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Chardon à Bonnetier.
Les Arts ont mis il contribution la plupart des
familles des plantes. Celle des Dipf-cçcs fournit
il la Bonneterie & à la Draperie un infiniment
fimp'e que la nature feule prépare, & que
lufqu’ici rien n’a pu fuppléer. C’efl la tête d un
Cfiardon , connu des lïotanifles feus le nom de
Dipfacus jalivus. Tourtl. PipJ'acus fiiücmm ,
première efpèce du Dictionnaire de Botanique,
apptUéc , en francois , Chardon h Bonnetier,
Chardon à Foulon Chardon à Laine,■ , Chardon
à Carder, Cha-don Lanier , Chardonà Drapier,
parce qu’en ellec il iert à tirer la laine ou fond
des étoffes à la fuper ticio , & à les rendre plus
myèllcules & plus chaudes. Enfin , la hauteur
& la forme de la plante, l’ont encore fait appeler
• Verge h pajleur. .
On trouve dans les prés, dans les bots, &
dans les environs des habitations, le Chardon à
Bonnetier fauvage, qui fe finie de lui-même.
Linné le regarde comme une variété du cultivé
mais Miller n’adbpte pas J ’opinion de Lin-
né.ïl y eft d’autant moins dipofé, qu’ayant cultivé
ces deux chardons, pendant 40 ans, ils lui ont
cenflamtnent paru différer l’un de 1 autre. Cette
expérience efi afièx probatoire, fans doute, pour
faire prononcer que le Chardon à Bonnetier ,
fauvage , & le cultivé font deux efpeces très-
diftinéles. Les pointes des écailles, qui forment
les têtes, font roides & crochues, dans le dernier
, tandis qu’elles font molles & “droites dans
le premitr. - . I , . ■ ,
Le Chardon à Bonnetier le cultive clans di-
verfes parties de la France , en Flandies , en
Artois en Picardie, aux environs de Sedan , en
Languedoc-, à Fleury , près Orléans , dans la
Beauce, & en général dans les pays voifins des
manufactures de lainerie. J’en ai vu à Oifonville,
à Puffay, & autres villages de la Beauce, à quelques
lieues d’Etampes, de petites cultures, faites
par des Fabricans de bas & de bonnets ce
laine. Il y a 40 ans qu’ils en cultivent dans ce
pays pour leur ufage. Mais j’en ai vu des champs
étendus, près des villages fimés à quelques lieues
d’Elbeuf & de Louviers, fi connus par la beauté
de leurs drapé J par exemple à. Sotu.ville , _fous-
val & dans les paroiffes de L e ry , & d A h je ry ,
entre le P o n t -d e - l’Arche & le Port'Saint -
Ouen. Ces villages fourniffent les -meilleurs Chardons
de l’Europe. On en exporte par-tout le
Royaume, & même en Hollande.
Les Cultivateurs de Chardons à Foulon , de
Normandie, en diftingue de deux efpèces, qui ne
diffèrent que par la hauteur des tiges. J e ne fais
fi cette différence eft confiante, ouÇi elle n’eft
que l’effet de quelques circonfiancès qu’il ne
m’a pas été poffible encore d étudier.
On n’eft pas d’accord fur l’efpèce de terrain
nui convient au Chardon a Bonnetier. Les uns
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difent qu’il rénflit particulièrement dans de Par*
gjll'e,' ou dans de la craie, mêlée de quelques
cailloux, & qu’il, n’a befoin que de peu d’amen-
ciemens. D’autres croient .qu’il ne faut pas femer
le Chardon à Foulon dans de l’argille, ou dans
de la craie. Pour accorder deux opinions anfii
contraires, il faudreit favoir ce que les uns &
les autres entendent par a-gille & par craie. Eu
attendant je dirai ce que j’ai obfervé. En Normandie,
les. terrains où j’ai vu une pins grande
quantité de Chardons .à Toulon , cl une belle venue,
étoienr formés d’un fable deux, allez fubftan-
tiel. Dans la Beauce r on les plante dans une terre
blanchâtre, ou gravé leu fe, qui a du fond, &qui
eft propre à toutes fortes de grains. On ne la.
fume pas; trop, afin de ne pas attirer les
vers blancs qui couperoient les pieds. Le fu--
mierdoit y être enterré long-rems d’avance. Les
racines du Chardon font pivotantes & traçantes,
& fes feuilles, font larges & longues de huit à
douze pouces. Sa tige s’élève, jufqu’à fix pieds ;
elle a un pouce de diamètre ; elle eft droite , ferme
& rameüfe, ce qui paroîtroit exiger un bon
terrain. Mais, comme c’eft moins la vigueur de
la plante qu’on recherche que la qualité du Chardon
, on l’obtiendra bien plus clans une terre
dbuce, médiocre & profonde, que dans une
terre forte & trop fubftanciclle.
