
on la coupe, 8c on fépare la tête des feuilles.
On doit recueillir les Choux-fleurs dans la matinée
avant que le foleil en ait diflipé l’humidité
, parce que ceux que l’on aura arraché dans
la chaleur du jo u r , perdent cette fermeté qui
leur efl naturelle, & deviennent durs.
Revenons à notre fécondé récolte : ces
plantes étant élevées & traitées jufqu’à la fin
d’Oélobre, comme celle de la récolte printan-
nière , on prépare alors quelques couches
couvertes de vitrages , o u . revêtues de cerceaux
propres à recevoir des nattes : on garnit le
fond de ces couches d’un pied , ou de fix pouces
d’épaiiTeur de fumier , fuivant la groifeur
des plantes qu’on veut y placer-, c’eft-à-dire que,
pour les plus foibles , il faut plus de fumier,
afin de les faire avancer , & pour celles qui font
plus grandes, il en faut moins. Ce fumier doit
être bien battu & bien /erré, afin que les vers
ne puiflent pas le pénétrer, & on le. recouvre
enfuite de bonne terre & fraîche , jufqu’à l’é -
paiffeur de quatre ou cinq pouces. Les chofes
étant ainfi difpofées, on y place les plantes à
deux pouces & demi en quarré , on les tient à
l’ombre , on les arrofe jiilqu’à ce qu’elles aient
pouffé des racines nouvelles', & on ne les couvre
point trop, de peur que la vapeur du fu
mier les endommage.
Quand les plantes ont pris racine , on leur
donne autant d’air qu’il efl polfible, en ôtant
le vitrage pendant le jour,fi le tems le permet,
& pendant la nuit quand la fraîcheur exige qu’ils
foient remis ; on les fouleve avec des briques ou
autres fou tiens , pour laiflër entrer l’air frais,
«xcepté pendant les gelées, ou on les ferme tout-
à-fait 5 & même fi elles deviennent trop fortes,
on couvre les vitrages avec des nattes , de la
paille, ou du chaume de pois. Il faut auffi les
préferver de la pluie ; mais fi dans le tems doux,
le vitrage refloir delius , il feroit néc.eflaire de
les haufter, pour donner de l’air frais , & les
ôter même entièrement fi les feuilles devenoient
jaunes, & commençoient à fe flétrir • comme il
arrive quelquefois que le tems étant très-mauvais
pendant l’Hiver, l’on efl forcé de les couvrir
exaélément pendant deux ou trois jours,
alors les vapeurs produites par les feuilles flétries,
fe mêlant avec la tranfpiration des plantes,
qui efl très-abondante dans ce tems-là , corrompent
l’air , & en font fouvent périr une
grande quantité.
Au commencement de Février, fi le tems efl .
doux, il faut commencer à endurcir les plantes
par degrés, & à les difpofer à la tranfpiration!
La terre qui leur efl doflinée doit être décou^-
verte, éloignée des arbres , & plutôt humide que
fèche : quand elle efl bien fumée & labourée,
on y feme des raves douze ou quinze jours
avant d’y planter..des Choux-fleurs , afin que fi
le mois de Mai efl chaud, comme cela arrjye
fouvent, les Choux-fleurs foient préfervés des
infeéles qui attaqueront de préférence les raves
qu’ils trouveront à leur portée; Les jardiniers de
Londres mêlent des femences d’épinards avec
celle de raves , ce qui leur procure une double
récolte , leur donne l’avantage de tirer un meilleur
parti de leur terrein , & leur faciliter le
moyen de payer le loyer de leur terre ; fi ce,tte
; raifon n’a pas lieu , il vaut beaucoup mieux
ne faire qu’une feule iécolte en Choux-fleurs
afin que la terre (oit libre & débarraflee à teins.
