
Conferves dans de l’eau expofée au foleil, fans
qu’on p ni de en déterminer Forigine. D’ailleurs
il y a des obier valions où il faut fe méfier de
les propres y eu x , fur-tout quand il s’agit d’un
fait qui ne paraît pas s’accorder avec les loix
ordinaires de la Nature. Si le fait que je viens
d’expofer, étoit avéré en entier, il s’enfuivroit
qu’un végétal fc change quelquefois en un autre
être d’un genre abfolument différent. On fent
le danger qu’il y a de foutenir une- doélrine qui
paroît, à tous égards, un paradoxe, & qu’on ne
lauroit prouver que par des faits, contre lefquels
il n’y a point de doutes, & que je ne faurois
produire moi-même. Nous avons donné, dans
le précédent, une partie des obfervatîons, que
M. Ingenhoufz a faites fur la nature de la Con-
ferve & fur l’analogie entr’elle & plufieurs autres
végétaux ; nous completterons'cet article par un
extrait des expériences, que ce favant Phylicien
a faites fur la nature & la bonté de l’air, que
la Conferve lui a conflainment fourni, & qui
paroiffent prouver la grande falubrité de ce végétal
dans l’économie animale. M. Ingenhoufz
a prefque toujours employé dans fes expériences
la Conferve la plus commune , celle que
nous trouvons dans tous les baflins, réfervoirs
d’eau & ruifleaux, celle-ci étant dç toutes les
autres efpèces la plus propre pour de pareilles
expériences. Nous confervons, comme nous Payons
fait dans le précédent, prefque toujours
les propres paroles de ce Savant -, nous n’avons
changé que quelques mots, dont l’acception n’eft
pas à la portée de tout le monde.
Voici quelques expériences de M. Ingenhoufz ,
qu’il a faites dans les ferres du Jardin Botanique
à Vienne :
a J ’expofois, dit l’Auteur-, fix vafes globulaires,
contenant chacun cent foixante pouces
cubes d’efpace. Je les avois remplis tous avec de
Peau de fource , après l’avoir fait bouillir pendant
plus de deux heures-, cette eau avoit été
verfée dans les vafes étant encore toute bouillante,
afin quelle n’abforbât pas quelque portion d’air
atmolphériquç, en la lgiffapt refroidir à l’air
ouvert.
Expérience I .ere. L ’eau étant un peu refroidie ,
je mis dans deux de ces vafes environ un pouce
cube de Conferve des riiiffeaux, dont j’avois arrangé
les fibres parallèlement. Je liai la partie
inférieure de cette treffe en houppe, & je l’attachai
à un morceau de bois q u i, étant placé
en travers à l’orifice du vafe, empêchait que les
fibre?, chargées de bulles d’air, ne montaffent à la
fiirface de l’eau.
Durant les deux premiers jours, il ne s’étoit
produit aucun air dans les deux vafes, & même
quelques bulles d’air, qui adhéroient encore ça
& là aux fibres de la Conferve, dans le tems
qug je l’introduifis • dans ces v afe s , avoient
djfparu, ayant été abforbêes par l’eau. Le troifième
jou r^u matin, quelques bulles d’air cotn-
niençoient à fe lever de tous côtés de la Conferve
j ces bulles s’élevoient, l’après-midi, en
grand nombre & continuellement. Lorfque je
vis une affez grande quantité d’air ramaffé au
fond renverfé des deux globes, je retirai de l’un
d’eux la Conferve-, je le plaçai enfuite de façon
que fon orifice fût en haut, pour obliger l’air à
y venir. J ’y plongeai une petite bougie allumée ;
dans le moment que j’en avois éteint la flamme,
la mèche, ayant encore du charbon allumé, prit
flamme fur-le-champ, & ' brilla avec une vivacité
éblouiflante. M’étant ainli afliiré que l’air
ramaffé dans ce globe étoit de l’air vital, je
remplis de l’eau de ce vafe une bouteille ren-
verlée dans un vafe rempli d’eau bouillie-,je
mis cet appareil affez près du feu pour faire
entrer en ébullition l’eau contenue dans la bouteille
> aufli-tôt que l’ébullition commença, je
retirai la bouteille, dans laquelle fe trouva de
l’air qui étoit déphlogiftiqué. Lorfque je tirai de
ce verre globulaire la Conferve, j’obfervai que
l’eau moufioit comme le vin de Champagne ou
l’eau minérale de Selter. La Conferve , qui étoit
encore dans l’autre v a fe , continua toujours à
fournir une grande quantité d’air au foleil, juf-
qu’au feptième ou huitième jour. L ’eau de ce
vafe étoit tellement faturée d’air qu’en remuant
le vafe, elle mouffoit à l’inftar du vin de Champagne,
une partie de ces petites bulles s’étant,
par les fecouffes, détachées de ,l’eau, montoient
vers le haut du vâfe, & une grande partie fe'
fixoit pour quelque tems aux fibres de la Con-
ferve, qui paroiffoient en être toutes garnies.
