
•fondi ; pour tout-entendre, tout balancer*, pour
écarter les préjuges du peuple, comme les opinions
purement fpéculatives ; pour ne rien donner
au halard, pour recueillir dans le filence les avis
des fages, plutôt que les idées des enthoufiaftes,
& pour faire voir enfin q ue , dans toutes fes
démarches relatives à l’objet le plus digne de fes
foins , elle n’a d’autre but que, le bien véritable
des Citoyens & de la Patrie.
En demandant quels font les meilleurs moyens
d’affurer Tapproviüonnement de la Capitale &
ff’y entretenir une quantité de blé & de farine,
proportionnée à fa confommation, la Municipalité
defire qu’on lui indique des moyens pour
le moment aéluel & pour l’avenir. Mais « les
moyens utiles pour l’avenir, ne font pas les.
mêmes que ceux qui conviendraient maintenant
ou pendant quelque tems, quelle fera l’époque
où ce (feront les uns, & où commenceront les
autres. Les trois Mémoires imprimés, la plupart
de ceux dont on n’a pas cru devoir ordonner l’im-
preffion, & tous les livres des Economises,
regardent la liberté entière du Commerce Ses ;
-grains, comme le plus sûr garant d’une abondance
non interrompue & toujours renaiffante.
Moi-même , dans le premier difcours de l’Encyclopédie
méthodique, partie d’Agriculture, j’ai
exprimé les mêmes idées. En effet , 1e Cultivateur
ne récolte que pour vendre-, il faut qu’il con-
vertilfe fes blés en argent, pour payer les gages
de fes domeftiques, pour fournir à fes befoins
perfonnels, pour fatisfaire fon Propriétaire &
folder l’impôt. Le Marchand auquel il vend,
n’achète que pour revendre au confommateur,
dans le moment où il trouve le plus davantage.
Son oeil vigilant, conduit par fîntérêt, parcourt
rapidement les pays qui l’environnent, & peut-
être même dans le lointain, pour découvrir où
eft le befoin & où eft l’abondance. Il fe porte
avec a&ivité d’un lieu dans un autre. Mais il
a befoin d’une grande liberté pour fe livrer à
-toutes fes fpéculations -, quand j’établiffois mon
opinion, d’après toutes ces vérités, je fuppofois
•une paix qui n’exifte pas, ou une force réprimante
dont on eft privé, ou enfin des lumières
ou une jùftice, qu’on n’eft pas encore parvenu
à établir , & que fans doute on établira. Cette
liberté de la circulation des grains eft adoptée
& décrétée même. Mais, pour la protéger, pour
la faire exécuter, les loix font encore fans vigueur.
On ne peut donc fe confier entièrement
au Commerce, jufqu’à ce que fa marche foit
allurée, & que rien ne la gêne ;'car il eft facile
de fentir que les effets font les mêmes, foit
que le Commerce éprouve des entraves de la
part dû Gouvernement, foit qu’i l ait à craindre
les violences- Tout ce que les circonftances permettent,
c’eft de faire en forte de ne pas écarter
le Commerce -, il faut l’attirer même par la nature
-des précautions que l’on prendra*
On trouve prefque toutes celles qu’on poftffoït
pr-opofer dans les. trois Mémoires, que j’ai fait
con.noître, &duÿtout dans celui de M. du Vau. .
celles, qui contient au moins implicitement,
ce que les autres ont dit de particulier. 11 demande
que la Municipalité favorife tous les
Commerçans, c’eft-à-dîre, quelle les accueille,
en leur accordant également sûreté & protection,
lorfqu’ils en auront befoin - qu elle ait fur cet
objet une fégiflation toujours certaine & jamais
vacillante ; qu’elle évite tout c e qui pourroit
eau fer une difette d’opinion ; qu’elle engage les
Commerçans à fe pourvoir au loin chez l’Etranger
, lorfque les récoltes ne feront pas bonnes
dans les -pays voifins de la Capitale ; qu elle procure
aux Fourniffeurs des emplacemens fixes,
commodes, surs & gratuits, pour emmagafiner
& fournir le courant ; quelle donnne des prix
d’encouragement aux Boulangers & aux Fourniffeurs;
quelle veille à ce que rien ne s’oppofe
à l’arrivée des denrées à Paris, & qu’elle réclame
l’infpeétion qu’elle avoit fur les grands-chemins,
canaux & rivières affluantes, puifque cette
infpeélion eft utile aux riverains; quelle reçoive
les fbûmiffions de ceux qui offriront d’approvi-
fionner la V i lle , en les faifant exécuter & re-
nouveller tous les ans ; quelle forme un Bureau
ou nn Confeil de Subfiftances, auquel on admettrait
des Fermiers, Meûniers & Boulangers,
& fur-tout, félon nous, des Commerçans capables
de donner d’excellentes idées & de furyeiHer
les approvifionnemens, pour que la Municipalité
I foit fans inquiétude.
