
3u on lui donneroit un comté ; mais le roi continua
e le regarder comme un rebelle, & rejetta toute négociation.
Quelques .écrivains Pont accufé d’avoir
affeété cette hauteur ; mais elle eft juftifiée par une
fage politique. On ne pouvoit ufer d’une févérité
trop grande envers les Italiens toujours prêts à la révolte
; & c’eft toujours une faute de la part d’un fou-
verain de traiter avec un fujet : c’eût été en quelque
forte reconnoître les droits d’Ardouin qui fe difoit
fils de Berenger I I , l’un des tyrans d’Italie pendant
l'anarchie qui fuivit la dépofition de Charles-le-Gros ;
cependant l’empereur, après un court féjour dans Milan
, fe rendit a Rome , oh Benoît III le facra, & lui
donna la couronne impériale ( 1 4 février Ï014 ). La
reine Çunegonde reçut les mêmes honneurs de la
part du pontife romain. Si l’on en croit quelques hifto-
riens , Henri I I fe reconnut le vaffal des papes, en
jurant fidélité à Benoît, & à fes focceffeurs. Mais
cette particularité de la vie de cet empereur eft re-
jettée comme faufl’e par les meilleurs critiques, & ne
peut fe concilier avec plufieurs autres faits généralement
reconnus. Eft-il croyable que Benoît qui depuis
fon avènement au fiège pontifical avoit été en
butte à toutes les perfécutions des Romains, eût
voulu avilir un prince dont le fecours lui étoit né-
ceffaire pour contenir fes ennemis ? Le pontificat de
Benoît avoit été jufqu’alors agité au point que ce pape
avoit été obligé de s’enfuir de Rome, oh il n’étoit
rentre qu’à la faveur des préparatifs que Henri I I
faifoit pour s’y rendre lui-même. Il ne pouvoit être
Solidement rétabli qu’autast que la terreur de fes
armes contiendroit les Romains. « Etoit-il en fitua-
tio», dit de Saint-Marc, de Ventêter des vaines prétentions
de quelques-uns de fes prédéceffeur-s, £c
d’impofer des loix à un prince qui par la réception de
la couronne impériale dever.oit fon fouveraiii ? Ceft
tout ce qu’auroit pu faire, continue ce critique,
un .pape jouifthnt tranquillement de fon fiège , &
bien for de voir tous les Romains feconder fes vues
d’un concert unanime •», Ce qui manque le plus ordinairement
aux fauflairesf'c’eft le fens commun.. Il feroit
cependant poffible qu’une piété peu éclairée lui eut
fait compromettre ainfi fon autorité. Il eft certain
qu’au retour de ce voyage, il Je fit affocier à l'abbaye ‘
de Clugny à laquelle il donna fe couronne., fon
fceptre, & un fuperbe crucifix, le tout d’or, &. du
poids de cent livres. Henri porta la dévotion plus
loin -; ce prince , par une confràdiéjtion affez ordinaire
dans la vie de l’homme., avoit foutenu une
guerre ciyile pour monter for le trône, & voulut en
dcfeendre, & confeçrer fes jours..à la retraite. Il aur
roit exécuté ce projet, fans Richard, abbé de Saint
Vannes , qui préférant lés intérêts de l ’état à la vanité
de voir un empereur fournis à fe règle , l’invita à con-r
ferVer fe couronne, Les religieux doivent obéiffançe
en tout à leur fopérieur , lui dit ce fege abbé, je'vous
ordonne donc de refter empereur.
Henri I I eut de nouveaux démêlés avec les
Polonois &. les Bohèmes, & ils tournèrent toujours
jà fa gloire. Après qu’il eut pacifié cçs natiops, Rodolfe
ou Raoul III, roi des deux Bourgognes, l’înftituà
fon héritier , à condition qu’il rangeroit a leur devoir
les états rebelles de ce royaume. L’empereur les ayant
fournis, fit approuver le traité, qui refta fens exécution
par la mort de Henri arrivée avant celle de Raoul.
Les Grecs tantôt ennemis, tantôt amis fecrets des
papes, faifoient des voeux continuels pour recouvrer
quelques débris de l’empire d’Occident qui leur étoit
échappé. L’empereur Bazile crut les conjonélures
favorables pour mettre à découvert les prétentions
de fon trône, & commença par exiger un tribut des
Bénéventins. Benoît VIII oppofe d’abord avec fuc-
cès aux Grecs, un nommé Raoul, gentilhomme Normand
, qui s’étoit exilé pour fe fouftraire au reffenti-
ment du duc Richard II. Raoul épuifé par fes propres
viéfoires, fe rendit en Germanie,'ou le pape l’avoit
devancé, & follicita des fec©urs de l’empereur.
Henri I I fe hâta d’arriver en Italie oh il reprit Bene-
vent for les Grecs, reçut Troye en pouilleà compo-
fition, &. pour récompenfer le gentilhomme Normand,
qui l’avoit feçondé dans cette guerre, il lui
donna des terres confidérables en Italie. Raoul profita
de l’autorité que lui donna l’empereur pour jetter
les fondemens de la monarchie des deux Siciles fur
les ruines de l’empire grec.
