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accufateurs de Marie ; ils veulent fuivre tous les
détails de cette affaire , quoiqu’ils n’aient rien à
craindre , ayant pour juge Elifabeth leur alliée &
Pennemi de Marie.
Après la mort de Murray la régence cTEcoffe fut
donnée au comte de Lennox , père du malheureux
Darnley. Vengeur naturel de la mort de fon fils , fon
premier foin fut d’envoyer en Danemarck , réclamer
Bothwel ; cette ambaffade donnoit de vives inquiétudes
à Morton ; de concert avec Elifabeth, auprès de laquelle
il étoit alors, il fit manquer la négociation , &
Bothwel refia en Danemarck ; Morton intercepta les
dépêches que le min'lire écoffois envoyoit au régent
d’Ecoffe : cependant la guerre civile continuoit en
EcofTe entre le parti de la régence, qu’on appelloit le
parti du jeune roi * & celui de la reine , c’eft-à-dire ,
qu’on armoit le fils contre la mère ; Lennox étant
tombé entre les mains du parti ennemi, fut maffacré
fans pitié , en vengance de cruautés pareilles qu’il avoit
exercées contre les gens de ce parti qui étoient tombés
entre fes mains , nommément contre l’archevêque
de Saint-André, Hamilton, qu’il avoit fait pendre, &
qui fut le premier exemple d’un évêque mort par la
main du bourreau en EcofTe.
La régence fut donnée au comte de M a r r , gouverneur
du jeune prince , homme digne d’un parti
plus jufle; il mourut en peu de jours, d’une maladie
inconnue , dont il fut faifi en fortant de dîner chez le
comte de Morton , qui voulut avoir fà place & qui
l ’eut ( 1 572. )
Morton fè fignala par des violences plus grandes
encore que celles de ion ami Murray envers les par-
tifans de Marie ; il fè rendit odieux à la nation, qui
le dépofa ; après avoir paffé quelque temps dans une
retraite que fès amis même appelloient 1* Antre du
Lion, il rentra dans la régence à main armée, mais
ce fut peur tomber de plus haut ÔC dans un abîme plus
profond.
Elifabeth avoit brouillé Marie avee le prince d’Ecoffe
fon fils; on parvint à brouiller à fon tour Elifabeth
avec le prince d’Ecoffe ; ce fut l’ouvrage des Guifes.
Un des moyens qu’ils imaginèrent pour fervir Marie
Stuart, leur coufine, fut d’envoyer en EcofTe, Edme
Stuart, baron d’A u b ign y , neveu du feu comte de
Lennox, & le plus proche parent du jeune prince ,
du côté paternel. 11 s’afTocia un autre Stuart, fils du |
lord Ochiltrée. La faveur de Jacques fit le premier ,
duc de Lennox; le fécond, comte d’Arran. Tous
deux avoient de quoi plaire & de quoi féduire ; ils
s’emparèrent de l’efprit du jeune prince, l’approchèrent
de fà mère , l’éloignérent d’Elifabeth, l’irritèrent
for-tout centre Morton, qrôls accusèrent devant le
prince d’être un des meurtriers de fon père ; Morton fut
arrêté, on lui fit fon procès ; la reine d’Angleterre en
fut vivement alarmée, elle envoya coup for coup, pour
cette affaire , plufieurs ambaffadeurs extraordinaires en
EcofTe. Elle fit avertir le prince de fe défier du duc
de Lennox & du comte d’Arran , qui, difoit-elle, le
trahifToienf. Un de les minières plaida publiquement
par fon ordre, la caufè de Morton devant le parlement
M O R
d’EcofTe ; elle pria & menaça, elle voulut foulever en
faveur de Morton , la nobleffe écofToifè. Morton s’étoit
fait trop d’ennemis dans la nobleffe même ; Elifabeth
fit avancer des troupes fur la frontière ; on avoit tout
prévu & pourvu à tou;. Morton , convaincu & condamné
, fut exécuté fans réclamation ; il fit au moment
de fon fupplice, une déclaration qui fut rédigée ou
écrite fous fadiélée, par des eedéfiaftiques de fes amis,
qui Taffiftoient à la mort, & il réfolte de cette déclaration
:
j i°. Qu ayant fu le complot de Bothwel, il ne l’avoit
m prévenu ni révélé ; qu’après l’exécution du crime,
fachant Bothwel coupable , il l’avoit fait abfoudre par
des juges à fa bienféance, devant lefquels il Tavoit
même accompagné ; qu’il Tavoit propofé & fait pro»
poferpar la nobleffe , pour mari à la reine , & qu’il
s’étoit fervi enfoite de ce mariage pour prouver U
complicité de la reine avec Bothwel} qu’il n’a voit
accufé qu’après le mariage.
20. Que croyant ou fâchant Léthington coupable J
il Tavoit fait reconnoitre par la même nobleffe , pour
homme et honneur & citoyen utile.
