
but de fes. projets ; ils réuflirent . prefque tous, parce
crue n’en formant aucun qui nè dût concourir à maintenir
ou 3 perpétuer la félicité publique , il en lùivoit
affi dûment l’exécution , quelques obftacles qui fur-
yinflènt, quelques diflîcu'tés qu’il eût à furmonter. Sa
fermeté parut en plus d’une occafion , de l’opiniâtreté,
on fe trompeit ? elle n’étoit que réfléchie 8ç. fondée fur
l ’efpérance du fuççès. Quelquefois il parut inçonftant
& léger, on fe trompoit encore ; fes démarches étoient
guidées par la plus ifage prudence ; les engagement^
qu’il avoit contrariés étoient pour lui des loix iaçrçesf
mais il regardoit auffi comme une obligation plus indil-
penfable encore , dé fe détaçher dé les engagements ,
îorfqu’ils devenoient nuifibles à fes peuples ; & en
cela , il eut pour maxime qu’un prince peut être fidçlç
à-fes alliés, fans cependant préférer leurs intérêts aux
liens propres. Fils du roi don Pedre & de la prinç'iïïé
Marie-Sophie de Neubourg, Jean V n’avoit que dix-
fept ansflorfqua la mort de Ton père il monta fur le
trône de Portugal, en 1706. L’Europe prefqu’cntière
étoit alors embraféé- des feux de la guerre , au fujet
de la fucçeffion d’Efpagiie. Le premier foin de jean
fut de faire avertir les puiflançes maritimes , qu’il
tiendroit fidèlement les engagements de' fon père , Si
qu’il ne négligeroit rien pour pouffer la guerre avec la
plus grande vigueur : & en effet, fes troupes jointes
à celles du rôi Charles & des Anglois, entrèrent en
Caftille, eurent quelques fuccès, Formèrent même le
fiègé de Valena , qu’on abandonna fort inçonfidéré-
ment, marchèrent à la rencontre des François Si fie
leurs alliés, Sc furent complètement battus, Les Portugais
fouffrirent cependant beaucoup moins de çette
défaite que les troupes auxiliaires, parce qu’ils étoient
commandés par le marquis Das Minas ? qui fit la
retraite on très - habile capitaine. Peu alarmé de ce
revers, Jean V fit déclarer par fo l arpbaffadeur 3
Londres, qu’il ne regardoit point cet échec pomme
irrémédiable , Si qu’inviolablernent attaché à la caufe
du roi Charles , il étoit toujours difpofé a faire les
plus grands efforts pour la foutenir , parce qu’il étoit
intimement perliiadé que le commerce Britannique &
Portugais avoit tout à craindre , tant que le duc d’Anjou
refteroit en Efpagne. Le roi de Portugal çraignoit alors
là peu les fuites delà viéfoire remportée par fes ennemis ,
que s’occupant ferieufement 3 fouferir-e aux voeux de
a nation, qui le preffoit de fe donner un héritier, il
envoya le comte de Villa-Major à la cour de Vienne,
pour demander en mariage' l’archiduçheffe Marie-
£ pue, féconde fille de! l’empereur Léopold : elle lui
fut accordée, &. pendant la célébration de ce mariage,
les Portugais reçurent du Érifil la plus riche Si. la plu?
