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ferver tant par rapport à la farine que par
rapport au germe, les Agriculteurs, marchands
de bleds, fariniers, lavent bien reconnoître les
bleds attaqués par les Charanfons. Quand ils en
font percés, le dégât eft vifible pour tout le
inonde. Mais, quand les infeèles font enfermés
dans les grains, rien ne le manifefte au-dehors.
Le trou, par lequel le Charâfifon a introduit
la larve, eft fi petit qu’on ne l’apperçoit pas.
Les hommes qui en ont 1 habitude, diftinguent
le bled attaqué de Charanfons avant la lortie
des infe&es paffés à l’état de fearabée, à une
odeur particulière, à la légèreté du poids, à la
poudre répandue fur le bled que l’infeéle a oc-
cafionnée en mangeant & à la chaleur dés tas.,
Car, en mettant la main dans un tas de bled,
rempli de Charanfons, on y fent une grande
chaleur. Les places, où font les Charanfons
dans le tas, font très-chaudes, tandis que le,
refte eft frais. On pourroit encore s’en aflurer
en en jettant quelques poignées dans 1 eau *,
alors les grains piqués furnageroient. Mais les
connoifleurs n’ont befoin que de leur nez & ,
de leurs mains. _
Le to r t, que font les Charanfons fur-tout
Ceux du froment, peut être très-confidérable,
lorfqu’ils font frès-nombreux. En peu de teins,
fi l’on n’employoit aucun moyen pour en diminuer
la quantité, ils dévoreroient des maga- ,
fins entiers. On n’en doit pas être étonné, puif-
que d’après le calcul de M. Joyeufe, une feule
paire' en une année peut en produire plus
de 6oo. Je delirerois qu’on effayât de favoif
combien il faut de grains a un nombre déterminé
de Charanfons. Cet eflai exigeroit peu de
-foins. Il fuffiroit d’introduire quelques Charanfons
dans une boîte pleine de- grains, en leur,
donnant de l’air. Après l’époque ou les Charanfons
ceffent de manger, on compteroit les grains
fains.
Si le Charanfon eft un fléau dans les greniers,
il l’eft bien davantage dans les granges.
Quand une fois il y en a , il s’y perpétue^ &
©n a bien de la peine à le détruire. Ce n eft
que dans les pays, où l’on conferve du. grain
toute l’année en gerbes, qu’il exerce des ravages
dans les granges. Voici-ce qui l’y attire & augmente
fa production. Il eft rare que toutes les gerbes
aient été entrées fans avoir reçu de la pluie.,
Lorfque les moiffons font le plus favorables,
on amène à la grange des gerbes , qui font
humeétées parla rofée; car, dans les grandes
exploitations fur tout, on n’a pas le tems d’attendre
les heures du jour ou il fait toujours:,
fec. Alors il s’excite ;dans les tas une fermentation
qui caufe & entretient, long—tems, une.
chaleur propre à; la multiphcanon clés Charanfons.
Cette multiplication eft d autant plus considérable
, que le froid' pénètre difficilement au 1
îriilieu de monçeaux énormes de gerbes. Ainfi$ *
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ils commencent à manger & à fe multiplie*
dès le mois d’Août & continuent plus long-
rems, & recommencent plutôt après l’Hiver,
que dans les greniers. Ils ne font privés de
grains que pendant deux ou trbis mois. Les
batteurs s’apperçoivent que les gerbes ont été
attaquées de Charanfons,-à la facilité ave« laquelle
le grain fort de fes balles fous le fléau ;
quelquefois même l’épi s’en fépare au moindre
coup qu’on lui donne, ce qui caufe une très-
grande perte; Les grains, dont les Charanfons
ont mangé la farine, ne confervent plus que
l’écorce, qui s’écliape avec les balles, lo r l-
qu’on vanne ou qu’on jette au vent.
