
pellent ultramontains, c’eft-à-dire, fur les Àngloîs
& les François. Voici ce que j’ai trouvé dans un
Almanach d’économie, par M. l’Abbé l’Aflri, de
Florence.
L’idée de la liberté du Commerce des blés,
dit-il , tant dans l’intérieur qu’à l’extérieur de là
Tofcane, eft bien plus ancienne que le fyflême de
l’Angleterre fur cet article , qui ne remonte pas
au-delà du tems de Cromwel; ceci fe prouvé par
deux pièces authentiques, communiquées par
une perfonne verfée clans nos Archives. 33
La première eft une patente ( provijîone )
des huit du confeil, après la conquête de Pife,
en 1406, avec laquelle, par ordre de la Commune
& Seigneurie de Florence, pour fairefortir
de fon état de langueur le Comté de Pife , &
ranimer dans fan fein l’Agriculture , on accorde
l ’exportation libre du blé, de l’orge & de foute
autre efpèce de vivres, produits dans le territoire
fufdit. »
« La fécondé eft un ancien Statut du Château
de Florence, dans lequel, pour faire refleurir
l’Agriculture, on permet l’exportation libre hors
de ce territoire, de toute efpèce de grains & de
légumes omnis generisbladivel leguminis ; prefcri-,
vant en outre qu'il n’efl pas befoin d’aucune in-^f
îervenrion du pouvoir pour tirer ces denrées;.
milia bulUtta potefïatis requiratur ad extrahendum
diâum genus blàdi vel leguminis. »
c« Ce Statut manuferit porte la fanélionde la
Commune de Florence. 33
« Une autre époque glorieufe .pour nous, eft
celle de l’Archidiacre Saluftio Bandini, patricien
de la ville de Sienne, lequel, fur la lifte des Eeo-
nomifles, eft antérieur à tous ceux de France,
qui ont publié l’utilité de la liberté des grains. Cet
excellent Citoyen ayant profondément réfléchi
fur le fâcheux état delà côte maritime de Sienne,
dont les malheurs refluoient encore fur la Patrie,
ne donna pas d'autre projet, que la liberté des
grains, dans un Difcours économique qu’il corn-
p o fa , en 1737 , & qui fut publié depuis à Florence,
en 1775. » •
«Sienne, jufquà des tems plus près de nous, !
profita des effers avantageux de ce fyftême dans
route fa plénitude. Cette Ville étant tourmentée
par la crainte d’une famine imminente , caufée
par la difette de 1766, fans favoir où prendre le
remède à fes m aux, l’Auditeur-général en donna
avis au Gouvernement, & lui donna des fecours
extraordinaires. On expédia alors un cômmiflaire
avec un plein pouvoir,, qui fauva le pays d’une
fi grande calamité, fans employer d’autres moyens
que d’abroger toutes les anciennes loix fur les
vivres, & de rendre libres la vente & l’achat du .
blé, & la fabrication du pain. Non - feulement
dans cette conjoncture, on fit venir des grains
du dehors, mais on fft encore entendre que ce
foin ne feroit plus l’affaire de l’Etat, mais celle
des Particuliers. Le remède fut fi efficace que les
babitans de Sienne n’eurent pas befoin d’antf-fc
approvifionnement, & , de plus, ils ne furent
plus aftreints à concourir aux dépenfes des emprunts
dans cette circonftance, comme auffi üs
n’éroient plus dans le cas d’en profiter, n
Au refte, il importa peu de favoir quelle
Nation a la première propofé laliberté du Commerce
des grains. Ce font fes avantages ou fes dé-
fa van tages qu’il faut connoître.
