
de Chaume. Il n’en refte prefque pas dans les pays
©ù l’on fauche le feigle & le froment- on fait que la
faulx coupe les tiges à trois ou quatre pouces
de terre. »
On ne tire pas parti du Chaume par-tout. Les Ha-
bitans des pays à bois le négligent, & laiffent les Cultivateurs
maîtresd’en difpoler. Ceux-ci4e brûlent,
ou l’enterrent à la charrue. Le Chaume eft une fubf-
tance végétale,qui a ü peu de denfité,qu il ne contient
prefque pas- d’alkali. Il n’y a donc d’autrë
avantage à le brûler, que pour-dérruireen mêrne-
tems les graines des mauvaifes herbes & les oeufs
des infeélès , & cet avantage n’eft pas médiocre.
Quand on l'enterre avant l’Hiver à la charrue, il
vaut mieux l’enterrer de bonne heure, afin qu’il
puiffe feconfommer. Si les terres font compactes,
le Chaume les fouléve & les rend plus perméables
aux pluies. Mais fi le .pays eft infefté des papillons
qui donnent la chenille des avoines, on favorife
réclofement de ces infeétes. Voyei, à l’article
A voine , ce qui concerne la chenille qui dévore
cette plante.: . . . . ^ ...
Dans la vallée d’Anjou le Cultivateur fait moif-
fonner le Chaume , prefqu’avec autant de foin
que le froment. Les terres fraîches des bords de
la Levée, pouffent beaucoup d’herbes; on les farcie
jufqu’à l’époque où on n.e peut rien gâter.
Quand on a ceffé de les farclér, il revient de nouvelle
herbe , qui n’efi point à craindre, parce
que le froment a pris le deffus. Cette herbe monte
à la hauteur d’un pied, & fe conferve julqu’au
moment de la récolte. Alors le Cultivateur ordonne
de couper haut, afin de ne point emporter
d’herbe, qui empêeheroit de battre les gerbes
auffi-tôt, félon l’ufage du pays, & de pouvoir
faire faucher en-fuite & faner le Chaume ,
pour fervir de fourrage en Hiver. On le conduit
conformément à ce; quel’ obier va don confeiile.
Les Habitans de la Beauce, qui font ufage du
Chaume »-pour différens befoins économiques, ne
ramaffent pas celui de feigle, ni celui, de l’orge &
de l’avoine , mais feulement celui du froment. Le
Chaume de feigle^ dont la tige eft mince, fe détruit,
avant que kPrécolte du froment l'oit faite ,
& par conféquenr ne peut être ramaffé, les bras,
étant occupés ailleurs ;. celui de l’orge & de
l’avoine eft trop court. Tous les foins fe portent
à ramaffer le Chaume de froment, qui a le plus
de foutien & de confiftance. J’entrerai dans quelques
détails fur cette efpèce de récolte, importante
pour un pays, où le bois eft très-rare &
&très~cfier.
Dans les terres gardées avec févérité, comme
les capitaineries , la récolte du Chaume étoit fou-
vent reculée jufqu!au premier Octobre , & c ’étoit
un très-grand mal pour le payfan , car les pluies ,
qui quelquefois furviennent, non*feutentent empêchent
de le ramaffer , mais en allèrent la qualité.
