
en quelque forte les fraudes dont ils fe rendent
coupables encore dans le mefurage. » >
«Le plus Couvent ces iniquités relient impunies
par la connivence de ceux qui ont droit de les
mlpeéler Cependant, lorfqu’elles font çouffées
à l’excès, rien ne peut fauver les prévaricateurs
des pourfuites du Gouvernement, qui les punit
par l’e x il, par la confiscation de Lurs biens,
Couvent même par la mort. Mais ils (ont remplacés
par d’autres q ui, malgré la févérité de ces exemples
, n’en font pas plus fidèles dans l’exercice de
leur commifiion. A i’ f i , les blés vendus pour le
compte du Souverain dans Conftantinople, font
prefque toujours d’une qualité inférieure à ceux
des Particuliers. D après cesmalverfations des Of- j
ficieis publics, & celles des Boulangers , il ri’eft
pas étonnant que le pain , en général, foit d’une j
qualité affez médiocre, non-feulement dans les
Provinces , mais dans la Capitale même. Sur cet
objet, comme fur beaucoup d’autres, tout concourt
à démontrer les funefies effets d’une Àdmi- l
niftration qui ne protège pas affez l’Agriculture
dans un pays, d’ailleurs fi fertile, & chez une
Nation quin’efi pasdépourvue d’activité & d ’in-
dullrie.
Commerce des Grains en France.
M. Abeille, dont j’ai parlé , afllire que, fi !
par difeite , on entend l’infuffifance réelle
des griins, il n’y a point eu de difette en
France depuis plus d’un fiècle •, mais il a exifié
plus d’une fois une difette ou une infuffifance
apparente, caufée par le monopole ou l’avidité,
ce qui eft un auffi grand mal pour le Confomma-
teur, puilqu’il ne peut pas jouir davantage de
blés, qui font foufiraits & cachés, que de bleds
qui n’exifient pas. C’eft donc du monopole qu’il
s’agit de fe garantir. Tantôt il rëpaod de faux ,
bruits fur le produit des récoltes palfées, dans j
les Provinces éloignées, afin d’avoir un prétexte [
pour renchérir les blés qu’il garde ou qu’il a
arrhés, c’efl çe qu’on peut appeller le monopole
de fpéculation \ tantôt à la vue de l’augmentation |
du prix des grains, il s’abftient d’en vendre, dans j
l’efpérance qu’il augmentera encore i ce monopole
eft celui limitation.
Pour jetter de la lumière fur les caufes du mû' ,
nopole, j? raffemblerai des faits recueillis par j
Je Commiffaire Lamarç , dans fon Traité de la '
Police. On tait que ce Commiffaire, homme infatigable,
dans fes recherches & dans 1’ xercice j
de les fonélions, a été témoin de la plupart des j
aits qu’il raçonfe 3 il y a joint des pièces jufiifica- |
fives.
P'fette (le$ années l6 6 o , l8$l ? \6 6 l} l66$ j
& 1664,
a II y eut quelques Provinces ou les blés furent
niellés au commencement de Juillet IC60 j
( 1 ). Cet acccident n’étoit pas univerfel,
& la diminution, qu’il caufoit dans la récolte
future pouvoit être bien plus que rernpla-
cée par les grains qui étoient reliés des année*
précédentes. Les Marchands furent bien profiter
de cette occafion. Ils achetèrent tous les grains
des Marchands forains, même ceux qui étoient
arrivés fur les ports de Paris, & en firent des
magajîns. Quelques - uns d’entre eux ou de leurs
Emiffaires, prirent lapofte, coururent de Ville
en Ville répandre le brait de la difette des blés.
Ils affeéferent même, pour fe faire croire, d’acheter
en chaque Ville , dans Us marchés & dans les
greniers des Particuliers, quelques muids de blé.
