
j’avoue que mes obfervations m’ont donné le
même feptïcifme. Muller, Médecin Allemand,
attribue la vénénation des Champignons à des in-
feéles qui les attaquent dans leur vieilleffe ; mais
les- fymptômes qui font l’effet de ce poifon indiquent
que ce font des principes inhérens au
Champignon plutôt que des infeétes dont l’exif-
tence eh fans doute étrangère à ces végétaux ;
le changement rapide au vert & au bleu qu’éprouve
la fubfiance de certains Champignons
eft une prévention contr’eux -, cependant, dans
phi fleurs pays , on' les mange fans inconvénient.
: '
u A Mitron , dit Pallas ( Dec. des Sav. Voy.
T: i . ) , on fale & ôn sèche les Champignons qui
forment la principale nourriture avec le pain : ils
en préparent fur - tout un qui devient bleu lorf-
qu’on le brife, dont ils n’éprouvent aucun mal. »
Cependant ces Champignons qui fe colorent à
l’air font réputés véniipetix dans la plupart des j
pays-de l’Europe.
Plufieurs Champignons font admis univerfel- ■
lement dans nos euitines, & fervent à la nourri- :
ture habituelle des hommes. La morille, le mouf-
leron , l’oronge, la chanterelle , le bole t, le
Champignon ordinaire font les plus univerfelSe-
ment connus, & ceux dont on fait l’ufage le
plus général. Les accidens auxquels ils ont
donné lieu tiennent-ils au mélange d’autres ef-
pèces , ou bien font-ils une fuite de principes
vénéneux qui fe développent dans ces Champignons
par la vétufié ou par d’autres circonilances?
C’èft ce qui n’a jamais été examiné avec une at- .
tendon bien fuivie; on attribue vulgairemeat
ces - accidens au mélangé des Champignons vénéneux;
mais, comme beaucoup de perfonnes le
penfent, & comme leur formation l’indique;
ces productions ont toutes un germe délétère
qui tient à leur fubftance,'■ & qui fe développe
plus ou moins promptement dans le cours de
la vie de l’individu, de forte qu’il fe montre
dès la jeuneffe dans'certains Champignons ; aux
approches de la caducité dans d’autres, & à l’é poque
de leur dépériffement dans ceux qui font
réputés innocens. ïl feroit à defirer qu’on fuivît
des expériences fur une queftion auffi importante
pour la fanté des hommes ; car les caufes
de cette vénénofité des Champignons étant connues
, on parviendroit peut - être à les en débar-
raffer.
De toutes les efpèces de Champignons, une
feule eft cultivée ; nous ne pouvons mieux faire
connoître le procédé qu’un ufage général a con-
facré qu’en donnant un extrait du Nouveau La-
quintynie, article CHAMPIGNON.
« Au mois de Décembre , dans un terrein fec
& fablonneux, il faut faire une tranchée de
longueur à volonté, fur deûx pieds de large &
fix pouces de profondeur , jetter fur les côtés
la terre de la fouille. Dans cette tranchée faire
une couche de fumier court, mêlé de beatrcoti^
de crotin de cheval qui ne mange point de Ion,
fans cependant employer le fumier trop gras.
Elle doit être dreffée bien également, bien foulée ■
& trépignée, être formée en dos de bahu , &
avoir deux pieds de hauteur dans fon milieu ou
fommet. Enfuite la couvrir ou gopter d’environ
un pouce de la terre fortie de la fouille , mêlée
de fable ou de terreau fi elle eft forte & compacte
; la laifler fans aucun foin jufqu’au commencement
d’avril. Alors lacouvrir de trois doigts
de grande litière fecouée, & la laifler julqu’à
la fin de Mai qu’elle doit commencer à produire.
Depuis ce teins, il faim la vifiter fouvent pour
recueillir les Champignons, & , lorfqu’elle en
donne abondamment, tous les deux jours ôter -
la litière pour récolter, aufti-tôt la remettre , &,
s’il ne tombe pas de pluie, bafliner ou donner
un léger arrofement (d’une voie d’eau par toile
de couche )• Elle doit produire au moins quatre
mois, j?
