
plaignoit que les fromens étoientattaqués, depuis
vingt-cinq à trente ans, dans 1 Angoumois, par
un infeéte qui les dévoroit & faifoit un tort
confidérable aux récoltes de cette Province ;
plus de deux cens Paroiffes en étoient infeftées.
M. de B ’offac, Intendant de Poitiers, craignoit
que le mal ne fe communiquât dans les Elections
de Niort & de Confulens. On écrivit à l’Académie
des Sciences, qui nomma MM. Duhamel &
T il le t , deux de lés Membres, pour aller examiner
y fur les lieux , linfeéte, fes ravages &
les moyens employés pour le détruire. Ils s y
transportèrent5 parcoururent le pays, queftion-r
nèr-nt les perfonnes éclairées qui s’étoient o c -
cuppées de cet infeéte, & fe livrèrent à des
recherches & à des obfervations, dont je vais
profiter. .
L ’état fous lequel l’infe&e de 1 Angoumois elt
le plus connu , eft l’état' de papillon. Les gens
du pays difent: il n’y a point encore de pipi lions ;
les papillons paroijfent ; ces grains ont été mangés
par les papillons , &c. On les voit fortir des
gerbes qu’on moiffonne, ou qui font en raflées
dans les granges • on les voit couvrir des tas
de grains dans les greniers. Ils y font quelquefois
raflemblés en fi grande quantité, qu’on s’imagine
appercevoir un trémouflément dans les
grains même. . .
Le papillon de la Chenille des grains a beaucoup
de rapport avec la fauffe teigne. Il eft de
la claffe des Phalènes à quatre ailes. Les ailes
font longues, relativement à leur largeur, qui
en prelque égale.du côté de la tête & à ion
autre extrémité. La couleur des ailes fupérieures
varie. Elles font en général prelque de couleur
de café au Lit | les unes font plus claires &
d’autres plus brunes, toujours bnlLo>es au ioleil ;
leurs bords font très-garnis de longs poils. Ces
ailes font placées prefque horizontalement ,
quand l’infe&e- eft pofé en quelque endroit ;
mais peu -après leurs bords s inclinent un peu
en forme de toit. Sa tête eft garnie de deux
antennes, formées de grains articulés les uns avec
les autres. On apperçoit entre ces antennes deux
efpèces de barbes, qui partent du deffous de la
tête & fe prolongent jufqu’au deflus. Entre elles
eft un' toupet de poils relevés en arrière. Le
papillon de la fauffe teigne eft en général plus
£ros ■ il a une forme plus courte -, fes ailes foin
plus’larges, du côté de la queue, que du côté de
1a tête. La couleur des ailes fupéneurés eft
gris-blanc. 11 a au-deffus de la tête quatre^barbes,
dont doux font dirigées vers Le ventre. Telles,
font les différences-
Les mâles & les femelles des papillons des grains
font à peu—près de même groffeur. Ils ne s accouplent
que pendant la nuit. Aufli-tôt que les
femelles font fécondées, elles cherchent à fe dé-
barraffer de leursoeufs. Elles-enpondent foixante,
quatre-vingt & quatre-vingt dix. Ils font aççom
pagnés d’une humeur vifqueufe, qui les colle
à l’endroit où ils font dépofés* Un de ces oeufs,
tant ils font petits, p'ourroit paffer par le trou
fait à un papier avec l ’aiguille la plus fine. La
femelle, pour pondre fur les ép is , fe place
entre les grains & les filets, qui les fupportent,
en forte que fes oeufs font près de l ’endroit où
les grains font attachés à la paille.
La Chenille, au fortir de l’oeuf, reffemble à
un bout de cheveu, d’un quart, on d’un cinquième
de ligne. Elle naît fix ou fept jours après’ la
ponte du papillon femelle, fi le tems eft doux;
aufli-tôt elle s’efforce de pénétrer dans le grain
pour s’y. nourrir de la farine: C’eft ordinairement
dans la rainure du froment qu’elle fe place,
ou au bout pointu qui eft garni de poils; comme
les baies de l ’orge font plus dures & plus rapprochées,
la Chenil, e s’introduit prefque toujours
par la pointe, profitant d’une petite ouverture
qui s’y trouve; là,'elle file quelque brins
de foie, ou pour fe faire un appui, ou pour fe
mettre à couvert ; elle déchire le fon d’un côté
& d’autre, & parvient à s’infinuer dans la fubf-
tance farineufe alors on ne peut reconnoître
l'ouverture par laquelle elle eft entrée , qu’à un
petit tas de Ion qui la recouvre ; fi on ôte le petit
réfeau de foie & le fon, on découvre, au micro
feope , le trou par lequel la Chenille eft
entrée.
