
du rez- de -chauffée , qui fervoit, en 1768 , de
magafin d’artillerie.On ellimoit que fi ces greniers
étoient bâtis à Paris, ils auroient coûté cinq
cens mille livres. On peut juger par-là combien
il faudroit d’étendue pour un grenier de deux
cent quatre-vingt-huit mille livres de blé. Il
coûteroit au moins vingt mille livres, au lieu
que la boîte ou le grenier en bois de même capacité
, porté fur des dés de pierres avec de
fortes pièces de bois, pour foutenir le fond *
reviendroit à là dixième partie de ce prix. Il pour-
roit être confirait en briques ; mais il faudroit
l’établir dans un lieu feC, & l’ifoler des murailles;
encore les fouris & les rats y entreraient - ils
plus facilement que dans le grenier de bois.
Quoiqu'il en fo it, le petit grenier dans, lequel
on avoit mis quatre-vingt-quatorze pieds cubes
de froment étant rempli, on le ferma avec un plancher
de bonnes membrures de chêne,qui joignoient
exactement; on ménagea en plufieurs endroits des
foupiraux , qui fermoient avec de bonnes trapes.
Meilleurs du Séminaire Saint-Sulpice, nayant
pas affez d'emplacement pour mettre de cent
foixante-dix à cent quatre-vingt fetiers de froment,
qu ils vouloient conferver dans leur mai-
fon de. Paris, ont fait établir dans une petite
chambre aü-deffous d’une voûte une caiffe de
bois, de neuf pieds de largeur, de douze de
longueur & de fept de hauteur; leur blé s y
efl très-bien confervé. M. Duhamel obferve qu’il
eft indifférent d’employer des caiffes quarrées
ou rondes, qu’il en a placé avantageufemeni
dans des caves à vin, faciles à fe procurer dans
les pays de vignoble, qu’on peut faire les caiffes
de différens bois, tels que le hêtre, le fapin,
le tilleul, le peuplier, pourvu que les planches
en foient épaiffes, qu’il efl bon d élever ces petits
greniers fur des chantiers, à la hauteur de
deux pieds au-deffus du fol, tant pour éviter
l’humidité de la terre, que pour reconnoître
facilement fi les rats ne les percent pas, que
fi on les confirait en maçonnerie au lieu de les
conflruire en planches, ils faut qu’ils foient
•i foies, & que la maçonnerie foit bien sèche,
avant d!y mettre du grain, que les caiffes de
bois font préférables à celles qui feraient en
maçonnerie. Quand ces greniers font formes de
planches bien jointes, les infeCtes ne peuvent y
pénétrer. Il efl bien important de n’y placer
que du blé, qui auparavant n’en contienne pas.
Faire voir que l’on peut dans un petit efpace
& à peu de frais renfermer beaucoup de blé,
c’efl ne réfoudre qu’une partie du problème.
Pour le réfoudre en entier; il faut empêcher ce blé
de s’altérer & de fe corrompre dans le grenier.
Car l’humidité qui s’en échappe, aurait produit
cet effet. Je foupçonne que les grains étant d une
nature plus sèche dans les pays méridionaux,
ils fe confervenr mieux en maffe & ne fermentent
pas suffi facilement que dans les pays feptentrlonaux,
ou d’ailleurs l’air efl toujours pim
humide. Ils font moins nourris d’eau pendant
leur végétation, & les récoltes fe font par un
tems plus fec. Ce qu’il y a de certain, c’eft que
M. Duhamel ayant voulu garder du froment
bien fec dans des lieux bien clos, comme on
le pratique à Malthe, en Gafcogne & dans d’autres
provinces méridionales, il s.’y efl échauffé
& fe ferait perdu entièrement, fi on ne l’avoit
retiré. On n’avoit pas mieux réuffi à l’hôpital-
général de Paris, en mettant du blé dans une çK
terne ; il n’y avoit d’autre moyen, que d’établir
dans le grenier un courant d’a ir, pour en chaf-
fer l’humidité.
