
roit très - utile à l'Agriculture. En attendant,
. comme on peut n’avoir quelquefois que de la
graine fufpeéle ,. j’indîque.rai les moyens de s’af-
iurer fi elle doit réuflir. La première attention
eft de voir .fi elle a fon germe ; car fi elle ne l’avoit
pas,il ne faudroit.paslarifquer. On en ouvriraplu-
iieurs, en caftant la coque , pour découvrir l’amande,
qu’on trouvera compofée de deux parties,
jointes enfemble. A la réunion de ces deux parties
eft un corps menu , arrondirecourbé & étendu
dans toute leur longueur ; ce corps eft le germe.
Cette obfervation faite, on femera dans de la
terre, pour eflai, une quantité connue de graines ;
fi la totalité leve,la graine eft parfaite; s’il n’en levé
qu’une partie,on faurace qu’il en faudra femer dans
lachenevièrepour équivaloir à de la bonne graine.
Beaucoup de cultivateurs renouvellent leur
graine de Chanvre tous les trois ou quatre ans,
foir par des échanges, foit en en achetant dans
les marchés, foir en la tirant de l’étranger. Il
feroir utile d’examiner à quelle année on doit
commencer à renouveller la femence de Chanvre,
en fuppofant qu’il fallût la renouveller.
Car il n’en eit pas de cette plante comme de beaucoup
d’autres, par exemple, du froment, de l’orge
& de l’avoine, parmi lefquelsfemêlent ungrand
nombre de mauvaifes herbes. Les graines des mau-
vaifes herbes, que les criblages n’enlèven t pas totale
ment,à force de fe multiplier étoufferoient les bonnes
plan tes:,on n’évite cet inconvénient qu’en achetant
de tems-en-tems, pour femer, du fromenr, de
l’orge & de l’avoine purs. Mais le Chanvre, que le
plus fouvent on femé dru,couvre la terre & empêche
les maiivaifes herbes de croître. S’ils’en réchappe
quelques-unes,on les rejete quand on récolte les
individus-'du Chanvre qui portent la graine , parce
qu’on prqnd ces indiyidus brin à brin,pour les mettre
en paquets. Au refte, je ne croisa la néceflité
abfo’ue de changer la femence quedansles années
quifuivent celles où le Chanvre eft malvenu , n’a
pas mûri convenablement , & a donné une
graine inféconde.
On eft généralement perfuadé que pour avoir
de la hjafte belle & fine, les tiges du Chanvre
doivent être menues. En coriféquence, on le
feme très~drû, de manière que les pieds nefoient
pas à plus d’un pouce les uns des autres. Pour
cet effet,on emploie dix-huit bordeaux de graine,
mefure de Paris , par arpent de cent perches , à
vingt- deux pieds la perche ; ce n’eft pas tout-
à-fa it le dpuble de ce qu’on emploie de froment;.
Getjre quantité de femence eft pourun ter-
rein d’uné feule pièce; car s’il étoit de quatre
pièces ou quartiers, il en faudroit vingt - quatre
boifléaux , le tour des pièces en empor tant beau- '
cqup. Cetre fineffe de la filaffe eft defirée , quand
on . la deftine à faire du linge & fur —tout du
beau linge.Si elle étoit defiinëe pour des cordages, :
en femeroit le Chanvre moins épais, afin qu’il
produisît des plantes plus vigotireufes, dont le i
fil eût plus de force & de nerf. Il fufliroit alors
de femer quelques boiffeaux. de graine , afin
que les pieds fuffent à fix pouces les uns des
autres. Dans l'un & l’autre cas, il y a un extrême
à éviter. Si on feme trop drû , les tiges
ne profitent pas ; elles lont petites & maigres ;
elles donnent de la filaffe courte & en petite
quantité. Plus les plantes font ferrées, moins-
elles s’élèvent, ce qui eft l’inverfe des arbres.
Si on feme trop clair , le Chanvre monte très-
i haut, il fe nourrit trop ; fés fibres deviennent
très- dures, coriaces difficiles à travailler, & ne
fourniflent qu’une filaflé défeétueufe. À la vérité,
les individus femelles donnent plus de graine:
& de la graine parfaite ; mais ce produit ne dédommage
pas de la maüvaife qualité de la filaffe.
