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établies fur les perfonnes, fans confidêrer fi les
liabitans étoient détenteurs d héritages ou s ils
n’en polfédoient pas. \
Elles étoient réelles, toutes les fois quelles
étoient imposées fur les fonds. ,
Enfin, on donnoit le nom de mixtes, à celles
qui étoient établies en raifon des fonds, mais •
avec quelques circonftances perfonnelles; par ■
exemple, fi les titres portoient que les tenanciers
exploitant avec chevaux ou boeufs, feroient af-
fujettis à la Corvée, & que ceux qui cultive-
roient avec leurs bras, en feroient affranchis.
Les premières augmentoient ou diminuoient
comme le nombre des habitans chefs-de-famille,
c’eft-à-dire, quelles tendoient continuellement
à leur deftrnèlion, en apportant un obftacle
continuel à la population. Quelquefois cependant
elles étoient dues par le “corps des habitans, &
le nombre en étoit déterminé par les titres, qui
portoient, par exemple, que le corps de la Communauté
devroit cent journées de travail par an.
Celles qui étoient impofées fur les fonds,
étoient invariables comme eux, lorfqu elles n é-
toient impofées que fur un fond circonfcrit &
limité. Mais fou vent lies Corvées réelles étoientdé-
terminées d’une manière plus défafttfeufe lorfqu on
y obligeoit quiconque feroit détenteur d héritages
dans une Seigneurie. Alors elles fe multi-
plioient autant de fois que les héritages fe di-
vifoient, parce que des héritiers partageant un
fond chargé deCorvées réelles, n étoient pasadmis
à les fervir par parties, & proportionnellement
à ce que chacun poffédoit dans 1 héritage. Il
falloitque les différens Propriétaires s’entendiflent
pour fejvir chacun à leur tou r, ou pour fe
faire remplacer. .
Il y avoir une autre différence eflentielle entre
les Corvées perfonnelles & les Corvées réelles •
c’eft que les Nobles & les Forains, ainfi que
les infirmes & les vieillards étoient exempts des
premières, & que tous les Propriétaires indif-
tinélément, fans excepter la Noblelfe, étoient
obligés de fervir ou faire fervir à leurs dépens,
les Corvées attachées an fond. Si nous n’avons
pas nommé les EcJéfiafiiques parmi ceux qui
étoient exempts des Corvées perfonnelles, c’efl
qu’ils ne l’étoient qu’indireélement; ils étoient
tenus de fubroger une perfonne en leur place,
ou de payer en argent la valeur de leur travail.
11 v avoit long-temps, nous le répétons, que
toutes ces preftations de fervitude révoltoient
les efprits éclairés, & les amis du bien ; auffi
un ufage très ancien, des maximes généralement
adoptées par les Jurifconfultes & confacrées par
les Arrêts des Cours Souveraines qui, dans prefque
toutes les circonfiances, réc!amoient contre ces
impôts odieux, ces droits vexatoires, les avoient
modifiés avant qu’ils ne fuffent abolis.
Par exemple, il ne fuffifoit pas de pofféder
une Seigneurie où les Corvées avoient été en
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ufage,. pour, pouvoir les exiger' il falloit un
Titre, rien n’y pouvoir fuppléer, & la pof-
fefiion fût-elle immémoriale, elle ne donnoit
pas aux Seigneurs le droit de contraindre à
l’avenir leurs prétendus Corvéables.
On ne pouvoit demander, à titre de Corvée,
que des chofes honnêtes & licites.
Les Corvéables dévoient être avertis de remplir
leur, obligation, avant d’y être contraints.
Les Corvées ne pouvoient point s’arrérager;
tant mieux pour les Corvéables fi, pendant un
temps, elles n’avoient point été exigées.
Elles ne pouvoient l’être que pour le lieu
où elles étoient dûes. ce En cas que le Seigneur,
jj dit le Préfident Bouhier, puiffe demander les
jj Corvées en tel temps où bon lui femble, il
jj ne doit pas néanmoins les demander dans un
jj temps qui foit trop incommode pour les
jj Corvéables, comme quand ils font occupés
jj aux femailles ou autres récoltes, et O r , ce
n’étoit point l’opinion particulière de ce Ma-
giftrat ; c’étoit une règle puifée dans un ancien
Arrêt du Parlement de Paris.
