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fuivrefon feignéur à la guerre. Henri î ï ï fut le premier
qui entreprit de reflreindre cet abus. Il déclara que
la nobleffe n’étoit point attachée à la pofTeffion d’un
fief. Henri IV étendit plus loin cette réforme, en
fupprimant la nobleffe qu’on s’attribuoit en fuivant la
profeffion des armes ; on neut plus la faculté de s’an*
noblir foi-même. Depuis ce temps, le titre de gentilhomme
nkft que l’attribut d’un citoyen iffu de race
noble, ou de celui qui a reçu du prince des lettres d’an-
nobl ffement, ou enfin de celui qui eft revêtu d’une
dignité à laquelle' la nobleffe eft attachée. S’il corrigea
cet abus, il en iutroduifit un autre qui donna un faux
éclat à bien des familles puiffantes par leurs richeffes.
C e prince environné d’ennemis étrangers 6c de fiijets
rebelles, trouva le fecret de careffer la vanité des
riches pour les attirer fous lès enfeignes : il leur écrivoit
des lettres, où il les qualifioit de comte, ou de baron,
®u de marquis. & comme tous ces titres ne lui coû-
îoient rien, il en fut extrêmement prodigue. Les def-
cendans de ces hommes nouveaux ont fait de ces
lettres des monumens de leur nobleffe.
Depuis l’introduéHon de la vénalité des charges,
le poffeffenr pouvoit les réfigner, mais il falloit qu’il
vécût quarante jours après fa démiflion, pour que fa
réfignation fut légale , de forte que des charges achetées
bien cher retournoient au ro i, qui étoit obligé de
les accorder gratuitement à l’importunité des courtifans.
I l parut plus jufte & plus avantageux de les affurer
aux héritiers des poffèfïeurs décédés, moyennant qu’ils
payaffent tous les ans le foixantieme denier de la finance
à laquelle ces offices avoient été taxés. On nomma ce
droit annuel la paulette , du nom d’un certain Paulet,
qui en avoit donné l’idée & qui en fut le fermier. Cet
«tabliffement qui avoit les abus , trouva des cenfeurs &
des panégyrifles. Le roi avoit érigé une chambre royale
en 1601 , pour faire rendre gorge aux financiers. Ce
tribunal jetta.plus de troubles dans les familles, qu’il
ne verfà d’argent dans le tréibr public r trois ans après
en renouvelJa cette lecherche, qui fut auffi infruc-
tueufè; enfin en 1606 , la nobleffe indignée d’être
©bfcurcie par le luxe infultant de ces hommes nouveaux
fit rétablir une chambre de juftice pour foire
le procès aux exaâeurs. Cette chambre, pour fèmer la
ierreur , remplit les places publiques de potences & de
carcans- Cet appareil de fùpplices détermina les coupables
à s’expatrier avec leurs richeffes j & du lieu
de leur retraite, ils facrifierent une portion de leur fortune
pour acheter des proteéieurs à la cour ; de forte
que de tant de millions e n v a h is il ne rentra que deux
cens mille écus dans les coffres du roi. L ’expérience
dépofè gue ces fortes de recherches on t’ toujours
aggravé les maux qu’on fe propofbit de guérir- L ’édit
lancé contre les banqueroutiers parut plus néeeffaire,
les troubles de l’état lès avoit fort multipliés, en les.
Jaiffant impunis. On décerna; peine dè mort contrèux ,
comme voleurs publies. Tout tranfport y v ente,
ceffion faite par eux furen^ annùllés , 6 c il fut défendu ;
à leurs créanciers de leur foire aucune retnife ’& de
leur accorder aucun délai. Cette fevérité ne produifit
pas le bien qu’on s’en étoit promis» Les banquerou-
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n ets , avant^ de déclarer leur failfité, fe réfugiérerft
avec leurs richeffes chez l'étranger où ils jouiffoient
impunément de leurs larcins.
La fureur des duels privoit la France de fès plus
braves defenfèurs. On lança un édit fèvere contre ceux
qui fe battoient & contre ceux qui leur fèrvoient de
féconds. On fit pîufieurs beaux réglemens pour la réparation
des offenfès , il y fut preferit aux offenfés de
s’adreffer au roi ou aüx maréchaux de France, pour
obtenir la pérmiffion de fê battre. Les François étoient
encore trop barbares pour obfèrver cet édit*
Les confpirations fréquentes formées contre le roi
& l’etat dont la plupart étoient fomentées par l’Ef-
pagne,. reveillerent les anciennes inimitiés. La fiiccek
fion de Cleves & de Juliers fournit un prétexte aux
deux puiffonces de foire de grands arméniens pour
protéger leurs alliés. Une armee de trente mille François
& de fix mille chevaux fè rendit fur les frontières
de la Champagne. L e maréchal de Lefcfiguieres en
avoit une autre de douze mille hommes de pied &
de deux mille chevaux. Les Vénitiens & le duc dè
Savoie dévoient le .joindre avec trente mille hommes.