A ces précautions prefque entièrement favorables
au Commerce, il conviendroit de joindre
celle que confeille M. Moriffe ; elle çonlifle
à mettre en réferve une certaine quantité de
farines-, qu’on renfermeroit dans des harils. La
Phyfique connoît des moyens de conferver
long-tems ces farinés, fans qu’elles fe gâtent ;
elles n’exigeroient point de foins : un emplacement
très-fec leur fuffiroit. 11 ne feroit pas né-
ceffaire de les renouveller fouvent, comme on
renouvelle celles qui n’ont fubi aucune préparations.
Ces farines ne ferviroient que dans le cas
où on feroit menacé de difette ; & on les vendrait
toujours un peu au-deffus du prix de la farine cas
ordinaire, comme le propofe M. Morifl'e. Je
crois même qu’il ne faudrait pas attendre un
grand nombre d’annéos pour s’en défaire; car ,
fi le Commerce fourniffoit avec beaucoup d’aéli-
vité & de fuite , il conviendroit de prendre des
arrangemens, pour débarrafier peu-à-peu les
niagafins de ces provifions, & de h’en plus faire.
Lorfqu’on verrait le Commerce en poffefîion des
approvifionnemens, il nous femble qu’on devroit
liipprimer l’infpeélion d’abord & enfuite fè
Bureau des Subfiftances, qui deviendraient inu-
I ‘tries, & dont i’anéantiffement redoublerait le
j zèliftes Négocians. Carilne'leur fuffitpasde néprouver
aucunes entraves réelles, de n’avoir nulle
crainte d’une concurrence trop forte ; iis voudraient
encore fe fouftraire a ^ y e u x qui les
furveillenr, & qu’ils regardent comme des efpions
incommodes de leur fortune. Ainfi, tout l’art
des Frépqfés par la Municipalité doit confifter,
dans ce moment, à favorifer, à furveiller même
le Commerce, prefque ,fans qu’il s’en apper-
çoive& à faire quelques provifions, en attendant
que l’efprit du peuple ait changé fur Pobjet des
grains; diminuer enfuite les provifions, fe relâcher
de la furveillance, à. mefure" que les
chofes s’achemineront air terme où l’on defire
quelles parviennent: ? tel doit être le complément
de l’opération. J.e ne puis me "diffimuler
que cette conduite eft difficile , pour ne pas
dire impofiible, fi les perfonnes que la Municipalité
chargera des fubfiftânces, ne font "pas
permanentes. Il faur que le fil foit toujours dans
Fes mêmes mainsj que l’on prenne toutes les
précautions néceflaires pour empêcher la négligence
ou les abus, rien de fi jufté. Si le choix
des fujets eft bien fait; ils ne-craindront jamais
d’érre obfervés& forcés de rendre fouvent compte
de ce qui leur eft confié. Mais, lorfqu’il s’agit
de diriger une machine, dont il faut bien connoître
les rouages & les refforts, pour en prolonger
& perfectionner les mouvemens, il eft néceffaire
que çé foit les ouvriers qui ont contribué à fa
_ fabrication. .
Gn annonçoit qu’en Angleterre, en Hollande
T & en Tofi ane,. où le Commerce des grains eft
I . plus ou moins libre , il n’y avoit jamais de difette.
