
jours pafler de pu.'fians fecours. La guerre de France
pour la focceffion de Charles I I , dernier roi d’Éf-
pagne , du ferig autrichien , fe continuoit toujours, &
mer i toit toute Tattention de l’empèreur. Cette guerre
mettoit en feu l’Italie, l’Allemagne , l’Efpagne' & la
Flandre. Le premier foin de Jofeph fut d’envoyer des
troupes en Efpagpe contre le duc d’Anjou , fous la
conduite de l’archiduc Charles. Il réprima par lui-
même le foulevement des Bavards contre le gouvernement
Autrichien. Cette révolte fût fatale a fes
auteurs ; elle l’auroit été là l’empereur r, fi une armée
Françoife avoit fécondé les rebelles. L’éle&eur fe
réfugia à Venife, & les princes éleéloraux furent
conduits à ïnfpruk. Les Bavarois furent taillés en
pièces; le trafor & toutes les provinces de cet éleç-
tprat tombèrent au pouvoir de l’empereur , qui les
confifqua par une fentence .impériale. L’éleéleur de
Bavière & celui de Cologne furent mis au b,an par
les éleéleurs._ La puiffan.ee impériale étoit mieux
affermie que jamais. Ferdinand I I , comme le remarque
un moderne , s’étoit attiré la haine de toute
l’Allemagne pour avoir puni un éleéleur qui prétend
i t lui enlever la Bohême, & Jofeph en proferivit deux
dont fout le crime étoit de ne point prendre les intér-
rêts de fa maifon, fans que l’Allemagne parut s’alarmer
de cette conduite. L’empereur voyant fon au-
torité affermie en Allemagne , chercha .à punir la
cour de Rome de fon attachement pour la France, j
Une querelle qui s’éleva entre les sbîrres &.un gentilhomme
de l’envoyé de fa majeffé impériale , lui
en fournit un prétexte. Jofeph en trouva un fécond
dans la prétention de Clément X I , qui conteftoit à
l’empereur le pouvoir d’exercer le droit de premières
prières , fans la participation du fouvërain
pontife. Cette prétention étoit autorise par une particularité
du régne de Frédéric III, qui, dans la frtua-
tion critique où il fe trouva plus dune fois 9 ne crut
pas devoir fe paffer du confenteipenj: des papes
avant que de préfenter les predf.es : on appelle ainfi
les bénéficiers nommés en vertu des premières prières.
Les fucceffeurs de Frédéric III fuivirent fon
exemple jufqu’à Ferdinand III, qui s’éleva au-deffus
de ces ménagemens', quand la paix de Weftphalie
lui eut confirmé les premières prières. Jofeph réclama
ce dçoit3 & a i jouit, ainfi que fes fucceffeurs.,
malgré les oppofitions des pontifes ; il ne s’en tint
pas là, il envoya des ambaffadeurs à Rome qui fem-
blerènt moins foire des’ repréféntations k Clément ,
que lui «Héler les ordres d’un maître. La méfintelli-
ger,ce du pape & de l’empereur prit chaque jour de
nouveaux accroiffemens, depuis 170.5 qu’elle commença
, jufqu en 1709 qu’elle fe changea en une
guerre ouverte. Les Quatre années qui partagèrent
ces deux .époques, produisent les plus grands évé-
nemens. Les : deffinées de l’empire étoient toujours
confiées à Marlborpug à Eugène, qui faifbient le. .
deicfpoit de Louis X iV , que la fortune abandon-
J°feph * pour entretenir le zèle de fes généraux,
|leva Marlboroug à la dignité de prince de l’empire,
^.leu? de ,çe gençral lui ayojen.t ipérité pettç rçcompenfe.
Ses efforts avoient- toujours été fiiivis^de«
plus grands fuçcès ; fa viéloire , à Ramiily , for*fe
maréchal de Villeroi, mit le comble à fa gloire, &fe
rendit maître d’Oflende, de Dendermonde, de Gand
de Menin & de tout le Brabant. Villars , la Feuiüade
& Vendôme s’efforcèrent inutilement de foutenîr la
gloire de la France qui commençoit à s’éelipfer ,
ils n’eurent qu’un foccès paffager , & Louis XIV ,
qui quelque temps auparavant prétendo't donner des
loix a l’Europe liguée contre lu i, fe vit contraint- de
recourir à la médiation du roi de Suede. Le due d’Anjou
, fon petit-fils., étoit for le point de renoncer ai*
trône d’Efpagne, & lui-même trembloit for le fien.
L’archiduc s’étoit fait proclamer roi "d’Elpagne dans
une partie de la Caftille ï l’empereur craignit un revers
de fortune, s’il avoit Charles XII pour ennemi.
