
gardons-nous de l’en eftimer. Quand moitié , êé cfti'on
ne dit pas, des fonds exorbitans auroient été employés
•n bienfaits & en aumônes réparties avec la plus grande
intelligence & la plus grande équité, il vaut mieux
laiffer chacun faire fes aumônes & laiffer à chacun
le moyen d’en faire, que de lever fur les peuples de
tels tributs & de fe charger de la répartition. Les rois
ne* doivent point donner , mais récompenfèr des travaux
& des fervices ; ils ne doivent point faire l’aumône
, mais gouverner de manière qu’on foit en état
de la faire , & qu’il y ait peu de pauvres.
On a cité de Muhadi divers traits, divers mots
plus ou moins eftimables.
A fon arrivée à la Mecque & à Ion entrée dans
la Mofquée , un dévot lui préfènta une pantoufHe,
qu’il afiuroit, ainfi que le peuple, avoir appartenu à
Mahome*. Mahadl la reçut avec refpeéf, & donna
une fe mme confidérable au dévot. 11 dit enfuite à fes.
courcifans : Mihomet na jamais eu ni vu cette ckauf-
fure j mais le peuple efl perfuadé quelle vient de ce
prophète , & Ji je lavais refufée , il aurait cru que je
méprifols les chofes faintes. Cette conduite a un air
de prudence &. de refpeél pour les erreurs populaires
qui d abord infpire de l’eftime ; cependant elle peut
être envifâgée diverfement. Pourquoi } diront des
. efprits plus amis de la vérité, entretenir la fùperftition
par un faux refpeéf pour des erreurs ? Pourquoi , s’il
croyoit là religion vraie , fouffriri qu’elle fût profanée
par le menlonge ? Pourquoi, s’il la croyoit faillie,
autorifer des fàuffetés ? Ce n’eft pas qu’il faille toujours
combattre de front lès erreurs populaires en matière de
religion ; ce courage fèroit l'ouvent une témérité ;
mais pourquoi payer & payer cher pour les accréditer?
Pourquoi fournir en leur faveur, un argument & un
exemple qu’on ne manquera pas de citer , & qui
fortifieront ces erreurs.
A ce même voyage de la Mecque , un homme
hü donna une très-bonne leçon for lès largeffes oné-
reulès au peuple, qu’il répandoit avec profùfion dans
la molquée : Mahadi demanda à cet homme s’il ne
vouloit pas y avoir part ? Dans la maijon de Dieu,
lui répondit cet homme , je ne demande qu’à Dieu,
4’ je ne lui demande autre chofe que lui-mime.
D ’autres réponlès faites à ce prince donnent une idée
bien aimable de fa bonté. Jufquà quand, difoit-il à un
de lès officiers , retombere^-vous^dans Us mêmes fautes ?
Tant qiiil pleura au ciel, lui répondît cet officier , de
vous conferver pour notre bonheur, nous ferons des
fautes, & vous nous les pardonnerez
Mahadi mourut à la çhalte par un accident à-.peu-près
femblabte à celui qui chez nous enleva-un des princes
Carlovingiens , Louis, frère de Carîcman. La bête
qu’il chafloit, fe jettà dans une mafuue , cù le cheval
entra fur le s traces ; arrêté par la porte qui fe trouva
trop baffe , le prirc : fut rénverfe ; il eut les reins
brilés , & expira fur le champ, l’an 785 de J. C. Iï
«voit régné dix: ans fit un mois.
MAHAL,, ou MAHL, ( Hiftoire moàL ) c’eft ainfi
«pi’o.n nomme le palais du grand mogol, qù ce prince
a les appartem'ens & ceox de fes femmes & côncubine$
L’entrée de ce lieu eft interdite même aux m'ntflres
de l’empire. Le médecin Bernier y eft entré plufieurs
fois pour voir une foltane malade , mais il avoit
la tête couverte d’un voile , & il étoit conduit
par des eunuques. Le mahal du grand rnogol eft la
même chofe que le ferrail du grand feigrieur &. le
haram des rois de Perlé ; celui de Dehîî paffe pour
être d’une très-grande magnificence. Il eft rempli par
les reines ou femmes du mogol, par les princeffes du
fang, par les beautés afiatiques d-fiuées aux plaifirs du
fouverain , par les femmes qui veillent à leur conduite ,
par celles qui les fervent, enfin par des ey nuques,
Lesenfàns mâles.du mogol y reftent auffi jufqua ce
qu’ils foient mariesr; leur éducation eft confiée à des
eunuques, qui 1 qui.infpii'ent desfentimens très-oppoles
à ceux qui font •nébeïïaires pour gouverner un grand
empire ; quand ces princes font mariés, on leur donne
un gouvernement ou une viceroyauté dans quelque
province éloignée.
