
depuis peu en Angleterre, ont prouvé que ces
légumes font préjudiciables à l’engrais des Cochons,
quoiqu’ils conviennent parfaitement aux
boeufs & aux vaches; ce qui confirmel’obferva-
tion déjà faite, que ce qui prouve une graifle
abondante, blanche, ferme, une chair tendre &
fucculente à telle efpèced’animal, ne réuflitpas
toujours aux animaux d’une autre efpèce.
Les Cochons boivent peu ; cependant il ne
faut pas les laiffer fouffrir de la foit en aucun
temps : les boiffons abondantes font également
contraires à l’engrais ; le lard n’eft ni auffi bon
ni auffi ferme , quand la nourriture a été trop
délayante. Beaucoup de Nourrifleurs ne leur
donnent pour boiffon, vers les derniers tems de
l ’engrais , que l’eau qui fert à détremper leurs
alimens.
Dans les pays où l’on cultive le lin pour en
exprimer l’huile , on donne le marc, appellé
mongar ou tourte, aux Cochons. Cette fubftance
les engraiffe, ainfi que les autres animaux ; mais
elle fait un lard mou, de peu de garde, qui ne
fauroit fprvir à piquer , & une chair défagréable
à manger. Abandonne - t - on pour c^a l ’ufage
du mongar} Non : il s’agit d’en fayotr diriger
l ’emploi pour le mettre à profit. Des expériences
réitérées ont appris à M. de Bellegarde, proorié-
taire de haras & de beaucoup de bçffiaux , qu’on
peut encore affermir le lard s lui enlever ainfi
qu’aux chairs , les mauvaifes qualités contraélées
par l’ufage du manger, en nourriffant l’animal
pendant une quinzaine de jours, à la fin dp l’engrais
, avec des châtaignes, des topinambours
cuits, & mêlés avec le fon des grains ; en forte
qu’on pouvoit conclure que les boiffons abondantes
ne nuifent pas , pourvu qu’elles foient
mêlées de fubftances alimenteufes, & , qu’entre
c e lle s - c i, les matières qui font farineufes ou
amilacées mérirent la préférence ; le tout, cojnfifte
dans les proportions ; & voilà comment les alimens
dont nous allons parler méritent la préfé-
rence,
Un grand moyen d’engrais peu difpendieux,
mais praticable feulement dans le voifinage des
b o is , ce font les fruits fauvages, particulièrement
le gland & la faine que les Co.chons avalent
plutôt qu’ils ne les màehent, & dont ils remplif-
lentbjen - tôt la grande capacité de leurs vifcères.
Si on fe trouye au débouché d’une forêt lorfque
ces animaux reviennent de la fainée ou de la
glandée , on remarque qu’ils peuvent à peine
le foutenir : cette démarche chancelante qu’ils
ont alors a été regardée comme un,e véritable
ivreffe ; & quelques Auteurs, qui ont la manie
de vouloir rendre raifon de tous les phénomènes,
n’ont pas manqué de l’attribuer à la faculté ferr
meniative des fruits, & à leur transformation en
liqueur vineufe dans l’eftomac de ces animaux ;
tandis qu’elle n’eft réellement produite que par
|3 furcharge d’une furabond^nce u’alimens qui
agit en mêrae-tems fur le cerna it, & <lonn,
momentanément une forte d’état apopleêlique •
lesiCochonsfont donc faturés comme gourmands
& non ivres comme buveurs de matières fermentées.
L ’ufage de mettre les Cochons au gland elt
fort ancien : les .premiers ouvrages d’économie
champêtre en font mention ; de - là viennent
toutes ces ordonnances ou capitulaires de nos
premiersRois, qui règlentce quidevoit être oh-
fervé pour l'entrée des porcs dans les bois, 8t
les précautions qu’elles avoient établies pour les
garder, empêcher qu'ils ne fuflènt volés, ou ce
s’égaraffent dans les grandes forêts où ils paflbient
les nuits pendant la failon du gland : ces animaux-
à leur retou/ du bois, n’ont befoin que d'une
eau blanche, ou même d’eau pure : leur voracité
fert bien le Propriétaire qui paie à raifo n du nombre;
pour cet effet, il eft d’ufage que le Maire
achète, pour la communauté du Village, la
glandée, & chacun foufcrit pour la quantité
dp Cochons qu’il veut y envoyer, ou bien les
Fermiers, qui ont de nombreux troupeaux de
Cochons, fe font adjuger les-iglandées ■ dans des
années abondantes, & ils-chargent les forêts c’e
çes animaux maigres qu’ils achètent exprès, &
qu’ils revendent au bout de fix fémaines, lorf-
qtfils ont pris un peu degraiffe. Mais, comire
il eft rare que la glandée donne deux années de
-fuite , il faut s’occuper à prolonger la durée de
ce fruit, en le laiflanr féchçr au four, après
qu’on en a tiré le pain,.ou en lui appliquant
le féchoir employé dans nos Départemens méridionaux
, pour la confervgtion des châtaignes '
ce qui empêche qu’il ne germe nepourriff.
