,
& commirent plufieurs autres violences dans ce
hWrciié. Dêuxdés féditieux furent 'fendus, & plu-
'fieufs autres 'furent condamnés1 aux g'alères, àu
carcan y au fouet & au bàmijfemént.; Cet exemple
contint les ' mql-fntentipnnés • mais1 il ne remédia
point Via difette'apparente , qu’entretenoit le
monopole. Comihé Te ^*pèLiplè fouffrir de l’ex-
ccflive cherté du pain , qui augmentait de jour à
autre , il y eut, jufqu’à la moiffon de 1694, des
mouvemensydes commencemens dyémotions populaires
des cris & des gémijjemens. Trente-fix mille fix cent
malades entrèrent , dansl’année, àrHôtel-Dieu,
&* il en mourut cinq mille quatre cent vin'g't-
deux. Tout étoit en motivèment, non-feulement
pour procurer des fubfiftancëS', mais encore pour
mettre lés Boulangers en sûreté > foit dans les
chemins, foit dans les • marchés de- Paris. Les
Çommiffaires veilloient continuellement à faire
bai fier le prix du pain, quand celui du blé étoit
diminué, fans néanmoins trop forcer la liberté du
Commerce , le feul appas qui attire V.abondance ;
mais tous ces fecour,s;n’auroient pas :été de; longue
durée, s’il n’avoit pas éçéen nréiïie-^ems pourvu
à faire. fortir les.Jffés. 4es. granges .& des, greniers,,
où le. monopole les avoit renfermés. Ôn ouvrit
des attelièrs d’ouvrages publics pour affurer du
travail au peuple * on. ordonna aux mendjans
de fe retirer à la campagne ; il fut défendu de
febriqnerrieia hièrp,& desse-aax:-de-vie de grains;
on déchargea de-tous,droits dentrégs & de. péages
les. grains qui Croient ap p ort^ tant; par- terre
que -par mer ; enfin , la déf^tîfe:C ^ p P rter> qui
avoir été; faite fous ,p^ ÿ ç jC q jsfV fia tion des
grains & des galères,, fut .KeiîOuyelléq.fops la peine
{ 1 ) Comme-le-prix- de l’argent fin. aaonno.yé-^tprt à
trents-rne livres douzefols ttois^enicM.,. en 169,2., vingt;
qTs'tve livres de1 ee^tèiiislà" rep’otïdenten' fiona'brç rond
al quarante -detix1'$ï^es de ^ojr^’'‘monhè)ie.‘ ; i ” ' £ - -
>(:r ) Voye{ccttèorddnnarjcç dàwÜs Traité de- a Police,'
T- à 1 p- ^7,
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de confifcafion des bârimens & de la vie. On
défendit auffi,fous peine de la vie, de s’aflènî.
hier tumultuairement & de faire violence an»
Boulangers.
« Si jamais l’opinion populaire groflit les .objets
au-delà dé ce qu’ils fon t en effet, e’eft principalement
dans les tems de difette. La crainte de
manquer de p ain .. . . jette le trouble & Vépou.
vante dans les efprits. . . . . . D’un autre côté, Je
publie eft environné de gens avides, qui Ventretiennent
dans , ces inquiétudes pour en profiter.
De telles di-fpofirions parurent en. 169a , & furent
portées jufqu’à tel excès que plufieujrs Laboureurs,
propriétaires ou fermiers, eurent fi
peur de n’avoir pas de grains fuffifamment..
pour la fubfifiance de leurs familles ; qu’ils avoient
pris la réfolution de n’en rien retrancher pour
enfemencer leurs te r re s .... Le R o i ... raffura
fes fujets fur cette crainte mal-fondée, & pourvut
à ce danger par un A r r ê t ... qui enjoignit à
tous les Laboureurs d’enfementer leurs,, terres;
finon, permis .à;toutes. fortes ,de perfonnes de
les enfemencer,' fans en payer aucun loyer ni
autres redevances. » Le Roi fit: acheter des, blés,,
les fit convertir en pain.; on enydifiribuoit tous
les jours cent mille, livres pefant, pour là moitié
du prix qu'il coûtoit. Cependant tous les maux
de la difette fubiiftoient encore au mois de Mai
16514.
