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Rouen ,, & qu’on ne (ait ce qu’Arthus devînt. Jean
ioutint malle poids d’une couronne qu’ilavoit acquife
par un double forfait. Philippe le dépouilla de toutes
les terres'qu’il poffédoit en France. Jean fe brouilla
avec le pape Innocent DI & ce pontife le .força-
de foumettre fa-, perfonne & fa couronne au faint
S iégé , & de confëntirà tenir fes états comme
feudataire de 1 eglife de Rome. Un légat du pape reçut
I hommage de Jean , il étoit conçu en ces termes r
* Moi Jean, par la grâce de Dieu g roi d’Angleterre
feigneur d’Hibernie, pour l’expiation 3e mes
*» péchés,, de ma pure volonté.& de l’avis, de mes
barons, je donne à. l’églifë de Rome, au pape
a» Innocent & à. fes focceffeurs, les royaumes d’Angle-
* terre & d’Irlande , avec tous leurs droits;, je les
» tiendrai^ comme vaffal. du pape y je ferai fidèle L
91 Dieu , àd eglife Romaine , au pape mon fëignçur ,.
» & à fes focceffeurs légitimement élus. Je m’oblige de
» lui payer une redevance de mille marcs d’argent
« par an , .favoir , fept cens pour le royaume d’Angleterre
, & trois cens pour l’Hibernie »^Ce trait fuffit
pour cara&érifëf ce prince. Les- Anglois outrés de la,
lâcheté de leur roi,. réfolurent de le faire tomber du.
irone. Jean, informé de la difpofitiom des efprits-,
ÿ em b la lés b a r o n s&. trembla, devant eux comme
devant le légat du. pape. Il jura dtobferver tous les
articles de la grande charte, ajouta de nouveaux
privilèges aux anciennes prérogatives , & mit la liberté
publique au-deffus de l’autorité royale. Le monarque
toujours inoonféquent dans fa conduite,. fë repentant
d ’avoir accordédes droits fi exorbitans à fes fojçts , s’en
vengea en pillant les biens-des barons & en ravageant
fours terres. Ceux-ci fë révoltèrent,, appellèrent
Philippe, roi de France , à leur fecours offrirent la.
couronne d’Angleterre à- Louis , fon fils. Louis paffè
en Angleterre, y eff reçu ayec acclamation, &
couronné en 1216.. Jean meurt la.même année, .après
avoir erré de ville en ville , portant par-tout fes' inquié-
tudes, avec ia honte & . le mépris dont il étoit couvert.
( A . R. )
-Jean I I , furnommé le Bon , (Hijl. de France. ];
Ce prince naquit en 1320^ & parvint au trône de
h rance après lamorr de Philippe-de-Valois ,.en 1350.
^ étoit épuifêe d’hommes & d’argent; les
foldats étoientdécouragés par toys.les échecs que les
armes françoifes avoient reçus., Edouard III,, fier de
% feccès, prenoit le titre de roi de France rtelle étoit la
trjfie fituation de l’état, lorlque Jean fut appelle au
gouvernement. Il crut devoir effrayer les traîtres par
un exemple, terrible. Raoul , comte d’E u , accufé
avec fureur, condamné avec, légèreté porta fa tête fur
^échafaud : toute la France en murmura. Jean , pour
s attacher les feigneurs , f e perpétuer entr’éux une
concorde parfaite , inftrtua. l’ordre de l’Etoile. Cette
marque de diftinéfion ceffa d’en être une dès qu’elle
« e | & . la nobleffe Abandonna au guet-
Charles-le-mauvais étoit alors roi de Navarre : .le
caraaere atroce de ce prince njêfi. point encore affez
peint par le/urnom odieux qu’on, lui donna;; cruel
par goût, comme les autres par néceffité, il avpit
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pôtir ainfi dire du génie pour créer dès cnmés hÔtf2
veaux: il avoit fait affaffuier le connétable Charles-
de la Cerda.. Le roi attira:- Charles à- Rouen,. & le fit
arrêter ;; ce coup d’état ne fë fit pas fans effufion de
lang. Les partdans.de Charles (car les-tyrans1 en ont j
quelquefois ^appellèrent à- leur fecours le roi d’An-
■ gleterre. Déjà 1-Auvergne, le Limoufin , le Poitou,
font couverts de cendres & dè ruines '. Jean raffemble
fon armee ,, marche contre les Anglois fe? les joint à
Maupertuis près- de Poitiers. Le prince de Galles, fils
d Edouard, craint d’être enveloppé ,* - il. demande la
p a ix i l offre.la reftkution de tout-ce qu’il a conquis».
