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O d e u r , je traiterai d’une manière plus particulière
du principe odorant des végétaux , autant
que cela peut intérefler l’économie rurale ;
il fumt d indiquer i c i , que le Climat influe d’une
manière très-immédiate fur les odeurs & les
faveurs; que les plantes perdent ces principes,
en proportion qu’elles croiflent dans des pays
plus froids ; qu au contraire ces principes augmentent
à mefure que les plantes croiflent dans
un Climat plus chaud ; que les plantes dans un
même pays font d’autant plus odorantes qu’elles
croiflent dans un fite plus chaud, comme fur
les rochers, les terres nues & arides, & qu’elles
le font moins dans les lieux humides & couverts;
enfin que les plantes des Alpes ont rarement
de 1 odeur , quoique l’aélion de la lumière y foit
très y vive. C’eft donc moins la vivacité de la
lumière que fa confiance & la chaleur dont elle
e f t le principe, qui développent les faveurs &
les odeurs dans le règne végétal; au contraire ,
d’autres circonflances de l’économie végétale qui
doivent plutôt leur exifience à la vivacité de la
lumière qu'à fa chaleur, comme les poils, &c.
Influença du changement de Climat
fut les végétaux.
Puifque les végétaux dépendent d’une manière
aufli immédiate du Climat qu’ils habitent,
la même efpèce reçoit différentes modifications
des polirions variées où elle fe trouve ,* c’eft ce
que les paragraphes qui précèdent ont prouvé ;
il refte encore à pofer quelques principes fur
les changement qui doivent arriver aux plantes
par un changement de Climat, & ce changement
doit arriver de deux manières.
i.° Par un changement du Climat où elles fe
trouvent.
i.° Par letranfport d’un Climat dans un autre,
& ce qui en découle nécefîairement par la culture.
Ch angcmensdu Climat J*un pays , A leur influence j
fu r les végétaux.
Les Sciences naturelles étoienrfi peu connues
dans les fiècles qui nous ont précédé, on nous
a rranimis des généralités fi peu appuyées de
faits, qu il eft bien difficile, de comparer, avec
quelque certitude l’état préfent & l’état parte
des différens pays , même des plus connus. Malgré
tout ce qui nous manque pour pofer des
bafes certaines, il eft cependant quelques notions
fures, fur lefquelles nous pouvons nous
appuyer, & quelques faits phyfiques que rien ne
peut démentir.
Des faits inconteftablés prouvenr qu’un pays
a été plus chaud qu’il ne l’eft actuellement,
d autres faits également certains prouvent le contraire
pour un pays différent ; ainfi, nous devons
confidérer fous plu fleurs faces la quefiion, fila
température des différentes régions s’eft adoucie
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ou réfroidie ; car on ne peut douter qu’elle n'ait
pas fubi des changemens.
Les anciennes chroniques des pays du Nord
parlent des forêts qui les couvroient, à préfent
oti y voit à peine un. arbriffeau. Des troncs
d’arbres enfevelis dans les vaftes tourbières de ces
mêmes pays attelle dans la vérité des traditions.
« On voit dans les Sagas ( Chroniques de
Vîjlande & du Nord), qu’il y avoit autrefois
des forêts en I(lande; c’eft ce qu’attefknt les
troncs d'arbres j & les racines que l’on tire de
terre, dans les marécages où il ne fe trouve pas
aujourd’hui le plus petit arbrifléau , & le Su*
turbrand en eft encore une autre preuve.11 eft conf.
tant que ce futurbrand eft un bois qui s’eft durci
fans être parvenu au degré de pétrification. »
Lettres fur Vlflande , par M. de Troil. p. 24.
Ces mêmes chroniques parlent de l’Agriculture
de l’ iflande & du Groenland, Si de là quan-
I tiré de bled qu’on y récoltoit ; o r , non - feulement
ces pays - là n’en prodnifent plus ; mais
les expériences qu’on a faits en dernier lieu n’ont
eu aucun fuccès, Id. p. 30. Voilà des faits in-
conteftables qui prouvent que le Climat des pays
du Nord étoit moins âpre qu’il ne l’eft actuellement.