Les Corvéables ne pouvoient être contraints
de travailler avant le foleil levé & après le foleil
couché. Par une fuite de ce principe, on ne pou-
voit les forcer à partager leur journée, en exigeant
la moitié du jour dans un temps, & l’autre
moitié dans un autre.
Quand le nombre des Corvées n’étoit pas déterminé
par le titre, on ne pouvoit le fixer à
plus de douze jours, & encore, fi les habitans
étoient dans fufage de ne fervir que fix à huit
Corvées, les Tribunaux & les Jurifcon fuites, ont
toujours regardé comme injufte d’en exiger un
nombre plus confidérable.
Une autre maxime également reçue,, c’efique
le Seigneur ne pouvoit demander plus de trois
Corvées dans un mois.
11 étoit allez généralement reçu en principe,
que le Seigneur devoit nourrir fes Corvéables &
les bêtes dont ils fe fervoient. « Ceux qui ont
jj embraffé le fentiment oppofé, dit le Préfident
jj Bouhier, n’ont pas fait attention à la diffé-
jj rence infinie qui eft entre les Affranchis des
jj Romains & les villageois de notre temps : les
jj premiers étoient riches. Peut-on leur com-»
jj parer nos villageois qui font la plupart dans
jj la mifère., & ne vivent que du travail de
jj leurs mains? c< Cependant il eft au moins très-
douteux que, dans les pays de droit écrit, le
Seigneur fut obligé de nourrir fes jCorvéables,
Ces principes confacrés par la Jurifprudence
de tous les Tribunaux prouvent affez combien
les Corvées particulières s’étoient éloignées fuc*
ceflivement du mode de leur origine ; i's prouvent
qu’on en fentoit vivement l’abus, qu’on en
defiroit la fuppreffion , & que, tôt ou tard> elle
devoijt fe faire. Mais comment n’a-t-elle pas eu
lieu plutôt ? eft-ce aux efforts & aux intrigues des
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Privilégiés qu’il faut avoir recours pour expliquer
cette énigme ? Nous répondons par un
fait; c’eft que les Corvées perfonnelles, fes plus
humiliantes, les plus défaftreufes pour l’émula-
lation & L'induftrie, les feules dont les Privilégiés
fiiflent exempts, fe font éloignées de leur inf-
titution primitive , plus promptement que les
autres, que quelques-unes font tombées en dé-
fuétude, «quelques autres ont été remplacées,
& d’autres ont entièrement difparu. 11 eft donc
probable que le principe facré de la propriété
employé avec fuccès & même exagéré, s’il nous
eft permis de nous fervir de cette expreflïon ,
par l’inrérêt particulier, a été le feul obftacle
réel à la deftruélion des Corvées particulières,
fur-tout des Corvées attachées aux fonds.
Elles n’exiftenr pins, graeê à la Philofophie;
mais l’opinion n’a-t-elle pas confondu plus d'une
fois, fous le même nom, des droits qui en étoient
bien différens ? Malheureufement la FranceNn,a
compofé que fuccefîivement l’enfemble majestueux
qui en forme un des plus beaux Empires
du monde; d’autres coutumes, d’autres lo ix ,
d’autres exprefîions, fe font fait appercevoir dans
chacune de fes parties; un droit exprimé par
un mot dans une Province, fubfiftoit dans une
autre, fous une dénomination différente. Très-
peu de perfonnes connoiffent le fens vrai du
nom, le nom même & l’origine de la plupart
de ces droits, on connoiffoit à peine ceux dç
la Province qu’on habitoit, & cette ignorance
générale eft peut-être la feule caufe de l’étendue
immenfe que l’opinion a donnée au mot Corvée.
Il eft impoflible de difeuter ici une queftion
auffi importante & de rechercher foigneufement
toutes les erreurs de ce genre, que l’opinion peut
commettre : mais en établiflant un principe qui
dérive du droit naturel, & qui peut s’appliquer
à tous les cas & clans toutes les cirçpnftanceg,
nous aurons rempli notre but.
