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peuple, fut appellée guerre du bien public. Ôeft ainfi
que la politique fe jouoit des hommes , & les infultoit
en les opprimant. On en vint aux mains , plus par
point d’honneur que par néceflité, près de Montlhéri
le 16 juillet 1465. Les deux partis s’attribuèrent la
viéloire. Enfin le traité de Conflans afloupit ces divisons.
Louis X I , avant de le ligner, protefta contre
les engagements qu’il alloit prendre, comme s’ils avoient
pu être annuités par cette démarche. Il ne tarda pas à
violer la paix , en s’emparant de la Normandie,
qu’il avoit cédée au duc de Berry fon frère ; les états
aflembles a Tours en 1468 , ratifièrent cette ufurpa-
tjon , & déclarèrent que la Normandie ne pourroit
plus , ious aucun prétexte , être démembrée du domaine
de la couronne. Tout lèmbloit pacifié, lorfque
Charles-îe-Téméraire , comte de Charolois-, fuccéda
à Ion père Philippe - le - Bon' duc de Bourgogne. Il
avoit encore des intérêts à démêler avec Louis X J ,
& tai propofa une entrevue à Perônne, Ce prince
oublia la défiance naturelle, & fe livra au plus grand
de fes ennemis ; celui-ci fe faifit de fa perfonne, & lui
fit figner un traité ignominieux ; il le conduifit à Liège
pour être témoin de la vengeance qu’il alloit exercer
fur les habitants qui avoient pris le parti du roi.
Louis, après avoir joué ce rôle'aulîi affreux que ridicule
, reparut dans fes états , inftùua l’ordre de St. Michel
, & fit enfermer le cardinal Balue dans le château
de Loches. Toute la nation applaudit à ce coup d’état.
Balue étoit un homme vil par fa naiffance, plus vil
par fes moeurs, ennemi fecret de fon bienfaiteur, &.
'qui paya par la plus noire ingratitude , tous les honneurs
dont l’amitié politique du roi l’avoit comblé.,
Charles toujours ambitieux, Louis X I toujours inquiet,
reprirent bientôt les armes ; les trêves ne leur
fervirent qu a faire de nouveaux préparatifs de guerre ;
ce fut au milieu de ces troubles que l’art pacifique
de Pimpreffion s’établit en France. Charles-le Téméraire
échoua devant Beauvais ; les François firent plus
pour le roi que le roi lui-même. Ce prince laiffoit
tranquillement ravager une partie de fes états, per-
liiade que les conquérants difparôîtroient, quand ils ne
trouveroient plus rien à détruire. Ses démêlés avec
Jean , roi d’Aragon ; fes intrigues pour perdre le conné- ]
.table de Saint-Paul; fes traités avec Charles , tantôt
éludés avec adreffe , tantôt violés avec audace de
part & d’autre ; fès menées fecrettes avec les miniffres
d’Edouard IV , pour détacher ce prince des intérêts
du duc de Bourgogne ; le traité d’Amiens , conclu
dans cette vue & confirfhé par celui de Pecquigny ;
enfin la paix faite avec Charles-le-Téméraire, toutes
ces opérations développent allez le caractère de
Lotus XI. Par - tout on le voit plutôt menteur que
r * PrevQyant moins par fageffe que par crainte,
fe défiant de tous les hommes , parce qu’il les jugeoit
femblables a lui-même ; vindicatif, mais préférant les
vengeances cachées aux coups d’édat. Le comte de
oaint-Paul , qui avoit trahi tour à tour & le roi de
France & le duc de Bourgogne, eut la tête tranchée
le 19 décembre 1475 ; ^on feng cimenta la réconci- I
{lâtion des deux princes : Charles mourut- deux ans J
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aptes dans un combat contre les SuifTes. Céroît le
dernier de cette maifon fi fatale à la France.. Il ne
laiffoit qu’une fille , appellée Marie : Louis X I potivoit
rentrer dans tous les états de Charles, en confentant
au mariage de cette princefle avec le comte d’An-
goulême. Mats il craignit d augmenter la puiffance
d’un prince de fon- fang ; ce vaffe héritage pafla à
la maifon d Autriche, & fut un flambeau perpétuel
de difeorde. Maximilien, qui époufa Marie , fit la
guerre a la France ; on verfa beaucoup de fang de
part & d’autre fans fuccès. Le teftament de Charles
d’Anjou aggrandit les états de Louis X I , par la
ceflion de la Provence. Il lui cédoit auffi fes droits fur
les royaumes de Naples &. de Sicile; mais Louis , plus
fege que fon fuccefleur , ne voulut conquérir que ce
qu’il pouvoir conferver , & fut fatisfait de la Provence.
