
ücation qui entraîne après foi la prohibition
des blés étrangers. Scs Magaflniers auraient perdu,
fans retour, par une adminiliration limplc, tous,
les moyens de furvendre dans les années d'abondance,
& d’opprimer, par des difettes artificielles, ■
dans les années moins heureufes. -
Il u'eft peut-être pas inutite de rapporter ici
les vrais motifs de cette gratification , que prefque
tout le monde, en France & en Angleterre, regarde
comme le fruit del efprit d adnuniflration en
matière de commerce. La gratification fut établie
en 1689 ; c’eft aufli dans cette même année que
s’opéra la Révolution , qui plaça le Ptince d’O -
range fur le trône d'Angleterre. Tous les Corps,
tous les partis de la Nation s'étoient réunis contre
le Roi Jacques I I , beau-père de ce Prince; mais
leur diverfité d’opinions fut très-marquée, larf-
qu’il fut queftion de prendre une réfolution fixe
& définitive fur le titre & les droits qu’ils accorderaient
au Prince d’Orange. Son voeu, fécondé
par le parti des Wgigts, étoit d’obtenir le titre
de Roi, avec la plénitude delà prérogative royale.
Celui du parti des Torys étoit de le réduire à
une fimplc régence avec le pouvoir royal. Après
une multitude de difeuffions, aufli longues que
vives , entre les Membres, & de la Chambre-
Haute & de la Chambre-Baffe, la Convention
porta un bill ( 1 ) , qui donna la couronne au
Prince & à la Princefle d’Orange, & l’adminif-
tration au Prince feul. Le caraftère de ce Prince
ell trop connu pour qu’il foit néceffaire d’avertir
qu’il fentit combien le défavantage de fa .
pofition , fi grand en lui - même, augmentoit
par.l’éloignement des Torys pour les moyensqui .
favoient élevé au fuprême pouvoir. Le partf !
des Torys étoit compofé des plus grands Propriétaires
du Royaume, & en particulier de tout
le Cleivé de la Haute-Eglife, à deux Evêques
près, celui de Londres & celui de Briflol. Il
parut donc très - effentiel au Roi Guillaume de
le concilier un parti fi puiffant. Parmi les moyens
qu’il crut devoir employer, celui de la gratification
pour les blés'exportés .parut un des titeik
leurs, ou pour s’attacher les Propriétaires des
terres' ou du moins pour leur fermer la bouche
fur une Révolution qui contredifoit leurs principes.
Il fit infinuer ou infinua lui-même la pro-
pofition d’accorder un encouragement pour
Texportation des grains, bien réfolu dlapprouver
tout ce que le Parlement ferait d’ayis de faire
à cet égard. C'étoit affûter & augmenter les
revenus des Propriétaires; ainü.la partie la plus
riche & la plus importante de la Nation ne pou-
voit que lui favoir gré d’une loi nouvelle , ,fi
propre à être bien accueillie. La gratification fut
propofée & obtint le fceau d’une loi de l'Etat.
( I ) Ce bill eft du 17 Février Iâ8?. La proclamation
fut faite le 2+ du même mois, % le couronnement le
zl d’ A v r i l fuiraa».
Cet encouragement eût trop coûté à rAn^le-
terre fi fErrapfereût pu le partager ; il enrroit
donc dans le. f y fié me de cette opération de continuer
à chaffef le blé étranger par des droits
exceffifs, & de pefer de plus en plus fur ces
droits , afin de les rendre équivalens à une prohibition
formelle. Qu’en eft-ii réfulte ? Ce qui
réfui te toujours des prohibitions -, le monopole.
Les Magafiniers de grains ont fpéculé d’après
rimpolTibilité de leur donner des concurrens
qu’ils puften t redouter ; ils fe font arrangés de
façon à profiter feuls d’une gratification origi-.