« La récolte future approchent ; les.blés étoient
montés en-épis.; -,.- . . . il y avoit long-tpms qu’il
ne. s’étoit préfenté une récolte d’une fi belle
efpérance.. . . Cet objet, fi confplant pour les
gens de bien défpla les ufuriërs; ils mirent tout
en ufage pour , en traverfer f utilité.. . Leur
grapd fçcret confifioit à fe rendre lès" maîtres
de tous-les grains qui étoient fur terre,t ou du
moins de la plus grande partie , pour en cacher
Vabondance, comme ils av oient fait Vannée prfe
cédente (.ainfi il, éxifioi-t à-.là-fois abondance &
difette.'). L ’on découvrit'qu’eri effet, ils :douroiènt
les fermes dans les provinces ’ d’où Paris tire fà
fubfifiance, & arrhoîent les grains dé tous côtés
Lés plus. grands rifques qu’on auroit eü,à,craindre
pour les grains’, étoient pafféé j cëpéîïdant le
prix du’ blé augmentoit’ de jour à autre. Il fut
porté jufqu’à cinquante-fept ljvf.es lç feptieràla
Halle & furie s ;Ports ;dé Paris ( 1 ) . Il fe ÿëiîdoit
le même, prix dans tous les .marchés des environs,
&. cinquantè-qiiatrè à cinquante-çinq liv'res
dans les marchés plus éloignés , &' à plus de vingt
lieues à la ronde. « , !}f •'
Les' Fermiers dès^roffés terres sViofépt enrichis,
& .n ’étôient pi-ete ; ni dé -vendre leurs
blés vieux y ni de; battre lès blés nouveaux, qu®
leur promëttdif’là récolté’ 'Les' petits Fermiers
ou Laboureurs s’étoient au -contraire endettés,
•if( 1 )- G’eftrr à - direjufq.U}’à- qùat§-vftigt quatre livres de
qotrç monijoie actuel Je, en.AQntbig ron.4j
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- -voient befoin d’argent, & pour syacquitter, &
nour faire leur moiffon.. Les monopoleurs, profitant
de cette occafion, avoient couru, de ferme
en ferme, répandre de l’argent & arrher tous les
blés q u i étoient encore fur pied, en forte que >
tous 1« blés vieux étoient retenus, ou dans les
greniers & les granges des Fermiers riches, ou
dans les magafins des Marchands ufuriërs ; &
tous les blés nouveaux étoient en la poffeflion
des uns ou des autres.
Leurs mefures étoient affez bien prifes pour
qué la famine fû t à craindre ; péril qu’ils groffif-
foienfi’ encore par de faux bruits.
a Six Çommiffaires du Châtelet furent chargés
de pourvoir à la fubfifiance du peuple, par la
découverte des blés vieux.» Ce qui arriva de ces
dëfcentes dans les provinces > confirma Lieu la
Conjeéluré que l’on avoit toujours faite. : que
la malice des hommes avoit eu bien plus départ
à la cherté des grains, qu 'une véritable difette.
Ils trouvèrent par-tout des blés vieux de plufieurs
récoltes, dans les fermes, chez les riches habi-
tans des Villes, dans les magafins des Marchands.
Ils mirent tous ces grains en mouvement,...........
en les faifant fortir des lieux où ils étoient ré-
fervés, ce qui donna lieu aux Marchands &
aux Blatiers de lés acheter & de les faire parvenir
de proche en proche jufqu’à la Capitale. Les
informations qu’ils firent contre tous ceux q u i,
par leurs ufurés ou par leurs monopoles, avoient
eaafé la cherté des grains ; les emprifonnemens
de quelques-uns des principaux, les décrets
décernés contre les autres, jettèrenr l’épouvante
entr’eux, les déconcertèrent, & ils furent obligés
de rentrer dans l’ordre. îj
Enfin, le fruit du rétabliffementdu Commerce,
par la ceffation du monopole, fut tel qu’à la
Saint-Martin, le plus beau blé qui, auparavant ,
coûtoit cinquante-quatre livres > ne fe vendoit
plus que quinze & feize livres le fetier ; & ce
fut ainfi, dit le Commifiaire Delamare, que finit
cette difette apparente, & cetiq.véritable cherté
qui avoit duré près de deux ans.
