
richefle nationale. Dans cet état de chofes, &
préciférnenc dans une année ou les vivres man-
quoient, l’an 1 7 6 5 , Pierre Léopold, Archiduc
d’Autriche, depuis Empereur des Romains, fut
fait Grand- Duc de Tofcane. On fe reffentoit
encore des maux de la terrible difette de 1764,
dans laquelle tous les foins du gouvernement &
une uépenfe énorme ne purent fuffire au befoin
public. Une autre difette, qui furvint deux ans
après, ne fit qu’augmenter un mal qui n’étoit
pas encore guéri ; & enfin une affreitfe épidémie,
fuite de la mauvaife nourriture & d’une peine
exceffive, mit le comble à noire calamité. La
prévoyance du meilleur des Princes fe tourna
bien-tôt vers cette partie-, des largeffçs publiques
& particulières, jufqu’à vuider fon tréfor, étoient
un remède momentané, qui adoucifl'oit le mal
& ne le guérifioit pas. Il douta alors de la bonté
des anciennes loix & réglemens -, & , par un édit
rendu le 15 Septembre 176 6 , il fufpendit les
fondions & l’exercice du Magiftrat de Vabondance,
en rendant libre le Commerce intérieur & la
fabrication du pain, tant de froment que des
autres grains. Il en réfulta qu’auffi-tôt après cet
édit, on vit les marchés couverts de pain-, le
peuple fut content, la campagne & les provinces
furent pourvues à point, en forte que l’argent
& les fubfiflances, que le Gouvernement avoit
fait venir des pays étrangers, refièrent en grande
partie inutiles & d’aucun ufage.» ■
« Pierre Léopold, encouragé par cette heu-
reufe expérience, reconnut évidemment la vérité
de la maxime des Economistes modernes que
la liberté du Commerce des grains eft le meilleur
moyen d’affurer l’abondance. »
«Par une loi du 18 Septembre 1767, il rompit
toutes les entraves qui .gênoient. cette liberté.
Pareillement, par un autre édit du 25 Février
1 7 7 1 , il abolit tous les droits d’entrées fur les
blés & les grains étrangers ; le 24 Août 1775 ,
fut fupprimée la Société des vivres, &.on lui
fuhftitua un fimple bureau où s’enrégifiroient le
montant des récoltes & quelques autres articles:
mais, comme ces montans fe trouvèrent faux,
on fupprima encore le bureau en queftion, au
milieu de l’année 1778 , afin que le Commerce
fût totalement affranchi de toute infpeélion du
Gouvernement. ». .. ... s ;
et On conçoit aifément que le pouvoir, confié
a ces Prépofés ‘à 1’a.p pr.o vifionnem ent public ,
qui régloientle Commerce dés grains-fuivant leur
fantaifie, devoir également décourager les Laboureurs
& les Marchands, & devoir néceflairement
préjudiçier à l’activité des uns & des autres,
& par conféquent tarir les véritables fources de
la fubfiflançe publique. Ces Officiers avoient
infpeétion fur tous les Boulangers ; ils régloient
Je poids, la qualité & le prix du pain ; ils pou-
voient obliger les Boulangers à acheter une
.certaine quantité de blé pour leur trafic , au
prix qu’il leur plaifoit de fixer. Ils mettaient un
autre prix à celui qu’ils portoient au marché
obligeant tous les autres vendeurs à s’y conformer.
»
«Parce réglement, ou plutôt par ce monopole
approuvé par les loix , il arrivoit que les
provinces auxquelles on ne laifioit ouvert que
le feul marché de Florence , pour le débit de
leurs denrées, étoient écrafées par des frais de
tranfport, & de plus en plus découragées, de bien
cultiver & de multiplier leurs productions. Souvent
il arrivoit encore que ces entrées -forcées
dans la Capitale, dérangeoient l’équilibre du Commerce
, en forte que , d’un côté, fe trouvoit le
fuperflu, d’un autre le manque de vivres. Ainfi,
les provinciaux payoient quelquefois très-cher
ce qu’ils avoient apporté & vendu à bas prix.