Des calculs, faits avec beaucoup de foin,
prouvent , i.° que f l , au i . er Mai , époque ou
dans certains pays les Charanfons commencent a
manger, on place, dans un grenier infëfté: de ces
infectes, huit fetiers de froment, mefure de Pans,
en fe contentant de les remuer à la pèle une fois
par feniaine, on trouvera, au premier Octobre,
un huitième de déchet occafionné par ces m-
fe<ües , en écorce vuide , & au moins deux
fetiers de ©ouffière réfui tant des débris de leur
nourriture. Si , pendant ces fix mois , on ne
touchoit pas du tout au froment, il feroit détruit
entièrement.
z.° Que, dans une grange pareillement infef-
tée de Charanfons, qui contiendroit en gerbes
460 fetiers de froment, le dégât peut êtreel-
timé à environ un neuvième dans le cours de
dix mois, c’eft-à-dire de la mi-Août û la mi-
Juin,'époques de la récolte & de la fin au
battage dans les pays où ces calculs ont été
faits. Les gerbes, quç l’on bat au mois de
Novembre, font autant mangées que celles
qu’on bat au Printems ; ce qui fuppofe que
ces infeéles commencent par la partie .fupé-
rieure des tas & defeendent à mefure qu’on les
baifle. Les rangs les plus près de terre fe trouvent
le plus rongés, parce que les Charanfons
font plus nombreux à la fin du battage & ont
moins de gerbes à leur difpofition.
Les befliaux mangent avec plus de plaifir les
balles de froment dont l’intérieur a été dévoré
par les Charanfons, que celles du froment qüils
n’ont pas attaqués, parce que ces balles contiennent
quelques parties de grains. Mais il
n’en eft pas de même de la paille qui eft plus
sèche & d’une faveur un peu défagréable -, les
beftiaux la mangent plus difficilement.
Il n’y a point de Charanfons dans les meu~
leS ou mois s de grains,' qu’on place toujours
à une certaine diftance des fermes. Ces animau»
ne n ai fiant.que dans les bleds récoltés & ferrés,
ne, peuvent êrre apportés des champs dans les
moies-, j’en ai eu les.preuves par l’examen de
meules, entrées dans les granges en Janvier,
Février & Mars & même en Juin. Lorfqu qn
ieâ
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les a abattu, on n’y a trouvé aucun dégât des
Charanfons. ’ ' . ‘ .
On croit que le Charanfon devore la teigne
des bleds. C’eft lè fiiul fervice qu’il rende ,
mais le remède ëft pire que l,e mal. La teigne
fait moins de tort que le Charanfon.
Plus les hommes ont un grand intérêt à la
deflruélion d’un animal, plus ils tournent leur
înduflrie vers ies moyens de s’en défaire. Aufli
a-t-on propofé & effayé un grand nombre de
manières de détruire les Charanfons dans les
greniers feulement. Car je ne connois pas d’expériences
publiées pour les détruire dans les
granges:
On a employé la vapeur de fubftances très-
aélives, des décoctions d’herbes à odeur forte,
des herbes même fans qu’on les fît bouillir,
telles qu’une efpèce de thlafpi, l’hièble, le
buis, le fenouil, la rué , & c . , les excrémens des
animaux, ceu,x des cochons fur tout, les étuves
très-cliaudes, des ventilateurs, des criblages, Peau
bouillante , &cV Tous ces moyens ont eu
des fuceès différens,*, aucun n’en a eu de complets.
' : : ’
. Les Charanfons expofés à dès vapeurs pénétrantes.,
telles que celles du foufre, de la téré^
benthine & même celle du charbon, ont pu
fe retirer ^quelquefois des greniers ou abandonner
les tas de bled. Mais ces odeurs, quand
jelles étoient concentrées, en communiquoient
«ne défagréable au froment qui la confervoit
long-tems. Lorfqu’elles étoient foibles, les Chaîn
io n s n’en étoîent pas incommodés & refloient
•dans les tas où ils s’enfonçoient, à moins qu’on
«e Les remuât. Alors leur expulfion momentanée
feulement, étoit plutôt due au défordre
qu’on occafionnoit dans leur retraite. MvDuha-
mel a renfermé du bled rempli de Charanfons
dans une caifl’e verniffée d’huile de térébenthine.
Ces infeéles ne lui ont pas paru ; en
fouffrir. Peut-être s’en fëroicnr-ils ailés dans les
premiers inflans, s’ils avoient été libres., Mais,
peu-à-peu, ils le feroient accoutumés à cette
odeur & feroient revenus au bled. Toutes ces
vapeurs, au refte • quand elles pourroient expul-
fer les Charanfons. dans l’état de fearabée ,
ne produiroient aucun effet fur leurs larves.