Difette des années 1698 , .1699 & 1700.
On éprouva, quatre années après, les mêmes
malheurs. La nielle gâta les blés-de plufieurs
Provinces, en 1698., & les pluies continuelles
des mois de Juillet & d’Août en firent germer &
périr fur terre. Il y avoit alors des blés vieux fuf-
fifamment pour füppléer à ce défaut. . . . mais
comme ils étoient en la poffeflion de gens beaucoup
plus paflionnés pour leur profit, ils prirent
grandfoin, àleur ordinaire, d ' en cacher V abondance.
Un bruit de difette fe répandit aufii-tôt, & ils
ne manquèrent pas de l'exagérer, Il n’en fallut
pas davantage pour faire augmenter conjîdérable-
ment le prix des grains. Celui du blé fut porté
en peu de tems à 30 livres le fetier, mefure
Agricaltute. Tome I I I .
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de Paris ( i) . On fit quelques exemples févères
contre des Monopoleurs ; cependant la difette
continuait à fe faire fentir de tous côtés, & le prix
des grains augmentoit de jour à autre ; on eut
encore recours aux defeentes fur les lieux.
Le Commifiaire Delamare , qui fut nommé
pour cette opération, dit que, s’il vouloit rapporter
toutes les contraventions qu’il trouva ,
on y verroit une abondance de grains découverte
de tous côtés ; mais une efpèce de confpiratipn de
la cacher au Public. . . . afin que le prétexte
d’une apparente difette .en fît toujours augmenter
le prix. L ’on y verroit des granges &des greniers
entiers-qui en étoient remplis, mais fermés par
les Fermiers même , ou par des ufuriërs qui les
avoient achetés pour les y garder. D’autres granges
où l’on faifoit, en effet, battre les grains, mais
où..........après que les grains étoient battus, au
lieu de les faire vanner..........on les faifoit rejet
ter fur les tas de gerbes pour les y confeîver....
L ’on verroit chez de riches Laboureurs des blés de
l’année’ 1^93, qu’ils avoient laiffé gâtçr, pour n’avoir
pas voulu les donner à 50 livres lefetier, qu’il
fe vendoit alors dans leur Province (2) , dans Vefpérance
que ce prix exorbitant augmenterait encore
. . . . que, dans une faifon où à peine les
femailles étoient faites , la plus grande partie de
la récolte future étoit arrhée.
Enfin , malgré une multitude d’exemples de
févérité contre ceux qui achetoient des grains,
fur pied, il y eut des gens qui en pafferent des
aéles pardevant Notaires; d’autres plus artificieux,
fe les faifoient adjuger en Juflice , fans faifie
précédente j & le monopole, inépuifable en
reffources , parvint à faire durer cette fauffe
difette jufqu’à la moiffon de 1699.
Difette de 1709 jufqu'a la fin de 1710 (3).
et Huit années d'keureufcs & abondantes récoltes;
qui fuivirent la difette dont .on vient de parler,
remplirent de blé & d’autres grains , de toutes
efpèces les granges & les greniers des Laboureurs.
Les plus riches Habitans des Provinces , dont les
principaux revenus confifienî en blés, en firent
des magafins. >9 m .
L’Automne de, 1708 fut très-pluvieux, ce qut
retarda les femailles. La nuit du 6 Janvier 1705?,
il s’éleva un vent du nord, qui eaufa un froid
de la dernière violence ;le 10, la terre fut cou^
verte de neige, un faux dégel qui furvint le 22,
la fit fondre, & le 25 l f gelée reprit avec plus
de force qu auparavant. Elle dura quinze jours,
( 1 ) C ’eft - à - dire à quarante-quatre livres de notr#
monnoie actuelle > en nombre rond"; •
( a jC ’étoit en nombre rond fonçante - quatorze livres
de notre monnoie. r , , . „ v
( ' ) F ov«î la page première du fupplement qui eft a
la fin <Ju T. II1 <iu Tiaitçde la Bulice. ^