nombreute flotte qui en fut venue jufqu’alors. L’union
de Jean V avec Parchiducheffe refferfoit tes liens qui
attachoient ce fouverairi à la caufe de. Charles. La .cour
de France fit cependant beaucoup de tentatives pour
détacher îe roi de fes alliés ; mais bien loin de fe laiffer
gagner- il fit les plus grands préparatifs ? remplit les
magafins, fit de nouvelles levées, mit lur pied une
armée nombreufe, qui , jointe à celle des alliés , étoit
formidable ? mais par malheur, fort peu difeiplinée:
enfortç quo la campagne ne fi.it pas heureufe ; äff
.contraire, cçtte grande .armée fut battue par les Efpagnols
, qui pourtant ne profitèrent point de leur
victoire, autant qu’ils l'euffent pu , Si qu’on s’y atten-
do:t. Jean ne fe découragea point, Si il fongeoit aux
moyens de fe dédommager de çette difgrace , lorfqu’à
Lisbonne il s’éleva une difpute qui eut des fuites d’autant
plus facheufes , qu’elle jçtta beauçoup de méfin-
tfüg ence entre les Portugais Si leurs alliés. Avant le
rçgne de don Pedre , les minières çtranger? jouiffoient
en Portugal, d’immunité? très-étendues ; ce?’ prérogatives
bleflant la prééminence de don Pedre , il fes
abolit, & les .réduifit aux franchifes dont fes miniftres
jouiffoient chez les nations étrangères. Cette innova-?
non fit murmurer ceux qui s’en crurent lézés ; mais
par fà prudence, don Pedre étouffa çette affaire , 8ç
il n’y avoit effftepuis aucune forte de difpute, ni de
prétention 3 ce fiijet. Ma'heureufement l’orgueil de
1 eveque & prince de Lamberg renouvella çette affaire ;
étant a Lisbonne en qualité d’ambaffadeur de fe majeflé
Impériale , qupiqu’incognito , il trouva fort offenfant
que les officiers de juftice paffaffent devant fon hôtel,
tenant dans leurs mains la baguette blanchejevée, ce
qui, en Portugal, eft l’attribut de ces officiers. Le
prince de Lamberg donna ordre à fon füiffe de les
çhaffer ; le fuiffe nè fut pas le plus fort : les officiers
de juftice refusèrent de retourner fur leurs pas, & il
y en eut un qiii fut frappé très - rudement Jean V
informé de çette aventure , en fut très-irrité, & fit
dire à l’ambafTadeur qu’il eût à renvoyer fon feiffe , pu
à ne plus fe montrer à la cour. Par la médiation de
quelques grands | çette affaire n’eut point alors de
fuites. Mais peu de temps après, l’évêque de Lamberg ,
toujours idçéré fie. l’affront qu’il croyoit avoir reçu,
engagea l’ambafiadeur de Charles IÏI à ufer de voie
de fait, Sl çet arnbaffadéür envoya tous fes domefli-
qpes empçcher non feulement cette çlaffe d’officiers de
paffer devant fa porte , mais contraindre lès magîftrats
qui paffoient en caroffe, de prer.dférin autre çneipin.
Le roi fit écrire p i notifier très-vivement fes volontés
à çet ambaffedeur , qui fe ligua avec lei-efte des miniftres
étrangers, & -.ceux-ci faifant caufe commune ,
refusèrent ppiniâtrernent,dè fe çonforqief aux intentions
du roi. Leur réfiftançe devint fi foutenue& elle fut
pouffée aveç tant d’opiniâtreté , que Jean V leur envoya
ordre de fprtff dans vingt-quafre heures de Life
bonne , ou il fit en même temps entrer quatre régir
ments de Cavalerie. Les miniftres furent contraints de
plier, Sç le roi, très-indigne de leur procédé , fe
refroidit beauçoup pour de? alliçs dont les: ambaiTa-
deurs prétendoient lui donner-des loix dans fes propres
états. C’eft à çette malheureufe querelle qu’on attribua
le refus çonftant que Jean fit, fous divers prétextes,
d’envoyer des fecours & des troupes au rpi Charles,
qqi avoit. eu de trèsr-grands avantages en Efpagne, &
qui en eut eu de beauçoup plus importants , s’il eut été,
mieux fécondé- Les., alliés fe plaignirent amèrement ;
le roi de Portugal répondit à leurs plaintes avec beaucoup
de fermeté , & prout â meme qu’il aypit été au-
delà de fes engagements, tandis qu’ils n avoient rempli
ws*ime partie, encore très-foible , des conditions auxquelles
ils s’étoient fournis. Et il eft vrai que, même dans
le feu de cette difpute , Jean Fçombattoit vivement
pour le roi Charles contre les Efpagnols. Le comte
de Villaverde agiffant offenfivemgnt par ordre de fon
jnaître , prit Mirande , plufieurs autres plaçes confi-
dérables, mit le pays a.contribution, Sc eût vraifeny-
blablement porté fes conquêfes plus loin , Ci le marquis
Bai. n’eût dans le même temps fait une irruption en
Portugal, cii il alla mettre le fiège devant Elvàs, ce qui
obligea l’armée Portugaife de revenir, Si fa préfencé
contraignit les Efpagnols de fe retirer. Malgré ces différentes
opérations, les ail: es fufpeSoient vivement la bonne*
foi des Portugais, .& leur défiance n’etoit pas tout-a-fait
deftituée d’apparences de raifon; car, pour les alarmer,
les François avoient répandu qu’ils venoient de faire
un traité fecret aveç le Portugal ; Si afin de donner
plus dé çonfiftance à ce bruit, ils firent en effet quel?