Les princes d’Allemagne êc les Hollandois fès alliés
dévoient attaquer la maifbn d’Autriche avec des forces
auffi nombreulès. Les frais de cette guerre avoient été
calcules avant l’entreprife, & quoiqu’il en dût coûter
a la France trente millions par an , le roi avoit des
fonds fuffifans pour la fbutenir quatre ou cinq ans fans
charger fbn peuple de nouvelles impofitions. C e fut
au milieu de cet appareil de guerre que Ravaillac forma
le deffein de l’aflaffiner. C e monftre , né à Angou-
lême, étoit âgé de^ trente-trois ans. Il avoft pris l’habit
de Feuillant dont il fut dépouillé, parce que prétendant
avoir des révélations, on s’apperçut qu’il avoit la
tete mal organifée : les libelles des ligueurs, les invectives
lancées contre le roi dans la tribune fkerée ,
allumèrent fou fonatifme. Il fè trouva de foux doâeurs
qui, par des vifions fiippofées 6c d’autres pieux arti-
fiees, égarerent fon imagination. Il épia le moment où
le roi aïîoit à l’arfénal fans gardes, pour exécuter fbn
parricide. U n embarras de charrettes, dans la rue (Te
la Ferronnerie, en facilita l’exécution : il frappa le roi
de deux coups de couteau dans ta poitrine.. Le fàng
coula avec tant cPimpétuofité qu’il- ne put proférer
une foule parole.. II mourut dans la einqùante-feptième
annee de fon â g e , 6c dans la vingt-deuxieme de fbn
régné.
C e prince, après avoir été pendant fa vie l’arbitre
de l’Europe,. reçut de la pofférité le nom dè Grand
qu’il mérita par fès qualités bienfoifàntes,. plus encore
que par fa valeur héroïque. Il eut toujours-des rebelles
a punir, il mit là gloire à leur pardonner \ la clémence
, qui lui étoit naturelle , fïit quelquefois contraire
aux interets de la politique qui exïgeoit de la févérité.
Il témoigna de grands égards pour la nobleffe qui en
effet avoit prodigué fbn fàng pour cimenter fà pui fiance :
quoiqu’il fut roi,, il fè gtorinoit.du titre de gentilhomme :
il réunit aux vertus de l’homme privé tous les tafens qui
font les grands rois. Elevé fous la tente , il eut la fran-
chife d’un foldat, ennemi’ du luxe 6t de la parure, il
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gh pouffa le dédain jufqu’à tomber, dans une malpropreté
rebutante. Son nom ne peut encore être prononcé
qu’avec attendriffemeri par tous les François.
Ce prince fi grand clans les combats, fi bienfafont
dans la p a ix, if affable dans la fociété, ne fût point
exempt des foibleffes attachées à l’humanité. Son coeur
fait pour aimer , éprouva la plus douce ôc la plus im-
oérieufe des pallions ; mais l’amour .ne préfida jamais
dans .fon confeil : auffi b rave, auffi clément que Célàr,
il fut tendre 6c galant comme ce Romain. La belle
Foffeufe 6c la ©omtèffe de Guiche lui infpirerent tonr-
a-tour une vive paffion. Gabrielle d’Eftrée fut celle
qui régna le plus long-temps fur fon coeur : on prétend
même qu’il l ’eût époufée, s’il eût pu obtenir alors La
diffolution de fon mariage avec Marguerite de Valois.
La mort d e fon amante laiffa dans fon coeur un vuide
qui fut rempli par la célébré marquife de Verneuil,
femme fpirituelle , qui réuniffoit tous les artifices d’une
courtifanne 6c tous les talens qui font les charmes de
la fociété. Le roi qui fans celle avoit à s’en plaindre,
6c qui 11e pouvoit v ivre fans elle , eut la foibleffe de lui
faire une promeffe de mariage , dont elle eut l’audace
de foutenir la validité. L ’auftère Sulli rougk de la foibleffe
de fon maître, 6c préférant fa gloire .a la fortune,
il déchira cette indigne promeffe fans craindre de perdre
fà faveur. Henri fe confola des caprices 6c des
dédains de fon impérieufe maîtreffe dans les bras de la
comteffe de .Moret 6c de la belle des Efforts. Il eut de
toutes ces maîtreffes onze enfans naturels, fix de G a -
brielle d’Eûrée , deux de Henriette de Balzac d’Entra-
gues, marquife de Verneuil, une de Jacqueline du Beuil,
comteffe de M o re t , 6c deux de Charlotte des Efforts :
il en eut beaucoup d’autres qu’il ne voulut point reconnaître.
Quoiqu’il fût r o i , 6c magnifique envers fes maîtreffes,
il trouva des femmes incorruptibles 6c rebelles.
Il aima fans fuccès madame .de Guercheville.