Vers le milieu ou la fin de Février, quand
la terre efl bien préparée , & que la faifon efl
favorable , on commence à tranfplanter les
Choux fleurs. Les jardiniers de Londres,, quand
ils plantent des concombres propres à être marin
ées , ou des Choux d’Hiver entre les Choux-
fleurs , lailfenr généralement quatre pieds & demi
de diflance entre les rangs, deux pieds & demi
aux rangs intermédiaires , & deux pieds deux
pouces dans les rangs ; de forte qu’à la fin de
Mai ou au commencement de Juin, lorfque ks
raves & les épinards font enlevés, ils fèment leur
graine de concombre dans le milieu des grands
rangs, à trois pieds & demi de diflance ; & dans
les rangs étroits, ils placent les Choux d’Hiver
pour croître. & s’étendre : au moyen de cette
méihode , les récoltes fefuccédent pendant toute
la faifon.
Trois femaines ou un mois après/que les Choux-
fleurs font plantés, Jes rayes feinées- dans les
intervalles feront en état d’être houées ; en fai-
fant cette obfervation ; on les éclaircit où elles
font trop épailfes, & on arrache toutes celles qui
fe trom ent trop voifines des Choux-fleurs, parce
qu’elles les feroient filer & leur feroient nuifibles;
on accumule auffria terreautour des tiges , & on
a foin qu’il ne s’en répande point dans le. coeur
des plantes. Lorfque les raves font en état d’être
arrachées, on doit commencer par celles qui
avoifinent les Choux-fleurs , & continuer toujours
de rapprocher la terre autour des tiges à
mefure qu’elles avancent en hauteur ; ce qui les
empêchera de durcir , & leur fera très-utile.
Plufieurs perfonnet font dans l’ufage d’arrofer
les Choux-fleurs en Eté, mais les jardiniers de
Londres ont prefque abandonné cette méthode
comme inutile & difpendieufe ; car fi la . terre
efl trop fèche pour produire des bons Choux-
fleurs fans arrofement, il arrive rarement que les
arrôfemens le rendent beaucoup meilleurs ; &
fi on les arrofe une fois fans continuer , il vau-
droit mieux n’avoir jamais commencé : fi on les
arrofe au milieu du. jour, on les brûle ordinairement
; deforte, que tout confidéré , les Choux-
fleurs réuflifîent mieux fans arrofement, pourvu
qu’on aitl’atrention deramaffer toujours la terre
autour de leurs tiges, & de retrancher tout ce
qui pourroit croître trop près d’eux , afin qu’ils
puiflent jouir d’un air libre & couvert.
Quand les Choux-fleurs commencent à fructifier
, on les vilite fouvent , on tourne leur
feuille vers le bas pour conferver leur blancheur,
& on les enlève quand ils ont acquis
leur grofîeur entière. Mais lorfqu’on trouve un
Chou-fleur d’une groffeur extraordinaire , dont
la tête efl fort du d ; blanche & entièrement nette
de toute tache & ordure , l’on doit la conferver
pour feiuence on raflemble fes_ feuilles vers
le bas, jufqu’à ce que la fleur ait pouffé des
tiges j après q u o i, on ôte les feuilles par degrés,
afin de ne pas lesexpoler trop vite au plein air ,
& à mefure que les tiges montent, on détache
le refle de feuilles ; quand ces tiges commencent
à fe divifer & à s’étendre au-dehors , on. fixe
trois forts bâtons, à angles égaux, autour de la
plante avec de la ficelle , pour foutenir les branches,
qui fansce fecours,feroient en danger d’être
brifées par le vent.
Dès que les fiiiqucs font formés, fi le tems
efl fec , on leur donne.un peu d’eau avec un
arrofoir à gerbe, pour avancer le progrès des femences
& le préferver déjà nielle ,& lorfque ces
femences font teut-à-fait mûres , on les coupe ,
on les fùfpend pour les faire fécber, & on les
conferve comme les femences des Choux ordinaires.