Jean efb inflexible,.,il veut venger tous les affronts
que la- France a reçus depuis tant d’années : la bataille
le donne le 19,. feptembre 135:6. »-Amis,., dit-il aux
» feigneurs de fa fuite ,, lorfque'vous êtes tranquilles k
» Pans,,vous appeliez les Anglois; les voilà"ces en-
» nemis que vous avez défiés ;. faites voir que vos
» mena ces. ne font point de vaines bravades >* Sa. va-
I leur impatiente caufà la. perte de la.' bataille ; l’envie
de fë précipiter dans les plus grands périls, l’empêcha
de voir ce qui fë pafloit loin de Itii ; il n’y eut nul
ordre dans, les attaques, nul enfetnble dans les mouvements
: le r o i,, longtemps défendu par fa propre
bravoure , par celle de fes gardes & par Philippe
fon jeune fils, fut contraint de rendre les armes. Le
prince de Galles le traita avec tous lès égards qu’il
devoit av fon rang., fur-tout a fon courage : ori le
condùifit a Bordeaux , fe delà, on le fit palier à Londres»
Pendant fa captivité, la régence fut confiée au. jeune
Charles, dauphin , qui dès-lors commençoit à mériter
le flirnom.de Jàge r, qu’on lui donna, depuis. Ce-
prince , fécondé par Duguefclin empêcha. du moins’-
là chute entière de l’é t a t s ’il ne le rétablit pas dans -
toute fa fplendeur. Charles-le-mauvais.-échappé de fà
prifon , employoit pour perdre la. France , la rule.
& là perfidie les feules armes qu’il connût. Un
fimplè bourgeois fauva- Paris de fa. for en* ; Edouard
s avança jufqu’aux portes de cette capitale , pillant,,
brûlant, faccageant :: c’eft ainfi.qu’il cherehoit à. mé--
riter 1 affeéfion d’ùn peuple for lequel: il voüloit régner»
Ennn , le fatal traité' de Bretigny rendit "la liberté- 3
Jean I I , en 1360. Il renonçoit a. toute efpèce*de fou-.-
veraineterifor la Guienne &, for les plus belles provinces
de. France à peine revenu à Paris , on voulut
l’empêcher de remplir ces conditions onéreüfes. « Si
»"la juftice fela.bonne-fôi , . répondit-il, étoient ban-/
» nies du refle du monde , elles devraientfe retrouver
» encore dans le coeur & dans la bouche. des rois ».•
Toutes les provinces qui dévoient paffer fous la
domination angloifë , s’opposèrent à l’exécution du
traite ; quelques-unes même menacèrent de fe ré-*
volter, fi. on youlôit les livrer à Edouàrd, & de
defobéir au, roi pour lui être fideHes.. Cependant
Edouard fot mis en pofieflion de fes conquêtes ; mais*
, fes ambaffadeurs manquèrent au rendez-vous où Ton
devoit leur remettre les renonciations authentiques
de Jean. Ce prince permit,, en 1360, aux, Juifs de
fixer leur fëjour dans le royaume pendant vingt" ans«'
La. mort; de Philippe de Rouyre , duc de Bourgogne 9
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foi Taifla ce duché dont il étoit héritier1 ; il le donna
i Philippe fon quatrième fils , comme apanage ré-
verfible à la couronne au défaut d’ènfants mâles. Le
éuché de Normandie les comtés de Champagne &
de Toulôufe forent aufli réunis' à- la couronne. Cependant
le due d’Anjou qui étoit refié à Londres en
étage, s’échappe & reparoît à la cour. Jean eft indigné
de fa démarche ;• for le champ il prend la réfo-
fotion d’aller à la place de fon fils reprendre fes fers
à Londres fer* vain tonte la cour s’oppofe à- ce deffein.