au - dejfus du coûtant. Après qufls fe furent ainfi
rendus les Maîtres de tous ie> blés qui pouvoient
être amenés à Paris, ils ne les firent plus venir
que peu-à-peu, bateau-à-bateau , en forte que
le blé qui ne coûtoit, au mois de Juin, que fWQ
livres dix fols , monta tout d’un coup atrente livres,
& fut porté, en peu de teins, à trente-quatre
livres. ( 2)
a Les Magiftrats fe donnèrent les plus grands
mouvemens pour arrêter ce défordre dans Paris
même, où des Marchands avoient formé des
magafins. Les Commiffaires du Çhâtelet en découvrirent
& les firent ouvrir. Les Marchands fe 1
voyant éclairés de trop près, firent des magafins
en Province, & principalement le long des rivières,
d’où ils tiroient enfuite les blés petit -ci-
petit, pour les faire venir à Paris; 6r ainfide
de concert entre eux, ils en cackoient l abondance j
& entretenaient la cherté. »
Les Commiffaires du Châtelet eurent ordre de
fe tranfporter fur les lieux. Us trouvrèent , près
de Meaux, des magafins où l’on retendit en rt-
J ’erve une quantitéconfidérab'e de grains. LesMar- |
chands furent aflignés. L’un d’eux comparut &
fut arrêté. Un autre fut décrété de prife-de-corps. ;
Le* Commiflaires continuant leurs defeenres,
firent de nouvelles découvertes de magafins*. &
l’on reconnut par leurs procès-verbaux.& par leurs
informations, que ce n étoit pas la difette , mais
la malice & les ufures des Marchands d ou provenait
la cherté des grains ; que plufieurs d* ces
Ma: chands, pour avoir un prétexte qui eût quel-
qu’apparence dé raifbn de retenir leurs blés en
magafins , les avoient fait faifirpar des Créanciers
filmulés. . . . Que tout leur objet droit de ne les
faire * enir à Paris que bateau - à - bateau, pour
en cacher l’abondance, & y entretenir la cherté, j»
Le fruit de ces defçentes fut de faifir entrès-
( l ) Les blés appelles autrefois blés niellés, font les
blés attaqués de carie. Depuis qu’on en conçoit la caufe
pn fu t que cette maladie exifte avant l*épqque du mois
de Juillet. Foyq CarIe. . ^ ^ .
( ? ') L’argent irn monnoyééïoit alors à vingt-huit ” yre
treize fols huit deniers le marc. Ainfi, trente-quatre livres
de ce tems-là répondent à - pçu • ptçs àfoixanW livxçs t
notre monnoic actuelle,
.u de tems 3600 muids de blé , qui furent charpour
Paris, & 5850 muids qu on ne put faire
charger & partir, faute de bateaux & d hommes
0ur les voiturer & d’une quantité d’eau fum-
ïante pour la navigation. Malgré ces efforts, on I
«e put faire tomber qu’à vingt-trois hvies le
fetier des grains, qui ne coûtoient que treize
livres dix fols, quatre mois auparavant. Les procès
verbaux des Commiffaires mirent à découvert
«toutes les ufures, les monopoles, les magaivn-
de plufieurs années, les blés gâtés &jettés de; nuit (
dans les rivières, pour avoir été gardes trop long- ;
unis y les Sociétés vicieufes, Us faux bruits re- j
pandus, la connivence de quelques Officiers 'j oc
.toutes les autres caufes, qui entretenorent la dt-
Jette 8c la cherté des grains. 11 y avoir des blés
(ufjijamm-mt pour les Provinces & pour Paris1 ; j
cela était bien prouvé. Il ne s’agiffoit plus pour ré- j
tablir l’abondance que de les mettre en mouvement.
» ' i . . r ,
La quantité de grains qui arnvoient îur tes ,
ports de Paris, ne pouvoient qu en faire baiffer
confidérall'Tii-nt le prix.-« Les U finie r s en furent
.alarmés38c, entr’aurres moyens qu’ils mirent en
n i é pour W r # l l fréquentes voitures,
& entretenir la d i f r u , ils fi-rirerntjes Trait an s,
qui avoient des recouvremehs, ^ jaire fur les
Villes & en vertu d’arrêt de folidité, ils firent
fafir & arrêter f u r la route les bateaux cha gés de
blé pour Pari .L e R oi, par un Arrêt du Conteil
du 10 Décembre 1606'; leva cet obfiacle.
Dans le même mois de Décembre, il fe forma
un conflit de jnrifdiétion -entre-le -Châtelet & lé ;
Prévôt-des Marchands & Eèhevins , qui préten-
doient q-ue cette police leur appàrtenoit fur la
rivière. Cette contefta.rion , qui ne fut terminée
qu’au mois d’Août 1661 , fut fi favorable au
monopole que le blé étoit monté a trente-huit
livres le fetier.
