
& toutes les fois quon s’occupôit des moyens
de réformer les Corvées publiques, on perdoit
de vue ce principe qui pouvoir féul les rendre
supportables, eu fient-elles été plus dures encore,
parce qu un individu fouffre plus patiemment un
mal qui lui eft commun avec tous les Membres ,
de la Société à laquelle il eft attaché. Premier
obftacle aux efforts des amis de l’humanité pour
réformer le régime des Corvées.
Mais enfuite, il exifte.un autre principe, tout
auni vrai, tour auffi falutaire que le premier,
c ’eft que, lorfqu’il s’agit d’utilité publique, il
saut tendre à ce but de la manière la plus efficace
& la plus parfaite. Il faut donc choifir, non-
feulement les moyens les moins onéreux au Corps
de la Société en général, & à fes Membres en
particulier, mais encore la voie la plus fùre pour
rendre ce travail plus parfait, plus utile & plus
durable, s’il eft fufcc.ptible de durée. Or, comme
il y a une grande inégalité de forces & d'intelligence
dans les différents Membres de la Société,
il s’enfuit que tous ne peuvent pa? être enr-
}) lo vés aux Corvées publiques avec le même fuccès •
& de la même manière. Ainli, en forçant, fous le *
prétexte d’égalité, tous les Membres de la Société,
fans diffinérion, à contribuerde leur perfonne à
1 exécution des Corvées, on commettront deux
efpèces d’injuflices ; une injuftice grave-envers la
Société toute entière, puifqu’év idem ment toutes
les parties du travail qui lui le roi t né-effaire,
ne pourro ent être ni auffi bien, ni auffi promptement
exécutées*, une injoffice particulière envers
les individus de cette Société qu’on forceroit à
«rt travail dont la nature de leurs forces ou de
leur intelligence, les rendroir incapables, & qui
par-là même feroient beaucoup plus grévés que
rôtis les a’:très, de cette efpèce d’impôt, quofi-
qu ils en diminnâHènt l’utilité. Les financiers n’ont
jamais examiné ce problème fousce point-de-vue,&
Ç âétéirn nouvel obftacle aux réformes proj-. trées.
On dira peut-être qu’il ÿ .a un movén tout
fimple de s’épargner cette.folution ; celui de convertir
les travaux en a-getu impofé fur cbaqiie
Membre" de la Société à raifon de les facultés.
Au premier coup-d’oeil, ce moyen paro't en
effet d’une exécution très-facile. Cependant il
eftpoffible défaire quelquesobferv.ations qui arrêter
t un Adminifbatetir fenfible & éclairé, quoiqu’elles
ne frappent pas un calculateur financier.
Il faut d’abord confi lé'rer qu’il eff dés cas où
il efl peut-être rrès - prudent & très ■ jufte de
lai fier-, à cet éga d , la plus grande liberté ux
Citoyen-; qu'il y a tel temps de l’année où- un
habitant de la campagne .donnera plus volontiers
vue, deux, trois de fes. journées que de payer
j'e plus léger impôt en argenr; que beauc mp de
journaliers étant hors d’état de détacher de leur
cain la plus petite portion repréfentarive de la
j orvée, s’y prêteront volontiers lorfq. ’ils fau-
*** que la récompenfe du travail de leurs bras,
eff affurée par ceux de leurs Concitoyens qui ne
peuvent offrir les leurs.
Il y a encore une autre confédération qui n’eft
malheureufemenr que trop important., c’eff qu’il
efi toujours dangereux de convenir en impôt
pécuniaire pour tout le monde r un travail iikk
mentané. Cet impôt n’eft d’abord annoncé que
comme devant durer autant que le travail | mais
cette fource de revenus une fois ouverte les.
befoins de 1 Etat ou de fes différentes parties-
renaiffent à chaque inftant, & il efi bien difficile,
pour ne pas dire impoffible, aux Admi-
nifirateurs de la. fefmery quand ils peuvent
détourner vers d’autres dépenfes. Ainli, un impôt
qui ne devoir être que momentané & appliqué-
à une dépenfe déterminée, fe prolonge d'abord
pour être appliqué *à une autre dépenfe & finit
par devenir perpétuel. On en a plus-d’un exemples
. Cetre raiion feule fuffir pour combattre avec
quelque avantage, la comerfion torale de la
Corvée en argent ; en va in nous parleroit-on de
la fageffe & de l’humanité des Gouverneinens
& des Adminifirations; ils tendent fans ceflé à
fe détériorer; & une malheureufe expérience
mille & mille fois référée dans les,Annales du
monde, nous prouve allez que cette remarque
n’a pas de quoi rafltrrer l’Ami de f humanité..