Si Ton fuivoit la marche de la, nature, on fe-
meroir le Chardon à Foulon à l’époque où fa
graine tombe : ce fcioit au mois d Août dans le
climat deParis ; un peu plutôt, -dans les pays méridionaux
, un peu plus tard dans les pays rep"
tentrionaux. Mais ce n’eft pas la première fois
queles hommes, qui fe font, pour ainli dire, afier-
vi lès plantes, comme ils saflerviffent des animaux
, ont interverti l’ordre de la nature. Miller
qui a écrit pour l’Angleterre , confeillé de femer
la graine de Chardon à Foulon dans le mois de
mars. En Normandie, on la feme en Mars, ouen
Avril. Vraifemblablement on y eft déterminé ,
parce que le plant de la graine feméeen Septembre
, n acquerreroit pas allez de force avant '. Hiver
qui prend de bonne heure , & parce que l’Eté
étant tardif , ce qui lève au Printems a le teins de
fe mettre en état de réfifler à la chaleur, d ailleurs
modérée, en Angleterre. Quand on a ehoifi
cette faifort, il faut confentir à farcler fou vent le
plant, qui ne pouffe que foiblement d abord , oc
qui leroitbien-tôt détruit parles mauvaifes herbes;
au lieu que , quand on lème en Septembre, on
évite dès farclages., les mauvàifes herbes étant
alors moins abondantes. Le plant , dans ce cas,
prend de Iaforceavanr l’Hiver; au Piintems,il vé-
gète avec vigueur, & étouffe les herbes.quî pouf-
feroient entre les pieds des Chardons.On ne peut le
femer qu’en Automne dans les pays chauds ; car,
fi on femoît au Printems, le plant reroit grillé e n
JEté, avant qu’il fût affez fort. Ces confidératû ns
me font penfer qu’il eft bon de femer la grame de
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Chardon à Foulon au Printems, dans^ le nord de
la France, & en Automne dans le midi.
Dans la Beauce on emploie toujours la grainé
qu’on récolte. Il ne paroît pas qu’on en change,
çommé on change de beaucoup d’autres graines.
Si on fème en Juin , on fe fert de la graine de
l ’année précédente ; fi on fème en Automne, on
emploie s la nouvelle. Je n’ai pu favoir combien
ilfalloit de graine pour la plantation d’un arpent;
comme il en périt beaucoup , ou plutôt comme
la plus grande partie ne lève pas, on ne rifque rien
de femer plus que moins.
Il y a trois manières de femer la graine de Chardon
à Foulon ; la-première, qui me paroît la plus
pratiquée en grand , confifte à la femer à la volée
dans un champ bien préparé, & à la herfer. A
chacun des farclages on enlève une certaine quantité
de pieds, pour n’en laiffer que ce qu’il en
finit. On conferve toujours les plus beaux. Miller
confeille de femer un peck, ou picotin de graine
par gere , (voyq pour l’étendue de l’acre , article
Angleterre y au mot Arpent). On efpace les pieds
à fix pouces les uns des autres, au premier far-
clage , & à un pied au fécond. C’eft la jufte
diftance pour que les têtes foient greffes & bien
nourries. Les farclages peuvent fe faire avec de.
longs inftrumens ; mais on ôte plus facilement
toutes les mauvai fes herbes, fi on n’en emploie
que de petits, qui exigent que les Ouvriers foient
à genoux. Cette manière eft fur-tour celle qui
convient au premier far'clâge, car on le pratique
à l’époque où les pieds de Chardons font difficiles
à appçrcevoir.
D’autres fèrnent la graine de Chardon , comme
on fème ordinairement celle de maïs,, en faifa-nt
des troqs d’un pouce de profondeur, dans lef-
quels ils jettent trois ou. quatre graines, qu’ils
recouvrent de terre, laiffant entre chaque trou
un pied, ou un pied & demi.. Lorfque les
plants ont trois ou quatre pouces de hauteur,,
ils en ôtent avec précaution deux à chaque trou ,.
ayant foin que ce foit les plus foibles. Les intervalles
font auflï fardés autant dé fois qu'il en.
eft befoin.