La Chenille de l’ Angoumois fe nourrit des
grains de quelque pays qu’ils foi en t , malgré
l’opinion du pays. MM. Duhamel & Tillet en
ont fait l’expérience.
Chaque Chenille renfermée exactement dans
un grain, fe nourrit de la fubflance farineufe.,
A mefure qu’elle confomme fes vivres , elle
augmente en groffeur & agrandit fon logement,
A Ta fin , il ne refte plus que l’écorce ; la Che-^-
nille alors a deux lignes & demie de longueur#
Sa groffeur eft au plus égale à la moitié du grain
qui la renferme. Son corps eft ras & entièrement
blanc, fa tête eft placée à l’extrémité la plus
groffe, on y apperçoit la bouche , deux gros
yeux & deux efpèces de cornes. La tête eft un
peu plus brune que le refte du corps. Cet infeéte
a feize jambes, dont les huit intermédiaires &
membraneufes ne font que de petits bourons,
qu’on ne peut appercevoir, même à l’aide du
micro feope, que quand la Chenille eft pofée
fur le côté. La fauffe-teigne, qu’il eft bon de
diftinguer de la Chenille de EAngoumois, a ,
comme elle , le corps ras & .blanc & feize
jambes ; mais au lieu de fe loger dans l’intérieur
des grains , elle en lie plufîeurs enfemble
avec de la foie qu’elle file , dont elle fe forme
un tuyau comme celui des teignes. Ce tuyau tft
ordinairement recouvert du fon & de la farine
broyés. La fauffe-teigne renfermée dans fon
tuyau, fe loge au milieu d’un tas de grains. Elle
fort de ce tuyau pour manger tantôt les uns,
C H E
tantôt les autres. Elle en attaque ordinairement
plufîeurs à-la-fois, fans en manger aucun entièrement
, tandis que la Chenille de l’Angou-
Hiois, plus économe de farine, borne ordinairement
fa confommation à la farine d'un feul
«•rain} quelle mange en totalité , ne 1 aillant que
l’écorce. Les grains attaqués de la Chenille, fi
on les met dans l’eau, furnagent, plus ou moins
promptement, fuivanr que l’infeéte a plus ou
moins confommé de la partie farineufe. Quand
il y a beaucoup de fauffes-feignes dans un grenier
, on voit tous les grains de la fuperficie liés
les uns aux autres par des fils de fo ie , ce qui
forme une croûte; qui eft quelquefois de plus
de trois pouces d’é'paiffeur. La fauffe teigne fe
transforme en chryfalide dans un grain qu’elle
a creufé , ou dans le tuyau dont elle s’enveloppe.
Vers le mois de Juin, oh eh voit fortir un papillon.
Les chryfalides petites font celles que four-
niflent les Chenilles qui fe font métamorphofées,
avant d’avoir confommé toute leur farine, ou
qui ont vécu dans des grains peu abondans en
farine, ou qui font d'un fôible tempérament.
Les métamorphofes fe font plutôt en Eté, & quand
l’air eft chaud, que clans fHiver, & lorfqu’ilfait
froid. Le papillon entièrement formé dans la
chryfalide , en rompt la membrane par le bout,
ouvrant avec fa tête une petite trape que,1’in-
feéïe avoir eu foin de préparer étant Chenille.
Après avoir dégagé fes ailes, il prend fon vol
& emporte quelquefois avec lui le grain vuide
de farine. Le mâle & la femelle s’accouplent
prefqu’aufli-tôt, & les femelles pondent. Voilà
les cercle de leur v ie , qui eft ordinairement de
quinze jours, ou trois femaines. Quand l’ air eft
chaud, il peut s’accomplir à moins de cinquante
jours.