Nouveau Régulus , il ferme l’oreille aux prières de
fes parents , de fes amis, de fes fojets : il part, arrive
â Londres ,- & y meurt le 10 avril 1364. Jean n’eut
pas affez de talents pour tirer fa France de la fituation
horrible où elle fe- trouvoit : il en auroit eu affez pour
la rendre heureufe au fëin de la paix. On ne peut lui
faire un crime des guerres continuelles qui troublèrent'
fon règne :-'le droit naturel de la défenfe les rendoit
légitimes. Meilleur foldat que général, meilleur citoyen
que roi,. plus jufte qu’éclairé, fi quelque qualité l’élève
au-deffus du vulgaire des rois , c’efl fa- bonne foi.
f M. DE Sa cy . )
Jean I , roi d’Aragon, ( Hijl.- JEfpagne. ) A la
touté-puiffance près qui n’eft point le partage de la
^)ible humanité, lès rois feroient exactement tout ce
qu’ils voudraient faire ,- s’ils favoient employer avec
àrt le droit qu’ils ont de commander aux hommes.
Cet art pourtant ne paraît pas bien épineux , puifqu’il
eonfifte à fe faire^aimer feulement de ceux de qui l’on
veut être obéi. J’avoue qu’il faut aux hommes ordinaires
bien des taleng de grandes qualités pour être
aimés ; encore même avec ces grandes qualités, ces
talents fopérieurs , ne' parviennent - ils fouvent qu’à fë
foire des- ennemis dans la fociété. Quant aux rois *
avec de la-douceur,. de l’affabilité r il n’eft-rien qu’ils
ne puiffent, il n’y a rien qui leur réfifie ; on ne s’àp-
perçoit même pas des défauts qu’ils peuvent avoir , &
qui, qûelque confidérablés ,. quelque énormes qu’ils
raient, font rachetés par ees deux qualités. Un prince
affable ,- doux, efi toujours fur du zèle , du refpeâ,
de la confiance & de l’amour de fes fojets , qui mettant
for fë compte de cette douceur de caraaere fes
foibleffes r fes défauts Sc fes foutes même , ne voient
en lui que le roi bienfaifànt, le proteCleur généreux
m ami de fes peuplés. Tel fut Jean 1 , roi d’Aragon ;
51 fut bon:, & ne fot que bon : cependant lès Arago-
nois qui , à la véritévenoient d’être fournis à un
maître fort dur, impérieux , méchant , l’aimèrent &
le regardèrent comme le meilleur des fouverains. Jean
pourtant n’étoit rien moins qu’ambit'ieux de paffer pour
habile, mais il étoit affable, & la douceur lui tint
lieu des talents qu’il n’avoit pas & qu’on lui foppofa,.