Le Prévôt des Marchands & les Fchevins
firent tous leurs efforts pour repre^dre les re-
I cherches & les pourfuites qui avoient été com-
! mencé.es. Ils trouvèrent pie" tout beaucoup de difficultés
àfe faire obéir. « La difette augmenta, *
| la cherté à proportion. Le prix du blé fut porté
jufqu’à cinquante livres le fetier , & le painfe
vend oit huit fols la livre. ^ 1 ) Le Roi avoit fait
acheter une quantité confidérable e blés à Dant-
zick & ailleurs. S M. y envoya jufqu’à deux millions
de livres. La flotte chargé^ de ces grains
arriva dans nos ports au mois d’Avril 1662, &
le befoin ce ffi. Ces blés étrangers fe vendirent
d’abord vingt - fix livres le. fetier j cela fitbaifler
tout d’un coup ceux des Marchands de cinquant
à quarante livres. L’on mit alors ceux du Roi
i vingt livres, ce qui obligea encore les Marchands
à baiffer à proportion. Malgré ce grand
exemple de bonté & de charité du Roi, il y eut
encore des gens affez endurcis pour garder leurs
blés en magafin , & pour les laiffer plutôt gâter
& corrompre que de les expofer en vente. »
Tous ces foins, 8c la moiffon quiavançoit &
paroiffoit affez b elle, failoient diminuer de jour
à autre le prix du blé. Les feuls Ufuriers voyoient
ces progrès avec chagrin *, ils alloient dan» les fermes
& les maifons des Laboureurs arrêter fur
pied toute la récolte future. La moiffon de 1 année.,
qui avoit paru belle d’abord , fut encore gâtée
par la nielle en plufieurs lieux \ celle de l’année
1663 fut*médiocre. L’Hiver de l’année 1664 fut
fort humide. Il arriva enfuite» au commencement
du Printems, de fortes gérées : une partie
des blés avoit pourri en terre fous les eaux,
d’autres périrent par la gelée ; àinfi,lon fe vit
menacé d’une fiérilité prefque univerfelle. Il y
avoit beaucoup de blés des années precedentes \ la
. difette n étoit pas abfolument à craindre. Mais il
arriva ce qui eft.ordinaire enfemblables occalions,
1 les greniers & les magajîns furent fermes. E t, dès
| le mois d’A v r il, le prix,,du blé fut porté à vingt-
quatre livres, & peu de tems après à trente li«
vres. '
Des blés que le Roi avoir fait acheter par prévoyance
arrivèrent à Paris *, on n’en fit paroître
que quelques bateaux.à-la-fois, & ils furent débités
comme appartenons a des Marchands forains.
On en diminua fucceflivement le prix de quarante
fol-à quarante fols, en forte qu’on amena
par degrés les Marchands à ne vendre ^ leurs
que leize livres le ferier. Alors l’abondance &
le bon marché fe rétablirent.
Voilà , dit l’Auteur , des exemples frappans de-,
ce que peut la plus légère concurrence contre
le monopole enhardi par le défaut de Concurrent
Si les manoeuvres qu’on vient de rapporter
font effravanres par leur longue durée , par leur
réfifiance à tous les efforts de l ’Adminifiration,
elles lef ont neaucoup pius encore! ousl'époque
fui van te.
Difette des années 1691 » 1693 ^ I^94*
« Après les moiffonsabondantes de huhannées
eonfécutives , il fe répandit un bruit fur la fin du
Printems del’ânnée i6 p l que les blés avoienr été
niellés en plufieurs des pins fertiles Provinces.
Cet accident fe trouva en effet véritable 3 mais
il n étoit pas univerfel. Il reftoit encore 'l’efpérance
delà moitié au -moins d’u^e récolte des années
ordinaires. Comme il ne faut qu’un prétexte aux
Marchands pour les déterminer dg’offir les objets
du coté de la d'fette, ils ne manaucrenr pas à
profirer de celui-ci. On les vit auffi-tôt reprendre
leurs allures,8l remettre en ufage leurs pratiques,-
( 1 i On ne doit pas perdte de vue qu’ il faut p efque
èouhier tous ces prix , pour connoître a quelle quantité
ée notre monaoie aftuelle As coxisfponüent.