. nairement deftinée aux Propriétaires, & à fe
rendre maîtres du prix des grains, au point de
les faire hauffer ou baiflèr, fans que leur abondance
ou leur proportion réelle avec le befoin & la
confommation, pût avoir la moindre influence
fur les. prix des marchés intérieurs, On vient
de voir à quel point leurs manoeuvres font redoutables
pour la Nation Angloife,
Cette obfervation fait dire à l’Auteur que
j’extrais, que'la liberté entière, c’ eft-à-dire,
la liberté fur l’importation , comme fur l’expor-
tarion, eft le remède unique à ce défordre. La
gratification ceffant, il n’y a plus ni motif, rii
prétexte pour repouffer le blé étranger-, la concurrence
entre les vendeurs devient néceffaire
& générale. Ainfi , le monopole eft aux abois,
parce qu’il ne lui refte aucune reffource pour
porter les grains au-deffus de leur vrai prix. Tout
autre moyen feraimpuiffant en Angleterre, en
France, dans tout l’Univers^ parce qu’il eft im-
poffible à la main la plus robufte & la plus
flexible de tenir & de diriger les rênes, qui
puiffent faire marcher, fans fecouffes, le commerce
des grains. Il n’y a que la concurrence,
réfultant d’une entière liberté, qui, en pouffant
une multitude de têtes, de bras & d’intérêts
vers cette opération, puiffe conduire avec fuçcès
les détails & Tenfembie d’une machine fi minu-
tieufe & fi grande. J
Çomrtierce des Grains en Tofcane.
L ’Almanach d’Economie de M. Laflri me
fournit des détails fur le Commerce des grains
en Tofcane , fous ce titre : Stpria délia legge
frumentariâ in Tofcanâ.
tcOn ne trouve aucune tracede Loix fur le Commerce
des grains , avant 1285. Ce fut dans cette
même année qu on créa les Officiers des grains,
ainfi nommés, parce qu’ils étoient chargés du foin
d’en approvifionner la République. Le Commerce
étant alors en vigueur, la culture des terres.n’oc-
cupoit point l’efprit des Florentins. La même
année, on fit aufli conftruire des magafins publics
, où eft aujourd’hui l’Eglife de Saint-
Michel, & en même-tems une halle où fe faifoiï
la vente des grains.»
u Ces Officiers, au nombre de fix, changèrent*
Ae noms par la fuite des tems, & furent appellés, j
romme l’attefte Jean Villam , Officiers fur la j
lace. On leur donna, en 1333 , pour Adjoints, j
^uatre autres Citoyens qui s’appellèrenr hommes t
%s vivres. Us connoillbient des conteftations fur j
cetre matière. A-peu-près, dans le même-tems, •
on créa les Officiers des vivres ; leur v loin étoit
de régler la vente des comefiibles. La première
époque à laquelle notre Hiftoire en faffe mention, j
el de 1619. » . f
« Lorlqu on eut fait enfin une Lgliie du bâti- ;
ment où l’on confervoit les grains, on plaça des j
magafins publics dans les différens quartiers de :
la Ville. Enfin , fous Cofine 111, en 1695 , s’é-, 1
leva un fuperbe édifice, defiiné pour les grains, i
fur la place de l’ Otfeau, avec la magnifique inf- j
criprion : A la confervacion des blés pour fecourir J
ceux qui auront befoin. Rei frumentarice confer- |
yandoe, egenorumjubfedio. Cependant, malgré la J
vigilance publique . malgré les loix multipliées, j
malgré, des approvifi-. nnemens extraordinaires,
riliftoire rapporte que Florence & toute la T o f- |
cane éprouvèrent de fréquentes & daftreules •
difettes. Un Journal manuferit, trouvé dans la
maifon des Seigneurs Tempi & publié, les années
précédentes , par le père Finijcki , Dominicain, j
nous apprend que quelques-unes de ces famines j
fe font fait reffentir depuis 132.0. jufqu’à 1335.
Le tableau qu’il en fa it, eft véritablement tou- j
chant. Entr’autres, celle de 1329 fut telle que j
l’on vendoit fur la place , à un prix exorbi- |
tant, du froment mêlé d’orge & d épeautre , &
que chaque perfonne n’en avoit qu’une très- 1
petite melure. Cette vente fe faifoit en préfence
du Magiftrat efeorté de gens armés , « afin , dit j
l’HifiQrien , que, dans‘la foule prodig’eufe qui i
s’y portoit, il n’y en eût pas une grande quan- ]
tiré d’étôuffés, vu que nombre d’hommes & de !