Les femmes chargées de veiller fur ta. conduite de»
princeffes & fultanes font d’un âge mur ; elles influent
beaucoup furie gouvernement de l’empire. Le fouverain
leur- donne des offices ou dignités qui correfpondent
à ceux des grands officiers de l’état ; ces derniers font
.fous les ordres de ces femmes , qui ayant l’oreille du
monarque ,. difpofent fouverainement de leur fort.
L’une d?elles fait les fondions de premier miniftre ;
une autre celle de fecrétaîre d’état, &c. Lesminiftres
du dehors reçoivent leurs ordres par lettres,. & mettent
leur unique étude à leur plaire d’où l’on peut
juger de la rigueur des mefures & de la profondeur
-des vues de. ce gouveinement ridicule.
Le grand-mogoi n’eft fervî que par des femme»-*
dans l'intérieur de fon palais ; il eft même gardé par
une compagnie de cent femmes tartares , armées
d’arcs , de poignards & de fabres. La femme qui les
commande a le rang &. les appointements d’un omrak
de guerre ou générai d’armée, (A. R.j
MAHA-OMMARAT, ( Hifl. mod. ) c’èft le nom
que l’on donne dàns-le royaume de Siam, au fèigneur
le p'us diftingué de l’état, qui eft le chef de la no»
blefle, & qui, dans l’abfence du roi & à la guerre *
fait les fondions du monarque & le repréfènte. (A.R.}
MAHARBAL , ( Hifl. des guerres Puniques ) capitaine
carthaginois qui commandoit la. cavalerie à la
bataille de. Cannes. Il eft connu fur - tout par le
confeil qu’il donna de marcher droit à Rome. Dans
cinq jours , difoit-il à Annibal , je vous donne à
fouper au Capitole. Annibal ne goûta point cet avis, &
Ion lait que Maharbàl lui dit qu’il ne favoit que vaincre,
& non pas ufer de la vidoire : Tum Maharbal : non
omnia nimirietn eidzm Dïi dedere ; vincere feis, Annibal;
viélorid uti nejcis.
Ne croyons pas cependant avoir le droit de condaml
ner un général tel" qu’Annibal, fur ce mot d’un
capitaine % que nous pouvons croire très-habile, mai»
dont nous ne favons pas bien précifément quelle
pouYoit être l’autorité, & dont le» talents nous font
#&aucoup moins prouvés que ceux d’Annibal. CTn i
beaucoup parlé des délices de Capoue qui amollirent,
dit-on, l'armée Carthaginoife ; il eft jufte de pefer
auffi les raifons qui ont pu déterminer un homme
tel qu’Annibal, &. que M. Rollin a très-fenfément
•xpofées.
MAHOMET. Sur Mahomet le prophète, voyeç .
l’article fuivant;
MAHOMÉTISME , f. m. ( Hifl. des Religions du
■ inonde. ) religion de Mahomet. L’hiftorien philofophè
de nos jours en a pjint le tableau fi parfaitement,,
que ce lèroit s’y mal connoître que d*ën prefènter
sn autre auxledeufs.
Pour fe faire , dit-il, une idée du Mahométifme ,
qui a donné une nouvelle forme à tant d’empires ,
il faut d’abord fe rappeller que ce fut fur la fin^ du
fixiéme ûècle, en 570, que naquit Mahomet à la
Mecque dans l’Arabie Pétrée. Son pays défendoit
alors fa liberté contre les Perfes, & contre ces princes
de Conftantinople qui retenoient toujours le nom
d’empereurs Romains.
Les enfants du grand Ncushirvan , indignes d’un
tel père, défolôient la Perfe par des guerres civiles
& par des parricides. Les fuccëffeurs de Juftinien
aviliffoient le nom de l’enipire ; Maurice venoit d’être
détrôné par les armes de Phocas & par les intrigues
du patriarche fyriaque & de quelques évêques, que
Phocas punit enfuite de l’avoir fervi. Le fang de
Maurice & de fes cinq fils avoit coulé fous la main du
bourreau , & le pape Grégoire-le-grand , ennemi des
patriarches de Conftantinople , tâchoit d’attirer le
tyran Phocas dans fon parti, en lui prodiguant des
louanges ôc en condamnant la mémoire de Maurice
qu’il avoit. loué pendant fà vie.
L ’empire de Rome en •occident étoit anéanti ; un
déluge de barbares , Goths , Hérules Huns , Vandales
, inondoient l’Europe , quand Mahomet . jettoit
dans les délèrts ele_l’Arabie les fondements delà religion
& de la puiiTance mufilmane.
