
ferver que le blé perd la vertu germinative,
quand il a éprouvé foixante-dix degrés de chaleur.
Ainfi> on ne doit pas femer celui qui a été
étuvé, il ne peut être employé que pour faire
du pain. Loriqu’on met les blés après avoir été
étuvés dans des greniers ordinaires & ouvert^,
fans doute, ils font de nouveau expofés à reprendre
do l’humidité & à être attaqués par les
infeéles ; mais pour peu qu’on les remue de tems-
en-tems, ils ne s’échauffent pas, comme ils fe
feroicnt échauffés, fi on ne les avoit pas étuvés;
ce n’eft pas avec d’autres blés, naturellement
fecs & confervés par les moyens les plus en
ufage, qu’il faut les comparer, mais avec, eux-
mêmes dans la pofition ou ils âuroient été, fi
on ne les avoit pas étuvé & dans celles où ils
font après l’avoir été : qu’ils aient peu ou point
de main, qu’on ne devine pas de quel terroir
. ils viennent, que la farine qu’ils donnent foit
terne, peu importé; on n’a pas le projet de
faire des blés parfaits, mais d’empêcher que des
blés ne fe gâtent, ce qui fuffit pour néceffiter
l’nfage des étuves. Cependant, d’après Duhamel,
j’ai indiqué plus haut, comment on pour-
roit redonner à ces blés, fi on le defiroit, toute
la perfeético qui leur manque. Dans les marchés
deux fortes de perfonnes, indépendamment de
la Commune, achètent des blés, favoir, les
Marchands & les Boulangers. Les Marchands,
qui ne recherchent que les qualités apparentes.,
n’acheteront pas des blés étuvés, mais des boulangers
qui ont un emploi déterminé, lès achètent
volontiers quand ils les connoiffent avec
d’autant plus d’empreffement, que ces blés font
très-pefans & abforbenr beaucoup d’eau au pé-
triffage; ainfi, les objections contre les étuves
tombent d’elles-mêmes. Enfin, il fuffit de dire
que les Bernois & les Zurickois les ont adoptées,
qu’ils s’en fervent & même les perfectionnent.
Au refie, ce moyen de Confervation n’exclue
pas les autres. 11 eft plus sûr & peut-être même
le foui sûr pour les blés humides.
' Quelqu’avantageufes que foient les étuves,
leur conftruétion exige de la dépenfe ; les grandes
adminiftrations, qui travaillent pour le Public
& pour la poftérité, doivent toujours faire
des facrifices d’argent, quand il s’agit d’un grand
bien ; mais les Savans & les Amis de l’humaniré,
qui fe font occupés de la manière de conferver
les grains, ne pouvoienr négliger de faire fervir
leurs recherches à futilité des fimples particuliers.
En 1761 & 1762, on fit en Angoumois
des expériences, d’où il réfulte quen paffant
le blé au four deux heures après le pain retiré
& l’y laiffant au moins quarante-huit heures,
on réuflit à faire mourir les infeéles & à conferver
le blé. Il faut feulement, après l’opération,
avoir l’attention de le laiffer refroidir deux ou trois
jours & de le renfermer datas des caves ou tonneaux,
qu’il convient de Couvrir de fortes toiles
ou d’un pouce de cendre fine, dans l’Angon-;
mois, où l’on a à craindre que les papillons n’y
viennent dépofer leurs oeufs.
Les blés, paffés au four de cette manière,
: peuvent être femés; car leur germe, à ce degré
de chaleur n’eft point altéré.
Si au-iieu de profiter de la chaleur du four,
qui a cuit le pain, on vouloit 1 échauffer exprès,
pour deffécher le grain, il fuffiroit d’y
brûler la moitié de ce qu on emploie de com-
bufiible pour le pain. Si l’on fait plufieurs chau-
fourées de fuite, on diminuera la quantité com-
bufiible même pour avoir une chaleur convenable.
M .mede Chaffeneuil d’Angoumois n’y faifoit
jeter fon grain, que lorfqu’un domeftiquepouvoit
y tenir le bras n u , en 1 enfonçant le plus avant
poffible. L ’ufage & l’habitude auront bien-tôt
appris le jufte degré.