Qu’on ne nous dife pas que cette difeuffion
ne peut-être aojourd’hni que fart inutile , puif-
qu on a fitpprimé les Corvées. Si nous avons prou- ■
! vé qu’il efi: des cas où la Loi ne fairroir proie rire
ce qui étoit compris par beaucoup de perfonnes
fous le n om de Corvées, & que nous appellerions
, pour nous conformer à cette idée, Corvées |
de convention, de particulier à paniciMer, il
nous fe oit peut-être encore plus facile de démontrer
que la fuppreffion totale des Corvées
pu'lignes, t.Iles que nous le entendons-, eft
impoffible par le fait.
O n p eu t b ien d i r e , & l’ A d m î n i fira rion peut
c o n v e n i r , q u e d é fo rm a is tels & te.s ouvrages
n ou r le f quel s o n em p l- y p i t la v o ie des C o r v é e s ,
fe r nt faits aux d ép en s d u 'T é fo r p u b lic : mais
c e t t e re fo lo r .o n ne < én u-if en rien e q u e nous
a v an ço n s . En f f r , une C o r v é e p u b liq u e , c’cfl
à-d ire , L s effor es de t !U| fes- C i to y e n s p o u r a ch e v e r
un O u v a g e qui ex ige leu r c o n c o u r s ; , efi comman
dée par les circon ftan t s, & fou vent par des
c i r e o ' f im e e s im p ré vu e s . Q u i peu t rép o n d re que
tôt « u tard c e s cii co n fia n c e s ne fe p ;é lém e n t
p a s? N’avons-nous pas vu tou tes les claffe s de
C ito y e n s , an in ées par l'am o u r de la lib e r t é ,
s im p e le r e u x -m êm e s des C o r v é e - v o lo n ta ir e s ,
m Ile fois plus pén ib le s cm’au eu ne de> ce lle s qui
ont jamais éré rdo> n > o ? L 1 u r fo ù r c é é to it plus
pu re à la v é r ité : ma:s il p eu t fe p r é fen te r telle
c i r c o n fiance, ou le p eu p le pÊi-is ca lm e & déjà
a ç cp i’ tun é a x d u e c iir sd ’un g o u v e rn em en t lib r e ,
air b e fo in d’ê tre ap p e lé & p r e f ie , p o u r des tra*
Y au x au ffi u tile s à la S o c ié té .
H eff fionc infiniment important aux hommes
d’Etat de méditer les principes fur lefquels doivent
repofer ces impôts momentanés, de calculer les
effets que peuvent produire leurs différens modes,
de voir jufqù’où peut les conduire l’amour &
la certitude du bien général, & à quel point
ils doivent être arrêtés par la juffice & le ref-
peét dûs à la liberté. C ’eff principalement ce
que nous nous fommes propoiés dar.s cet article,
laiffantà ceux qui traiteront des travaux publics,
des détails Etrangers à nos vues.
Ainfi, on a pu recueillir dans ce que nous avons
dit qu’une Corvée dùe à l'Etat doit ellentielle-
ment, i . c porter fur des travaux reconnus d’une
utilité générale ; 2.' être dirigé par les moyens
les moins onéreux pour chaque clalfe de C itoyens,
& en même-1 temps les plus propres à
faire exécuter les travaux avec prom ritlide &
perfection j $.° être fupportée également par tous
les Citoyens fans diiîi notion, le Ion la fortune,
les forces & l’intelligence de chacun, & toujours
de manière que ceux qui nom rien, trouvent,
en y contribuant, de quoi les dédommager de
la perte que leur induitrie éprouve d’ailleurs.
Mais én cette matière, comme dans beaucoup
d’autres, la théorie n’eit rien, fi elle n’eff appuyée
par la pratique, & malheurcu ement
le génie, en France, s’efi trop peu exercé für
ce qui ti nt au bien de l’humanité. Cependant
nous avons un exemple à offrir; &■ il y auroit
autant de mal.idreïfe que d’ingratifude à le paflër
fous filence. 11 fur donné par le Miniltrê dont
trois Prov inces béni lien t encore la mémoire , &
qui ne lut accufé que d’avoir voulii opérer le
bien public, avec trop de promptitude & d'é dé-
fintéreffement, lorlqu’il fut placé à la tête de
nos Finances.