C’eft. dans ce dernier état, qu’ils font le plus de
dégât. Sans qu’on les voye & fans que les odeurs
les atteignent, ils rongent la farine des grains,
dans lefquels ils font renfermés.
On a propofé de mettre le'bled, pour le pré-
ferver des Charanfons, dans des caves boifées.
Mais où l’humidité feroit fermenter le bled &
le perdroit, où fi la cave étoit sèche, lé Ghâ-
ranfon, qui aime l’ombre & la tranquillité, s’y
plairoit plus qu ailleurs. Il feroit intéreffant de
l’avoir fi les bleds confervés dans les mattamo-
res, ou trous, creufés dans la terre, en pfage
en Efpagne, & dans d’autres paysichaud§, font
jAgrieulturç. Tome f f f .
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exempts de Charanfons. Je le préfume, parce
que, vraisemblablement, on y porte le bled
auffi-tôt qu’on l’a battu. Dans les pays chauds, on
bat en plein airdès qu on a récolté, & les mattamo.
res- font fans doute, comme,nos meules de gerbe,
à quelque difiancedes habitations quiferventd a-
fyîeaux Charanfons pour fe cacher..
Les étuves ou le four très-chaud peuvent
tuer ies larves des Charanfons. M. Duhamel
indique <5ô à 70 degrés. Pour tuer les Charanfons
en érat de fearahées, il ne faut pas une
grande .chaleur; il fuffit, luivant M. Joyeufe,
qu’elle foit de 19 degrés'pourvu quelle foit
fubite. .
Cette différence entre M. Duhamel & M.
Joyeufe peut s’expliquer. Ce n’eft pas la chaleur
, comme chaleur , qui tue les Charanfons,
mais l’altération de l'air quelle occafionné. O r ,
cette altération eft plus on moins prompte en
raifon de-l'efpace; il peut donc, arriver qu’il
faille do. ou 70 degrés de chaleur pour tuer le
Charanfon dans un vafte efpace , tandis que
dans un petit efpace, 19 degrés fuffifent. Ait
refte , pour rendre la grande chaleur des
i étuves & des fours aufli efficace qu’elle pourroit
l’être , il feroit néceffaire d’enfacher
avec beaucoup de promptitude tout le bled
contenu dans un greDÎer & de le mettre aufli-
tôt à l’étuve ou au four, afin qu'il ne fe fauvât
guères de Charanfons. Mais ceux qui fe feraient
échappés, attaqueraient le bled étuvé ,
comme tout autre , fi on le replacoit dans le
même grenier. On- y gagnerait feulement une
diminution de Charanfons; ce,qui n’eft point
à négliger pour ceux qui ont la facilité d employer
ce moyen.
L'aélion d’un ventilateur pour tenir les tas
de bled frais en. Eté,, ,a été rnife en ufage.par
M. Joyeufe, qui, fans doute, l’ayoit empruntée
de M. Duhamel. Car. ce dernier Savant
s’en étoit fervi auparavant à Denaînvillierx
en Gâtinois: L'un & l’autre font parvenus h
écarter ainft beaucoup de Charanfons, ces animaux
ne craignant rien autant que le froid.
Cette pratique eft fondée fur la manière de
vivre des Charanfons, & c’eft vers elle fur-tout
que l’on doit tourner fes regards. C eft de M-
Mauduyt, un des hommes les plus inflriuts dans
l'tnfeclologie, que je la tiens. Pour en profi-r
ter autant qu’il étoit en mol, j’atfait faire dans
plufieurs- greniers des ouvertures pour corref-
pondre à d’autres ouvertures qui avoient été
faites au midi. L’air frais qui s y. introduit main-
tenant- diminue beaucoup le nombre des Ch»
ranfons. Un des grands Arts-dans la conflruc-
tion des greniers, eft d’y établir des courans
d’air en y faifant des fenêtres au Nord & a«
Midi ; -je confeille de faire pofer des volets aux:
I fenêtres qui font au midi , de les fermer en
! Eté pendant le jour & de les tenir ouverts
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