On fait que Mahomet étoit le cadet d’une famille '
pauvre; qu’il fin long-temps au fervice d’une femme
de la Mecque , nommée Cadilchée, laquelle exerçoit
le négoce; qu’il ï’épovifà & qu’il vécut obfcur jufqn’à
l’âge de quarante ^ns. Il ne déploya qu’à cet âge les
talents qui le rendoient iùpéri-eur à fes compatriotes.
Il avoit une éloquence vive & forte , dépouillée d’art
éc de méthode , telle qu’il la falloit à des Arab. s ;. un
-air d autorité & d’infinuation , animé par des yeux
perçants & par une heureufe.phyfionomie ; l’intrépidité
d’Alexandre, la libéralité, ÔC la fobriété dont
Alexandre auroit eu befoiii pour être grand homme
«n tout.
L’amour qu’un tempérament ardent lui rendoit
néceffaire , v& qui lui donna tant de femmes & de
concubines, n’affoiblit ni fon courage, ni. fon application
, ni fa fànté. Oeft ainfi qu’en parlent des Arabes
contemporains , & ce portrait eft juftifié par fès
allions.
Après avqrr connu le c^ra&ère de fes conçjtoyens,
leilf IgKdraiicé, leur crédulité, & leur dîfpofition k
l’enthoufiafme , il vit qü’il pouvoit s’ériger en prophète
, il feignit des révélations, il parla ; il le fit
croire d’abord dans fa maifon, ce qui étoit probablement
le plus difficile. En trois ans, il eut quarante-
deux difciples perfùadés ; Omar , fon perfécuteur,
devint fon apôtre ; au bout de cinq ans , il en eut
cent quatorze.
Il enfèignoit aux Arabes, adorateurs des étoiles ,
qu’il ne falloit adorer que le Dieu qui les a faites :
que les livres des Juifs oc des Chrétiens s’étant corrompus
& falfifiés , on devoit les avo;r en horreur ;
qu’on étoit obligé, fous peine de châtiment éternel,
de prier cinq fois le jour, de donner l’aumône, &
fur-tout, en ne roconnoifiant qu’un feul Dieu, de
croire en Mahomet fon dernier prophète ; enfin de
hazarder fa vie pour fà foi.
Il défendit--l’ufàge' du vin , parce que l’abus en eft
dangereux. Il conlerva la circoncifion pratiquée par
les Arabes, ainfi que par les anciens Egyptiens ,
inftitùée probablement pour prévenir ces abus de la
première puberté, qui énervent fouvent la jeuneffe.
Il permit aux hommes la pluralité des femrries, ufàge
immémorial de tout l’Orient. Il n’altéra en rien la
morale qui a toujours été la même dans le fond chej,
tous les hommes, & qu’aucun légiflateur n’a jamais
corrompue. Sa religion étoit d’ailleurs plus affujet-
tiffante qu’aucune autre, par les cérémonies légales :
pari lé nombre & la forme des prières & des ablutions
, rien n’étant plus gênant pour la nature humaine ,
que des pratiqués qu’elle ne -demande pas , & qu’ê
faut renouveller tous les jours.
Il propofoit polir récompenfè une vie éternelle ,
où l’ame feroit enivrée de tous les plaifirs fpirituels,
& où le corps relTufcité^avec fes fèns , gcf.taroit
par fes fens mêmes toutes les voluptés qui lui foat
propres. -
• Cette religion s’appella Viflamifme , qui figirfie ré=-
Jîgnation à la volonté de Dieu. Le livre qui la contient
s’appella coran, c’eft-à-dire , le livre-, ou l’écriture ,
ou la lecùire par excellence.
Tous les interprètes de ce livre conviennent que
fa morale eft contenue dans ces paroles : « recherchez
» qui vous chaffe , donnez à qui vous ôte , pardonnez
» à qui vous effenfè , faites du bien à tous , ne
» conteftez point avec les ignorants- ». Il auroit d&
également recommander de ne point difpu'-er avec les
fâvants. Mais , dans cette partie du monde , on ne
fe doutoit pas qu’il y eût ailleurs de la fcience & de»
' lumières.
- Parmi les déclamations incohérentes dont ce livre
eft rempli, félon le goût oriental, on ne 1 aille pas de
trouver des morceaux qui peuvent paroître fublimes.
Mahomet, par exemple , en parlant de la ceffatioa
du déluge, s’exprime ainfi: a Dieu dit : terre, en-
» glc ut s tesc eaux ; ciel t puifè les eaux que tu as
» veifées : le del & la terre obéirent ».
Sa définition de Dieu eft d’un genre plus véritablement
fublime. On lui demandoit quel étoit cet
Alla qu’il annonçât : « c’eft celuirépondit-Ü, qui
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