Il ne négligea rien pour l’engager dans fon alliance ,
& parvint au moins à le faire relier dans la neutralité,
en accordant .aux proteflans de Siléfie le libre
exercice^de leur religion. On s’étonne que Charles
XII parut infenfible aux proportions de Louis X IV ,
qui l’appelloit pour être l’arbitre "de l’Europe; mais
les operations pacifiques étoient incompatibles aveç
le çaraélère d’un héros qui n’étoit touché que de la
gloire de vaincre , & qui ne vouloit point interrompre
le cours | de fes varies projets, commencés fous
les plus glorieux aufpices ; il étoit animé de cet ef-
priî qui conduiflt Alexandre aux extrémités de l’Inde ;
mais il vivoit dans un fièele où , avec les mêmes ta-
lens, il Tn étoit plus poffible d’exécuter les mêmes
deffeins., ni les concevoir fans une efpèce de délire;
Louis XIV n’ayant pu rien obtenir de la Suede, continua
d employer les négociations au milieu de la
. guerre. La fortune , autrefois fi favorable à ce monarque
, fembloit alors acharnée à le perfécuter > fes finances
étoient^ épuifées; la France, qu’une fuite de
triomphes-avoit rendu fi fiere , commençoit à murmurer
: enfin les circonftances étoient fi facheufes
que Louis X IV , idolâtre de la gloire, & jaloux à
l’excès de la grandeur de fa maifon j çonfentoit d’a-
bandonher la caufe de fon petit-fils , & de recon-
noître l’archiduc Charles pour roi d’Efpa^ne. L’emV
pereur ne fe contentait pas de ces conditions ; ii
exigeoit que le roi fe chargeât lui-même de détrôner
le duc d’Anjou , & peut-être y eût-il été réduit fan?
la petite vérole qui enleva Jofeph , pour le bonheur
de la France & la tranquillité de l’Europe. Il mourut
le 17 avril 1711 , âgé d’environ trente-trois ans. Ses
cendres repolit dans l’églife des capucins de Vienne
tombeau des princes de fa maifon. Il avoit été fait
roi de Hongrie en 1685 , roi des Romains en 1690
& empereur en 1704. Les embarras de la guerre ne
lui laifferent point le temps de fe faire couronner roi
de Bohême. L?impératrice Guilfemine - Amélie de
Brunfwick , fa femme , lui donna un fils , Léopold-*
Jofeph, qui mourut au berceau , & deux filles. Au-*;
gufte DI, roi de Pologne, époufà la première , nom-
mee Marie-Jofephe ; la fécondé, appellée Marie-Amàie±
fut mariée a Charles-Albert de Bavière qui fut empas*
fçpr çn 1742.. Jofeph étoit d’un efprit vif .& cFun
taraélère entreprenant, & ce que l’on doit regarder
comme une qualité dangereüfe dans un prince v ennemi
de toute diffimulation, il ignoroit l’art de faire
illufion for fes deffeins ; il efl vrai que le fecret étoit
en quelque forte impoflible, ou plutôt foperiu , par
fa promptitude à exécuter ce qu’il avoit conçu, au
milieu de fa bouillante’ activité. On voyoit éclater en
lui les plus foblimes talens : il avoit une grande expérience
, d’autant plus admirable qu’elle n’étoit point
le fruit de l’âge. Son ame étoit élevée, & les plus
grands obftacles ne le rebutoient pas. Jamais prince
ne connut mieux les différens intérêts dés puillànces
de l’Europe , & ne fut mieux en profiter. Il fàvoit
commander à fes miniftres , & quelquefois les écouter
; prompt à récompenfer & à punir , il fut fervi
avec zèle, & n’éprouva jamais de perfidie. Les vertus
guerrières & pacifiques trouvèrent en lui un rémunérateur
auffi magnifique qu’éclairé. Sa fidélité dans
les traités autant que fa dextérité à manier les affaires
les plus délicates , lui mérita l’affeélion de fes alliés,
qui ne l’abandonnèrent jamais. La hauteur de Louis
X IV , pendant le règne de Léopold , lui avoit fait
concevoir une haine invincible contre la France ; auffi
torique les états lui patentèrent la capitulation qui
Pobligeoit à ligner le traité de Weftphalie : Je Jignemi
tout, dit-il, excepté ce qui efl à l’avantage de la France.
Il fut fidèle à fa -haine jusqu’au dernier foupir. Une
particularité prouve combien fon' caraélère étoit entier
dans les propofitions de paix, jamais il ne diminua
rien de fes demandes quelque rigoureufes qu’elles
puffent être. Les cours de Rome & de Verfàilles
réprouvèrent tour à tour. On ne peut paffer fous fi-
lence les événemens de fon règne en Italie ;, on doit
foivre à cet égard la narration de M. de Voltaire,
écrivain fopérieur à tout autre , par tout où il a le
mente de la fidélité : il y auroit même de la témérité
à lutter contre loi. « Jofeph dit - i l , agit véritablen
ment en empereur romain -dans l’Italie ; il çonfife
” qua tout le Mantouan à fon profit , prit d’abord
» pour lui le Milanez, qu’il céda enfoite à fon frère
15 l’archiduc, mais dont.il garda les places & le re-
« venu , en démembrant de ce pays Aléxandriè, Va-
»> lenza , la Lomeline en faveur du duc de Savoie ; ,
» auquel il donna encore l’invefliture du Montferrat
» pour le 'retenir dans fes intérêts. Il dépouilla le duc i
*> de la Mirandffle, •& fit préfènt de fon état au duc ■
« de Modène. Charlès V n’avoit pas été plus puife
» Tant en Italie. Le pape Clément XI fut auffi alar-
m mé que l’avoit été. Clément VII. Jofeph alloit lui
î> ôter le duché de Ferrare ;pour le rendre à la mai-
» fon de Modène à qui les papes l’avoient enlevé.