Tems de femer le Chanvre, 6' manière
de le femer.
Le tems dé femer le Chanvre varie en- France
du mois de Mars au mois de Juin. On le feme
plutôt dans les Provinces méridionales' que dans
les Provinces feptentrionales, & plutôt dans les
plaines que dans les montagnes. Dans une même
Province , dans un même Canton , dans un Village
même, on fe donne la latitude d’un mois,
ordinairement dans le climat de Paris, c’eft depuis
la mi - Avril jufqu’à la mi — Mai. L’enfemence—
ment plus ou moins tardif dépend quelquefois
de l’aéhvité du Cultivateur , ou de la facilité
qu’il a de fe procurer l’engrais néceflaire, ou de
l’elpérance conçue qu’il léuffira mieux,à femer
à la fin de laffaiion. Dans les montagnés , on ne
feme que dans le mois de Ju in , & même vers-
la Saint-Jean. Cette plante craint les gelées &
le froid, qu’il faut lui éviter. Les montagnes ou:
la neige ne fond pas avant le mois de Juin, ne
peuvent recevoir le Chanvre de bonne heure.
N’ayant, quand il eft femé, que peu de tems à
végéter, fouvent fa graine ne mûrit pas. Les
Cultivateurs, tous les ans, vont en acheter dans
les plaines ; c’eft fans doute ce qui a fait croire
à des hommes peu verfés en Botanique , que le
Chanvre qui donne la .graine ne fe pkifoit pas
dans les montagnes. Ils ont cru qu’on pouvoir
à volonté faire venir du Chanvre à fleur ou
.Chanvre mâle, & du Chanvre à graine ou Chanvre
femelle.
On a eonfeillé de femer une livre de navets
pu de graine de carottes parfeptierde Chanvre.
La graine de ces plantes s’enterre en même-tems,
Elle germe & leve, mais ne végète fenfiblemenr
que quand le Chanvre eft arraché. C’eflle moyen
de. tirer un plus grand parti du terrein. Les Carottes
doivent être préférées, parce qu’elles ne
craignent pasé d’être foulées quand on arrache
le Chanvre.
Il eft bien important de ehoifir un tems dif—
pofé à la pluie.,. afin que le Chanvre leve auflï-
tô r , & qu’une partie ne foit pas dévorée par les
infectes dans la terre. Quelquefois fatigué d attendre
un tems favorable, j’ai fait labourer, en-
femencer & recouvrir une chevenière dans la
même journée, par un temsfec. Le Chanvre na
pas tardé à lever. Sij’euffe femé un jour ou deux
après le labour, le Chanvre n eût trouvé aucune
fraîcheur dans la terre, & mon enfemencemenf
n’eût pas réuffi. # t
Il y a deux manières de femer , ou à la volée,
comme on feme le froment, ou par rangées,
comme on feme des graines de potager, c ’eft -
à -d ir e , en ouvrant avec une binette ou une
boue des rayons dans Iefquels on promène de
îa femence. Cette fécondé manière eft plus longue
plus difpendieufe , & on ne pourroit s’en fer-
vir que dans un terrein trop petit pour permettre
au bras du ftmeur à la volée de fe déployer.
M. de Chateauvieux, cultivateur éçlairé, ayant
voulu- effayer ce qu’il faudroit de graine de
Çhanvre pour le bien femer par rangées, are-
connu que quatorze livres dix onces avoient été
fuffifantes pour cinquante—trois toifes deux pieds
4e longueur.