La troifième manière: eft un peu plus compliquée
, mais die me parote la meilleure dans les
cultures en petit. On fème d’abord à la volée la
graine:de Chardon à Foulon en pépinière, ©lien
retire du*plant, quand il a trois ou quatre,
pouces, pour la répiquer en place, à la diftanee
d’un pied,ou dix-huit pouces , dans un terrain
labouré auparavant à la bêche. Dans ce cas, il
convient de femer en pépinière , à la find’Aour,.
©u en Septembre. L^pfent fe fortifie avant l’Hiver;
au Printems-, ib eft très eir état d’être repiqué.
Le femis étant fait, on ne touche pas à la
pépinière, jufqu’à ce que qu’on en tire lé plant;
la pépinière s’ établit dans- un jardin, ou dans un
champ. Elle occupe peu de place, parce que la
graine s’y fème très-drû,,.
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î Pour la tranfplantation il faut choifir un rems
j dilpofé à la pluie 3 ou avoir la facilité d’arrofer,
1 jufqu’à ce que le plant foit repris. Le terrain
j étant bien cultivé & nétoyé d’herbes, on eftaffuré
que les Chardons deviendront beaux.
J Communément on fème le Chardon feul. Mais,
j quelquefois on le fème avec le feigle, ou le froment
, au mois de Septembre ; dans ce cas, on
| commence par femer le feigle,ou le froment à
) l’ordinaire, puis, la graine de Chardon à la pin-
J cée , & on herfe le tout â-la-fois : le Chardon
, Cerné de'Cètte fnanière refte .prefque deux «ans.
'en terre, il -y feroit moins de tems fi on le le rn
oit avec le feigle, ou le froment de Mars, &..
même avec l’orge ou l’avoine, ce qui me pa—
roîtroit également avantageux. Scs têtes ne font
mûres qu’au mois de Juillet pu d’Août de la
fécondé année, li poulie peu, jufqu’à ce que le
feigle & le froment foient récoltés. On ne peut
ie façonner qu’après cette époque..
On fème encore avec le Chardon de la gau--
• de, du carvi, des navets, des panais, des .car—
rottes, 8tc: Quoique ces plantes l'incommodent
peu, parce qu’il eft plus fort, & qu’elles relient
moins de tems en terre , je confeille de le ferner
feul. Ces cultures mjxtes de plantes, qui exigent
des foins'particuliers, me paroiffent d’nnp mau-,
vaife.économie. Elles le nuifentréciproquemenu
On ne peut les comparer au mélange du trèfle
& du fainfoin , ou de la luzerne parmi les graines
céréales, parce que ces plantes parviennent fuc—
celiivemem à leur accroiffement, fansquede Cultivateur
y. faffe autre chofe que de lés femer & dé
les récolter.
Le Chardon à Foulon, pendant fa végétation,
n’exige d’autres foins que dès- binages & des far—
clages. Si on plante au Printems, on donne im
binage en Mai, & un en Juin,« un en Automne, &
un après l’Hiver fuivant. Si on n’en a donné que
deux la-première année, on en donne deux à la
fécondé. En huit jours , un homme peutbiner un-
arpent. Une des p i an tes qui lui nuit le pins eft
une- efpèce drorobanche } que les Cultivateurs
Normands appellent gras. Cette plante parafyte
vit fur la racine du Chardon. Elle eft plus abondante
dans les terres graffes &. bien fumées qu'ail-
leurs. C’eft peut être ce qui lui’ a, fait donner lè
nom de gras.
La feconde année le Chardon monte & pouffe
des tiges, qui fe garniffem de-têtes. Ce font les
parties de la fructification, compofëes de calices>
réunis en un amas cylindrique , & de fleurs que
les abeilles recherchent. Lorfque les fleurs font
tombées, la réunion des calices qui fubfifte , s’appelle
pigne^ pomme ou büße. C’eft l’objet pour lequel
on cultive la plante. Le tems de: la.récolte-
de ces pommes dépend de celui où bon a fe mâle
Chardon. On récolte, au mois de Mai,ou do-
Jnin de latrolitème année, le produit de la graine;
ffimée.avec le feigle, ou le froment en GClobre^,,