Les grandes erreurs en politique viennent de
ce qu’on n’a recours qu’au raifonnemenr, &
le plus fouvent, qu’à une faillie théorie. Des
eflais d’Adminiftration feraient les meilleurs
Maîtres àconl'ulter. 11 convient également d’interroger
l’expérience, pour décider la queftionfur
la liberté du Commerce des grains Doit-elle être
gênée & expofée à des vexations, comme en Turquie,
variable comme en France, bornée comme
en Angleterre , ou illimitée comme en Tofcane;
c’eft ce que des faits feuls peuvent décider,
La meilleure Adminiflration fur les grains eft
celle qui procure toujours l’abondance, écarte:
les difettes, & met les blés à un prix tel, que-
les Confommateurs puifient enavoir facilement,
& que les Fermiers ou Propriétaires de terres-
trouvent du profit à en cultiver. Si la liberté pleine
& entière du Commerce des grains ne produit
pas ces effets, elledoitêtre proferite ou modifiée,
Çe qui va fuivre fera voir combien l’Agriculture
des Etats de la Turquie fouffre dé la gêne du-
Commerce des grains; combien laLégiflàtionvacillante
de la France fur cet objet, a occafionné
de difettes, en ouvrant la porte aux monopoles;
comment les Anglois, qui ont adrnis des principes
plus fixes, ont écarté les accaparemens ;
combien enfin la Tofcane a été heureufeàcet
égard , depuis qu’elle a dégagé fon Commerce de
grains de toute enrrave. L ’Ouvrage qui m’a paru
raifonner le plus profondément fur une matière
auffi utile, eft celui de M. Abeille ,dnfpeCteur-gé-
néral, &c. l’homme le plus inftruit, le plus ami du
bien & le pins digne de l'eftime& de larecoonoif-
fance publ'ique.Ses Ouvrages,en économie politique,
font les meilleurs que je connoiffe.Le premier
■ a paru à Paris, en 17 .. Je ferai nfage de fes idées
pour ce qui concerne la France & l’Angléterre,avec
d’autant plusderaifon quelles font le fruit d’une
mure réflexion, d’après Texamen de beaucoup de
faits.
Commerce des grains en. Turquie.
Nous devons à M, de Monradgea d’HofTon,
Secrétaire du Roi de Suède, ci-devant chargé
des affaires de cette Cour à Conftantinople , les
connoiffances qui nous font parvenues .fur le
Commerce des grains en Turquie.
« Quoique l'Agriculture, d i t - i l , ne foit pas
dans un état de profpérité chez les Ottomans,
elle n’y eft cependant pas auffi négligée' quart
fe l’imagine en Europe. Chaque Province trouve
fes fubfiflances dans fes terres, & les contrées les
«lus fertiles, comme la Moréee, la Valachié , la
Holdaviè*, la Baffe- Anatolie , la Syrie , l’E-
oypië, &c. verfent fouvent leur fuperflu dans les
cantons les plus ftériles & les plus montagneux.
D’abondance règne dans toute l’étendue de laMo^
nàrchi.e rarement la famine s’y fait fentir, &
ilfl’y a pas d’année où -les Européens n’aillent
faire1 des chargemens confie!érables de • grains à
Sinyrne, en Morée & fur les différentes côtes
de l’Empire.Quoique l’exportation en foit rigou-
reufementdétendue, le Miniftère a cependant la
fage politique de fermer les yeux fur ce Commerce
, fur - tout dans' les années les plus abondantes.
L’état ordinaire de [’Agriculture eft donc,
au-de(fus des befoins, & de ce qui eft néceflàire
à la fubfillance de tous- les Citoyens. 73
« Cependant eu égard à la fertilité du foi & à
l’étendue-dés pôfléffions Ottomanes , l’Agriculture
pourrait devenir beaucoup plus floriffante,
& procurer à ces contrées Les plus grandes ref-
fources - fi le Cultivateur ^ étpit encouragé par
le Gouvernement, files Grands & les Officiers
publics n’étoient pas expofés tous les jours à des
confifeations arbitraires, & fi les Particuliers, foit
Mahométans, foit Chrétiens, également protégés
par là lo i , n’étoient pas livrés à l’avarice & aux
vexations d’un Pacha, d’un Bey , d’un Agha qui,
le plus fouvent, s’afiurent l’impunité, en affo-
ciant à leurs déprédations ceux même q u i, par
état, font chargés'de les réprimer. >?
« Aç-es vices généraux de 1! Adminiflration fe
joignent encore une multitude îi entraves qui
‘gênent le Commerce des denrées’, & ralentifient
la circulation intérieure; mais les plus accablantes
font celles qui proviennent de la fixation du
prix. Peut-il en effet y avoir d’autres valeurs dans
les productions que celles qui réfuirent du fruit
des avances qu’exige l’Agriculture,de l’abondance
des récoltes de la concurrence plus oumoins
confidé'rable des Acheteurs & des Vendeurs? A
Gonftantinopîe, cet article important eft fournis"
à l’infpeCtion générale de l’Jftambpl - Cadiffi,
Jugé ordinaire de la Capitale. Un de fes Naïbs, ou
Vicaires 3 a fous fes ordres la régie de ce Bureau
que Ion appelle Ounn-Capann ; il eft établi fur
la rive du Bofphore 3 entre le Sérail & l’Amirauté.