Il mourut au Pleffis-lès-Tours le 30 août 1483 ,
âgé de fqixante ans. A tons les défauts qu’on lui connoît,
il jôignoit encore une fuperftition ridicule. Barbare &
recherché dans fa barbarie , il voulut que le fang du
malheüreux duc d’Armagnac coulât fur fes enfants
attachés au pied de l’échafaud. Perfide & lâche dans
fon reflentiment, on le foupçonna d’avoir fait empoi-
fonner le duc de Guyenne fon frère. Egoïfte décidé,
s il travailla quelquefois au bien-être de fon peuple ,
c’étoit pour travailler au fien ; c’eft ainfi que fa cu-
riofité produite par fon inquiétude , créa l’établifle-
ment des poftes. Il ne caroifloit les petits que pour les
oppofer aux grands. Il étoit profond politique , fi l’on
peut donner ce nom à un fourbe qui ne figne les
traités que pour les enfreindre, &. n’embràfle fes ennemis
que pour les étouffer. ( M. d e Sa c y . )
Louis XII , furnommé le père du peuple, roi de
France, étoit fils de Charles, duc d'Orléans , & de
Marie de Cleves , & petit-fils de Louis , duc d’Orléans
& de Valentine de Milan. Louis X I , qui con-
noifîoit le dégoût de ce prince pour fa fille, le força
de l’époufer, fans autre raifon que le plaifir d’exercer
fon défpotifme. Il n’étoit alors que duc d’Orléans ; en
qualité de premier prince du fang, il prétendit à la
régence pendant la minorité de Charles VIII ; mais la
nation confirma le teftament de Louis XI , qui re-,
mettoit le maniement des affaires à Madame de Beaujeu.
Le duc rafîembla une faélion puifiânte , & fe ligua
avec le duc de Bretagne ; on prit les armes ; Louis de
la Trimouiîîe étoit à la tête des royaliftes; les deux
armees fe trouvèrent en préfence près de Saint-Aubin ;
la bravoure du duc d’Orléans fit quelque temps pencher
la viéloire de fon côté ; mais enfin aflailli de
toutes parts, il fe rendit ; les rebelles fe diffipèrent,
le prince fut renfermé à la Tour de Bourges ; d’Am-
boife, qui étoit dès-lors fon ami, & qui fut depuis
fon miniflre , hazarda fa liberté pour obtenir celle de
fon maître. Dès que Charles VIII commença à régner,
par lui-même en 1490 , il rendit la l-berté à cet illuftre
captif. Brantôme prétend que fa longue captivité étoit
un trait de vengeance de la part de Madame de
Beaujeu , dont il avoit dédaigné la pafîion. Ce prince
foivit Charles VIII en Italie, ÔL y donna de nouvelles
preuves de fon courage ; le prince de Tarente s’enfuit.
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à fon afpeâ avec fa flotte , le duc mit pied à terre,
& tailla fon armée en pièces ; il fut long-temps afliege
dans Novarre , & fe défendit avec tant de valeur,
qu’il donna aux François le temps de le fecourir. Enfin
Charles VIII n’ayant point laifîé d’héritier de la couronne
, elle pafla fur la tête de Louis X I I , en 1498.
Des courtifans , ennemis de la Trimouille, lui rappelèrent
que ce feigneur l’a voit perfécuté pendant
les troubles delà régence, ils l’excitèrent à fevenger :
« Un roi de France, répondit Louis , n eft pas fait
V pour venger les injures du duc d’Orléans ». H le
repofa fur d’Amboifei, d’une partie du fardeau des
affaires ; une intelligence parfaite régnoit enire ces
amis : aucun des deux ne commandait a 1 autre,
l’équité feule commandoit à tous deux. Mais la marne
des conquêtes s’empara de l’ame du roi ; & d Amboife ?
qui dès-lors peut-être jettoit fes vues fur la tiare, n eut
pas le courage de s’oppofer à fon départ pour 1 Italie.
Louis avoit hérité des droits de Charles VIII iur e
royaume de Naples, & de ceux de Ion ayeul iur le
duché de Milan. Ludovic Sforce s’étoit empare de
cet état; Louis X I I parut, l’ufurpateur s’enfuit, &
le Milano is fut conquis par Louis auili rapidement qu'il
L’avoit été par Charles VIII ; Genes fe fournit, Louis
fut reçu par-tout avec des acclamations ; les arm .s de
.fon concurrent furent arrachées•& jetiées dans l’Arno ;
mais à peine le roi eft rentré en France , que Ludovic
eft rappellé. Louis fait partir la Trimouille à la tête
d’une armée, Ludovic eft pris, on 1 amené en France.
Quelques auteurs italiens ont accufé Louis X I I de
l’avoir traité avec rigueur dans le château de Loches,
où il étoit renfermé. Cette erreur paroît leur avoit été
plutôt diétée par la haine qui les animoit contre
Louis X I I , que. par la pitié . que Ludovic : leur
infpiroit. De tous les biens que l’homihe peut defirer ,
fl ne manquoit à ce prince que la liberté qu on ne
pouvoit lui accorder fans péril.