femmes à demi - morts s’y trâînoient. Le tiers
du peuple ne pou voit obtenir du grain-, un grand
nombre parcouroit la V ille , en pouffant des
gémiffemens déplorables, au point que je n’ai pas
d’idée d’un parejl défefpoir. »
Nos Annales fourmillent d'événemens fem-
blabies. Le célèbre Doéleur Jean Targiefni- To\\etti,
dans fon excellent Ouvrage, intitulé: Di Ali-
murgia, a eu occafion de recueillir fur l’Agriculture
une fuite de trois cents feize- années, de
laquelle il réfulte que, dans ce laps de tems|
les Florentins ri*ont eu que feize années remarquables
par l’abondance, contre cent onze de
difette, C’eff-à dire , environ trente-trois années
de difette pendant chaque fiède.?j
« I l y a vingt-quatre ans, lorfque cetHomme-
de-Lettres écrivoit, c’étoit un problème de favoir
fi ces malheureux événemens, comme lui-même
étoit porté à le croire, venoient de la conftitution
Naturelle du pays, ou du mauvais état des campagnes,
dans les tems précédens, rAgricultùre
a)'ant été contrariée, pendant quelques fiècles,
par des circotiftances politiques, & plus fouvent
par les loix économiques qui lui étoient d’autan1
plus préjudiciables, qu’elles lui paroiffoient plus
favorables, jj
cc On ne peut concevoir la quantité de loix
que l’économie publique avoit imaginées & rendues,
dans l’idée que la Tofcane ne fourniffant
pas allez de vivres dans les meilleures années,
il étoit n iceflaire d’empêcher l’exportation des
denrées de toute efpèce : deux fuppofitiôns frès—
faufles, d’abord parce que le calcul des befoins
publics de marchand îles fe déduifoit mal du
nombre indéterminé des habitans • en fécond lieu ,
parce qu’en admettait le manque de coinef-
tibles, il ,falloir corriger l’Agriculture, & non la
déprimer, en faifant baiffer leur prix. Le fait
lui-même devoit faire voir à tout le monde que,
bien au contraire de ce que l’on difoit, la fécondité
de la Tofcane parvenoit quelquefois jufqu’à
faire refluer fea productions dans lés autres
Etats. Cette preuve pouvoir bien fe déduire des .
exportations qui s’accordoient arbitrairement ,
quand & à qui il plaifoit au Magiftrat des vivres.
Nous avons un exemple de cette furabondance
dans l’année 1762, par la balance du Commerce
de la même année, rapporté par Je DoCleur Pao-
Vni, dans fon Traité de là liberté légitime du
Commerce, tom. 2 , pag. 445. Nous favons qwe, ■
dans cette même année, l’exportation du froment
outrepafla la quantité de cent mille mefures,
& celle des autres grains de toure efpèce, cent x
feize mille trois cent trente-fept ; l’exportation
de la fariné & du fon de froment monta à vingt
mille fix cent douze ; la façon monta à onze
mille fepr cent quarante • fept livres. Cependant,
malgré une fi grande évidence , on perfiftoit à
I tenir les réglemens. Ce fut le 30 Juillet 1^97*
que le Grand-Duc Cofme I I I , deux ans après
avoir fait bâtir le magafin dont nous avons parlé,
pour la confervarion des grains, imagina, pour
faciliter davantage les moyens de le remplir,
de rendre une loi générale par laquelle, fous
les peines les plus graves, il défendit l’exportation
de touté efpèce de comefiibles fans aucune
exception-, & c’eft cette loi qui nous a régis jufqu’à
préfenr. On connut bien - tôt l’effet bon ou
mauvais de ce fvftême II arriva qu’à la diminution
du prix des grains fe joignit incontinent celle
du prix des terres, enforté?que les Propriétaires
J regardoient comme un trait de bon gouvernement
domeftique, d’avoir réuni leurs fermes,
ceft-à-dire, d’en avoir fait une de deux, afin
de n’avoir pas befoin de foutenir deux familles
en tems de difetre. La population diminua con-
fidérablement, non-feulement dans la Capitale,
mais encore plus dans les campagnes ; les contrebandes
& les contrebandiers fé multiplièrent;
les arts tombèrent en langeur, & le Commerce
fut réduit tout au plus aux manufaéhires de foie.
’ On peut s’imaginer da,ns quel état tomba alors la