
peut-être , ■ dit—on , juf^u’à deux pieds dfltlS lu
terre ; tous les blés périrent (O , excepté dans 1
quelques vallées, que des montagnes couvroient du j
côté du nord. On vit alors reparaître toutes les j
mauvaifes pratiques que la cupidité du gain produit, j
& l’on y oppafa les mêmes remèdes, dont on
avoit fait ufage pendant les trois-dernières difettes. |
Une Déclaration du R a i, du lÿ Avril 1709 , ;
obligea, fans aucune exception, quiconque pof-
fédoit des grains , à en déclarer la quantité aux
Juges des lieux. 11 eft bien renia- quable que cette
Déclaration attelle la notoriété de la fur-abondance
des grains, dans le moment, même où le
monopole faifoit éprouver, à la France une
famine générale. Une longue fuite de récoltes abondantes.
. . . avoit fait defeendre les blés à. un f i
bas prix, que les Laboureurs & les Fermiers.ne
Je plaignaient que de la trop grande quantité de
grains, dont ils étoient embarraffis ; ainli, nous
avions lieu d'efpérer que . . t . . nous n’aurions
point à craindre qu’une cherté excejjive fuçcédât,
en un moment, h une abondance onéreufe, Nous
apprenons néanmoins de tous côtés que le prix
des blés eft conlidérablement augmenté, & nous
fommes informés.... que cette augmentation
fubite doit être attribuée, non pas au défaut de
grains, dont nous ne pouvons douter, qu’il ne relie
une très-grande quantité dans le Royaume, mais
à l’ avidité de ceux qui voulant profiter de la
mifère publique, ou impatiens de le dédommager
de la perte qu’ils ctoient avoir faite par le bon
marché, où ils ont vu les grains, pendant plufieurs
années confécutives, les refferrent avec foin pour
attendre que la rareté apparente du blé l’ait fait
monter à un prix encore plus haut que celui auquel
il eft à préfent. js~~¥oilà les faits qu’attelle
Louis X IV , dans le Préambule de la Déclaration
du 17 Avril 1709. . .
Un Arrêt du Parlement, du 7 Juin de la
même année , réduifit à deux fortes de pain,
l'un bis blanc & l’autre bis , le pain qm ferait
expofé en vente dans les marchés & dans les
Boutiques des Boulangers. On établit une Chambre
pour juger les procès1 criminels inftruits dans
les différentes Provinces du Royaume contre les
abus & malverfations qui fe multiplioient de jour
en jour , dans un commerce qui n’étoit alors
qu’un monopole. Pour alfurer la fubfiflance actuelle
& la culture, de laquelle dépendoient les
fubfiftances à venir, il fallut intervertir le droit
des propriétaires & des Fermiers concernant les
labours & les femences, & le tranfporter à leurs
créanciers ou à toutes autres perfonnes qui voudraient
en faire les frais. Le paiement des dîmes
(1} Cene fut pas fans doute la force de la gelée qui fit périr
les blés j car , en 1789, la récolte a été de la plus grande
beauté , quoique, pendant l’Hiver précédent, la gelée eût
pénétré jufqu’à trois pieds de profondeur dans les terres
labourées.. Voye\ GEr.it.
eccléfiaftiques oti inféodées, des champarts, des
terrages, les arrérages des cens, rentes financières
& autres redevances payables en grains, tout %
aflujetti à un ordre nouveau, jufqu’à ce qu’une
récolte heur en fe eut triomphé du monopole
qui triomphoit alors de la Loi & de l’autorité.
Enfin , quoique l’abondance des années précédentes
eût été portée au point d’être onéreufe
que l’Adminiftration ne pût douter qu’il ne reflàt
dans le Royaume une très-grande quantité de grains
&. que leur rareté apparente ne fût l’ouvrage de
l’avidité & du monopole, on n’a point d’exemple
| qu’il y air eu de difette f i giandc que celle qui
i arriva en l’année 1709. Elle fut générale par tout
| le Royaume , & fe fit fentir avec vit-lence dans
tous les lieux hab tés. »■
Js n’ai parlé, d après l’Auteur, que des épo-
I ques de cherté depuis 1.660 jufqucs & y compris
I celle de 1710. 11 y en a eu une encore en 1775
j & 1774, une en 17 2 s , Une en 1741, une en
1766, 1769,1770, 17 7 1 , une en 1789, 1790, une
en 1792. Ainfi, dans I’eft ace de cent trente an-
' nées, le Royaume a effuyé vingt-trois années de
cherté, dans lefquelles le froment a valu plus
de 3c livres le fetier -, dans plufieurs même , il a
valu plus de 60 livres, i l y a lieu de préfümer
que ces chertés ont été occafionnées par les
mêmes caufes.