On foupçonne que cet infeéte fe trouve ailleurs
que dans l’Angoumois. Vraifemblablement
il y eft moins multiplié , puifqu’on ne feplaint
pas de fes ravages. Il eft connu près de Luçon
dans le Bas - Poitou, & même , à cè qu’on croit,
en Alface. La fortie des papillons eft ordinairement
annoncée par une chaleur vive qui s’excite
dans les tas de grains des greniers & dans les
gerbes. Le thermomètre y monte de vingt-cinq
à trente degrés, l’air extérieur étant à quinze.
Cette température de l’air accélère le développement
de ces infeéles. En peu de jours, on voit
fortir une multitude prodigieufe de papillons
de ces tas échauffés.. Les fraîcheurs de l’Automne
interrompent leur propagation, & oh ne voit
plus paroître de papillons que quand les chaleurs
du Printems fe font fait fentir.
Dans le rems de lamoifion, il y a des papillons
qui fortent de quelques grains déjà vuides
& entièrement confommésavant d’avoir étémoiff
fonnés. Ces premiers papillons s’accouplent &
pondent fur les autres épis, encore fur pied.
C HE 9s
Une partie des oeufs eft probablement détruite par
faction du fléau & du van, fi on bat & fi on
nétoie promptement. Mais, comme dans le tems
-des chaleurs,les Chenilles éclofént très-vire,
plufieurs pouvant entrer dans les grains qu'on
moiffonne, & y trouver une retraite, elles feront
tous leurs défordres, fi on nefe prefl'e pas de les
étouffer. Lesgrains qui ont élémoiffonnés font enfermés
dans des granges où ils s'échauffent, ce qui
accélère la méramorphofe des infeéles qu'ils renferment.
Leurs papillons pondent fur les épis
qu’ils trouvent dans les granges. Lorfqu’on les
bat, 1 aélion du vanage fépare les grains vuides.
La mal-propreté des aires faites en dehors déterminant
les gens du pays à laver leurs grains,
: ils achèvent d emporter les plus légers qui flot-
tenr fur l’eau. Les payfans prévenus que leurs
• grains feront mangés par des infeéles, fe hâtent
de les vendre à des marchands qui les tranf—
portent dans le voifinage & communiquent la
contagion. D’autres les font moudre aufli-tôt -
c’eft un des meilleurs moyens. Mais les moulins
nejpeuvenr fuffire à tout, & quand les moiftons
font humides, les farines fe gâtent. Les grains
qui vont en nature dans les greniers, font ceux
où fe forment le plus de papillons.
MM. Duhamel & Tillet admettent deux volées
de papillons ; l’une qui parolt après la moiffon
& qui fe perpétue jusqu'aux fraîcheurs de Septembre
; & l’autre qui fe montre en Juin. La
première efpèce vient des Chenilles formées par
; les papillons qui, des greniers, font venus pon-
dreTur les grains aux champs. L'autre vient de
celles, qui font reflées pendant le cours de l’Hiver
dans l’intérieur des grains & qui fe font formées
dans les greniers. Cette dernière volée fe
continue jufqu’à la moiffon. On a remarqué
que les papillons de la volée d’Eré retient pour
la plupart dans les greniers attachés aux grains,
comme s’ils favoient que, dans cette faifon, il n’y
a plus d’épis aux champs. Àu-contraire ceux de
la volée du Printems fortent des greniers par
les fenêtres pour fe répandre dans la campagne ,
; depuis la fin de Mai jufqu’à la mi-Juillet.
Il arrive quelquefois que quand l’Automne
eft chaud & humide j il y a une rroifième
volée de papillons, produite par les Chenilles qui
fe font métamorphofées dans les greniers. Alors
tous les grains font dévorés.
MM. Duhamel & Tillet fe font allurés, par
tous les moyens qu’ils ont pu imaginer, que les
papillons fortoignt h nuit feulement des greniers
pour aller pondre fur les épis'dans les champs.
Ils les ont tellement épiés qu’ils les ont vu fortir
des greniers le foîr, & fe fixer enfuite fur les épis
verds. La petiteffe de ces infeéles a exigé
que les deux Académiciens, pour les voir
allaffent aux champs la nuit avec des lanternes’.
1 Aucun moyen n échappe à des hommes.éclairés
î <I«i veulent fe réunir dans des recherches utiles.