Cet air ne pouvoir être produit que par le végétal
lui-même, & il étoit fi peu adhérent à
l’eau qu’un léger mouvement l’en détacha en
grande partie. Le dixième jour , le végétal com-
mençoit à fe faner, jaunit & périt. Je défis
l’appareil, & je trouvai dans la boule environ
huit pouces cubes d’air déphlogiftiqué. Il étoit
d’une bonté de trois cents cinquante-deux degrés,
c’eft-à-dire, que du mélange,d’une mefure
de cet air & de quatre d’air nitreux, il refioit
un quarante-huitième , ou une mefure entière
& quarante-huit centièmes de mefure. Cet air
étoit le plus pur que j’euffe obtenu jüfqu’alors
par le moyen de ce végétal, même en faifant
la même expérience , au milieu de l’E té, à 1 air
libre, fa qualité ayant été généralement de deux
cents foixante à trois cents degrés.»
M. Ingenhoufz explique la théorie de l’expérience
précédente, d’une manière aufli claire que
fatisfaifante \ il dit : « L ’eau bouillie, ayant perdu
par fon ébullition fon a ir , eft fort difpofée a
en abforber de tous les çorps.qui en contiennent,
& qui font en contaét avec elle. Elle abforboit
par conféquent, les premiers jours, tout lair
que la Conferve élaboroit, ainli que la peflte
quantité d’air, qui étoit refté ça & là attachas
4 ' aux fibres
aux fibres de ce végétal, iorfqu’il fut mis dans
le vafe. L’eau étant à la fin faturée de cet air,
le relie monta, en forme de bulles, vers le haut
du vafe. La quantité d’air que j’obtins de ce
vé°étal dans l’eau bouillie, étoit plus petite que
celle que l’on en obtfènt généralement dans l’eau
crûe, parce que l ’eau bouillie abforbe & retient
de l’air.fourni par la plante, autant qu’elle peut
en tenir en diffolution, au lieu que l’eau crûe ,
étant elle-même à-peu-près. faturée d’air, refufe
dabforber celui que la plante fournir. L’air,
obtenu ainli dans l’eau bouillie, étoit plus pur
que celui que .l'on obtient de ce même végétal
dans l’eau crûe, parce que l’eau crûe, contenant
<*lle-même beaucoup d’air qui n’eft pas déphlo-
gilliqué, en laiffe échapper une portion qiti diminue
la puret^ de l’air déphlogiftiqué, élaboré
par la Conferve. L’eau du premier vafe raouflbit,
lorfque j’en retirais la Conferve, parce qu’elle
étoit alors faturée de l’air vital que la Conferve
avoir fourni. L’eau de ce vafe étant fecouée,
mouffoit encore après, que la Conferve avoit
ceffé de fournir des bulles d’air vifibles, parce
que le végétal, ayant perdu à la fin fa vigueur, !
avoit' également perdu celle d’élaborer de l’air
affez fubitement pour qu’il s’en détachât fous
forme de bulles vifibles; mais il conferva encore,
pendant quelque tems, affez de vigueur pour
élaborer cette quantité d’air, qu’il falloir pour
tenir l’eau dans l’état de faruration , au moins
autant qu’il en fallait pour la faire inouffer, en
lecouant le vafe -, & cette qualité de l’eau de
mouffer, lorfqu’on fecouoit le vafe , ne ceffoit
qu’après que la Conferve avoit entièrement péri.