C’eft-làqu’aborden r tous les Bâti mens chargés'de
grains que produifem les côtes de la Mer
noire & celles de la Mer blanche. Le Naïb en
tient regiftre, & , après en avoir déterminé le
prix, afîez arbitrairement, il en fait diftribuer ,
plus arbitrairement encore, à tous les Boulangers
delà Ville.»
Cette police défaflreufe a pour objet de prévenir
les funeftes abus d'es accaparemens. 11
n-’eft permis à perfonned’enmagafmer les denrées
pour les vendre à fon gré; auffi n’exifte-t-il nulle
part, ni halles, ni greniers, ni autres dépôts
néceflaires pour les fpécularions de ce genre.
Cependant les vices de ce’fyflême économique
entraînent quelquéfois les malheurs' meme qu on
voudrait.éviter. La détention d’une infinité de
navires, qui attendent' fouvent deux ou trois
mois leur tour pour décharger leur cargaison.,
la violence exercée contre les Boulangers pour
leur faire acheter ces grains, qu’ils font obligés
de renfermer;dans de mauvais greniers j; à côté de
leur, boulangerie & de leurs moulins dont la
conftruCtion eftr toute en bois, les accidcns 1 ré-
quens qu’éprouve cette denrée prëcieufe , tantôt
avariéeparlà M er, tantôt incendiée dans les diffé-
rens quartiers d’une,Ville fi fujette à cette calamité;
font autant de circ'p.nflances qui expofent laCa-?
pitale aux dangers, de la famine.*»
u II eft . vrai que le Gouvernement ne n<£g jge'
rien pour engager lés Marchands a tenir le^ g tains-
en abondance à Conftantinople. H fe ménage
même une autre reffource pour fnhvenir , dans
le befoin, à la fubfiftance du Peuple. Il a pour
nfage de faire acheter tous les ans, avec les
deniers du fife, environ un million de quilots.
de grains dans les contrées les plus.feniles , telles^
que Volo , Salonique , Rodofto , Baraagahtz ,
Varna , &c. Us font tranfpbrtés par mer à la Capitale
, & dépofés dans un vafte grenier,,au fond,
du port, vers l’Amirauté. On ne touche à cette
provifion que Tôrfque lôs blésf particuliers deviennent
rares dans la Ville , ou lorfque ceux
de l’Etat, qui font enmagafinés, commencent
à péricliter. Une précaution fi fagè mérite ,rfans
doute, des éloges; mais'elle en mériteroit da- ;
vantage, fi PAdnriniftration étoit affezgéüéreufe
pour fe dépouiller de tout elprit d intérêt ôc,
de monopole. Elle né paie jamais ces blés que ,
vingt paras par 'quilôt ; & , comme elle ne les
cède aux Boulangers que dans les momens où la
denrée eft au plus haut prix, à 35 r4 0 > 45 P?>ras>
elle y trouve alors un bénéfice de 50, 6g-, on 70
pour 100.33 '
« Mais ce qu’il y à de plus odieux dâns cette '
opération financière , ce font les manoeuvres
des Officiers qu’on y emploie. LesCâpoudiys Bas- •
chys, efpéces d e . Chambellans, font ceux q ui, -
pour l’ordinaire , obtiennent cës co mm lirions,
toujours lucratives. Sous- le titre de Mubaïadgy ,
.qui veut dire Acheteur ou Collecteur public, ils-v,
parcourent-les Diftriéts fournis à cette contribution,
& obligent les'-Propriétaires;à .çonfigner -
la denrée à f Acheteur même.Indépendamment du
droit de dix pour cent qui leur eft alloué, par
l’Etat aux dépens îles mêmes ^Propriétaires-, il n y
a point de vexations-qu’ils n.exercent envers ,
ceux-ci. Us font plus ; ils ofent, au mépris de
leur, office , vendre à leur profit la dixième ou, la
quinzième partie des fromens qui leur font confié^,
& remplacent le Viride ’par de forge , du
feigle & de la paille qu’ils mêlent avec ce qui
relie; ils y répandent même quelquefois de l’eau
de mer qui, enfïiifant gonfler-le grain,, dérobe