
M. Boargclat propofe de ne pas abandonner Je
poulain , mais de l’extraire vivant de la matrice.
Pour cet effet, on renverfe avec précaution &
on affujer'tit la Jument, on fait au ventre une
longue ouverture & on pénètre dans la matrice;
on perce les membranes qui enveloppent le
poulain , & on l’extrait ; on coupe .& on lie le
cordon. Cette opération , qui eft 1 opération Cc-
jarienne, pratiquée quelquefois fur les femmes,
demande les plus grandes attentions. Voyez en
les détails dans le Dictionnaire de Médecine.
Je ne parlerai pas ici d’une fécondé forte
<Y hippemanes,qui n’eftautre chofe que le fédiment
épaifti & folide de la liqueur contenue dans les
membranes qui enveloppent le poulain, & dont
une partie fe répand pour favorifer fa fortie. On
a fait fur ces morceaux folides des contes que
la raifon défavoue, & que les connoiffances anatomiques
favent apprécier.
Il eft très-rare qu’une Jument faffe deux poulains;
li elle en fait deux, ils ne vivent pas.
Lorfque le terme de pouliner approche, le
garde-haras doit redoubler de foins, pour aider
les Jumens qui en auroient befoin. Cette époque
s’annonce par l’afïaiffement de fon ventre, le
retréciffcment des côtés, ou plutôt des flancs, par
la pefanteur de la bête, qui a de la peine à marcher,
&c. On doit la laifler feule dans une écurie,
bien garnie de litière, fans être attachée, & la
vifiter de tems-îpn-tems.
On peut, comme dans la femme, diflinguer
trois fortes de parts, le naturel, le difficile & le
contre-nature. Dans le naturel, le poulain fe
préfente bien, & la Jument le met bas facilement
; dans le difficile, il fe préfente bien encore,
mais la mère a de la peine à le pouffer dehors ;
dans le contre-nature il eft mal placé. Le part
naturel n’exige rien. Le part difficile eft occa-
fionné, ou par la foibleffe de la mère, ou par le
volume du poulain. Si c’eft par la foibleffe de
la mère , on y remédie en lui faifant avaler des
remèdes fortifians Silamère eft forte & vigoureufe,
fi malgré des efforts réitérés,elle ne peut mettrebas
un poulain très-gros; on la faigne pour relâcher;
on lui donne des lavenïens émolliens; on oint
le vagin & l’orifice de la matrice d’huile, ou de
beurre, & fi la ciiconfiance le commande, on
introduit la main , ou un infiniment pour favorifer
la fortie du poulain ; mais il faut bien de la
prudence, & n’agir que quand la nvture eft infuf-
fifante; enfin, quand le poulain eft mal placé ,
on le jetourne dans la matrice avec la main, de.
manière qu'il fe préfenro par la tête. Ces opérations
doivent être faites par des hommes fages,
qui ménagent bien la Jument. Voyez le Dictionnaire
dé Médecine.
La Jument, après avoir mis bas, lèche,‘pendant
quelques memens, fon poulain , qui , fait
quelques efforts, fe lève , fuit fa mère, & ne
tarde pas à 4a teter. Si elle refufeir de le lécher,
on l’y déterminerait, en le fau poudrant de fel,
ou de fon. 11 arrive quelquefois que de l'accouplement
d’un bel étalon & d’une belle cavale il
naît un poulain médiocre ; mais en tirant race
de ce poulain, très-fouvent fa progéniture remonte
& reffemble aux afcéndans paternels, on
maternels. Une Jument, qui a eu pour père un
mauvais Cheval, fi elle eft couverte par le meilleur
étalon, peut produire un poulain qui, beau
dans fa jeuneffe, déclinera en accrofffrfnr, tandis
qu’une cavale de bonne race donnera des poulains
qui ne paroîtront pas beaux d’abord , mais
s’embelliront avec l’âge. On la veille jufqu’à ce
qu’elle ait délivré, afin qu’elle ne mange pas fon
délivre; il tombe ordinairement un quart-d’heure,
ou une demi-heure après le part. Larfqu’elle eft
fatigué,eon la fou tiendra avec du pain trempé dans
du vin.
Si une Jument amène la première fois un
poulain défectueux, elle peut en amener de bons
après, en la changeant d’étalon.