« Si la récolte excède la confommation qtie
l’on peut faire de Champignons; on peut con fer-.
ver le furplus. On lave bien les- Champignons,
on les enfile comme des chapelets, on les fuf-
pencl en. un lieu bien aëré , jufqu’à ce qu’ils
foient fecs; enfuite on les enferme cfflns des
boîtès ou facs de papier , & on les tient fè.bernent.
Lorfqu’on veut les employer, on les fait
tremper quelques heures dans de l’eau tiède;
ils reviennent, & font égaux ou peu inférieurs
en bonté à ceux qui font récemment cueillis.
Lorfque la çouche'eft épuifée , .on la détruit ;
mais il faut féparer du terreau, qui eft bon aux
ufagès ordinaires, certaines croûtes ou galettes
blanches qui s’y trouvent, & qu’on nomme blanc
de Champignon, Ce font des parties de la couche
auxquelles ont été attachées les queues d’un grand
nombre de Champignons, & qui font remplies
> de femences de ce végétal. Etant mifes en
un lieu fe c , elles fe confervent pendant deux
ans, propres à produire des Champignons fur
les meules dont nous allons donner la façon v &
plus promptement & plus abondamment, & dans
tous les tems de l’année. La meule a tous ces
avantages fur la couche ; mais elle exige bien
plus de dépenfes en fumier, plus de foin & d’attention.
»
« Près de remplacement defiiné à la meule
à Champignons, il faut entaffer du fumier de
cheval avec le crottin, l’y laifler pendant un
mois , & écarter toute volaille qui viendroit le
gratter. Faire garnir l’emplacement de la meule,
qui doit être large de trois pieds fur une longueur
à volonté, d’environ un pied de plâtre
ou de pierrailles, & les recouvrir de quelques
pouces de fable qu’on bat & que l’on égalife
bien. Cette façon eft abfolument néceffaire dans
les terres fortes & humides, & très avantageufe
dans les terres sèches, pour Pécoulenient des
eaux, pour entretenir dans la meule le degré
de chaleur néceffaire, & la préfcrver d une humidité
nuifible. Elle n’eft cependant eft’entielle,
que pour les meules d’Automne , de Pnntems
& d’Hiver ; celles d’Eté réufiiffem mieux fur
un fond frais fans être humide, & à une ex-
pôfition un peu défendue du grand foleil. Drel-
fcr J a meule avec le fumier en ta fié àl air pendant
un mois, comme on drefferoit une couche haute
d’un pied, fur ies longueur & largeur marquées
ci - deffus, & , en maniant ce fumier , en retirer
la paille longue, & n’employer que le fumier
court avec fe crottin. Lorfqu’clle eti toute dreffée,
la mouiller abondamment. Pour arrêter & empêcher
la trop, grande chaleur de la meule ,
qüatre jours après quelle a été dreffée & mouillée,
il faut remanier tout le former "dont elle
eft compofée , en retirer environ un tiers qu on
entaffe à côté, & lui fubftituer du fumier neuf.
Avec les deux tiers de fumier remanié le
tiers de fumier neuf, drefler de nouveau la meule
de longueur, fur deux pieds de largeur & quatorze
ou quinze pouces de hauteur; par conféquent
réduite d’un pied fur la largeur, & augmentée
de deux ou trois pouces lur la hauteur. Six
jours après, on.prend les galettes de blanc , on
les rompt en morceaux de trois ou quatre pouces
fur les côtés de la meule ; on place un rang
de ces morceaux de blanc à un pied ae diftance
Pün de l’autre, & à huit ou neuf pouces au —
deflûs du f o l , fur lequel eft établie la meule.