L’entrevue de Henri I I & de Robert , roi de
France, fut le dernier événement mémorable de ce
règne. Cette entrevue devoit fe faire for la Meufe
qui féparoit les états de ce prince. On étoit convenu
d’un cérémonial ; chaque roi devoit avoir fes gardes.
Henri I I , trop généreux pour foupçonner Robert
d’une perfidie, rejetta toutes les précautions, & fe
rendit à fe tente fans gardes^ Une paix de plufieurs
fiècles entre la France & l’empire, fut le réfoltat
de cette conférence. Les deux rois mangèrent en-
femble, & fe firent des préfens réciproques. Ils
avoient formé la réfojution d’aller à Pavie, pour
engager Grégoire à les accorder for certains droits
litigieux ; mais ce voyage fut rompu par la mort du
pape arrivée peu de tems après, L-’amitié n’en fut
pas moins fincère entre .ces princes. Henri s’occupa
de tous les moyens qui poüvoient faire naître la félicité
dans fes états, Il en parcourut toutes les’provinces
pour y répandre fes bienfaits. Il n’y en eut aucune
qui ne reffentît les effets de fa juftice & de fa géné-
rofité. Joutes les voix fe réuniffoîent pour bénir fon
règne qui finit avec fa vie le 14 juillet 7.024. Il ne
laiffa auçun héritier de fe puiffance, ni de fon nom.
On prétend qu’avant d’expirer il dit, en montrant
l’impératrice Çunegonde à fes parens : Vous me
l’avez donnée vierge-, & je vous la rends yierge :
étrange dévotion dans, un prince fouverain, qui
doit defirer d’avoir des defcendans i Cette particularité
de la vie de Henri eft démentie par une
diète tenue à Francfort, oh l’emperèur fe plaignit
de la ftçrilité de Cunegonje. Elle ne s’accorde gueres
d’ailleurs avec les préventions qu’il eut .contre la
vertu de cette prifaceffe. Ce n’èft pas qu’on veuille
jetter des doutes for fa p été ; elle fut fincère,
& le clergé en tira de grands avantages. Jamais
prince
prince ne fît de plus grandes largefles . aux mojtaf-
îères & aux églifes : tout eft plein de les eloges cans
les annales compofées par les moines. Tous les détails
de fa vie montrent un prince religieux, bien-
faifant, ami de l’ordre, & plein de valeun Mais
c’eft en vain que l’on y cherche l'homme d’etat. Il
détruifit la plupart des avoueries établies par Othon I ,
pour tenir le clergé dans la dépendance des empereurs;
Il confia même fes avoueries aux évêques, réunifiant
ainfi des titres incompatibles. L’évêché de Bamberg oh
repofent.fes cendres , lui eft redevable de fa fondation ;
& l ’on prétend que ce ne fut qu’en fe jettant aux pieds de
l’évêque Vursbourg , qu’il l’engagea, à confentir. a fon
éreétion. Henri fournit le nouvel, eveché immédiatement
au Saint-Siege' , & céda au pape la fozeraineté de la
ville de Bamb.rg pour le récompenfer' de ce qu’il le
prenoit fous fa prote&ion. On allure même qu’il confondit
à lui envoyer tous les ans un cheval blanc enharnaché,
& cent marcs d’argent. ( M - Y , ) .
Henri I I I , dit fe Noir , ( Hiß. £ Allemagne. ) ne
le 28 oéfobre 1017 > élu roi de Germanie en 1026 ,
facré le jour de Pâques 102.8, proclamé en 1039 ,
mort en oéfobre 1056.
Les prem ères années du règne de ce prince furent
fignalées par des viéfoires for les Polonois , les Bohèmes
& les Hongrois ; de grands ravages & de légers
tributs levés for les vaincus, en furent tout le
fruit. Henri I I I étoit d’autant plus jaloux de terminer
la guerre avec ces peuples-, que tout étoit en
çonfufion en Italie fous trois papes ennemis , & fous
une infinité de ducs rivaux les uns des autres, &
partagés entre les pontifes. & les empereurs. Il y
avoit plufieurs faéfions qui en compofoient deux
principales, celles des Ptolemées & des comtes de
Tofcanelle , ou dew Jufcule. Chacune avoit fait fon
pape qui lui prétoit les fecours- de fes anathèmes.
La populace de Rome en avoit fait un troifième.