Les Seigneurs qui donnoient ces ordres , plus
aveuglés fans doute par la.pâffion de la chaffe,
que coupables d’inhumanité, n’irhaginoient pasj,
pour la plupart, qu’ils faifoient tort à leur vaf-
faux. J en ai connu un grand nombre, qui> plus
réfléchis que les autres -, avoienr l’attention de
permettre que le Chaume fût ramaffé dans le
rems le plus favorable. Plufieurs même , voulant
que tour le-monde eft profitât également, fans
que l’ouvrage des récoltes en grains en fouffrir,
firent des rëglemens particuliers,, pour nelaiffer
la liberté dë rantaflèr le-Chaume , qu’après l'enlèvement
de la dernière gerbe de grains.. Si on
pouvoir le ramaffer auffi-tôt que les bleds font
coupés, il n’en feroit que meilleur. Mais le bien
public exige que rien ne retarde & ne raten tiffe les
récoltes desgrains. On a fait plusencore;on a déterminé
des Habitans à ne commencer à ramaffer le
Chaume, que quand ils-' eniendroient fônnér la
cloche de la paroiffe. Oéroir afin d-éviter qu’on
n’y allât la nuit, &que les plus forts né s’empa-
raffent de tout je meilleur. J’ai vu réuflir ce,s petits
réglemens, & entretenir la paix parmi ceux
qui y étoient affujettisl
Il y a deux manières de ramaffer le Chaume
en Beauce. Les uns fe fervent uniquement de râteaux
de fer, dont le manche a cinq pieds de longueur
.. & dont’la tête éft armée de rréi^e à vingt-
fept dents ; de fept pouces dë long , qu’ils traînent
de place- enplaceréunifiant. en fern b le- les
différens tas , pour en former dé plus confidéra—
blés. Quelquefois même ils en font des meules1,
comme celles de foin. Le Chaume fe ram äffe bien
de cette manière , fi auparavant on a pafl'é le rou -
leau deffus pour le coucher. En le prenant alors
en fens contraire', il s’arrache facilement. Les
femmes,-les enfatisy & les hommes les moins forts-,
préfèrent de ramaffer ainfi le Chaume. Mais cette
méthode a le défavantagé* de ne ramaffer que lès-
feuilles tombées & le Chaume abattu, qui n’eft pas
auffi bon, pour les diiférens ufages auxquels on le
deftine.
D’autres arrachent, à la main , le Chaume en
entier , & emportent le bas des figes avec les racines.
Cette méthode eft celle des vignerons d’Orléans.
N’ayant point de terres labourables à leur
portée > ils vont à une ou deux lieues arracher le
Chaume,pour avoir de quoifaire de la-litièreà leurs
ânes & à leurs vaches. Cè qui refte de terre aux
racines ne nuit point à fon emploi piiifqù’il eft
uniquement confacré pour faire de la litière.
Cette manière d’enlevër le Chaume eft la plus
-utile au Fermier , dans les pays où il y a de petits
papillons, qui pondent fur le Chaume du froment,
& dont les oeufs forment les chenilles des
avoines. Les environs d’Orléans, étant très-fu-
jers it ces infeétes, lès Fermiers ont un grand intérêt
à vendre leur Chaume fur place aux Vignerons,
qui le ramaffent en totalité^
D’autres, ne Croyant pas devoir arracherïéChau-
me, le coupent avec un petit inftrument nommé
chaumon ou chaumet. Ç’eft unbout de faulx. d«
huit à dix pouces, de longueur, attaché par deux
■ clous à un manche d’environ un pied, avec lequel
il forme un angle droit : une des mains étant
armée de cet inftrument/, l’autre repouffe, le
•Chaume avec un ballet de bob, oui de Chaume
même, afin d’offrir de la réfiftance au chaumon. À
quelque ufage qu’on deftine le Chaume, lorfqu’il eft
récolté de cette manière , il vaut beaucoup mieux.
La Société d’Agriculture d’Orléans a propofé,
en 1774, un prix de 6uo livres, pour l’Inventeur
d’une machine propre à arracher facilement
le Chaume de froment. Son but étoit de prévenir
Téclofeuaent des oeufs, qui forment la chenille
des avoines. On adjugea le prix à un Curé du
diocèfe de Bloigj inventeur d’une charrue, qu’on
avoir cru remplir les conditions du programme ;
mais des. épreuves répétées firent voir qu’elle ne
pouvoit fervir que dans quelques circonftances, qui
avoient lieu rarement. Qn l’a totalement abandonné.;.
L’empreffement pour le Chaume eft fi grand
dans la Beauce, que quelques jours, avant celui
où l’on doit l’aller ramafler, les plus.aélifs & les
plus ardens vont fe promener à la campagne, remarquent
-lés;endroits où il eft le meilleur, & le
plus abondant ; ;c’eft ordinairement dans les
-bonnes terres, pourvu qu’elles ne foient pas
de celles, qui pouffent beaucoup d’herbes ; :
ces hommes s’y vtranfportent quand le fignal
eft donné. Alors ils fe hâtent d’entourer ce
qu’ils projettent, en difpofant, dediftance en distance
, de petits tas de Chaume , qu’ils ramaffent
précipitamment avec leurs rateaux. Une famille ne
fe permet pas enfuite d’entrer dans renceinted’une
antre , chacun fe faifanrun devoir de refpeétef ce ■
qu’il regard&comme la propriété de fon voifin.