Vn n t il a t e v r . M. Duhamel penfa à des-fouf-
flets de forge, à un foufflet cylindrique ou en
corraillet, imaginé pour renouveller l’air de la
cale des navires; mais les rats en auroient mangé
les cuirs. Il lui vint d’autres idées, auxquelles il
avoit peine à s’arrêter : enfin, il étoit dans l’embarras
dü choix quand M.Halles lui fit parvenir
un exemplaire de fon ouvrage, intitulé: le Ventilateur,
nom d’un foufflet que ce célèbre Phy-
ficien Anglois propofa pour renouveller l’air de
l’entrepont & de la cale des vaiffeaux, des galeries
des mines, des faites de malades, des endroits,
qu’il efl impottant de deffécher, & qu’il
vouloit même qu’on adaptât à la confervarion
des grains. M. Duhamel ne tarda pas à appliquer
à fon grenier le foufflet de M. Halles. Cet
inflrument, qui éroit grand, prenoit l’air du dehors
& le portoit outre les deux planchers inférieurs
du petit grenier. Quand on vouloir éventer
le froment, oh ouvrait les foupiraux du
deffus du grenier & des regifires, mis au porte-
vent du foufflet, pour empêcher les rats d’y entrer
, on faifoit agir les foufflets & lé vent rra-
verfoit fi puiffamment le froment, qu’il faifoit
forrir la pouffière par les foupiraux, & même
élevoit quelques grains légers jufqu’à un pied de
hauteur, quand on ne laiffoir au-deffus du grenier
qu’une petite ouverture pour que tout l’air
des foufflets s’échappât. Afin de porter dans le
grenier un air fec, quand celui du dehors efl
chargé d’humidité, M. Duhamel a fait bâtir un
petit fourneau de briques à dix ou douze pieds
d’éloignement des foufflets;. leurs tuyaux d’af-
pirarion répondoient à ce fourneau , qu’on
échauffoit- avec du charbon. Chaque coup de
foufflet faifant paffer dans le grenier deux pieds
cubes d’air , en huit heures, il en paffoirqnatre-
vingt mille fix cent quarante pieds cubes. Le
froment, dont M. Duhamel avoit rempli fon petit
grenier, étoit de bonne qualité. Il l’a fait éventer
en tout la valeur de fix jours dans chaque
année, fans même allumer le fourneau, ce qui
a fuffi pour l’entretenir en très-bon état ; il
n’a pas éprouvé la moindre fermentation ; il a
fallu peu de foins & de dépenfes. On feroii
objigé d’éventer plus fouyent des gremers plus
Confidérablcs
eonfidérables & avec de plus grands ^ foufflets;
la dépenfe ferait proportionnée à la quantité de
crains, qu’on aurait à conferver. Si les magafins
avoient une vafte étendue, il feroir poffible de
faire jouer les foufflets par un moulin à vent.
Son traité de la confervarion des grains contient
les détails de fes expériences fur ce fujet.
Fn voici les réfulats. ^
i.° Du froment a été confervé pendant plus
de fix ans avec la feule précaution de l’éventer
de tems-en-tems.
i.® Du froment nouveau, très-humide, germé
même, qui avoit contrarié une mauvaife odeur,
ayant été éventé trois ou quatre fois dans la
première femaine & long-tems, une fois par
lemaine, enfuite pendant les mois de Décembre
& Janvier & tous les quinze jours jufqu’au mois
de Juin, a perdu une partie de fa mauvaife odeur.
On remarque que. dans les greniers où le blé
n’a pas de communication avec l’air extérieur,
c’efl le haut du tas, qui efl le plus füjet à s’altérer,
tandis que, dans les greniers ordinaires,
le deffus du tas étant expofé à l’air, efl plus fec
& en meilleur état que le deffous.
z.° Du froment humide récemment récolté,
mis dans un grenier de l’épaiffeur de quatre à
cinq pieds, & éventé fréquemment par des
foufflets que faifoit agir un moulin à vent, non-
feulement a été defféché, mais encore a perdu
une partie de la mauvaife odeur qu’il avoit quand
on la renfermé. Quoique M. Duhamel regarde
cette expérience comme très-concluante, il avertit
cependant que ce grain aurait pu fe gâter,
s’il n’eût pas fait du vent pendant tout le mois
de Juin, époque où le blé a plus de difpofition
à fermenter. 11 croit qu’il eft plus prudent de
ne pas mettre du blé nouveau dans les greniers
de confeivation, mais de les mettre d’abord pendant
huit mois dans un. grenier de dépôt, où dif-
fèrens criblages & remuemens lui feront perdre
une partie de fon humidité. Cette précaution
ne peut convenir qu’à des fermiers : car des
marchands ont befoin d’un defféchement plus
prompt.