Maniéré de deffécher le b lé & étuves
de M . Cailleau.
L’Ifie-de-France en Afrique, fituée par les
vingt degrés "de latitude auftrale eft fous un ciel
à-peu-près auffi chaud que celui de Saint-Domingue.
M. Cailleau,Garde-magafin-général pour
le Roi dans cette Ifle, a fait au Port-Louis fur
la déification des grains plufieurs expériences,
confignées dans les Mémoires de la Société d’A-
griculture de Paris.
Du blé nouveau expofé au foleil, à l’épaif-
feur d’un ou deux pouces & retourné trois ou
quatre fois, s’eft defféché parfaitement en treis
ou quatre heures dans les grandes chaleurs, &
en cinq ou fix'dans la faifon la moins chaude.
Ce defféchement lui faifoit perdre de deux à
quatre pour cent de fon volume. Reporté au foleil
après être refroidi, il n’a plus diminué; une
petite portion de ce blé ayant été mife dans une
bouteille, elle s’y efl confervée, & n’a laiffé
échapper aucune humidité fur les parois du
verre, fce qui prouve que le defféchement étoil
complet : un feul jour fuffit pour deffécher du
froment, mais il en faut plufieurs pour le maïs
fur-tout s’il a été récolté par un rems qui n’étoit
pas bien fec-, on eft obligé de l’expofer plufieurs
fois au foleil. Le grain pèrd de cinq à dix pour
cent de fon volume.
On eft parvenu à deffécher parfaitement au
foleil du blé fubmergé par un coup de vent,
& qu’on a retiré du vaifleau & lavé dans l’eau
douce enfuite. Il faut obferver à cette occafion
que du blé, qui refte plus de vingt-quatre heures
dans la mer, y eft perdu , de manière à ne pouvoir
plus fervir à faire du pain.
La chaleur du foleil n’étant pas capable de
tuer les infeéles, leurs larves, leurs cbryfalides &
leurs oeufs, lorfqu’on. craint qu’il n’y en ait dans
le blé, il faut lui faire éprouver une chaleur pins
confidérable. M. Cailleau a imaginé une caille
bien conflruite de cinq à ftx pieds en quarré fur
rrois à quatre pieds de hauteur, ( elle peut contenir
de fix à huit mille livres de grains ). A trois
à quatre pouces au-deffus de fon premier fond ,
elle doit en avoir un fécond fait en caillebotis
recouvert d’un fort canevas ou d’une toile forte
& claire; on peut fe fervir d’une claie d’ofier
très-ferrée, ou de feuilles de tôle piquées de
trous très-près les uns des autres, de manière
que le grain ne puiffe s’en échapper. On met à
portée de cette caiffe un foufflet ou ventilateur,
dont le porte-vent fuit avec des tuyaux de forte
tôle ou de fonte, traverfe un fourneau & vient
aboutir à une large ouverture, pratiquée entre
les deux fonds de la caiffe.
On chauffe le milieu de ce porte-vent, qui
eft affez long pour que le métal échauffé ne
brûle ni la buze du foufflet, ni les fonds de la
caiffe; l’air afpiré, en fortant du foufflet paffe
dans le tuyau de fer rouge du porte-vent, ,&
acquiert une chaleur confidérable. Cet air chaud
pouffé avec force entre les deux fonds de la
caifl'e, traverfe rapidement la maffe de grain qui
y eft contenue, & lui communique en peu de
tems un degré de chaleur fuffifanr, non-feulement
pour faire périr tous les infeéles, leurs
oeufs, leurs chryfalides, &c; mais encore pour
difiiper toute l’humidité des grains & la réduire
en vapeurs qui s’échappent abondamment par
quelques foupiraux faits au couvercle de la caiffe.
On tient ces foupiraux fermés, pour conlerver
& augmenter la chaleur, au moyen de trappes
très-légères, qui s’euvrent & fe ferment fpon-
tanément par l’effet du foufflet & des vapeurs
qui foulèyent ces trappes.