des grandes qualités qu’il n avoit pas non plus & qu’on
voulut lui croire des éminentes vertus auxquelles il
ne prétendoit pas , &. que le peuple dont il étoit
chéri lui donna libéralement^ Il fe livra tout entier aux
plaifirs , ne chercha qu a fe procurer & à goûter tous
fes agréments de la v ie , & fe repofa du gouvernement
du royaume for la reine Violante fa femme, princeffe
de beaucoup d’efprit, ambkieufe &. intrigante ; njgis
.f E À 15-7
il étoit affable ÿ il étoit deux , & te fut uniquement
à lui qu’on rapporta fout ce qui ' fe faifort de bien ,
comme on attribuoit à fa femme ou au malheur dts
circonfianées toutes lès fautes qui fe commettoient
dans l’admifiiftration. On- ne foppofoit pas qu’un roi
qui recevoit avec- tant de douceur toutes les- remoif-
trances- qu’on jugeoit à propos de lui faire, fût fetv
lemejit coupable dé quelque négligence volontaire- dans
là conduite des plus importantes affaires, & l’on
exe-üfoit1 ou l’on feignoit dé ne pas voir toutes les
fauffes1 démarches dans- lefqùelies fengageoient fojn
inapplication , ou lés oonfeils de fon époufe &. de fes-
favoris. Ce fot ainfi que régna paifiblement Jean I
fils dé don Pedre IV 7 le .plus- impérieux des rois , le
plus violent dès hommes ,, fouvent le plus injufte, &
de dona Léonore , infante de Portugal. Il naquit le
27 décembre z'3.51 , & à fa naiffance, fon père lui
donna le titre de duc de Gironne , qui dans la fuite a
toujours été celui des fils aînés des rois d’Aragon. Son
éducation fot confiée à Bernard de Cabrera , général v
miniftre,. favori de don Pedre, & qui par les fervices
les plus importants & les plus fignalés, avoit mérité -
la confiance de fon maître ôc l’eftime publique r ceperv
dant, par des fautes vraies'ou foppofées , Cabrera fo
.fit des ennemis; & les accufations , ou peut - être les-
calomnies de ceux-ci ayant prévalu il devint odieux
à tout le m o n d é& for-tout à- don Pedre qui fbup-
çonnoit facilement fe condamnoit avec févérité , for.
les foupçpns- les plus légers. Jean n’avoit pas encore
quinze ans, lorfqué fon gouverneur perféeuté par fes-
ennemis & haï par fon maître , fot arrêté 7 mis et*
prifon, appliqué à- là plus violente torture , & , par.
ordre de don Pedre, jugévpar fon pupille Jean -, qui
le condamna à-moru Mariana raconte que cette cruelle-
fentence fot prononcée par don Pedre , & publiquement
exécutee par le duc de Gironne. Ce fait n’eft
pas prouvé , & c’eft affez qu’il ne foit pasvraifemblable
pour qu’on ne doive pas y ajouter foi. Jean n’étoit pas*
affez cruel pour faire dans cette occafion , l’office de'
bourreau ; il étoit fort doux au contraire , il aimoit
Cabrera, & il fut forcément obligé de prononcer ,,
fous la- diélée de fon p è reu n e fentence qu’il eût été;
très-dangereux pour lui de refofer de prononcer don?
Pêdre ne l’àuroit pas plus épargné que Cabrera. Quelque--
temps après il fe maria aÿec dona Marthe , foeur dir
comte d’Àrmagnac ; & le roi fon père , veuf depuis?
quelques années, époufa dona Sybille de Fortia. L e
caraaere altier ambitieux &. tracaifier de la reine
Sybille , caulà beaucoup de chagrins au duc de Gironne*
qu’elle haïflbit , ’ qu’elle cherenôit à rendre odieux h
don Pedre , & avec lequel elle ne garda plus de ménagements
, lorfqu’étant devenu veuf, il refofa d’époufer;
la reiiie de|Sieile , coufine de Sybille t qui avoit pro—
pofé ce mariage. La-reine Sybille éclata , fe déchaîna-
violemment contre le duc de Gironne, qui eut,enfin,
la douleur de voir le roi don Pedre partager la haine
de fa femme y & s’unir avec elle contre lui 0 ces dé-*
mêlés durèrent pendant trois années , fe Jean eut m
foppprter la perfécution fa plus dure & là- plus amère r
, juTqulfe f e règtze de typ fon père g p y