I Cette affertion, lorfque je donnai l’extrait de ces
I Mémoiresdans le Journal-des Savans,me fit ajoufer
■ les obfer varions fuivantes: «cesexemples font d’un
I grand poids fans doute, mais eft-on bien affuré du
fait? S’il eft exaéf, connoîr-on à, fond la marche
de ce Commerce ? N’y. a-t-il pas des loix qui.
le reftreignent? A-t-on comparé les circonftances
où fe trouvent l’Angleterre, la Hollande’
& la Tofcane, avec la pofition de la France ?
Il me' femble qiï’on ne devroit rien négliger
pour fe procurer tous les~détails, relatifs au
Commerce des grains dans ces trais Royaumes.
Lorfqu’il fut queftion de la meilleure manière
d’établir à Paris des maifons de fantéx le Gouvernement
envoya en Angleterre & en Hollande
des Membres de l’Académie des Sciences, qui
en vibrèrent avec foin les hôpitaux, & recueillirent
exaéfement tous les détails de leur admi-
niftràrion. Ce quiiméreffe les hommes en état
de 'fanté , mérite autant d’attention que ce'
qui les intéreffe en état de maladie. La Ville
dè Paris pourroit confacrer quelque argent
pour envoyér dans ces pays des Obfervareurs
wtelligens, d’un efprit jufte & calme, qui ne
reviendraient qu’a près avoir pris dès renfeigne-
mens capables de fixer l’opinion fur tour ce qui
concern&leur Commerce des grains. »... LaMunicipalhé
de Paris n’a point envoyé en Angleterre,,
en Hollande & en Tofcane;. mais, par
une correfpôndance exaéte, j’ai eu fur l’Angleterre
& fur la Tofcane toutes les notions, dont
j’ai profité plus haut. U m’a manqué des facilités
pour la Hollande.
Commerce des Farines.
Il y a long-tems qu’on dit qu’il faudroit fubf-
tituer le Commerce des farines à celui des grains^
M. Parmentier le propofe, fur-tout pour le
Languedoc , pays affez favorablement fitué, à
caule de la multitude de fes moulins, de fes
ports, de fes rivières navigables & de l’abondance
& de la qualité de fes graine
On ne connoiffoit autrefois dans les environs
de Paris que le Commerce des grains. On ne
mouloit' les grains qu’à proportion de la confommation.
La moindre apparence d’une belle
récolte fufpendoit les achats & engorgeoit les
marchés. Maintenant ôn convertit d'avance en
farine la majeure parrie dqs récoltés les Fermiers
qui ont des moulins, viennent vendre eux-
• mêmes la farine de leurs grains aux marchés.
Beaucoup de Meuniers font devenus Marchands
de farine. On rie voit à la halle à Paris &
dans les marchés des environs, que des farines &
fort peu. de grains.
M. Parmentier regarde le Commerce de farine
comme utile à l’Agriculture, aux Meûniers
aux Boulangers, aux Marchands, à l'Etat, aux
Confommateurs,
i.^ A l’Àgricukure, parce que les Fermiers»
q,ui s'adonneraient à ce genre de Commerce
trouveraient dans, la Vente de leur denrée dé
quoi payer le prix du grain, les frais de mouture
& de tranfport, du bénéfice même. Us»
s’appliqueraient davantage à chercher les moyens»
de donner à leurs blés le degré de pureté &
de féchereffe, capable de mettre leurs produits
en état d’être «exportés, en cas de befoin, dans
les contrées les plus éloignées.
L ’expéri-nce a déjà prouvé que le Commerce^
des-farines d: minots,, qui eft un Cbmmérce .
confidérable, occafionnoit une aélivité favorable,
à l’Agriculture, dans les Provinces-qui avoi-
finent les Villes maritimes. On donne le nom
de farines de m/not à celles qu’on deffèche pour
les tranfporter au-delà'des Mers.
i.° Aux Meûniers; les Meûniers qui ne travaillent
que pour le Marchand ou pour le Boulanger,
feraient moins expofésà interrompre leurs
moulins. Us moudroient mieux, plus fidèlement
& à moins de frais. Ceux d’entr’eux , qui feraient '
en état de moudre pour leur propre compte
auraient beaucoup plus d’intérêt à l ’entretien
de leurs moulins & à la pêrfeélion de leur travail.
Us rentreraient dans la claffedes Meûniers-
Fariniers, &ne pourraient, dans aucun cas .être
fufpeél'és.
C c c i j