Lorfque le grain a acquis une chaleur de foi-
xante-douze à foixante- quinze degrés*, on ceffe
le feu, & on continue de faire agir le foufflet,
jufqu’à ce que le grain foit réfroidi ; on le retire
enfuite par une ouverture pratiquée à cet effet
au bas de la caiffe, pour le renfermer fur - le -
cbamp dans les greniers de Confervation , afin
qu’il ne reprenne pas l’humidité de £air , & que
les infeéles ne puiffent y rentrer. Car cette def-
fication a tué tous les oeufs même qui y étoient.
M. Cailleau obferve que les grains doivent être
bien criblés & bien nétoyésavant d’être mis dans
la caiffe de déification; qu’il vaut mieux augmenter
lesdimenfions de cette caiffe en longueur
& en largeur qu’en hauteur, parce que l’air des
foufflets éprouve toujours moins d’obffacle à tra-
verfer une maffe de grains de peu d’épaiffeur.
3 ° Qu’il feroit avantageux de conffruire les fonds
de la caiffe,.ou la caiffe entière, en fer & en
*ôle, afin de pouvoir entretenir au-deffous du
remier fond un feu modéré , qui accéléreroit
eaucoup le defféchement du grain , &c.
M Cailleau fait les calculs de ce que peut coûter
je defféchement d’une certaine quantité de grain.
Mais ces calculs n’étant relatifs qu’à lifte-de-
France, il eft inutile de les rapporter. Je renvoie
, pour la defeription de la caiffe de déification
, au Diélionnaire des Inftrumcns d’Agriculture
, qui fait partie de celui - ci.
Il eft facile d’appercevoir que le moyen de
déification propofe par M.Cailleau, efl la com-
binaifon heureufe du ventilateur & del’étuve , &
que ce moyen peut avoir de grands avantages,
fans occalionner une exceffive dépenfe.
Confervation des fa r in e s .
II y a des Hivers affez rigoureux pour ne pas
permettre aux moulins de rivières de moudre.
Dans ces circonftances, des provifions de farine
font utiles. Les Villes capitales, les Villes de
guerre, la fubfiftance des Colonies exigent habituellement
des approvifionnemens de farine &
les moyens de les conferver.
Les farines fe confervent dans deux états, ou
telles qu’elles fortent de deffous les meules avant
d’être blutées, ou bien blutées & féparées du fon.
Les farines, qui fe trouvent dans le premier état 9
s’appellent farines en rames ; la farine blanche,
les gruaux & le fon font confondus. On expofe
à l’air ce mélange ; on ne le blute que cinq ou
fix femaines après, &, même fuivant i’exprefliot»
du pays, on attend qu’il ait fermenté, c’eft - à -
dire> qu’il ait reflué. On emploie cette méthode
pouf des farines qu’on veut bien deffécher.
L ’écorce s’en détache facilement ; la mouture
fe blute parfaitement. Il eft à craindre que les farines
féjournant avec le fo n , celui-ci ne leur
communique du goût & de la couleur. D’ailleurs
le pain qui en réfulte n’eft pas blan« , parce
qu’il fe détache au blutage des parties de farine
bife adhérentes au fon. Si le grain avoit été récolté
dans une année humide , & qu’il fît chaud,
il s’altéreroit en peu de tems. Cet ufage ne vau-
droit jamais rien dans les pays feptentrionaux.
La farine blutée & féparée du fon , le plus
ordinairement eft répandue en couches ou en
tas fur le carreaau ou fur le plancher d’un ma-
gafin , avec la précaution de la remuer de tems-
en - tems, & même tous les jours, quand il fait
chaud; fans cela, elle contraéleroit de l’odeur,
de la couleur, & fe mâronneroit On appelle
farines en garenne celles qui font étendues en
couches fur le plancher. Les magafins de farine
doivent être mieux foignés que ceux de blé. 11
faut qu’ils foient bien plafonnés, bien carrelés
ou planchéiés, & qu’on y entretienne la plus
grande propreté, & qu’on en écarte les infectes.
Car la farine une fois falie ou attaquée par des
infeéles, ne peut fe nétoyer auffi facilement que
le grain. Le pain a le goût de pouffière ou de
ver, ou de charanfon ; ce qu’on attribue à tort
à la qualité du grain ou à la fabrication , tand/s
que cela dépend de la mauvaife confervation de
la farine.