Le Magifirat de l’abondance, ayant la liberté
dé négocier pour fon compte, prêtoit à intérêt
pour acheter des blés-, on fait que, dans les
derniers tems, chaque année lui rapportoitfept
mille cent cinquante-huit livres ; fe traitement
&. les dépenfes des Employés montaient à vingt-
cinq. mille-fix cent quatre-vingt-dix livres. Toutes
ces fournies finifïbient par être payées par le
public - c’efi, ce qui rend affez curieux l’éloge,
que fait Cinelli, de Çofme I I , dans fa Biblio-
thecâ volante, c« Il étoit, dit-il, fi peu intéreffé
>5 que le pourvoyeur de l’abondance lui ayant
» dit un jour du mois de Mars que, fi l’oncon-
55tinuoitde donner lé pain à tel prix,le tréfor
55 perdroit vingt mille piafires *, & , pour éviter
55 cette .perte, lui ayant ptopofé de faire dimi-
5 5nuer de quatre onces la mefure des pains, ce
55 Prince bienfaifant, & qui aimoit véritablement
15 les pauvres, foigneux fur-tout de les foulager,
55 non de les écrafer, voulut & ordonna que le
55 pain, malgré la propofition cruelle qu’on lui
55 faifoir, fut augmenté de-quatre autres onces la
55 mefure,& ainfi s’accommoda de perdre quarante
5 5mille écus l’efpace d’environ quatre mois.»
«On fuppofoit en quelque forte que le Ma~
gijl'rat de d'abondance connoiflbit parfaitement la
çonfommation annuelle, le montant des récoltes
& leur excédent aétuel fur cette çonfommation.
On croyoit prefque qu’il alloit jufqu’à ^prévoir
la valeur de la récolte prochaine. On s’imagH
noit qu’il lui étoit poflible de régler , la balance
à la main, pour ainfi dire, les befoins publics,
fans jamais fe tromper, foit par mauvaife foi,
foit par ignorance, foit par caprice.»
.. . çf Ceci me rappelle un fait bien .ridicule, que
nos Annales racontent de ces Officiers,- dits
„Officiers de place, Ils avoient coutume dans
quelques années, & c’étoit quelquefois dans les
plus défafireufes, de fe transporter en peyfonne,
le 3 Février, fur la tour d’ Or-fan-Michele} pour
examiner l’état de la campagne ; & c’étoit d’après
cette infpeélion qu’ilsfe.déterminoient ou non,
à faire, for tir des blés des magafins. Tout réeem^
Maeiffiarfaifeit'i:- peu -'près'la même
®10fe du haut de fon Tribunal. Il eft.hotvd j- ;
' „ter une fous, le prétexte d un fi refpeéblble
établiIfement’, oh faifoit paffer fecrette.ment dans
les éoffrés royaux ,■ de l'argent qm -repréfenWit ;
,,n impôt , qui .n’étoit'pas. mieux placérqu. exactement
répartie Quelquefois, ion donfloit aux
épargnes qui- en .réfnltôient.,;:(-quelles épargnes |
& commeelles étoient recueillies 1).de titre de j
prêt ou de dépôt de sûreté y & enfuite, lorfque la .
maffe en devenoit raonftrueufe-, on avoiprecôurs •
i une nouvelle confection de (ivres. Qu jlivifint
ce patrimoine en deux parts, fous le .titre de ;
deux abondances, l’ancienne & la nouvelle ; «t ;
les archives étoient divifées cle même.». i|gM| ;
ttDe telles inventions ne pouvoientipartir que i
de Magjftrats pénétrés de ,préjttgési, qui çroyoïent ;
leur fyfiême d'approvifionnement d autant metl- ■
leur, qu’il préfentoit plus d’afpefl:sdifférensj,
c’eft-à dire, qu’en mêmedtems qu’ils faifoient ainfi
paver infenfiblement un impôt aux pauvres gens,
ceux-ci s’imaginoient qu’on ne s’occupoit que de j
pourvoir à leur pain journalier. »»! ai' - ; . ' ' : t
«Quand ôn eut réformé ce Magifirat, qui,réel
oit la fubfiftance de l’Etat, & qui paffoit généralement
pour le Dieu tutélaire dés vivres, il
étoit tout fimple de craindre que , dans le cours
de cinq fiècles que fon pouvoir avoit duré, les
pertes ayant été -très-fréquentes & très-onéroiifes ,
elles dévoient l'être encore bien davantage.S 1 ave- i
nir, fa place n'exifiant plus, o h
Voyons comment,les chofes fe pafierent réellement.
Depuis 1767.jufqu’à préfent, nous n avons
point eu de difette * çefi-à-dire qqe la Tolcane
n’a plus manqué de vivres. On na plus fait
d’exaélions pour s’en procurer, & 011 n^a plus
contraélé de dettes pour en faire venir de l’Etranger.
Le fpe&acle effrayant., de la famine & les
malheurs des anciens temsfont finis. La campagne
a augmenté fes, enfemencemens & fes culiures,
de manière qu’à, l’oeil même du plus méfiant
Obfcrvateur , elle offre évidemment un nouvel
afpèél. Les terreins ne refient plus fans .être
vendus ; au contraire ils font augmentés de prix.