Ces faits bien médités, continue M. Abeille, &
ils méritent de l’être par tous ceux qui font
fenfibles aux malheurs de la Nation , publient à
haute voix que nous n’avons point à craindre de
difettes réelles, que ies funeftes effets des difettes
apparentes}c efi-k-àire, des difettes qui exiftent en
même-tems que Vabondance, n’ont point d’autres
çaufts que les manoeuvres du monopole , que le
monopole réveillé par le défaut de concurrent, enhardi
& fortifié par les frayeurs qu’il fème dans
les efprits, fe fait un rempart invincible contre
l’Açlm inifi ratio h & de la frayeur du Peuple, &
du défaut de concurrens ; que, s’il fuffit pour déconcerter.
le monopole , de lui préfenter une
foible image de la concurrence par la vente de
quelques muids de grains tirés de l’Etranger,
il eft évident qu’une concurrence générale eft le
moyen unique, prompt & infaillible de l’anéantir.
La concurrence ne peut être générale qu’en attirant
fur nos ports les fpéculatiens des Mar*
1 chands étrangers; & l’on ne peut y parvenir qu’en
établiflant une entière liberté à la fortie. L’in-
I rérêr de ces Marchands, les avertit de ne point
entrer dans des ports d’où ils n’auroient point
1 la liberté de fortir, lorfque, par l’effet de leur
concurrence, leur denrée tomberoit au-défions
de fon prix. En un mot, l’intérêt eft le mobile
de tout Commerce licite ou illicite- C’eft lui qui
anime les monopoleurs ; c’eft lui qui fait faire
les fpéculations, d’où naît la concurrence, les
agens du monopole ferment les greniers, ceux
de la concurrence les ouvrent, La même clef
fert aux uns & aux autres ; l'intérêt. Il ne s’agit
que de l'arracher aux mains deftruélives, pour
la livrer aux mains fecourables^i).
Pour fe convaincre de plus en plus de la fo li-
fijté de ce principe, il eft peut-être utile de jet*
ter un coup-d’oeil fur le Commerce des grains
en Angleterre, & fur la difette qui a régné en
1765 & années fuivantes. _
Commerce des Grains en Angleterre.
Les principes du Commerce des grains en
Angleterre ont été développés dans un Mémoire
qufparut au mois de Mars 1764. IM. Abeille,
dans l’extrait fuivant, en donne une idée fuf-
fifante pour bien juger des caufes de la difette de
1765-
DeDuis 1689, les Angrois accordent une gratification
à ceux qui exportent des grains. Elle
celle lorfque les grains montent à 48 fchellings
le quarter (2). A l’égard de l’exportation , elle
eft toujours permife à quelque prix que les
grains puiflent monter , à moins qu’elle ne foit
interdite par une dérogation exprefle. La gratification
a pour objet l’encouragement de la
culture nationale; ainfi, pour empêcher le blé
étranger d’en profiter par des réexportations, on
a été forcé d’en interdire l’entrée en les chargant
de droits exceflifs.
Ces droits ne font pas fixes; ils varient fuivant
le prix du blé national. Quand le blé anglois éft_
à bon marché, les droits d’entrée fur les grains
étrangers font exceflifs ; quand au contraire lès
blés montent à un haut prix, & qu enfin ils deviennent
chers, les droits d’entréé fur les grains
étrangers diminuent en proportion de l’augmentation
du prix du marché. S i , par exemple, le
blé vaut en Angleterre 30 à 45 livres le fetier,
argent de France, au moment du départ d’un
de nos vaifîeaux, le Négociant François compte
qu’il paiera en arrivant 4 livres 10 fols de droits
d’entrée par fetier; mais fi pendant la trâvferfëe
quelque révolution fur le prix des grains les a
ramenés au p-rix de 24 à 3?o livres de notre mon-
noie, il doit payer les droits d’entrée fur le pied
d’environ 9 livres 8 fols par fetier, argent de
France. On fent bien qu’aucun Commerce ne
( ï ) L’Ouvrage dont ceci eft extrait, eft intitule: Réflexions
fur la Police des Grains en France & en Angleterre.