Etuves de M. Duhamel.
Duhamel n’eût fait qu’un travail incomplet,
s’il fe fût contenté de trouver un moyen de
renfermer beaucoup de Blé dans un petit efpace
& de l’y conferver en bon état par le renouvellement
de l’air. Il falloit qu’il allât plus loin,
& qu’il cherchât une méthode pour fe paffer
de ce renouvellement d’air, d’ailieurs infuffifant
dans quelques circonftanees. Il y efl parvenu,
en faifant étuver les blés avant de lesj. mettre
dans le grenier de confervarion. Si dés expériences
lui ont prouvé que du froment hu-
mide, éventé fouvent, s’eft de.ffeché & a perdu
nne partie de la mauvaife odeur qu’il avoit,
d’autres expériences fonr convaincu qu’avec
Agriculture* Tome III3
l’étuve feule, on peut mettre du blé en état
d’être confervé long-tems dans des greniers.
La defeription détaillée des étuves de Duhamel
confiâmes & exiflantes encore au château
de Demainvilliers en Gâtinois, près Pithivier, fe
trouve avec les plans & les deflms gravés dans
l’Ouvrage qu’il a publié fur la Confervarion
des grains. C ’efl celle du Supplément, qu’il
faut préférer, parce que Duhamel, qui la imprimé
trois ans après, a compris dans cette
deuxième defeription les changemens qu’il y a
faits. Elle fera rappellée fans doute dans la partie
de ce Dictionnaire, qui traite des InfirumeBs
d’Agriculfure.
Les blés, qui ontpaffé à l’étuve, perdent plus
ou moins de leur poids, félon que l’année &
la récolte ont été plus ou moins pluvieufes,
c’eft-à-dire, félon que le blé a plus ou moins
d’humidité ; aufîi, perdent-ils quelquefois un
huitième : fouvent ce n’efl qu'un feizième ; la
diminution a été bien moindre encore dans beaucoup
d’expériences de Duhamel.|Les blés vieux
perdent moins que les blés nouveaux.
Le grain chargé d’humidité augmente d’abord
un peu de volume dans l’étuve, quoiqu’il y
perde quelque chofe de fon poids.
Les grains perdent d’autant plus de leur volume
& de leur poids; qu’on les entretient
plus long-tems dans l’étuve.
Quoique les grains continuent à fe deffécher
quand au forrir dé l’étuve, on les étend dans
Un lieu fec, une partie de l’humidité rentre
néanmoins dans le grain, ail lieu qu’elle fe ferait
diflipée, fi l’on avoit continué à tenir Je
grain dans l’étuve. Il reprend d’autant plus de
fon humidité, qu’il fe trouve, ail fortir de l'étuve
dans un lieu plus frais, & il n’efl pas douteux
qu’il en perd plus en Eté qu’en Hiver.
Ce n’efl pas en brufquant la chaleur, qti’on
deffèche parfaitement du grain. Il faut que l’humidité
ait le tems de s’y réduire en vapeurs,
& qu’enfuite elle fe difîipe. Pour bien étuver
le grain, on doit d’abord pouffer le feu jufqu’à
faire monter le thermomètre à quatre-vingt-dix
degrés & même davantage, & tenir pendant ce
tems-là l’étuve fermée. Après une heure de cette
chaleur, on ouvre tous les évents, qui font au
haut, enfuite en fôutenant le feu à-peu-près
au même;degré, on laiffe pendant une heure
les vapeurs fe diffiper. Alors on ceffe d’alimenter
le feu, on ferme tous les regifires du poêle,
qui échauffe l’étuve & le lendemain on retire
le gtain, qu’on étend à une petite épaiffeur
dans un lieu fec & chaud autant qu'il eft poffi-
ble; on le paffe aprè's cela par un crible £
vent po.ûr lùijefiieyèr unt poudre légère, que
le de^écbernÈnt â détaché du grain, & qui donne
au pain 'un goût' de ' pouffière, lorfqu’ëlîe refie
adhérente ...au grain; aufli-tôt qu’il eft entièrement
fec '/on le mçt dans le grenier exactement
N n n