ques proposions a la cour de Lisbonne, tandis qu’ils
attaquoient les portugais en Amérique. Mais leurs proposions'ne
furent point accueillies , Ôileur entreprife
fur R.ojaneiro fut repoufïée avec beaucoup de perte î
ils fe yengèrent cruellement - enfùite, Si leur fucçès
eut une fontfte influence .fur les affaires du Portugal
jEn effet, la campagne fyivante fut plus malheurèufe
encore pour les allies & pour les intérêts de Charles,
que ne l’ayoient été les précédentes campagnes. Le duc
d’Anjou l’emporta fer fon concurrent. Les alliés affofe
JbHs Si hors d'état de tenir Contre la France Si l’Efe
pagne réunies, entrèrent en négociation, Si le Portugal
filivit l’éxemple de l’Angleterre 5 les çirconftances l’y
,Obligeaient d’autant plus', que feul Si fens appui, il
n’étoit pas en état de réfifter à l’Efpagne , gouvernée
par un prince de fe maff°n de Bourbon, maître de
toutes fes provinces de çe royaume , Si qui venoit d’y.
établir une forte de 'gouvernement militaire. Mais,
fi la paix fe rétabliflbit en Europe ^ Jean V reftoit
toujours dans de vives inquiétudes , foit par les fâ-
. çheufes nouvelles qu’il reçut de quelques intrigues fédi-
tieufes formées au Bréfil , caufées par le mécontentement
du peuple , Si par les projets faéiieux de
quelques grands , foit à caufe des fpnpçons que lui
oqnnoit fe conduite .de 1a .cour de France , qui paroiffoit
peu difepfée à interpofer fes bons offices auprès du
nouveau roi d’Efpagne pour affurer la paix entre les
nations Efpagnole Si Portugaife. Cependant, à force de
-foins , de fermeté, d’inflexibilité même, Jean parvint
à conclure la paix, aux conditions, à peu de chofe
près, qu’il aypit défirées ; ce traité même fut plus avantageux
ayx Portugais qu’ils ne l’avoient efpéré. Parvenu
enfin à jouir d?un calme auquel il afpiroitdepuis fi longtemps
, le roi de Portugal fe livra tout entier au bonheur
de fon peuple : voyant fon royaume riche par le commerce
, il vpiilut aufti l’embellir par les arts, Si il leur
donna des encouragements fi flatteurs , que bientôt on
les y vit cultivés avec le plus brillant fuçcès. Jean étoii
fort pieux , mais il étoit tout au moins aufti jaloux de
ce qu’on devoit à fon rang, que zélé pour la réligion. Il
demanda au pape Clément X I , le chapeau de cardinal
pour l’abbé de Biçhi ; ma'heureufement ççt abbé s’étoit
Jiijloire, Tome J JJ,
fait de puiffans ennemis, & ils le deffervirent tant,
que le pape refula de lui accorder les honneurs de la
pourpre. Jean fe ièntit très-ofienfe ; Si fi fon rcfl’enti-
ment n’écfeta. point alors, il n’en eut pas dans la fuite
des effets moins fâçhcux ; mais lorlque Clément XI
rejettoit Cette demande, le roi de Portugal avo t dans
fa famille des fùjets de chagrin qui l’cccupoient tout
entier ; foit par1 des vues de politiqqe, foit par des
rasfons d économie pii preffoit vivement fon frère don