( 2.) La mefute nommée quarter répond, à très - peu
de chofe près, à deux fetièrs de Paris, & le fetier pcfe
deux cent quarante livres. Le fchellin répond à-peu-près
a vingt - trois fols de notre monnoie.
M. Abeille, pour plus de facilité, a rapporté les me-
fures & les monnoies Angloifes aux nôtres , & a toujours
employé des nombres ronds. Ainfi , lorfqu’il a évalué
le quarter valant quarante- deux fchellins, ce qui répond
a vingt-quatre livres un fol fi x deniers de notre monnoie
par fetier, le fetier valoit ou coûtoit vingt- quatre
livres.
peut fupporter un impôt fi démefuré, & qu'aucun
commerçant- n’expofe fa fortune à des vicifli-
tudes de droits qu’il ne peut prévoir, & dont rien
ne peut le garantir.
On voir que la gratification qui paroît, au
premier coup-d’oeil, la plu- haute faveur qui
pût être accordée à la liberté du Commerce
des grains, équivaut en foi à une loi prohibitive,
puisqu'elle a entraîné la néceftiré de
pro for ire l’entrée des grains étrangers, Auffi
a-t-elle donné lieu à l’inconvénient majeur,
inféparable de toute prohibition , c’efi-à-dire, à
Fétabliffement du monopole. Cette gangrène dévorante
fubfifte perpétuellement en Angleterre,
& le Commerce des grains qui s’y fait, n’eft
exactement qu’un monopole continu.
On peut réduire à deux clafles ceux qui font
le Commerce intérieur des grains. Les Fermiers
& ce qu’on nomme Marchands magafiniers-, Ou
Amplement Maagfirdtrsi C’eft au mois de- Décembre
que les Fermiers paient les Propriétaires.
Comme il fe trouve alors dans les marchés
une très-grande affluence de Vendeurs,
le prix du grain tombe toujours au-deflbus de
celui qu’entretiennent les Magafiniers pendant
le cours de l’année ; cette affluence, quoique
moindre qu’en Décembre , continue pendant
l’Hiver. C ’ejl le tems où les Magafiniers font
leurs opérations. Elles çonfiftent à acheter le plus
qu’ils peuvent des grains que mettent en vente
les petits Fermiers. La concurrence de ces riches
-acheteurs foutient les prix. Mais ils trouvem
beaucoup davantage à acheter dans cette faifon,
lors même qu’ils achètent un peu cher ; parce
que leurs achats les mettent en état de conferver
long-tems les grains qu’ils ont en meules. D’ailleurs
ils fe trouvent Propriétaires de la portion
la plus confidé:able des grains battus. Par-là ils
deviennent maîtres du prix dans les marchés nationaux
, & la gratification d’environ 3 livres par
fetier, qu’ils reçoivent par quarter, pour le
blé qu’ils exportent-,--leur rembourfe ce qu’ils
peuvent avoir payé de trop, en conféquence
du haut prix qu’ils ont occafîonné & entretenu.
Ces Magafiniers font très - attentifs à deux
chofes, l ’une à n’expofer leurs grains en vente
que peu-à-peu, afin de les vendre plus cher ;
l’autre à 'es maintenir au-deflbus du taux auquel
la gratification cefleroit. Sans ce manège, non-
feulement ils 'pérdroîent le bénéfice de la gratification,
dont ils profitent prefque,feu!s, mais
ils s’expoferoient à la ’concurrence des étrangers,
qui pourraient alors introduire leurs grains en ne
payant que de foibles droits d’entrée. C ’eft ce
qui arriva en 1758 ; l’importation fubite d’une
grande quantité de blé ruina une multitude de
Magafiniers.,
Voilà le monopole réduit en fyftême. Ses effets
; habituels font d’entretenir les grains dans les
i marchés nationaux au-deffus de leur vrai prix*
A a a if