Cette eau ne mouffoit cependant pas toujours,
après que le vafe avoit été fecoué, pas même
à l’époque ou la- Conferve étoit dans fa plus
grande vigueur. Elle ne commençoit à acquérir
cette qualité, qu’après que le vafe avoit refté
une ou deux heures au foleil, & ceffoit également
quelques heures après que le foleil l’a voit
quitté. La raifon en eft que ce végétal, comme
tous les autres, n’élabore un air déphlogiftiqué
qu’au foleil , que cet air ne s’unifiant jamais
avec l’eau aufli intimement, que le fait l’air naturellement
contenu dans l’eau de fource , lia
quitte aifémenr, lorfqu’on fecoue. le vafe dans
lequel il fe trouve. Le peu d’attraélion qu’a
l’air déphlogiftiqué avec l’eau , fait qu’il la quitte
peu-à-peu de loi'même, n’agit plus fur les
plantes qui s’y trouvent. L ’eau privée ainfi de
Ion air, après le coucher du foleil, :perdoit fa
faculté de mouffer, & qu’elle ne regagnoit qu’après
que le foleil avoit rétabli de nouveau dans
le végétal l’élaboration de l’air vital.
Expérience 1I .C Je tenois fufpendues dansdeux
autres vafes, par le moyen de fils attachés à
des morceaux de liège, quelques pièces de différentes
étoffes de foie de couleur blanche, écarlate,
verte & brune, trempées auparavant dans
Agriculture* Tome J JL
l’eau bouillie, afin de les dépouiller de tout
air.
Il n’y avoit aucune production d’air dans le
vafe où ces pièces étoient fufpendues -, l'eau
bouillie, ayant perdu tout fon air naturel, n’en
pouvoit fournir aucun ; & les pièces d’étoffe
n’ayant pas la faculté d’élaborer de l’air, cette
élaboration ne pouvoit avoir lieu que lorfque
la corruption de ces fubftances aurait donné
naiffance à la matière verte, ce qui n’eft pas
arrivé pendant le tems de cette expérience.
Expérience I I I .e Deux autres vafes ne con-
tenpient que de l’eau bouillie. Comme cette eau
ne contenoit aucun air, le folqil ne pouvoit en
extraire ; aufli il ne s’en trouvoit pas un atôme.
Expérience IV .e J ’avois rempli d’eau de fource
le dernier de ces vafes, dont la forme St la capacité
étoient les mêmes que celles des précé-
dens -, j’y avois mis à-peu-près autant de Conferve
que j’en avois placé dans les deux de la
première expérience.
La Conferve, contenue dans ce vafe, commençoit
à fournir de l’air, peu après qu’elle
fut expofée au foleil. Le lendemain, la quantité
d’air, qui fe développoit, étoit prodigieufe. Le
cinquième jour , cette quantité d’air commençoit
peu-à-peu à diminuer,, & elle ceffa entièrement
le feptième: la Conferve périt peu de jours après.
L’air qui s’étoit dégagé durant ce tems, étoit
de quatorze pouces cubes -, c’étoit un air déphlo-
j giftiqué, d’une grande pureté, mais inférieur
en qualité à celui que j’avois obtenu dans la première
expérience. L ’eau mouffoity comme celle
de la première; expériencelorfqu’orl fecouoit
le vafe; chauffée près du feu, il s’en dégagea
une affez grande quantité d’air déphlogiftiqué.
L’eau de fource, étant elle-même à-peu-près
faturée d’air , ne pouvoit guèr-es abforber de l’aip
déphlogiftiqué, que le végétal commençoit à
fournir peu après qu’il avoit reçu l’influence du
foleil. Cet air paroiffoit donc bien - tôt fous
forme de bulles, qui montoient fans ceffe vers
le haut du verre. La quantité de cet air étoit
plus grande que dans la première de mes expériences,
parce que l’eau n’en pouvoit abforber
que très-peu, étant elle-même faturée d’air. Ge,t
air n’étoit pas d’une pureté aufli exquife que celui,
de l’expérience première, parce qu’il étoit infecté
i plus ou moins par l’air de l’eau. L ’eau mouffoit,
lorfqu’on fecouoit le vafe, parce qu’elle avoit
abforbé une bonne quantité d’air d- plogiftiqué,
ayant probablement laiffé échapper une partie
de fon propre air. Cette eau fournifloit de l’air
déphlogiftiqué, é tan t'échauffée par le feu , quoiqu’elle
ne, donne.que de l’air commun , lorf-
qu’ôn l’échauffe fans avoir été enfermée avec un
végétal. La raifon en eft que l’air vraimenten-
phlogiftiqué, élaboré par la plante, s’y étoit mêle,
& que l’air contenu dans de l’eau de la fource 1 dont elle avoit été retirée, étoit de l’air commun
K k k