On donne des noms aux étalons & aux Jumens,
parce qu’en tenant regiftre de leurs accouple-
mens, on eft fûr de leur généalogie, & que l’on
peut mieux juger des races.
Les Jumens paffentla majeure partie de l’année
dans l’herbage; fi ellesy font au tems de lamonre,
elles retiennent plus facilement. Dans les. haras
bien montés on les renferme l’Hiver, & alors
elles font nourries au fec ; mais fi elles viennent
à pouliner, avant que l’on puiffe les mettre à
l’herbe, on doit les nourrir matin & foir avec
une bonne mefure de provande, qui eft un mélange
d’avoine & de fon ,& douze livres de foin
le jour & autant la nuit; elles reprennent mieur
le verd après , & les poulains qui arrivent ainfi
les premiers font toujours les meilleiirs.
Quand un particulier veut faire faire un pou
lain à une Jument, en fervice, qui n’eft point
à l’herbe, il ne faut pas que la Jument mange
d’avoine ; il ne lui faut donner que du fon ,
l’avoine l’échaufferoit trop, ce qui Yempêcheroït
de retenir.
On a coutume de faire recouvrir une Jument
poulinière neuf ou dix jours après qu’elle a mis
fon poulain bas ; fa grofieffe n’altère en r ien ,
dit-on , fa nourriture, dans lesfix premiers mois.
Je penfe, comme M. Bourgelat, que cet ufage
eft très-nuifible à la multiplication & à la perfection
de l’efpèce. II .arrive de-là, i.° que dans
les haras où l ’on fe conduit de cette manière,
il y a à-pèu-près un tiers des Jumens qui ne,
retiennent pas ; i.° que celles qui ont été faillies
neuf jaurs après le part, ne donnent à leur pou,-
lain qu’un lait altéré par les changemens que
produit une nouvelle conception ; 3.® que les
poulains tirant continuellement leurs mères, elles
ne peuvent plus fuffire à la nourriture des ffietus,
dont l’accroiffementfe fait mal; 4.0 que porter
& nourrir à-la-fois, c’eft pour ces animaux un
double épuifement, qui nuit à leur fan té , les
mer hors d’état d'avoir de beaux poulains & les
vieillit de bonne heure. 5 / que la mère , ce (Tant de
bonne heure d’avoir abondamment du lait,le poulain
ceffe de teter trop tôt. Cet ufage a lieu au haras
du Roi ; c’eft 5 fans doute, la parcimonie de ne
pas vouloir perdre une année qui en eft caufe.
U'eftimportant de réformer c’ette partie, & de ne
faire couvrir les Jumens que-tous les doux ans. La
jaifon, l’économie bien entendue, & la perfection
de l’efpèce, tout en fait une loi qui devroit être
obfervée avec, la plus grande exactitude.
Des Poulains & Poulines, & du Join qu'on doit
en avoir.
On garde la Jument qui vient de mettre bas
fept ou huit jours dans une écurie, où on la
nourrit bien, afin qu’elle s’attache à fon Poulain,
& quelle ait du lait en abondanee ; enfuite on
les met l’un & l’autre dans le pâturage. Il y a
desharas, où auffi-tôt que le Poulain voit le jour,
il fuit fa mère dans l’herbage ; jamais il ne fe
trompe ; une autre Jument ne le fouffriroit pas;
il tete autant qu’il veut & quand bdn lui femble.
Plus la mère eft bonne nourrice , plus le Poulain
eft en bon état & bien portant, ce qui fe
diftingue àla promptitude avec laquelle tombe lef-
pèce de bourre qui couvre d’abord fon poil > & à la
gaieté de ce jeune animal. Quinze jours après fa naif-
fance il commence à pincer l'herbe, plus par arau-
fement que pour s’en faire une vraie nourriture.
On commence à juger déjà la beauté future du
Cheval à cet âge, & la folie des amateurs, pour
la. figure, eft portée à un tel point, qu’on a vu
un grand connoiffeur, dans Cette partie, offrir
à dix heures du marin, fix cent livres d’un Poulain
mâle, né à cinq.
Rien n’eft fi amufanr ni fi agréable que de voir
les jeux & les courfes que font entr’eux les Poulains
dans un herbage,, & rien de fi fingulier que
la promptitude avec laquelle les mères, en hen-
niffanr, les raffemhlent fous elles , Joriqu’elles
prennent pour leur conîérvation la plus légère
inquiétude; l’arrivée d’un homme, ou d’un chien
dans un herbage, leur fait prendre cette précaution.
