
parla raifon qu’il y a alors beaucoup de fruits
fauvages dont on ne tireroit aucun parti, que
les débris des récoltes, les balayures & criblures
des greniers font plus communes, mais cette
faifon efl celle que la Nature femble avoir af-
feété plus fpécialemenr au domaine de la graifl'e.
On voit le gibier engraifler en peu d’heures ;
lesChafleurs favent vous dire qu’il fera plus gras
aujourd’hui qu’il n’étoit hier. Une journée un peu
fombre, un brouillard épais rendent louvent les
grives, qui ne val oient rien la veille , plus dé-
licieufes que les plus illufires gourmands ne pour-
roient lesmanger. La tranfpiration arrêtée femble
Je changer en graifle, & l’air rafraîchi les lai Ile
mieux germer & croître que le tems chaud.
Quoiqu’on ne fâche pas précifément à quoi
tient la difpofition à la graifl'e, il paroît que la
manière don telle croît & augmente efl une forte
d’incommodité ou de maladie dont on ne peut
que fuivre les progrès & quelques .effets -, Bordeu,
l'un des Médecins François de ce fiècle , qui ait
montré le plus de génie dans fes écrits, Bordeu,
dans fon Analyfe médicinale du fang, la regarde
comme une véritable cachexie graifleufe
qu’il confidère dans le corps vivant, fous deux
principaux afpeéls. i 0 Lorsqu'elle s’établit & que i
la graifle prend le deflus, de manière à impri- |
mer. dans le fujet où cette révolution arrive, j
le caractère de gras & de replet. i.° Lorfque
la graifl'e fe détruit, & qu’il lui arrive une révolution
comprile fous le nom de gras - fondu ;
ginfi, dès que les Cochons ont atteint le point
d’engrais convenable, il n’y a point de tems à
perdre pour les tuer; autrement la cachexie graif-
feufe, cette plétore générale, pourroitdonnerlieu
à la-maladie que nous venons de défîgner fous
le nom de gras - fondu, & la mort en feroit bientôt
la cataftrophe. Bordeu regardoit la graifle
comme Médecin ; en la confidérant comme Phy-
flologifle, ne pourrait - ©n pas la croire.une fu -
rabondance de matières alimenteufes , qui ne
peuvent s’infiltrer dans le fyflême nourriflant fé-
parédans les mailles, du tiflu réticulaire , où elle
demeure comme enmagafinée jufqù’à ce qu’une
longue abflinence, une maladie aiguë aient épuifé
les couloirs nourriciers, & lui permettent, ce
qu’on ne doute pas, une nourriture nouvelle
qui entretient la vitalité, & empêche le marafme,
& , s’écoulant à fon tems dans les vifcères où fe
fabriquent la bile & autres nourritures anima-
lifées.
Une quatrième & dernière condition pour concourir
à accélérer l’engrais des Cochons, & con-
féquemment à épargner des frais, c’efl de les
tenir conflammenr dans un état de propreré &
de repos, qui les provoque au fommeil ; quelques
Auteurs ont avancé, fans preuve,, que-ces
animaux fe plaifoient dans l’ordure ; mais c’efl
une erreur : ils n’engrai fient jamais bien, fi , renfermés
fous Leur toit, iis font forcés de coucher
dans leur fiente. M. Hervieu, que nous avons
déjà cité, a fait fur cet objet des expériences
décifives. Il a renfermé fept grands Cochons, de
. l’âge de deux à trois ans , dans autant, de cafés,
où ces animaux n’avoienr que la faculté de fe
lever & de fe coucher , fans pouvoir fe tourner.
pendant les huit premiers jours, ils furent allez
tranqnilles -, mais, dès qu’ils commencèrent à être
incommodés par leurs ordures, ils devinrent inquiets
& cédèrent de fe coucher ; .ils s’agitoient
| fans celle & détruifoient leurs cloifons, quelques
| folides quelles fuflent. Ils relièrent cependant
trois mois dans cet état; mais enfin, voyant
qu’au lieu d’engraiflèrils dépériffoient, M.Her-
I vieil leur rendit la liberté, & leur fit donner
tous les jours de la litière fraîche. L ’effet de ce
changement fur tel que , quoiqu’on ait continué
I de donner aux Cochons la même nourriture
j qu’atiparavant, ils fe trouvèrent en état, au bout
de deux mois , d’être vendus aux Charcutiers.