Dans un Mémoire imprimé depuis peu,
j ’ai démontré, par des faits non moins concluans,
que ce réfroidiflement. eft uniforme , & fe fait
feu tir non - feulement dans les régions glaciales,
mais aufli fur le refte de la terre, par l’abaif-
fement de la région boifée. J ’ai cité quelques
faits fur cet objet que j’ai obfervé fur les Alpes;
mais nous manquons de données pour calculer
la marche de ce réfroidiflement, fans doute
très-lent, mais que je crois uniforme. Un des faits
les plus faillans, c’efi un tronc d’arbre trouvé par
un chafleur de chamois, 50 tôifes au-deflus des limites
aCluclles de la région boifée , & dans un
lieu où aucune force humainen’auroitpu letranf-
porrer. Il eft effentiel, avant de prononcer, de lire
ce Mémoire.
Mais en même - tems que des faits prouvent
, qu’à une époque plus reculée ,' les
latitudes feptentrionales jouiflbient d’un Climat
plus chaud qu’à préfent ; d’autres faits, non-
moins certains, prouvent que d’autres pays ont
été plus froids qu’ils le font. C’eft que la caufe
générale étoit balancée par des caufes particulières.
Roîlin ( T. 3, p. 525 ) , dans fon Hiftoire Romaine
, rapporte que les neiges relièrent à Rome
une année pendant quarante jours de fuite.
Juvenal (Satire 7 ) , tourne en ridicule les
bonnes femmes de fon tems qui faifoient rompre
la glace du fibre, pour faire des ablutions auxquelles
elles attribuoient de grandes vertus.
Ces deux partages prouvent que le Climat de
Rome étoit à-peu-près le même que le Climat actuel
de Paris; à peine apperçoit-on le matin à Rome
actuellement des glaçons aux fontaines tournées
du coté du Nord, & la neige n’y prçnd pas pied»
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Ovide parle du Climai de la Mer noire, comme
parler oit à préfent de celui de la Mer blanche;
j veux qu’il ait exagéré; mais il n’a pu le faire au
point de peindre en traits fi noirs la Crimée actULes
relations des premiers établiflemens fur
w bords du fleuve Saint - Laurçnt, parlent de
froids qu’on n’y reffent plus actuellement. Com-
les changemens ont été graduels, ils le font
orefque paffés fous nos yeux, & nous ne pouvons
révoquer en doute- les premières relations.
Les défrichemens qui ont eu lieu aansle Nord
de l’Europe , la ddlruClion de ces immenfes fo-
rêis qui couvroient la Germanie , enfin 1 augmentation
de population qui en a été la fuite ,
font les caufes de cet adouciflement du Climat J
des pays méridionaux. Les vents du Nord & du |
Nord-Eft ne leur parvenoient qu au travers de j
ces forêts humides, au lieu qu’à préfent ils paf- j
fent fur des efpaces nuds où la réverbération j
de la lumière échauffe 1 air , où enfin une mul- j
ritude de feux, fans cefle allumés, changent la
maffe entière de l’atmofphère. Les délrichemens
qui ont eu lieu dans l’Amérique feptentrionale,
font pareillement la caufe deiadouciflenient du
Climat. Ainfi , ces faits qui paroiflent contradictoires
, s’expliquent fans fe nuire : tous les Climats
tendent à fe réfroidir par une tendance 1
uniforme & progreflive, & fi quelques-uns
: s’échauffent, c’eft par des caufes locales qui
n’intervertifiem pas l’ordre général. |
On peut enfin réunir aux changemens de Climat
, qui ont des caufes phyfiques, ceux qui ont
pour caufe principale les modifications que
l’homme y produit par fon travail. Un terrein
boifé que l’on défriche , un canal ou un chemin
qu’on trace au travers des terres, un marais
defTéché , des fouilles profondes, &. mille autres
ouvrages des hommes, changent la nature d un
fue, Si par conféquent la forme des végétaux
qui y croiflent. Par ce moyen , la réverbération
devient plus ou moins forte , l’atmofphère
plus ou moins diaphane, & les végétaux portent
plus ou moins l’empreinte dit Climat, dont celui
qui fe forme fe rapproche le plus. Ainfi, pn
marais defTéché préfente, pendant nombre d’années,
des plantes aquatiques ou amphibies crues
dans un fol plus fec , c’eft - à - dire, plus petites
, plus fortes & plus rameufes ;. les plantes
de bois fe couvrent de poils, diminuent de volume,
l’année qui fuit la coupe des arbres, &c.