Il y a des Poulains qui, malgré l’abondance du
lait j .dépériffent : il eft important de remarquer
quelle eft la caufe de ce dépériffement. Quelquefois
un,purgatif donné au Poulain,, ou de la
pos;!re de terre abforbàn te, telle que la craie de
Briançon,les os calcinés, en bo-rs, quelques pincées
de graine de fenouil, fuffifent pour corriger l'humeur
viciée de l’eftomaCjOU neutralifer, en quel-
que forte, Je lait qui s’y aigrit, & fortifier ce
vilccrë.
Il faut fevrer. lés Poulains à fix mois, lorfque
la Jument a , comme je l’ai dit plus haut, étécou-
verte neuf jours après avoir mis bas ; un plus
I long allaitement feroit tort au Poulain qu’elle
nourrit, & préjudicieroit à celui qui eft à naître.
Si la Jument n’a été couverte qu’une année après
avoir mis bas, on peut laifler terer le Poulain
un peu plus long-tenvs. Je crois qu’il feroit mieux
de ne le fevrer de mère qu’au Primtems fuivanr,
afin que de l’allairemefîr maternel il paffât aux
herbes. Au refte, on doit confnlrer fon état &
fa force, & le fevrer plutôt, ou plus tard, félon
qu’il eft plus fort, ou plus foible. Si l’on vouloit
l ’uivre ce que la nature indique, le1 fevrage nhiu-
roit lieu que quand la Jument repoufferoir fon
Poulain & ne voudroit plus l'allaiter*
Dans les haras, où les Jumens ont été couvertes
peu de tems après avoir mis bas, les Poulains
font févrés au moment où ils rentrent de
L’herbage, c’eft-à-dire, ordinairement à la Sair.c-
■ Martin.; par ce moyen on leur évite les pluies
de l’Automne & le froid de l’Hiver, qui leur
- feroit très-nuifible. Alors on doit Les mettre,fans les
attacher pèle mêle, c’eft-à-dire Poulains & P011-
; liches, dans une écurie qui ne foir point trop
j chaude, jufqu’au Printems prochain; ils. font
j inquiets pendant quelques jours jufqu’à ce qu’ils
] ayent oublié leurs mères. On a foin qu’ils aient
bonne litière, & que le râtelier foit bien garni
; de foin fin & choifi. Dans quelques endroits même
I ils n’ont pas de râteliers,ou bien ils ont des rateliefs
, & des mangeoires très-baffes, afin de ne pas les
; forcer de lever beaucoup la tête; ce qui pourront
; rendreleurencoluredifforme.Outrelefoinonleur
donne deux jointées de fon à chacun par jour,
| une le matin & l’autre le foir. Au Printems, en
j les remet dans l’herbage, & ce n’eft qu’àla fécondé
année que l ’on fépare les Poulains des Pouliches:
Pour rendre la que né. des Poulains belles, on
la leur tond à dix-huit mois ;‘ oh répète cetre
tonte, qui eft un moyen de la bien .garnir de
crins & de les fortifier, de manière que, dans la
! fuite, ils réfiftem mieux au peigne. Ce n’eft guères
| qu’à deux ans, ou deux ans & demi qu’il con-
: vient de châtrer, ou hongrer les Poulains mâles.
Voye[ le mot Castration. On doit hongrer
plus tard que les autres ceux dont l’encolure eft
; forte & la croupe mince. M. Lafont-Pouloti
•blâme cette opération , inufitée en Arabie, en
Perfe, dans tout l’Orient & en Efpagne; il vou-
doit qu’on parvînt à rendre dociles les Chevaux
-entiers par des trait-emens doux. Il eft certain
j que ces animaux en leroient plus beaux & d’un
1. meilleur ufage.
A la troifième année on retire Poulains
j Pouliches des herbages, pour les mettre au fec;
| lors de ce changement de nourriture on leur
{' donne, pendant huit Jours, du fon , puis on les
| faigne, & après la faignée, huit autres jours du
J ion , après quoi la nourriture ordinaire, c’eft-
:j à-dire , l’avoine, le foin & la paille. Il arrive
j fou vent que les jambes leur enflent; mais cela
| fe diffipe en les frottant avec de i’eau -d e -v ie , ou