Chacun d’eux étoit retiré dans un fort, & diifipoit
les tréfors du Saint-Siège dans les voluptés. L’empereur
fentit combien fa préfence étoit nécefîaire pour
arrêter ces défordres, & fit fes préparatifs pour entrer
en Italie. Arrivé à Milan , il fe conforma aux
ufeges de fes prédéceffeurs., & s’y fit couronner
roi des Lombards, ( 1046. ) Les cérémonies de ce
nouveau facre furent à. peine finies, que l’empereur
fe- reiidit à Sutri. Ce fut là qu’il, affembla un concilè
oh:les trois papes furent dépofés. Sintger, évêquç
de Bamberg, monta fur le Saint Siège, qu’il honora
par fes vertus. L’empereur, après avoir, reçu la
couronne impériale des mains du. nouveau pontife,
& avoir fait: rendre les mêmes honneurs à i’impéra-
tricé, exigea des Romains le ferment de. fidélité.
Ce lerment n etoit. plus qu une vaine ceremonie , ou
plutôt qu’un parjure. Les Romains dégradés n’of-
froient plus qu’une populace mercenaire, & fans
foi. Prodigues de leur ferment, ils le prêtoient fens
scrupule à celui qui étoit affez riche pour les corrompre
, ou afifez puiffant pour les faire trembler.
Ils promirent, comme il étoit d’ufage, de n’élire &
de ne confecrer aucun pape, fans fon agrément, &
Hijkùt'è. Tome 111,
feiTS celui'de fes foccefleufs. On verra fous le grand
& l’infortuné Henri IV quelle confiance on devoit
avoir en leur parole. Avant de repafler en Allemagne,
oh faV préfon,ce n’étoit pas moips néceflaire
qu’en Italie -, Hewi 1 1 1 donna l’inveftiture de la
PouVlie &. ;.de la Çalabre au brave Normand, conquérant
de ces ; provinces, for l’empire. Grec. 11 en
excepta Bénevent ., dont les comtes de Tofcanelle
étoient les maîtres eu plutôt les tyrans. On ne tarda
pas à s’apperceyoir .combien la loi concernant les
fiefs, étoit, contraire à la tranquillité de l’etat. Conrad
I I qui la porta, eût dû en prévoir les funeft:3s
conféquences. Ceft peut-être à çette loi qu’on doit
rapporter tous ; les malheurs qui affligèrent ■ fe race..
L’hérédité avoit été en ufege^fous les règnes précé-
dens, mais .les ■ empereurs avpient fouvent partagé
les grands fiefs entre plufieurs prétendans. Ainfi Ion
avoit fouvent vu la Saxe, la Suabe,. la Bavière
poffédées chacune par plufieurs ducs, au lieu que la
loi. fembloit avoir ôte aux empereurs cette liberté
qui, en divifent les grands vaflaux, devoit affermir
lé trône.: Henri, trop gêné par cette loi , crut pouvoir
s’exempter de la fuivre., & lorfque le duché
des deux. Lorraines vint à vaquer par la mort de
Gotelon I , que Conrad I I en avoit invefti, il ne
donna que la baffe à Godefroy , fils de ce due, &
la haute foc.ceftivement à Gotelon 1 1 , à Albert iffu
d?une illuftre maifon d’Alfece, & à Gérard de la
même famille, tige des princes de la maifon de Lorraine
d’aujourd’hui. L’ambitieux Gôdefroi ne pouvant
fouffrir de fécond au duché de Lorraine, chercha
tous les moyens de fecouer le , joug. L’empereur
lui. avoit pardonné plufieurs fois après-l’avoir fait
tomber à,fes pieds. Le duc , toujours enivré de fes
projets de vengeance, paffe en Italie à deftëin
d’engager les Normands à feconder fon reffenti-
ment, & à partager : ce royaume lorlqu’ils l’au-
roient affranchi de la domination Allemande. L’empereur
ayant tout à craindre dès, intrigues du rebelle,,
paffe les .AlpeS ; & ,fe: faifit de la ducheffe
BéatrixT,,-.veuve ;de Bonifaee marquis de Tofcane,
que le rebelle • âyoit •époufée - , depuis: fa . fuite en
Italie y & l’amèna ave;e ■ lui .en Allemagne , après
■ avoir forcé fon perfide .époux d’y rentrer. Ce rebelle
oenferva la baffe.. Lorraine malgré fes intrigues
&. fes lévoltes. Conrad I , duc de- Bavière ,
implora vainement la même clémence.. Cité à la
diète :,dè Mersbourg, il. fut dépofé j . ôcJie. put être
rétabli. Une. guerre malheUreufe termina le règne
'd è.Henri I I L Le .chagrin qu’il en cqnçut, ‘ caufe fa
mort..■ Viclor I I , qui pour-lors étoit auprès de lui ,
reçut; fes, derniers foupirs , & facra fon fils Henri IV ,
âgé pour lors d’environ fix ans. L’empereur avant
fe mort y avoit eu une . entrevue avec Henry I , dans
laquelle ils renouvellèfênt l’alliance entre l’Allemagne
& la France. On prétend que ces princes
fe féparèrent ermemis. La fierté de Henri I I I rend
cè fentiment probable. A l’entendre, il n’y avoit
point de prince, en Europe qui ne dût lui rendre
hommage ; on le vit for le point de déclarer la