I D’autres Cochons de la même efpèce & du même
j âge, & qui furent nourris de la même manière,
mais dans des toits propres, acquirent, en trois
mois, un degré de graifl'e fupérieur à celui que
les précédens obtinrent en cinq mois, & ilsfur
rent vendus plus.chers.
L ’ufage dans lequel on efl dans certains en*
droits, de cafl’erles deux dents incifives-des Cochons,
& ailleurs de leurs fendre les narines,
a toujours pour objet de prévenir leur agitation
& la difpofition qu’ils ont de fouiller trop avant.
La fenfibilité du bourpir ne leur permet alors
j de fouiller fuperficiellemenr, & foit que la partie
refle long - tems douloureufe, foit par une timidité
devenue habituelle par l’accident, les dégâts
alors font moins fréquens, & ils arrivent plus
promptement à l’état defiré.
Ajoutons encore aux moyens peu difpendienx
de faciliter l’engrais des-Cochons , celui d’éloigner
des étables les grogneuis. Sans cette précaution
, ce feroit envain qu’on les furcharge-
roit de nourriture ; ils languiraient & ne prendraient
point de chair. 11 en efl parmi eux qui
s’agitent tellement que leurs voifins ne (auraient
dormir; car l’on fait que le défaut de repos retarde
fingulièrement l’engrais. La farine d’yvraie
mêlée à l ’eau de fon , efl le narcotique aflez généralement
“confeillé & ufité pour provoquer
ces animaux au fommeil. En Al face, on efl dans
l’habitude d’afîocier à leur mangeaille , tantôt
un peu de femencede jufquiame, & tantôt celle
de firamonium ou pomme, épineufe, pourap-
paifer les grogneurs & les exciter au fommeil.il
faut feulement être réfervé fur l’emploi de ces
narcotiques, & en modérer la dofe, dé peur
qu’ils n’affoibliflent l’néHon de l’eflomac, & ue
donnent de la crudité au chyle. Pour difpofer
les Cochons à prendre graifle plus promptement
encore, une faignée efl quelquefois à propos ;
mais l’eflentiel efl qu?ils foient tenus proprement
. '. . t r i de la pluie , de la lumière, du b ru it* |
de tous autres objets capables d’émouvoir les
feIAvant de fonger à engraifler les Cochons | § 8
j J g a fournir fe petit-falé& le lard, qu’on n ou-
h ie point, fur toutes chofes , de les y difpofer ,
“ e leur donnant que fort peu de nourriture
& une boiffon délayante, les deux ou trois jours
i précèdent leur entrée fous le toit pour n’en
nlus-lortir : ce préparatoire excite la'taim çhex
ces animaux, & les détermine à manger goulet-;
ment Cependant, les Anglois<'ont remarqué,,
mi’en les laiffant manger’ avec leur avidité o r - 1
dinaire, le lard devient fpongieux & plus fujet
à, rancir que celui des mêmes Cochons auxquels ;
on n’adminiftre la nourriture qu’à mefure qu’ils
peuvent la manger. Pour cet effet, ils fe fervent
d’une machine qui leur a conflaroment réufli :
c’efi une efpèce de trémie enfoncée, mais
dont une des parois efl ouverte depuis le fond >
iufqu'à quatre ou cinq pouces de hauteur,, fur'
deux ou trois de largeur : elle efl füfpendüe au--
deflus d’une auge de la capacité d’ün -pied- & '
demi cube : on jette la mangeaille dans cette trémie,
qui efl un peu inclinée, & il n’en tombe
qu’àutant. que les Cochons, en peuvent manger.
Les Anglois ont encore imaginé un autre in i-
trumenr, à la faveur duquel les Cochons, vers-
les derniers jours de l’engrais font pris par-les;
quatre patres , & n’ont de libre, dans tous leurs
mouvemens, que la mâchoire pour faire tourner -
au profit de là graifl’e tout ce, qu’ils avaient,
jufqu’au dernier moment de leur exiftence.
Les habirans de la Province de Leicefler ont
encore une manière fort aifée d’engraiffer un
grand nombre de Coche»..s à’- la - fois : ils forment
une efpèce de petite- cabane avec des pois
& des fèves fur le , bord d’un ruiflëau ; ils l’entourent
de claies, & font paffer une partie du
ruiffeau dedans | pour que les Cochons aient de
quoi boire : ils y conferyent autant de Cochons
que les pois & les fèves peuvent en nourrir;
ils les y, laiffent jufqu’à- ce que la provifion foit
conlommée,- après.quoi ils abattent la cabane,
& donnent la dépouille à manger. Par ce moyen,
iis en engraiffent un grand nombre qu’ils envoient
à Londres pour -le.fefvice de la Marine.
