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JUVÈNAL , ( Decius Junius Juvenalis ) ( Hifi.
Litt. Rom, ) Poète latin, fameux par fès fotyres, vivoit
& ecrivoit fous Néron Si fous Domitien. Voilà qui
fiiftit pour l’abfoudre de l’hyperbole que Boileau lui
a reproché?.. Nous ne voyons pas qu’il ait plus exa-
eereque Tacite la peinture des moeurs de ee temps-
la . « Uhiftoire de ces temps déplorables, dit M. du
Saulx , traducteur de Juvènal , n’eô ' qu’une lifte
w de perfidies , d’empoifonnemens & d’aftaftinats.
» Dans ces eonjonéiures , Juvènal méprife l’arme
» légère du ridicule. . . . . . Il faifit le glaive de la
” fotyre.. . . C’eft un cenfeur incorruptible, c’eft un
» Poète bouillant qui s’élève quelquefois avec fon
» fujet jufqu’au ton de la tragédie.. . . Chez lui tout
» eft grave, tout eft impofant ; ou s’ilr it , fon rire eft
>> encore plus formidable que la cplere : il ne s’agit
»> par-tout que du vice & de la vertu , de là fèrvitude
Ï* & de la liberté, de la folie & de la fageffe..»
Sa devifo eft dans lès écrits ► vîtam impendere vero.
Il a peu loué : le malheur des temps l’en diipenfoit.
Nous ne voyons pas qu’il refofe les éloges mérités.
Maltraite-t-il le préfet régafus, lorfqu’il l’appelle
Optimus atqus
Interpres legum fanRiJJîmus?
La reftriâion qu’il met à cet éloge eft - elle bien
defobligeante ?
Omnia quamquam
Temporibus diris traèlanda putabat inermi
Jufluiâ i
Ne peint-il pas de couleurs aimables lavieilleffe aimable
de Vibius Crilpus ?
Vemt& crifpi j ucundafemRuSy
Cujus erant mores quaUs Jacundïa, mite
Ingenium* Maria ac terras populosque regenti ,
Quis. cornes utilior r f i clade & pefie fub illâ
Sezvltiam damnare & kanefium au erre liceret
Confilium.
Lft-ce la un foiHe éloge , & ce Crilpus ne foifoit
pas tout le bien que la vertu peut faire , eft-ce àlui
que te poète s’en, prend ? Nè loue-t-il pas julqu a fa
dextérité qui défarma ou contint la tyrannie ?. Et dira-
t-on qu’il foit injufte envers Domitieirlorfqu’il ajoute,
Sed quîd vwleniius aure tyranni ?
Cum quo de pluvïis, aut tzfiibus, aut nîmbofio
Vcre hcrnuri fatum pendebat amici?
Ille igitur nunquam direxit brachia contrà
Torrentem ; nec civis erat qui libéra pofixt
Vcrba armai proferre & vitam impendere vero.
Sic multos hyemes atque oRogefima vidât
Solflitia y his armis, illâ quoque tutus in. aulâ.
11 eft des temps fans doute où d’olèr dire ce que
les tyrans ofent faire , s’appelle manque de relpeâ ,
mifànthropie, fanatilme républicain, il fallut que lès
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Burrhus même & les Sénèque féKcïtafTeflt Néron-lut
le bonheur qu’il avoit eu d’affaffiner fa mère : mais
Juvènal leroit le premier des fatyriques fi la vertu
étoit le premier befoin des hommes : il Peft donc pour
tout elprit droit, & pour toute ame honnête. Horace
écrivit en courtifan adroit, Juvènal en citoyen zélé :
« Pun ne faille rien à defirer à1 un elprit délicat &
» voluptueux, l’àutre fatisfait pleinement une ame
» forte & rigide.»
On fait le jugement que Boileau avorté de Juvenal\
Juvènal élevé dans les cris de Pécole ;
Pouffa jufqu’à l’excès, fa mordante hyperbole ;
Ses ouvrages tout pleins drafïreufës vérités r
Etincèlent pourtant de foblîmes beautés :
Soit que for un écrit arrivé de Caprée
Il brife de Séjan la ftatue adorée :
v Soit qu’il fafle au Confeil courir les Sénateurs
D ’un Tyran foupçonneux pâles adulateurs: '
O u , que y pouffant à bout la luxure latine,
Aux portefaix xde- Rome il vende Meffaline :
, Ses écrits pleins de feu par-tout Brillent aux yeuxJ-
« De ces Beaux vers ,- dit M. du Saulx, les deux.
Û premiers font paffés en proverbe, on cite rare-
» ment les autres. » Si le fait eft vrai, c’eft une grande
injuftice , car dans ces vers il n’y a de répréhenfibles-
que les deux premiers. Que veut dire v
Juvènal élevé dans les cris de l’école ?
H femble qu’on parle d’un fophifte ou d’un pédant;
Qui rçconnoîtroit à ce tableau l’éloquerite & ver-
tueufè colère de Juvènal ^ Les autres vers font admirables,
& cara&érifent parfaitement trois* des plus-
belles fotyres, celle des vaux, oii une fi brillante Poëfie
enrichit une Philofophie fi profonde ; celle du Turbot,
où la tyrannie de Domitien & la [baffeffe des Sénateurs
font rire d’indignation ; celle des femmes, où
le tableau desproftitutions de Meffaline, fofiiroit pour
dégoûter à jamais* du vice..
Bien loin de reprocher à Juvènal fa fointe indignation
r qui peut quelquefois faire pâlir fous le dais
les tyrans & les pervers, je reprocberois plutôt à
Horace eelle qu’il n’a pas en parlant de certains
crimes, & l’enjouement avec lequel il raifonne foi;
les plus grandes horreurs.
Sceva vivacem credè nepotï
Matrem y. ntl faciet fceleris pia dextera ; mirttntt
Utneque calce lupus quemquam ne que dente petit bas :
Sedmala toile t anum vitiato melle ci eut a . . . «
Cum gladio uxorem vnterimis r matremque venenù
Incolumi capite esi-Quidenim ?~Neque tu hocfacisArgjsÿ
Nec ferro ut demens genitneem occidit Orefies,
An tu reris eum occisâ infaniffe parente,
A c non anti malis. dementem aflum f in is , quàm
In matris jugulo ferrum tepeficit acutum?
Il fout ©for le dire , je n’aime ni cette froideur
î u v
ïïeml-plaifontëî en parlant de crimes atroces 5 u* cétté
exeufe fournie aux plus grands crimes dans une fup-
pofition gratuite de démence.
Domitien exila Juvènal, âgé de qôatre-vingt ans,
for les frontières de l’Egypte & de la Lybie, mais après
la mort du tyran, le poète revint de fon exil, & paffa
une plus heureufe vieilleffe fous les règnes de Nerva
§l de Trajan. On croit qu’il mourut l’an 128 de J. C.
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JUVENAL DES URSINS. Uasrns) (des.)
JUVENEL D E C AR LEN CA S , (Felix dej (MiJU
Lite, mod.) de l’Academie des Belles-Lettres ae Mar**
foille, auteur des Principes de Vhifioire 6» des ejfais fur
1'hifioire des Sciences , des Belles-Lettres & des Arts. NS
a Pezenasen 16 7 9 , mort aufli a P&enas-le xa ayril
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