3) Les armées maîtreflès de Naples, au nom de l’ar-
»> chiduc fon frère , & maîtreffes en fon propre nom
*> du Boulonois, du Ferrarois , d’une partie de la
J> Romagne , menaçoient déjà Rome. C ’étoit l’inté-
rêt du pape qu’il y eût une balance en Italie ; mais
” la viéloire avoit brifé. cette balance. On faifoit
» fomraer tous les princes , tous les poffeffeurs de
fiefs de produire leurs titres. On ne donna que
» quinze jours au duc de Parme qui relevoit du
Hifloïre, Tome. ///3
» feint liège J pour faire hommage à l’empereur. On
» diflribuoit dans Rome un manifefle qui attaquoit
» la puiffance temporelle du pape , & qui annuuoit
» toutes les donations des empereurs fans l’intër-
n vention de l’empire. Il efl vrai que fi par ce ma-
- v nifefîe on foumettoit le pape à l’empereur, on y,
» faifoit auffi dépendre les décrets impériaux du
» corps germanique; mais on fe fort dans un temps
» des raifons & dès armes qu’on rejette dans un
n autre ; & il s’agiffoit de dominër à quelque prix
» que ce fût ; tous les princes furent conflernés : on
j, ne fe feroit pas attendu que trente - quatre cardi-
n riaux euffent eu alors la hardieffe .& la générofité
» dé faire ce que Venife , ni Florence , ni Genève
jt n’ofoîent entreprendre : ils levèrent une petite ar-
j> mée à leurs dépens ; mais tout le fruit de cette
7) entreprife fut de fe fôumettre, les armes à la main,
j j aux conditions que Jofeph preferivit. Le pape fut
» obligé de congédier fon armee, de ne conferver que.
jj cinq mille hommes dans tout l’état eccléfiaflique ,
j» de nourrir les*.troupes impériales, de leur aban-
» donner Comachio , & de reconnoître l’archiduc
j j Charles pour roi d’Efpagne : amis & ennemis , tout
jj reffentit le pouvoir de Jofeph en Italie ». Ces foccès
juflifient le tableau qu'on vient d’en tracer, &
dans lequel on croit- devoir inférer une particularité
à l’égard de Clément XI. Ce pape, dans un bref que
l’empereur l’obligeoit d’envoyer à l’archiduc , chi-
canoit fur les expreffions ; il commençoit ainfi : A
notre très-cher fils JCharles, roi catholique en E[pagne.
Jofeph lé lui renvoya avec ordre d’y fobflituer celle-
ci : A notre très-cher fils Charles, Sa Ma/eflé, catholique
roi des Efpagnes , & le pontife obéit. ( M—Y )
Joseph , roi de Portugal, ( Hifloire de Portugal. )
Par quelle inconcevable fatalité les rois jüfles, équitables
, habiles, modérés , font - ils quelquefois ex-
pofés aux revers, aux défaflrês, aux fléaux lés plus
deflruéleurs , à ces atroces attentats qu’on croiroit ne
devoir agiter que les régnes des defpotes & des tyrans i Si
la prudence, les lumières de leur rëfpeélable monarque
n’orit pu mettre les Portugais à l’abri de ' ces violentes
tempêtes de ces épouvantables calamités qui ont penfe
détruire , bouleverfer l’état ; pourquoidans le temps
même que le ro i, par fa vigilance * fes foins aélifs, fa
bienfaisance, réparoit les malheurs de fes peuples , &
adouciffoit le fouvenir cruel des ravages qu’ils venoient
d’éprouver ; pourquoi fes rares qualités , fes vertus éminentes
n’ont-elles pu le garantir lui^tr.êmedu plusnoir des
complots, du plus affreux des attentats ? Le mémorable
régne de don Jofeph offre deux exemples frappans ;
l’un de l’autorité trop formidable de la foperflition, &
des effets funefles de fon influence for les efprits ; l’autre
des. égarements & des crimes dans lefquels peut entraîner
une ambition outrée. A quels puriiffables & terribles
excès peuvent fe porter ces deux caufes, lorfqu’elles
font réunies ! Elles ont tenté de concert, étayées l’une
par l’autre, enflammées l’une par l’autre, de renverfer
don Jofeph de fon trône. Par bonheur pour les Portugais
, la providence a détourné les coups que des
mains parricides avoient portés contre ce prince 2