Ce principe, nous l’avons déjà indiqué au
commencement de cet article ; c’eft que tout
droit fubfiftant en vertu d’une convention libre
& mutuelle, dans laquelle l’intérêt d’aucune
des deux parties n’eft léfé, & que dç pareilles
Corvées, fi on les nommoit ainfi, ne peuvent
jamais être abolies, fans attaquer de front |e
principe de la propriété.
J’étois à la campagne, il y a quelques années ,
chez un particulier, Propriétaire de fonds, mais
qui n’étoit point ce qu’on appelloit alors un
Seigneur de terre. Je vis arriver dans fa cour des
charrettes chargées de bois, & je lui demandai s’i|
avoit fiit couper des bois. Il me répondit
négativement, il me dit que les voitures chargées
d’un bois qu’il avoit acheté à quelques lieues delà^
lui étoient amenées par Corvée. Cette expref-
fion, dansfabouche> me paruttr,ès-extraordinairp,
& je lui demandai quel étoit fon titre à cette
Corvée, J1 me répondit qu’elle lui étoit duc par
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fon Fermier; qu’il avoit une Ferme, à deux
lieues de fon habitation, & qu’il avoit mieux
aimé l’affermer quelque chofe de moilns, & s’af-
furer le charroi de la provilion de bois néceffiaire
à fa confommation ; il ajouta même que fon
Fermier lui devoit encore trois labours dans les
chaiftps qu’il exploitoit lui-même, & que c’étoit
une dés conditions du bail.
Voilà bien certainement les cara&ères des
travaux împofés aux Corvéables : mais qui oferoit
envelopper une pareille convention dans la prof-
cription des Corvées? Qui peut répondre qu’il
n’en fera jamais de pareilles ? Par quelle Loi
préviendroit-on de femblables contrats? Où en
feroit l’utilité ?
Cependant il eft plus commun qu’on ne penfe,
de confondre des difpofitions femblables fous le
nom de Corvées. Donnons un exemple. J ’ai acquis
foit à prix d’argent, foit par héritage, une
propriété foncière, trop étendue pour que je la
puifte cultiver feul. Je fais comme Pierre-le-
Grand, j’offre la moitié de mon Empire pour
apprendre à gouverner l’autre, & de deux mille
arpens dont je me fuppofe pofleffeur, j’en aliène
. mille à de certaines conditions. Un principe d’humanité
me dirige dans mon plan ; je ne yeux
point appeler des Etrangers autour qe moi, &
j’aime mieux que mes Concitoyens & mes voifins
profitent de mes arrangemens. En conféquence,
je leur diflribuç les mille arpens, moyennant une :
légère redevance, mais je demande que ceux qui
les accepteront, m’accordent en outre, tant de
journées de travail & tant de bras par an. Us :
peuvent refufpr ou accepter ; s’ils acceptent,
doivent-ils être réputés Corvéables, ou s’ils le font,
ces Corvées peuvent-elles être comparées à celles
qui tirent leur origine du fyftême . féodal, &
éprouver la même ptofçription ? Il ne faut p ourtant
pas fe diffimuler que les ennemis des Corvées
ont plus d’une fois proferit, fous ce nom odieux,
des droits tout aufli refpeétables, que feroit le
mien en pareil cas,
Ces méprifes ne doivent être attribuées qu’au
défaut de principes, ou plutôt au défaut de celui
d’où doivent découler tous les autres, & que
nous avons rapporter
Ce défaut eft encore plus remarquable, quand
on examine fojgneufernent ce que c’étoit que les
Corvées dûes à l’E tat, ce qu’elles auroient dû
être, & l’extrême difficulté que les Adminiftra-
teurs ont toujours trouvée,à les modifier. C’eft
ici où les Privilégiés ont pppofç Pobflacle le plus
invincible, & il n’a pas moins fallu qu’une réforme
totale de la légillarion pour amène; la def-
truétion dp ce genre de Corvées,
En effét, quel eft le caractère eflentiel des
Corvéps dûes à l’Etat f. C’eft fan? contredit l’utilité
publique. Or un travail commandé par
futilité de tous, doit être fupporté,également
| par tous. L ’étoicfil réellement? Non fans doute,
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