Son amour dédaigné ne lui infpira point un injufte
défir de vengeance. A u Beu de ia punir de fes refus,
il fè fit un devoir de récompenfor fa vertu ., en la plaçant
auprès de Marie Médicis qu’il venoit d’époufer. Il lui
dit obligeamment , que puifqu’elle étoit véritablement
dame d’honneur, il vouloit qu’eHe le fût de la reine fa
femme. La ducheffe de Mantone qui «toit intéreffée à
U ménager, hazarda fà fortune pour conformer fa
vertu en réfiffant à fès pouriùites. L a princeffe de
Condé, qui étoit auffi belle que yertueufe, lui infpira
une paffion qui .auroiç pu devenir funefre à l’état, fi
elle n’avoit été avec fon mari, cher cher un afyle chez
l’étra eer pour affurer fa pudicité. Catherine de Rohan,
fbeur du vicomte , que le roi venoit de faire duc 6c
pair, eut la fierté de rejetter fès voeux 8c fes prameffes :
-elle lui dit qu elle étoit trop pauvre pour être fa .
femme, 6c de trop bonne maifon pour être fà maî-
treffe.
L a paffion de l’amour caufbit beaucoup de ravag s
dans ces fiècles orageux, où les foiences 6c les arts
dédaignés laiffoient dans tpus les coeurs un vuide
qui n’étoit rempli que par l’amour. Ce fut fous fon
régné qu’un bourgeois de Middelbourg intenta les Ü.» 1
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nettes d’approche. Il en préfenta une au prince Maurice
qui fembloit expofer à deux cens pas les objets
éloignés de deux lieues. On ne fait h niieur de cette invention
à Galilée que parce qu’il la perfe&icnna : le
tumulte des guerres civiles n’étouffa point tout-à-fait
le génie, dont les produétions nous font confervées
dans la fatyre Ménippée Sc-dans d’autres ouvrages où
l’efprit naturel fopplée à l’étude 6c à l’art. ( T. N. )
HENRIETTE, {Hijl. de Fn ) Le nom A'Henriette
a été illuflré par deux femmes, fille 6c petite-
fille de notre Henri IV , toutes .deux célébrées par le
grand Boffuet.
Henriette - Marie de France, fille de Henri IV Sc
de Marie de Medicis , née le 25 novembre 1609 f
mariée le 11 mai 162J , à Charles I,. roi d’Angleterré*
Rien de plus connu que fes vertus ôc fes malheurs ;
elle fè donna elle-même Je titre de Reine malheur eu fe.
Nulle ne mérita mieux ce titre 6c n’avoit mieux mérité
d’être heureufe. L’intérêt de la religion rendit la nation
Angloife injuffe à fbn égard. Au commencement de»
troubles, on confeilloit à cette princeffe de faire un
exemple fur les plus féditieux» E h ! ne faut-il pas, dit-
elle , que je ferve moi-même <£ exemple ? eh ! quel meilleur
exemple puis-je donner que celui de la clémence & dit
.pardon? On vouloit lui nommer ceux qui s’emportoient
le plus violemment çontr’elle ; n en faites rien , dit-elle 9
ne m expofe^ point au danger de les haïr :
Je leur pardonnerais , que fort de les connoître i
u Dans la plus grande fureur des guerres civiles 9
dit Boffuet, » jamais on n’a douté de fà parole, ni défèf*
» péré de fà clémence.. .. fidèle dépofitaire des plaintes
n6c des fecrets, elle difoit que les princes dévoient
>» garder le mêmefilence que les confeueurs, 6c avoir la
» même diferétion.........Ni les maux qu’elle a prévus 9
» ni ceux qui l’ont furprife, n’ont abattu fon courage,,..
» Une main fi habile eût fauvé l’état, fi l ’état eut pu
>» être fauvé fo . . Que .de pauvres, que de malheureux »
>1 que de familles ruinées pour la caufe de la foi, ont
» mbfifté pendant tout le cours de fa vie, par l’immenfe
» profiifion de fès aumônes ! . . . , Le roi fbn mari, lùi
» a donné julqu’à la mort ce bel éloge, qu’il n’y avoit
» que le feui point dè U religioif où leurs coeurs fuffefft
v défonis ».
En effet, leur mariage avoit été une union çélefle ;
jamais troublée par aucun orage , jamais altérée par
î’inçonftançe ; Charles, en mourant, chargeaja pria-
ceffe Elifabeth d’affurer là mère 'ju’il n’avoit jamais eu
même la penfée d’une infidélité. Ce parfait accord
entre deux époux de religion differente , 6c zé'és chacun
pour la Tienne , annonce des vertus bien douces ÔC
bien aimables', un efprit de tolérance 6c de paix bien
exemplaire, la connoiîfonce6cl’obfervation des devoirs
les plus délicats de la fociété conjugale ! Charles ne çrai»
gnoit que pour Henriete les foulèvements de fon peuple}
auffi-tôt qu’il l’eût déterminée à quitter l’Angleterre ,
fous prétexte de mener en Hollande la prinçefle Marie
fà fille, à Guillaume II, prince d’Orange, fon époux „
il fo crut en fureté J mais Henriette-Marie ne pouyoiî