On enfonce la main dans le flanc de la meule
à chaque plan , pour faire une petite ouverture ;
on y infinue un morceau de blanc de façon
qu’il ne foit qu’à fleur des. fumiers , <k non pas
enfoncé fort avant. »
■ et Aufli-tôt que la meule eft lardée de blanc ,
on remet fur toute fa fuperficie environ un
tîëfs'du fumier- refté lorfque la meule a été remaniée
, & on la dreffe en dos de bahu, cela
s’appelle remonter la meule. Deux ou trois jours
après, lorfque le blanc eft bien attaché, il faut
battre le pourtour de la meule avec le dos d’une
pelle , afin de comprimer, maftiquer & incorporer
le blanc avec les fumiers, arracher avec
la main toutes les pailles longues qui débordent
la meule. , ce qu’on'appelle peigner la meule ;
enfuite couvrir toute fa fuperficie d’un pouce
de terre ( mêlée d’une moitié de terreau ou de
fable, fi elle eft forte), jetter par-deffus environ
trois pouces de fumier neuf, excepté fur la partie
la plus élevée qu’il ne faut couvrir que légèrement.
j ture très - mince ( d’environ un doigt ) qu’on
I nomme la cketnife , & l’arranger de façon que
les grandes pluies coulent par - deffus & nepuif-
fent pénétrer dans la meule ; ajouter par-deffus
cette petite couverture environ trois pouces de
fumier neuf qu’on aura laiffé reffuyer en tas '
1 pendant huit jours. Enfin rejet ter encore force
j fumier neuf le refte des vieux fumiers remaniés,,
avec l’attention de ne pas trop charger le défi us.
I Quinze jours après, on découviela meule juf-
I qu’à la chemifeexclufivementpour reconnoître
fon état. Si l’on commence à appercevoir quelques
Huit jours après, ajouter autant de fumier
neuf, avec la même attention pour la partie fo-
périeure de la meule. Huit jours après, retirer
tonte la couverture , nétoyer toute la fuperficie j
de la meule , des paillés & menues ordures du ;
fumier ; enfuite choifir de ce qu’il y a de plus
long dans le refle du fumier retiré , en poudrer
la meule, c’eft - à - dire, en faire une couver- 1
Champignons naiffâns, on marque avec
des baguettes tous les endroits où il s’en montre;
enfuite on recouvre bien, la meule avec les
mêmes fumiers & de la même façon qu’elle l’é-
toit ; & trois ou quatre jours après, on vient
recueillir, dans les places marquées, te qui s’y
trouve de boni Champignons ^ fans découvrir
la meule. Quatre jours après, on la découvre
comme il vient d’être dit, & fi les Champignons
ne paroiffent encore que par places, on le s .
marque, on recouvre & on revient trois ouquarre
jours apres. Mais fi elle fe trouve difpofée à produire
par-tout également, on rejette les marques,
on la recouvre, & trois jours après on vient
faire la récolte; aufti-tôt on recouvre la meule ,
j & on continue ainfi tous les trois jours, pendant
trois mois, n
î u Dans le tems des'grandes chaleurs, il faut
J tous les jours ou au moins tous les deux jours
| donner une légère mouillure, comme nous avons
dit en traitant des couches. Dans les tems froids,
il ne faut recueillir que tous les quatre ou cinq
jours, & dans les gelées augmenter les couvertures
de grands fumiers fecs, en proportion du
degré du froid, pour entretenir dans la meule
une chaleur dou-çe.. L ’Hiver n’eft pas une faifon
moins à craindre pour ce végétal que pour les
plantes potagères. »
et Toute la vigilance d’un jardinier eft nécefo
faire contre les variai ions fréquentes & fubires
de la température. Il aura différé quelques heures
de charger les couvertures , le froid pénètre la
couche & la perd. L’air devient tout d’un coup
tempéré , il n’a pas été affez prompt à décharger
les couvertures, la meule s’échauffe & tout
le fruit périt, s’il n’arrive pas à tems pour découvrir
la fuperficie de place en place , & faire
évaporer la chaleur. Cet accident arrive quelquefois
dans le cours des préparations de la
meule ; c’eft pourquoi il eft à propos de la
fonder de tems en - tems, & d’ufer de ce remède
fi elle prend trop de chaleur, n
u Dans l’E té, le tonnerre & les éclairs font
périr tous les Champignons naiflans. ïl faut
alors découvrir la meule, remanier la chemife
& la terre dont elle eft goptée, en retirer tout
ce qui eft gâté ; quelques jours après elle recommence
à produire. »