Les provinces refieu ri fient- elles n’ont pas befoin
du fecours de la Capitale, ni celle-ci du leur
pour fe fontenir. Les Propriétaires ont donné
abondamment du travail aux ouvriers -, & lesFa-
bricans, non-feulement de la V ille , maif encore
des campagnes les plus reculées, fe.prëfentent
en une très-bonne pôfture. La population s eft
accrue confi iérablèmént, & , ce qui étonné , également
de.tout côté', & , pour ainfi dire, dans
tous les, cantons. Ci s Vérités n’ont pas'befoin dé
preuvesç'il fuffit, pour s’en convaincre, de .voir
& d’interroger. Si je vôulôis faire ici une énumération
confidérable, je pourrois étendre mon
raifonnement plus loin qiiè la cir,confiance ne
l’exige, '& changer Thîftoire en un élogé' que
je n’ai pas intention de faire ; j’ajoute feulement
-Agriculture. Tome I I I .
une réflexion, c’efi que les années qui ont fniv-i
immédiatement la loi, qui a eu lieu deptiis1767'
jufqu’en 1775, ont été la plupart malheureUfes,
& qu’aucune n’a donné une pleine’ récolte. »
u: '«La combinaifon1 fi étrange & 'faite1 dans des
•circonfianoes d’abord1 fi'p eu favOrahl’e? ; d’un
fyfiême abfolument différent dë celui gùi avoit
■ été' fuivr jufqu’alors ' fut très-heüreufe danfe un
fens, en ce qu’elle démontra que la félicité de
la Tofcane étoit afiurée ; il ar riva alors qu’une
Société de Citoyens zélés pour le bien public &
-reGonnoiffans de la munificencè d’un Prince fi
.prévoyant > fit frapper une-médaille èn bronze
avec fon portrait, fur le- revers de laquelle ôn
; lifoit cette épigraphe;." Richejfes de l’Etat augmen-
i téeis par la liberté rendué ait CoHimeréè dès Grains
( Libertâte: frumeftfariâ refiittitâ, opes auélæ.).»
•- ’ « Ici fe terminent lés faits hiftôriques , qui regardent
la loi portée fur les grains en Tofcane ;
mais fes utiles conféquences ne finiront qu’avec
elle, & même elles fe feront de plus en plus fentir.
Les grandes opérations ont b'efoin dë mûrir pour
faire Connoître leurs bons effets. Peu'-.à - peu
c'eflbra la réfiftance naturelle â ce qui ëfi noüVéàu.
La maffe dés biens s’augmeritèrà!; la ràifon préhclra
plus de force i on aimera mieux la liberté 'que
les fers, dans une affaire anffi'importante qùè
-l’eft celle de déliér les'bras àtix hommes & d e
-leur laiflei librement ufer dés moyens de fe pro--
curer leur fubfiftance.» ■
J’ ai penfé que je fefôîs<plaifîr, en traduifant ce
tiiorceau.-
L ’expofé des détails ;précëdéns parott donner-
1 lieu aux conséquences i& aux,réflexiôîis fuivantes :
L ’adiriiniftfation des grains de la Turquie eft
contraire à l’intérêt de l’Agriculturé & à là juftice,
qu’un Gouvernemëht doit à tous les individus.
Ces'belles contrées pourroién t être le grenier du
mohde entier, comme la Sicile l’étoit autrefois dé
beaucoup dé pays. Les faininés à la vérité, y
font rares à; caufë de la fôbfiété^es fiabitans &
de r'abondance des récoltés'de la Morée, de la
Vàlàchie, là Moldavie , là Baffe - Anatblië, la
Syrie, l’Egypte, &c. -, mais elles le feroientencore
davantage, & les Turcs mangefoîent du pain de
meilleure qualité , fi Te Commercé des, grains y
jôùifloit d’unë' entière liberté. On culm’eroit plus
de térrein, lôt-fqu’on au roi 11’ efp crance de fe défaire
des produéiioùsi, .Le blé ferait' pour ’fes Turcs
Und branche importante de Commerce;'mais ils
né peuvent y compter y tant que, dans leur pays,
on'jfiSêrà arbirrairfeibent lé prix des blés, tant
qu’on fera violence aux Boulangers de Confiai!-
tinoplê, pour -acheter ceqx qui arrivent dans forj
port y tant qùe lés Pachas, Beys, Aghas, &c,
exëfÉérônt, 'à- leur gré, des confifeations & des
vexations.
- Le Gouvernement François h’a ’iamais eu de
principes fixés fur l’adminiftration des blés.. Tan-
tôt- laiffanC aller l’exportationy tantôt l’arrèiant,
B b b