Il n’eff perfonne qui ne reconnoiffe à ces traits
M. Turgot, ce Miniftre dont les- vues furent
toujours dirigées vers le bien de la Patrie & qui •
connut, mieux que perfonne, les devoirs d une
place fi difficile & fi importante: Plaçons-nous
a,ec l’Auteur eftiinable des Mémoires fur fa Vie
-K fes Ouvrages, au moment où il entreprit 1 o' 1
Ipération importante de la deftruétion de la Co- vée
flans la généralité de Limoges, alors confiée à
les foins. Nous emprunterons, autant que nous
Jh pourrons, les expreffions mêmes & les ré- |
flexions du Biographe. 1
A cette époque, ce n’étoit plus une queftion
^'ez les gens qui s’occupent du -.bien public ,
e lavoir s’il étoit avantageux & jufie d’abolir
■ ,a On n’a voit point oublié que, félon
I es Conffitutions des Empereurs & l’antique &
y niable droit de /la France, nul ne devoir être *
:e,î1Pr de contribuer àf la réparation dés che- i
L 1"5* On citoit une Ordonnance de Théodole |
II pS Ô^piiûlairês de nos Rois, qui difent que \
(M js e^c3-mêmes y fdnt alfujetties. Auffi ?
I • ftttgot vit fon enireprifé appuyée par J.e
vceu public, îorfqu’il la commença en Limouffn...
Lorfqu’il l’eut exécutée, il fut univerfeliement
applaudi. Le fuccès perpétué pendant douze années
contribua beaucoup à fa réputation. Cependant
les Limoufins n’avoient pas d’abord été
faciles à perfuader. Il leur paroiflbir fi érrangë
que leur Intendant fit un grand travail, & prit
beaucoup de mefures. & de peines pour leur
épargner celle'de faire gratuitement les chemins,
qu’ils s’imaginoient qu’il y a voit peut-être quelque
piège caché fous cette opération.
Il eft vrai, dit l’Anonyme, que la forme que
M. Turgot a voit été obligé de prendre, étoit
affez compliquée, & dèmandoit d’être développée
avec foin. La crainte-que le Gouvernement ne
détournât à un autre ufage les fonds deflihés
aux chemins, étoit la feule objection au projet
de les faire à prix, d’argent , qui ne fût mal-
heurculèmenr ras àbfurde, & la feulé qui eût
empêché M. Trudaine, alors chargé de cetre
Adimniffrarion , de prendre depuis long-temps
ce parti. M. T rgot imagina de profiter de l’infi-'
truètion donnée, en 1737, aux Intendant, & qui
les autorifoit à faire exécurer, par des ouvriers1
payés, les tâches, des paroiffes qui ne s’en feroient
acquittées i & à impofer enfuite la valeur
1 dé' ce travail fur la Paroiffe. Il pro ofa aux Pa-
I roiffes qui âvoient des tâches à rempbr, de délibérer
pour les faire lai e à prix d’argent, par
j adjudication au rabais, & de s’obliger p'àr leur
j délibération à en foldcr 'a déoenfe ; leur pro-
1 mettant d’avoir égard, dans le Département dés
j impdlitions, à cette dépenfe qu’ils au r oient faire,
i comme dans le cas- d’une grêle ou dan^ celui
| jd’une, conffruéVon de presbytère, & de leur
accorder, en conféqnen e, une modération fur
; l’impolition ordinaire, égale à la valeur de la
! foimne qu'eilës auroienr p yée pour les chemins.
De cette manière, chaque Pliroiffe limitrophe
des routes fe trouvoit engagée directetneneilr envers
l’adjudicataire de-fa tâche II n’v avoit p >înt
•dé'fonds liBrçs dOnr auc me autorité pùr s’emparer
; il n’y-avoir qu’une créance exigible d’uta
particulier entrepreneur contre une Paroiffe. La
roralité de la valeur dés adjudications de la Province
s’ajoutoit à la irialfe des imo (irions ordinaires,
& fe trouvoit répartie fur toutes les
paroiffes’, au marc la livre de la raille. Celles
qui avoierit favt l’avarice: étant dé hargëéspar
forme de modération, du montant dé cetre
avance, f trou voient ne paver en réfulrar que
leur quote-part dé; la contribution générale.
Ce plan, comme on voir, étoit fort imparfait,
& s’il' avoit Ta van tage de faire porter cette
d penfe publique fur toutes les paroiffes, au lieu
d’en fur'charger les feules paroiffes voifine- des
atfeliérs, s’il diminuoit encore le fardeau d’une
autre manière, én le faifant r a r rager aux habitan9
des villes taillables, dont plufieursétoicntexempts
de Corvée, il lui manquoit la condition effen—