Le régime des troupeaux- efl un des'articles-
les plus importans & les plus efficaces de la-Mé-,
decine vétérinaire. Les précautions de les loger
falnement, de renouveller de tems-en-tems
leur litière , de»difpenfer la nourriture, ainfl que’
la boiffon fous des formes convenables & à des
heures réglées valent infiniment mieux que les1
fpécifiques les plus allurés, & font au moins des-
prélèrvarifs qui fuffilènr pour les-conferver dans
l’état de vigueur & - à l’abri d’une fouie d’ac-
cidens inconnus dans les érables bien foignées»
& bien gouvernées. Les Cochons en offrent un
exemple frappant. : ils. ont, à-la- vérité,- desrna-
Agricùlture, Tome I I I .
ladies que les efforts humains né fauroient ni
prévoiryni même guérir, mais quil' efl bon cependant
dé connoître & de combattre , par des
âge ns (impies , & fur - tout d’utre exécution facile
; car, fl les remèdes font compliqués, que
leur adminiflration foit embarrafixante & coûtent
prefqu’aufli cher que la bête malade, il y atout
lieu de craindre que les Cultivateurs, effrayés
des foins &des dépenfes, ne renoncent à prendre
là peine de les traiter, même avec l’efpoir fondé
de’ les fauver. 11 y a pour ceux qui vivent au
milieu, des troupeaux , des indicés qui décèlent '
Fêtât prochain des maladies dont les nuances
échappent même aux plus clair - voyans. Les
hommes auxquels leur garde efl confiée doivent
donc avoir les yeux continuellement ouverts fur
tout ce qui leur arrive , & faifir l’altération des
traits, qui précède une maladie facile à guérir
dabord, mais qui devient incurable quand elle
efl parvenue à fon dernier degré d’accroiflement.
Le Porcher efl le Médecin dès Cochons, comme
lé Vacher & le Berger ie font des vaches & des
moutons. Il efl intéreffant de remédier prompte---
ment à la maladie des premiers. Un Cochon malade
efl un animal timide; il abandonne fon manger,
rien ne le fourient ; il diminue à vue d oeil.
s’il ne périt pas tout - à - fait , il faut donc fe
liâter de travailler à le rétablir , fans quoi les
foins de l’éducation & les dépetïfés de 1 engrais
feraient en pilre perte. 'S'épater ces animaux
quand ils font malades, c?eft déjà un remède ;
les tenir dans une extrême propreté , en efl un
autre non moins efficace. Une. caufequi les empêche
de profiter de la bonne nourriture qu’on
leur donne, c’eft la vermine : elle les incommode
beaucoup. Leur foie efl alors hériffée. Pour
lés en débarrafler > prenez un demi- boiffeau de
cendre de bois neuf, faites la bouillir dans deux
, ou trois fcéaux d’eau , pour en diiïoudre les fels ;
étendez alors.les Cochons fur un banc, lavez les
bien avec cette le f l t v e '& frottez-lps en-même—
tems avec une vieille étrille, jufqu’à eequo toutes
les ordures de la peau:'foient enlevées; lavez
les enfuite avec de l’eau claire, & jettez fur eux
dés cendres sèches & tamiféés: les infeêles qui
les faifoient fouffrir périront ‘, & les Cochons
profiteront d’une manière furprenante.
On obferve quelquefois que les alvéoles des
mâchoires des Cochons fe gonflent; alors ils ne
peu vent1 manger ; c’ eft ce que les habîtans des
campagnes appellent dejferrer les dents. On y remédie
, en leur donnant, indépendamment de la
nourriture ordinaire, deux poignées de p.oiseruds
fbir & matin : cet inconvénient n’a pas lieu pendant
l’ufage du gland.
La taupe-grillon, mieux connue desJardimers
fous le nom de courtillitrc cpi ils avalent, leur
ëaùfe d it-on , tine maladie putride dont ils
meurent ; il faut donc éviter de Les conduire dans
Les endroits où ees infeéfos font communs. Mais
V v