On peut donc prévoir les changemens que
fubiront les végétaux, d’après les données contenues
dans cet article, Si celles que de nouvelles
découvertes fourniront.
t Une autre circonflance bien remarquable,
fcêfila naiflance de nouvelles efpèces dans les
terreins nouvellement remués, ainfi que dans
terres nouvelles. Les plantes qui naiflent
a?fe$un bouleverfemem ne font pas les mêmes
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qui exifioient auparavant; tous les Naturalises
ont des obfervanons de*te genre } plus ou moins
fingulières ; j’en ai déjà réuni plufieurs. D’où
ces plantes tirent-elles leur origine, puifque
leur analogie n’exifle qu’à une très - grande dif-
tance ? Leur graine éioit — elle enfouie dans la
terre à une très-grande profondeur ? Mais depuis
quelle époque pourroit-elle y être? Y -a ttelle
été portée par les vents ? Mais comment
ces graines ont - elles pu traverfer de grands e s paces
? Les plantes tiennent - elles tellement au
lire où elles croiflent qu’une agrégation de principes
puifle les produire ? Mais cette agrégation
n’eft pas démontrée. On ne peut trop inviter
ks Naturalifles à furveiller les changemens
qui fe feront dans leur voifinage ; ils devroient
former une lifte des plantes qui y croifîem auparavant,
& conferver des individus qui attef
taflent les formes ; puis, chaque année, les comparer
aux plantes qui y croiflent, pour vérifier
k s changemens de forme des anciennes efpèces,
& les nouvelles efpèces qui s’y feroient formées.
De fembiables obfervations un peu multipliées,
ferviroient beaucoup à la Science , puifqu’elles
apptiieroiem les obfervations déjà faites lur l’influence
du Climat, ou reélifieroient les erreurs
qui y feroient mêlées.>
Ajoutons encore à ces défrichemens les nou*
velics Ifles qui fe forment, foit par les volcans ,
foit par le travail lent de la Nature, infenfi-
blement elles fe couvrent de végétaux; lama-,
nière dont ils y naiflent doit exciter la curiofité
des Naturalifles. Ecoutons ceux qui ont voyagé
avec Cook.
« Dans la baie de Pofleflion, nous avons vu
deux rochers où la Nature commence fon grand
travail de la végétation ; elle a déjà formé une
légère enveloppe de fol au fommet des rochers;
mais fon ouvrage avance fi lentement qu’il n’y
a encore que deux plantes, un gramen & une
efpèce depimprenelle. n
te A la terré de Feu vers l’Queft, & à la terre
des Etats dans les cavitésTfc. les crevaîTes des piles
énormes de rochers qui compofent ces terres,
il fe conferve un peu d’humidité, & le frottement
continuel des morceaux de rocs détachés,
précipités le long des flancs de ces maffes grof-
fières, produifent de petites particules d’une
efpècede fable. Là , dans une eauftagnante, croif-
fent peu- à -peu quelques plantes du genre des
algues dont les graines y ont été portées par les
oifeaux ; ces plantes créent à la fin de chaque
faifon des atomes de terreau, qui s’accroît d’une
année à l’autre. » Il me paroît difficile à conce-
! voir que des oifeaux de mer , les feuls qui fré-
j quentent ces terres, tranfportent des graines
dont ils ne fe nourriffent pas, puifqu’ils vivent
! de poiffons.
| « Toutes les plantes de ces régions croiflent
f d’une manière qui leur eft particulière & propre