Les hommes, ordinairement occupés dans lés
fermes, ou à d’autres travaux , ne confàcrènt que .’
quelques jours, chaque année, pour ramaffer du
Chaume & en emporter. Si on fuppofeque l’habitation
d’un payfan foit à éoo toifes du lieu j eu
il ramaffé du Chaume, il peut en emporter, en
un jour, dix-huit, ou vingt fagots, formanten-
fenable le poids de 1000 livres, fi c’efl du Chaume
coupé I oU 'iéco Jivres li c’eft du Chaume
ramaffé au rateau, celui-ci étanrplusiéger. IL laif-
fént le foin de nétoyer leur enceinte à leurs femmes
& à leur« enfatis, qui prolongent cette récolte
plus oiK moins de tem«, félon la faifon & ^abondance
du< Chaume. H, y a des ménages qui en ra-
trjàffent • non-feulement pour leur conlbmma-
tion ,-4nais encore.pour vendre.
On eftimé qu’un homme peut en un jour, du
mois dé Séptembre, couper & ramaffer tout le
Chaume dëffouze à treize perches de terre.
Un arpent de bon Chaume , peut fournir
de quoi remplir une voiture à trois chevaux,
de treize pieds de charge, ce qui fait çent
gerbes, de Celles qu’on emploie pour couvrir les
luaifons; J
Quelques Payfans, un peu plus aifés que le*
autres , ou calculant mieux le teins qu’ils mettraient
à transporter eux-mêmes leur Chaume ,
fur-tout quand il eft loin de leur habitation,
louent une ’charrette, qui en emporte à-la-fo»
une grande quantité, & les débarraffe en une
journée. Les autres le tranfportent par groffes
gerbes fur leur tête. Les vignerons d’Oriéans,
fichent dans une énorme gerbe, un long bâton,
-pofent la gerbe fur leur hotte, tenant en nlain le
bâton , & s’acheminant ainfi jufqu’à leur maifon,
fë repofentde tems-en-tems. Ces fardeaux pèfent
quelquefois jufqu’à-cent livres. On conçoit qu’à
la fin de la journée, un homme, qui n’auroit été
occupé qu.à ce tranfport, feroit très—fatigué.
Le Chaume raffëmblé auprès des habitationj,
eft mis en meules, comme des gerbes de grains. I!
y pafie toute 1 année & quelquefois davantage. Ces
meules, le plus fouvent appuyées le long des bâ-
timens, ont le grand inconvénient d’expofér à des
incendies, & de détruire les murs en y entretenant
de i’humidité. Le premier inconvénient exi—
'geroit que la police empêchât de les placer auffi
près. Autrefois, dans les pays où les Seigneurs
étoient furvcillans, il étoit enjoint d’éloigner un
peu des villages les meules de Chaume, comme
celles des grains, ou au moins, de ne point les
adoffer aux maifons.
On emploie d’abord le Chaume pour fe chauffer
; la rapidité avec laquelle il brûle, force de
faire fuccéder promptement les poignées les une«
aux autres, ce qui confomme beaucoup de rems.
L ’ufage où font les femmes d’habiter les caves,
pour travailler, économise le Chaume. On le
.réfçrve, en grande partie , pour cuire les légu-
mes; qui font une partie de la nourriture du pays.
On penfe qu’il foin une gerbe & demie de Chaume
, de quatre pieds & demi de tour, pour cuire
jdes haricots , ou du ccchon , fi ce Chaume eft
bi'en fe ç , car sjl éft humide, il en faut un tiers
de plus.
Les plus pauvres feulement chauffent leur four
avec du Chaume ; les autres tâchent de fe procurer
-des bourrées de bois.de peu de valeur. Un
four capable de cuire à-la-fois un demi-fetier de
bled, n’eft bien chauffé, qu’avec deux gerbes?&
demie de Chaume, lorfqu’il eft fec ; car on au~
roit befoin dé près de trois gerbes & demie, s’il
étoit humide.
Un ulage du Chaume, non moins précieux
eft fa deftination pour les couvertures dès bâti—
mens. En s’en fervant, on économise fur la ch r—
pente , qui ne doit pas être auffi forte que pour
la tuile, toujours au-deffus de la fortune du
payfan. Le Chaume ne coûte que la peine de le
ramafler. A la vérité, on eft obligé de le renouveler
de tems-en-tems, & les ouragans en enlèvent
fréquemment, mais I3 main-d’oeuvre n’en
eft pas chère. Peut-être qti’en calculant le tem«
qu’on paffe à r-amaffer du Chaume , ce qu’il ea