On le laiffe en tas dans un endroit fe c , & qtiat d
il a bien reflué, on leconferve ainfi fans le ri-
muer ni le toucher, jufqu’att moment de lacor-
fommation. Mais le dépériffement des bois menace
engore d’enlever cette rçffourçe aux cam-
pagnes, & bien - tôt le prix du. gland fe trouvera
en concurrence égale avec (relui des denré s
de première nécçffué; il efl tems que cette brar.T-
che de l'Adminiflration foit étendue & furveillée
avec l’intérêt qu’elle mérite. On obferve qu’;l
ferait bon de moudre le gland ainfi léchés, Ou de
le ramollir dans de Peau avant de ie donner ai x.
porcs: il en deviendrait alors plus nourriflanr,
& n apro it plus aucun inçonyénient pour ce bétail.
Une autre nourriture d’engrais plus facile à
fe procurer par tout, mais dont-la jouiffance re
fauroit facilement fe prolonger toute l’année:
ce font les pommes de terré, que nous avor.s
déjà indiqué comme une reffource effentielle
dans ce cas : fouvent le gland manque ; quelquefois
lès grains, les çriblures, les ifliies font
trop chers : il ferait difficile de trouver parmi
les racinçs potagères, une nourriture plusfubf-
tancielle, plus convenable à la conflitutionphy-
fique des Cochons, & aux vues qu’on a de ies
C 0 C
„„raiffer à peu de frais. D’abord on peut leur
donner crues, coupées par tranches, & arrofées
d’nne eau dans laquelle on a fait fondre du fel :
elles acquièrent-alors plus de faveur , 6l devien-
nent une nourriture moins rafraîchi liante, lurent
en les mélangeait toujours avec d autres
racines, telles que grès navets , bettes-raves
champêtres : mais, le dernier mois de l’engrais,
il faudroit les faire cuire, parce qu’au moyen
de la cuiffon , la partiè aqueufe fe combine avec
les autres principes, d’où il réfulte un aliment
plus folide , & dont la confiftance eft encore
augmentée par la farine des grains ; car alors
tout ce qu’on donne aux animaux doit réunir
le plus de fubftance , fous le moindre volume
poflible. On pourroit même accélérer la récolte
de ces plantes, pour combiner cette reffource
avec celle des herbages très - rares, fur - tout à
la fin de l’Eté ; & on auroit ainfi toute l’année
de quoi nourrir ces animaux, en faifant fuccé-
der les unes aux autres, les plantes & racines de
diverfes faifons. Quel bénéfice pour le Fermier,
s’il pouvoit fe déterminer à confacrer annuellement
à la culture des racines alimentaires , deux
champs d’une étendue proportionnée ; l’un au
befoin de fa famille & l’autre à la quantité de
fon bétail !
On a fait encore quelques tentatives pour
parvenir à engraifier les Cochons à peu de frais,
en y appliquant les débris des boucheries & des
équarriffages, mais fans fuccès: elles ont juftifié
certeoblervation ; lavoir , que ces animaux digé-
roient mal la viande crûe, & que fon ufage à un
c ertain degré, les échauffe au point de les rendre
furieux; ce n’eft qu’en la foumettant à la cuiffon
qu’on a pu prévenir un pareil inconvénient.
Cette remarque, qui fait connoître affez les
changemens notables que le feu opère fur les matières
alimentaires, expoféeà fon aétion, doit être
d’une grande confidération dans-l’économie animale.