3°. Qu’enfin , ayant fu, avant la mort du ro i, que.
fon coufin Archibald Douglas étoit entré dans une
conjuration ; & après la mort du roi, que ce même
Archibald Douglas avoit aidé Bothwel dans l’exécution
du crime, il en avoit fait fon agent & fa créature, Tavoit
élevé de l’emploi obfcur de miniftre à Glaskow, à U
dignité de lord de la cour de juftice; qu’enfinil avoit fait
là fortune,comme pour le récompenfer d’avoir affafliné
le roi.
MORVILLIERS , ( de ) ( Hiß. de Fr.') Il y a eu
un chancelier & un. garde des fceaux de ce nom ;
mais ils n’étoient pas, dit-on , de la même famille :
„ i°. Le chancelier , nommé Pierre , étoit fils de Philippe
de Morvilliers, premier préfident du parlement de
Paris, fous les règnes de Charles V I & de Charles V I I ,
mort en 1438. Çs étoient d’une famille noble de Picardie.
Pierre fut fait chancelier en 1461 , la première
année du règne de Louis XI. Ce prince l’envoya en
1464, auprès du duc de Bourgogne, Philtppe-le-Bon ;
il Tavoit envoyé auparavant auprès du duc de Bretagne,
& voici à quelle occafion. Le comte de Charolois,
(Charles-le-Téméraire ) à qui le duc de Bourgogne
fon père , avoit confié le gouvernement des Pays-Bas,
faifoit fon féjour à Gorkon en Hollande, d’où il entre-
tenoit une correfpondance fecrette avec le duc de
Bretagne , par le moyen de Romillé, vice-chancelier
de ce duc. Louis XI envoya fon chancelier Morvilliers,.
homme violent, impétueux & hardi, défendre au
duc de Bretagne de prendre le titre de duc par la
grâce de Dieu, de battre monnoie & de lever des
tailles dans fon duché. Le duc forpr's, feignit de fe
foumettre, gagna du tems, & fe ligua fecrètement avec
le comte de Oiaroloîs.
Le bâtard de Rubempré , déguifé en marchand ,
entra dans le port de Gorkon , à deffein d’enlever
Romillé, Tarne ÖL Tinflrumenr de cette intrigue. Peut-
être la commiffion de Rubtmpré s’étendoit-eue jalqua
'ta o R
enlever le comte de Charolois lui-même, fi Toccafion t
s’en préfèntoit, du moins le comte affeéla de le croire
& de le publier ; Rubempré fut découvert & arrêté.
Le roi envoya au duc de Bourgogne, qui étoir pour
lors à Hefdin, une ambaffade célèbre, à la tête de
laquelle étoit Morvilliers, pour demander la liberté de
Rubempré & une réparation éclatante des bruits injurieux
, répandus par le comte de Charolois , au fujet
de cette expédition. Morvilliers mit tant de hauteur
dans les plaintes & dans les reproches dont il accabla le
comte de Charolois fur fes intelligences avec le Breton,
qu’il aliéna les efprits plus que jamais , ÖC fit partager
au duc de Bourgogne le reffentiment de fon fils contre
le roi. Lorfque Tes ambaffadeurs prirent congé du duc
de Bourgogne, le comte de Charolois dit à l’archevêque
de Narbonne, d’un ton ironique & fier : u recommandez-
» moi très-humblement à la bonne grâce du roi, &
m lui dites qu’il m’a bien , fait laver la tête par fon
» chancelier, mais qu’avant qu’il foit un an , il s’en-
» repentira ». Il lui tint parole, comme Louis XI le
reconnut lui - même dans la fuite , &. l’aventure de
Rubempré & les hauteurs de Morvilliers , furent une
des principales caufes de la guerre du bien public &.
de la bataille de Montihéri. Le chancelier de Morvilliers
mourut eii 1476.
2e. Le garde des fceaux, nommé Jean, fils du pro»
cureur du roi de la ville de Blois , naquit en 1507,
fut d’abord lieutenant-général de Bourges, doyen de
la cathédrale de cette ville , puis confeiller au grand-
confeil. Il fut envoyé en ambaffade à Venifè, ÔL s’y
conduifit bien ; il eut l’évêché d’Orléans en 15 5 2 >
les fceaux en 1568. Il acquit de la réputation au concile
de Trente. Le préfident Hénault, à Tannée 1563 9
rapporte une, lettre de lui du 3 mars, où la diflinétion
des décrets concernant la doârine, & des décrets concernant
là difeipline, eft parfaitement établie, les premiers
font regardés comme chofes faines & bonnes, étant
déterminées en concile général & légitime ; les autres
comme dérogeant aux droits du roi & aux privilèges
de Téglife galTicane, ne pouvant être reçus ni exécutés.