Quoique les fleurs de cette efpèce ne
produifent pas tant de femences que ceües qui
font d’une nature plus tendre , cependant leur
qualité efl bien préférable à la quantité ; car
une once de ces femences vaut plutôt dix
fehelins que l’once des communes n’en rendroit
deux.. •
Pour fe procurer une troifième récolte de
Choux-fleurs, il faudroirfaire une foible couche
chaude en Février , pour les y femer. On la
couvre d’un quart de pouce de terre légère,
on y met des vitrages, & de tems-en-tems on
arrofe légèrement , en obfervant de foulever
les chaflîs , pendant le jou r , pour laiffer entrer
l’air. Quand ces plantes' ont pouffé quatre ou
cinq feuilles, on prépare une couche ; on les y
tranfplante à deux pouces environ en quarré,
& on les endurcit par degrés au commence-
' ment d’A v r il, pour qu’elles foient en état d’être
mifes en pleine terre ; ce qui doit être fait au
milieu de ce mois, & aux mêmes djflances que
ceux de la fécondé récolte : celle-ci produira
de bons Choux-fleurs un mois environ après
que la fécondé fera paffée , fi le fol dans lequel
elles feront plantées efl humide, ou fi la faifon
efl fraîche & pluvieufe.
On peut auffi avoir une quatrième récolte
de Choux-fleurs, étant femés vers le 2$ Mai ,
& tranfplanrés enuite comme il a été dit ci-
deffus dans un bon fo l , par une faifon favorable,
on aura de bons Choux-fleurs après la
Saint-Michel& l’on continuera d’en avoir en
Oélobre , Novembre , & même durant une
grande partie de Décembre , fi la faifon le
permet. .
J ’ai fixé des,jours particuliers pour femer,
parce que deux ou trois jours font quelquefois
une grande différence pour les plantes. Ces
jours /ont ceux qui font adoptés par les jardiniers
de Londres , qui ont trouvé que leurs
récoltes réuffi fl oient toujours mieux lorfqu’elles
étoient feméès dans.ce teins.
Les détails que nous venons de donner fur
la culture des Choux-fleurs tels qu’on les fuit
aux environs de Paris , & de celle employée
généralement par les jardiniers anglois, font
fans doute plus que fuffifarjs, pour mettre les
amateurs du jardinage en état de fe procurer
çux-'mêmes cette agréable & mue production ,
toutes les fois que leur fol & le climat ne s’y
oppolent pas abfolument. Les habitans des Provinces
méridionales de la France peuvent fe
difpenfer d’une infinité de précautions que
les jardiniers parifiens & anglois font obligés
de fuivre rigoureufement , au défaut de quoi,
ils ne parviendroient jamais à voir récompenfcr
leur peines.
Confervation des Choux-fleurs.
Dans les provinces méridionales delà France ,
? en Italie, & dans une partie de l’Efpagne , on
feme les Choux-fleurs en. Hiver , au Printems
& en Eté , félon la primauté que l’on dtfiine ;
de manière que dans ces pays on peut fe procurer
des Choux-fleurs pendant fept à huit mois
de l’année ; à la dépenle des foins & fouvent
aulîi de la faciliré que l’on a de fe procurer
de l’eau en quantité fufïifante, car ceire plante
demande à être fréquemment & copieufement
arrofée , dans des climats ; 1 où les grandes chaleurs
entretiennent une tranfpiration abondante
& non interrompue des végétaux, qui n’a pas
lieu au même degré dans le climat tempéré du
Royaume.
Dans les pays du Nord , où l’on ne jouit pas
comme en France de l’avantage de conferver
pendant tout l’Hiver des plantes potagères, fur-
tout des Choux-fleurs, on a imaginé de les conferver
dans du vinaigre, ou de les fécher ; cette
dernière méthode peut également être avanta-
geufe aux voyageurs fur mer ; voici comme s’y
prennent les Hollandais. Après avoir nettoyé le
Choux-fleur de toutes fes feuilles, & des plus
grofles peaux , on les coupe par tranches en
içngueui dei’épaiffeur d’un doigt, & on leur fait
jetter un bouillon dans l’eau bouillante, dans
laquelle on a fait fondre un peu de fe! ; on
les retire enfuire du feu, & on les laiffeégoutter
: quand ils font reffuvés , on les range fur
des claies au foleil , & deux jours après on les
paffe au four qui ne doit être que tiède ; on lés
y remet deux oy trois fois , s’il efl befoin , jufqu’à
çe qu’ils foient bien fe es ; on les renferme