Le roi n’avoit pas perdu de vue le royaume de
Naples ; la conquête en fut réfolue de concert avec
les Efpagnols. Lcwri &• Ferdinand en réglèrent d’avance
le partage. On fait combien les rois ont peu refe
peété ces fortes de conventions. Louis d’Armagnac ,
duc de Nemours , fi.célèbre par ïâ valeur , & Stuart
d’Àubigny commandoient l’armée Françoife; les Efpa-
gnols étoient aux ordres du fameux Gonfalve de Cor-
aoue, l’appui & la terreur de fon maître. En quatre
mois tout fut conquis. Frédéric, roi de Naples, qui
connoifloit la gènérofité de Louis X I I , alla chercher
un afyle en France , céda au roi par un traité, la
portion de fes états qui lui. étoit échue en partage,
& reçut en échange des domaines confidérables. Ainfi
Louis, d’un mouvement libre, payoit ce qu’il avoit
acquis par le droit de conquête ; mais les Elpa-
gnols &. les François tournoient leurs armes eontr’eux-
mêmes , & vengeoient Frédéric par leurs fanglantes
querelles. Elles furent appaifées par le traité de Lyon,
figné en 1503. Claude de France devoit époufer
Charles de Luxembourg ; ;le royaume de Naples étoit
la dot de Claude.; Ferdinand, au mépris du traité,
$t continuer la guerre. La bonne foi &. fe fécurité des
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François furent les c a u fc s de le u r perte ; la p e f te
détruifit ce que le fer avoit épargné.
Cependant les Génois lèvent Y étendard de la révolte
; le roi y vole, attaque leur armée, la met
en fuite, borne fa vengeance à cette viéloire, &
leur pardonne ; il avoit fait repréfenter fur fa cotte
d’armes un roi des abeilles au milieu de fon effiiim ,
avec cette devife ingénieufe & fublime : non utitur
açuleo rex cui paremus. Sa bonne foi étoit fi connue,
que Philippe &. les états de Flandre ne balancèrent
point à lui confier la tutelle de l’archiduc Charles ;
l’exemple de tant de princes qui avoient dévoré le
patrimoine de leurs pupilles , ne détourna point leur
choix.
Le cardinal d’Amboife méditoit depuis long-temps
la ligue de Cambray, qui fut enfin conclue en 1508.
Le pape Jules I I , l’empereur Maximilien, Ferdinand,.
roi d’Efpagne , &. Louis X I I , réuniffoient leurs
forces pour accabler la république de Venife. Les
alliés laiisèrent à Louis X I I les travaux & la gloire
de cette guerre, Ôc s’en réfervèrent le fruit. Le roi
partit, les deux armées Vénitienne & Françoife fe
trouvèrent en préfence près du village d’Agnadel ;
le terrein étoit détavantageux, on demanda au roi
où il camperoit ; fur le ventre de mes ennemis, répondit-
il. On lui - repréfente que les Vénitiens, peu redoutables
par leur bravoure, font prefque invincibles par.
leur rufë. « Je comtois , dit Louis, leur fageffe fi
jy vantée ; j’oppoferai tant de foux à ces iages , qu’ils
» n’en pourront venir à bout ». La viéloire futcom-
plétté ; d’Alviane qui commandoit les Vénitiens, fut
fait prifonnier, ôc Louis le força à aimer fon vainqueur.
Mais dans un de ces moments , où le dépit
égaré la raifon, d’Alviane s’emportajufqu’à l’infulter ;
les courtifans excitèrent Louis à le.venger, u J’ai vaincu
» d’Alviane, dit-il, je veux maintenant me vaincre
» moi-même ». Le chevalier Bayard eut beaucoup
de part à fes fliccès. Les alliés fe hâtèrent de rentrer
dans les états qu’ils avoient perdus , & que les François,
leur a voient reconquis ; la république de Venife eut
l’art de les détacher peu-à-peu du parti de Louis X I I ,
qui fe vit enfin obligé de repaffer les monts & de,
rentrer en France. Jules I I , pontife guerrier, fe ligua
en 1510 , avec l’Efpagne & l’Angleterre contre la
France : il fit la guerre en perfonne. Le duc de Nemours
gagne la bataille de Ravenne : mais en perdant
ce jeune héros , Louis perdit Genes & le
Milanois. Depuis cette époque, les affaires des François
allèrent en décadence en Italie. Peut-être Louis X I I ,
qui craignoit de fe féparer de fon miniftre & de fon
ami, n avoit-il pas affez fécondé le defir que d’Amboife
avoit d’être pape ; fi ce pré’at étoit monté fur
le faint-fiège, il auroit ménagé avec plus de fuccès
les intérêts de la France en Italie. Anne de Bretagne ,
veuve de Charles V I I I , que Louis X I I avoit époufée,
après avoir répudié Jeanne ; Anne , dis-je, mourut ;
Louis la pleura, & cependant l’année fuivante il épeufa
Marie, foeur d’Henri V I I I , roi d’Angleterre ; fes
traités avec Ferdinand & Léon X furent regardés
•çowmie des prçuyçs de fe fçiblejfe Ce prince, v«-