Si le chenevi eft femé par rangées, il fe trouve
enterré par l’opération même qui ouvre les rayons;
parce que la terre de celui qu on forme, peut,
par un coup de main , fe jeter en-même-teins
fur la femence de celui qui précède. Le chenevi
femé à la volée peut s’enterrer à la herfe ou au
rateau ou au crochet. Dans les cultures un peu
en grand, c'èft ordinairement à la herfe. Le radeau
& le crochet fervent pour les chenevières d’une
médiocre étendue. Le rateau eft le plus expéditif
des deux inftiumens.Pourfaireufage du crochet,
après que la graine eft répandue, des hommes
placés à côté les uns des autres, fuivant la longueur
ou la largeur du champ crochètent la
terre en la dirigeant de.côté, de manière qu’une
partie de la graine fe recouvre. Parvenus au bout
de la ligne, ils en recommencent une autre ,
ainft de fuite, jufqu’à ce que la totalité de la
chenevière ait été crochetée. La graine, dans cette
méthode, eft bien recouverte, & la terreac--
quiért un labour de plus. . ■
Quoique le chenevi foit femé à la volée ,
on peut divifer le terrein en planches, par des
fentiers. C’eft le moyen de pouvoir le cultiver,
s’il en eft befoin, ou au moins le récolter plus
facilement. A la vérité , on perd la femence qui
fe trouve dans les fentiers ; car on eft obligé d’arracher
les brim qui y pouffent. Mais on en eft dédommagé
par la facilité de la culture & de l’ar-
ràchage; d’ail leurs l ’ait ;-circulant le long des planches,
le Chanvre s’élève plus: haut. Dans les petites
cultures, on difpofe plus aifémentla chenevière
par p: anches, & on économifela femence
des fentiers.
Je ne fais pourquoi on dit qu’il faut enterrer
la graine à la herfe, quand le. champ a ét^ la- j
bourg k la charrue, & au rateau, quand il l’a été
à la bêche. Il me femble que la herfe peut bien
recouvrir ce qui a été labouré à la bêche 6* vice
versâ ; le motif de ce confeil .eft peut—êtrit
fondé fur ce que, dans un terrein labouré à la
bêche, les pieds des chevaux enfonceroient de la
graine trop avant. C’eft une remarque que je
n’ai pas été à portée de faire, & qui peut mériter
quelqu’attention.
Soins du Chanvre après qu’ il eft femé
& jufquà la récolte.
Le foin le plus inftant eft d’empêcher qtr«
les oifeaux n’en mangent la graine , récemment
femée. Elle eft très - recherchée des pigeons,
des moineaux &. de quelques autres petits oi-
feaux. Ces animaux dont le bec eft~ court
ou foible, n’ayant pas l’habitude de grater,
enlèvent feulement les graines mal enterrées,
qui auroient levé difficilement, du n’auroient
pas été affujetties. Le tort qu’ils font alors n’eft
pas confidérable. Les Corbeaux & les poules
font des ennemis plus redoutables ; les uns avec
leur bec fo r t , long & pointu, écartent la
terre & prennent les graines ; les aunes les découvrent
avec leurs pattes, pour les manger.
Tous ces ennemis font encore plus à craindre
au moment où le Chanvre commence à pouffer.
Les lobes,, le premier aliment des jeunes plantes,
s’élèvent au -defiùs de la terre , comme on voit
s’élever ceux des harricots & des fèves. Les oi—
féaux qui lés apperçoivent, tombent deffus &
les emportent avec la radicule & les feuilles
féminates. On a imiginé différens genres d'épouvantail.
Les uns plantent à diverfes parties du
champ , des bâtons en forme de croix, en les
armant de haillons qui repréfentent le corps
d’un homme. D’âu très attachent des oifeaux morts
à des piquets. Quelquefois, après avoir planté
des piquets à différentes Jiftances, on y fufpend
des cordes auxquelles font attachés des plumes
ou des chiffons que le moindre vent agite. Mais
ces moyens font infuffifans ; les oifeaux ne tardent
pas à s’y accoutumer. Lorfque la chene—-
yière n’eft pas étendue, un enfant aéüfi, qui
arrive à la pointe du jour & refte j ufqn’au cou-r*
cher du fo le il, a beaucoup plus de fuccès. Si
la chevenière eft grande, il eft néceffaire d’en
avoir deux ou quelquefois trois. On leur donne
un. fiftîet ou une fon nette ou une creffereJle,
pour faire du bruit. Souvent ils fe fervent anflî
de la voix. Je crois qu’on pourroit dreffer des
chiens.à cette chaffe, en les faifant courir dans
les fentiers , fans Leur permettre d’entrer dans
la chenevière qu’ils dérangcroicnr avec leurs
pieds. Beureufement , ce loin inévitable, en
fuppofant.même la deftruôlion entière des pigeons
, ne dure pas long-tems ; le Chanvre
forme - fes feuilles fecondaires prelqu’aufli-tôt
qu’il eft levé. Quand pn l’a femé dans un fol