Morvilliers fo démit de fon évêché en 1563 , il quitta
auflï les fceaux & les reprit. Il les avoit eus la première
fois, à la retraite du chancelier de l’Hôpital, auquel
il étoit fâcheux de fuccéder. U mourut à Tours en
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MORUS, ( Thomas ) ( Hiß. dl Anglet. ) chancelier
d’Angleterre, favant, d’une vertu douce , d’un
efprit g a i, qui plaifanta jufques for l’échafaud, ,où le
barbare Henri VIII l’envoya, parce qu’il refufoit de
reconnoître fa foprématie ; il dit à un des afliftans :
aidez-moi, je vous prie, à monter, il ny a pas a apparence
quevous m didie^àde(cendre, il rangea fa barbe fous
la hache de l’exécuteur , en difant : celle» ci na point
commis de trahifon. Cette homme rare donnoit toujours
à la vertu un caraélère d’enjouement & de gaieté.
Un gentilhomme anglois, qui avoit un procès à la
chancellerie , lui envoya deux flacons d’or d un travail
recherché ; Thomas Mcrus les fit remplir d’un
vin exquis, & les remit au domcflique du gentilhomme t
mon am i, lui dit-il, eûtes à yotre maître , que fi
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» mon vin lui paraît bon, il peut en envoyer chercher
tant qu’il voudra.
Thomas Morus fut décapité en 1535* $a femme
le conjuroit d’obéir au roi, & de fe conferver pour
elle & pour fes enfans. Il avoit foixante-deux ans ,
étant né vers Tan 1473. Combien (tannées croyez-vous
que je puijfe vivre encore ? —— Plus de - vingt ans ,
répondit-elle. — Et cèfi à vingt ans'de vie fur la terre
que je facrifierois t éternité ! Mai guerite Morus fa^ fille,
digne d’un tel père , lui écrivit, dit-on , pour lui per-
fuader auffi d’obéir au roi ; mais elle avoit efpéré que
fa lettre feroit interceptée: elle le fut, & en conséquence,
on lui accorda la permiflion qu’elle follicitoit,
d’aller confoler & fervir fon père dans la prifon ; alors
elle loua fon zèle & fa confiance, lui promit de fuivre
fon exemple, s’il en étoit befoin, & d’être, comme
lu i, fidelle à la religion , au péril de fa vie ; elle racheta
de l’exécuteur , la tête de fon père , profeflà
hautement l’orthodoxie en Angleterre, & chercha fà
confolation dans la foi dont fon père étoit mort martyr ,
&. dans les lettres qu’il avoit cultivées avec, gloire.
On a de lui un dialogue , intitulé : quod Mors pro
fi.de fugienda non fit.. Ce principe régla fa conduite. Il
écrivit contre Luther ; on a encore de lui une hifloirç
de Richard III & d’Edouard V ; une verfion latine
de trois dialogues de Lucien ; des lettres ; des epi-
gr^mmes ; fon apologie de l'Eloge de la Folie , par
Eraftne, eft célèbre ; mais c’efl fur-tout fon Utopie ,
qui mérite d’être diflineuée.- Ce roman politique , fou-
vent comparé à la république de Platon , peut etre
regardé comme un ouvrage de génie , fur-tout fi l’on
confidère le temps où il a paru j la plupart des idées
philofophiques & politiques, auxquelles on A fu donnée
plus dléclat dans la fuite, fe trouvent dans ce livre.
Les réflexions du voyageur Raphaël Hythlodee , lùr
l’inconvénient des foldats & des domefti ques trop nombreux
; fur la peine de mort infligée aux voleurs ; fur
les moyens de prévenit le v o l, pour n avoir pas a le
punir ; fur les loix injuftes en généralméritent l'attention
des légiflateurs & des hommes d'état ; & quant,
à ta politique extérieure , aux intérêts des princes ,
toujours fi mal connus par eux, à leurs conventions
fuperflues, s’ils étoient jufles ; inutiles, s’ils font injuftes,
on n’a rien dit de mieux depuis Xlftopk. L’auteur juge
que la guerre, hélium , rem plane belUùnam, doit etre
abandonnée aux bêtes carnacieres , & que la gloire
des conquêtes devroit tenir lieu d'infamie.
Les mêmes principes de bienfaifar.ee & d’équité
préfident en général aux ufages & aux loix des Üto-
piens. Si jamais les chefs des nations s'occupoient du
foin de réformer les fociétés politiques & de rappro-
çher le genre humain de la nature & du bonheur ,
ils auroient plus.d'une idée utile a puifer dans ce livre,
un des meilleurs certainement qu’ait produits le fsirième
fiècle. Il a été traduit par Gueudeville.
■ M o r u s , ( Alexandre ) ( hùtt. mod. ) eft le
nom d’un miniftre proteftant, qui exerço-.t fon mi-
niftère à Charenton ; il avoit enfeigné la théologie &
iftoiré! ën Hollande : il écrivit contre Milton, en
Xic Rois’ fon ouvrir® 3 pour -titre: Alexandri
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