M. Guéret, Apothicaire major des Armées,
dans un Mémoire adreffé àlaSociété Royale d’A-
griculture, fur l’établiflement formé à une lieue
de la ville de Metz , pour faire fervir le fang
des boucheries à la nourriture & à l’engrais des
Cochons, a fait pareille oblervation. Cette humeur
récrémentitielle queBordeu , par une idée
fublime, appelloît une chair coulante, demande,
comme les autres fubftances animales, à fubir
la cuiffon pour devenir une nourriture falutaire.
Quel avantage, fi le fang de nos boucheries
avoit toujours une deftinatiou auffi utile ! Quand
ne verrons-nous plus les tueries confervées,
par une ftupide indolence, au milieu des quartiers
les plus refferrés & les plus habités des
grandes Villes, comme nous voyons dans les
Bourgs & dans les Villages , les tas de fumier ,
les mares, les égoûts ? Quand les verrons-nous
rélégués au-delà de leur enceinte ? La néceffiré
de faire venir les boeufs chez les bouchers & de
c o c m
les conduire deux fois par jour aux abreuvoirs,
caufent, dans les rues, un embarras & des alarmes
continuelles. Il s’échappe fréquemment
de ces tueries, de ces animaux manqués & furieux
, qui expofent la vie des Citoyens aux plus
grands dangers» Lesruiffeaux de fang qui vicient
1 atmofphère & gâtent nos eaux , le tranfport des
entrailles, des immondices de ces animaux,
qui offrent l'afpcét le plus dégoûtant, & augmentent
les exhalaifons infecles ; tous ces inconvé-
niens fans doute, n’exifleronr plus long-tems
& les réclamations fondées des liabitans tourneront
un jour au profit de l’Agiculture ; je ne
crains pas de l’avancer, fi la Capitale fe trouvoit
au fein d’une Province , comme la Flandre, par
exemple, qui a fi bien apprécié la valeur des
engrais , il feroit poflible , avec lefimple fecours
de ceux que nous perdons journellement de
faire croître la totalité du chanvre & du lin que
nous tirons à grands frais de l’étranger ; mais je
reviens à la nourriture des Cochons.
De quelque nature que foit l’aliment employé
dans cette vue , il convient de le mélanger pour
perfectionner l’engrais : il paroit confiai que le
lard d’un Cochon engrainé uniquement par le
gland, eft facilement difpofé à rancir; qu’il fond
a la première chaleur, prend mal le fel, & devient
jaune en peu de tems, quand c’eft la faine
ou le fruit du hêtre qui a été la bafe de leur
nourriture; qu’enfin la pomme de terre le rend
mou & fans confiftance, de forte qu’il fond con-
fidérablement dans le pot-au-feu, ce qui femble
prouver de plus en plus le mélange des alimens
divers' pour faire de leur totalité un réfultat parfait.
Mais M. Mortimer, dans fon Agriculture
complette, prétend avoir fait ruer d. s Cochons
qu’il avoir engraifl’és avec des glands, & qu’il
leur avoit trouvé la chair aufti ferme, auffi bonne
que fi on les eût nourris avec des pois. Au refte,
en fuppofant que ces inconvëniehs exiftent, le
moyen affuré d y remédier confifte à déterminer
l’engrais par l’ufage d’un grain farineux quelconque,
cuit ou converti en 'farine ; & réduit
à f état de bouillie claire qu’on épaiffit à mefure
qu’on approche du terme. C’eft la nourriture qui
leur plaît le mieux , & leur fait prendre une
graiffe blanche & agréable, fur-tout f i, félon
l’obfervation de M. Guilbert, on a Partention
d’ajouter à leur manger, quelquesfemaines avant
de les tuer, des herbes aromatiques, telles que
la pimprenelie, le cerfeuil, fans oublier le fel *
car rien , non rien n’eft plus effemiel que cet
affailonneinent à tout ce qu’on donne aux animaux
, & à ceux - cientr’autres : alors ils boivent
peu. Dès qu’ils laiffent de leur mangeaille, & que
leur appétit diminue fenfiblement, ils ne tardent
guère à léunir toutes les conditions défendrais
parfait, ou arrivé à fon dernier période.
L ’Automne eft ordinairement préféré pour
| l’engrais des Cochons : ce n’eft pas feulement