Emmanuel de prendre les ordres foc rés : cet état ne
convenoit point du tout à don Emmanuel, qui api es
s’être long-temps îefufé aux folbe tâtions de fon frère ,
fatigué enfin d’une importunité qui ne fiiiflbi: pas, quitta
fecrétement la cour, s’embarqua peur la Hollande,
échappa au vaiffeau que le roi avoit envoyé .à fa pour-
fuite, Ôe entra au, fer vice de ^empereur contre lesTurcs:
la fuite précipitée de don Emmanuel n’étoit pas la feule
affaire qui occupât Jean V. Il venoit d’établir à Lisbonne
dès académies d’arts, de fçiences, de belles-
lettres l’inquifition n’avoit vu qu’avec des yeux jaloux
ces établiffemens fi fuheftes à l’empire de la fuperfti-
tion. L’inquifiteur s’étoit plein amer .ment; Si fes plaintes
n’ayant produit aucun effet, il s’éteit formellement Si.
très - audacieufement oppofé à béreâjon de çes acadé-
mies fie roi Jean F’ traita avec mépris cette oppofition 9
menaça l’inqusfiteur de le punir de fon infolence , Si
protégea les nouvelles académies, qui n’ont pu cependant
encore prévaloir en Portugal contre l’inquifition.
Toutefois , ces tracafferies n’empêchèrent pas le roi de
donner fe plus grande & ia plus vigilante attentionatout
.ce qu’il çroyoit pouvoir contribuer au progrès du commerce
national.; il fit à ce fujet d’excellens réjçm ,-ns, ■
des loix fages, Sc les inftitutions les plus utiles ■; ç ; fut
au milieu de ces occupations importantes, qu’il maria
don Jofeph, prince du Bréfil ? avec dona Marie*-Anne
Viétoire, l’aînée des infantes d’Efpagne, Si dona
Marie infante de Portugal, avec don Ferdinand, prince
des Afturiès. Jean V n’avoit point oublié le refus de
Clément X I , & il le follicita de nouveau en faveur de
l’abbé de Bichi; mais il effuya encore un refus plus
; marqué que eelui qu’il avoit reçu précédemment, Ce
prcççdé ulcéra profondément Jean V , qui défendit tout
! de fuite à fes fujets d’avoir déformais aucune communication
avec le faint fiège , Si aux eccléfiaftiques de '
s’adreffer au pape pour en obtenir des bulles, donnant
au patriarche de Lisbonne le droit .d’accorder dos 4if?
penfes, de juger les affaires eecléfiaft ques en dernier
reffort, enfin d’exercer à peu près toutes les fon&iqns
de la papauté. Jean ne pouffa pas fon reffentiment
aufti loin qu’on croyoit qu’il le porteroit. Benoît XIII,
qui avoit fuccédé à Clément, mourut ; le roi de Portugal
fe réconcilia ave.de fucceffeur de ce pape., Si
parut defirer fi fort ce raccommodement, qu’il ne
longea pas même à infifter for l’élévation de Bxh'j au
cardinalat. Le refte du règne de Jean fut pacifique,
à quelcues démêlés près, foit au fujet du cérémonial
dont il étoit fort rigide obfervatefir , foit au fujet des
prérogatives de fon rang, dont il fe montra toujours
xtrêmement jaloux. Il s’étoit propofe de ne jamais en-
J trer dans les différends qui pourroient furvenir gntrq
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