de Bourbon forma un tiers-parti pour fe faire déclarer
roi; mais il fe repentît de fbn orgueil imprudent &
rentra dans le devoir. On entama des négociations qui
n’eurent aucun fuccès. Le roi d’Efpagne offrit de répandre
fur la France tous les trélbrs du Mexique .&
de fournir de nombreufes armées, à condition qu’on
defereroit la couronne an prince qui épouferoit la fille
Ifabelle ; fes promeffes étoient appuyées par les Seize,
les moines mendians, & fur-tout les jéfuites: le pape ,
qui fàifoit mouvoir cette troupe féditieufe, publia deux
monitoires par lefquels il décîaroit Henri de Bourbon
excommunié , relaps, & comme tel, déchu de tous
les droits de la naiffance : fes foudres s’évanouirent
dans les airs ; il employa un moyen plus efficace,
Ion neveu entra en France avec huit mille hommes
<fe pied & mille chevaux. Le parlement féant à Ciiâ-
lons déclara le pape Grégoire ennemi de la paix, fauteur
des rebelles oc coupable du parricide de Henri
III ; pour mieux le punir il fut défendu de porter ni
or ni argent à Rome ; le clergé affemblé à Mantes
déclara que les bulles étoient nulles & lùggéréespar les
ennemis de la patrie. Renauld de Beaune, archevêque
de Bourges, primat ' d’Aquitaine , fut d’avis de créer
un patriarche; d’autres propoferentde convoquer un
concile national pour limiter la puiffance papale. On
peut juger par-là combien la raifon avoit fait de progrès.
Le jèune duc de Guife, fils du balafré, fe fauva
de fà prifon de Tours ; le roi s’en confola par l’elpoir
qu’étant ambitieux il prétendroit à la çpuronne, & que
par-là il mettroit la divifion parmi les ligueurs. Le
roi croyoit n’avoir rien fait tant qu’il ne feroit pas
maître de fà capitale & de la Normandie : il affiçgea,
Rouen ; il éprouva par la réfiftance des habitans, que
fi les Parifiens fçavoient mieux jeûner que combattre ,
les Normands craignoient moins les périls de la guerre
que les horreurs de la famine. La ville bien fortifiée &
bien approvifionnée fit une vigoureufe réfiftance : le
roi fut obligé de lever le fiége pour aller au devant
du duc de rarme qui marchoit à lui; ce duc qui ne
vculoit que délivrer Rouen comme il avoit délivré
Paris, s’en retourna en Flandre fans combattre, après
avoir jetté quinze cens hommes dans Paris. Le roi
acheta, avec de l’or , Rouen qu’il n’avoit pu fùbjuguer
par fes armes.
Le duc de Mayenne fatigué d’une viciffitude de
profpérités & de revers , prit le parti de convoquer
les états en 1593 ; c’eft ce qui prépara la ruine defon
parti. Les Efpagnols eurent l’audace de propofer l’abolition
de la loi talique & de ne point reconnoître pour
légitime fouverain Henri I V , quand bien même il
fe feroit catholique, & de déclarer l’infante d’Efpagne
reine de France. Le Maître , premier préfident de la
portion du parlement réfidante à Paris, parla avec
tme fermeté héroïque pour faire eohnoître l’indécence
de cette propcfition; le parlement rendit un arrêt qui
ordonnoiî de maintenir les anciennes loix, qui décla-
roit nuis & illicites tous traités qui appelloient un
étranger à la couronne & qui derogeoîent à la loi
fàlique. Le roi, enfin, fe détermina à faire fon abjuration
dans l’églife d£ feint Denis, le 15 juillet 1593 : j
il en fit part à tous les parlemens ; l’allégreffe publique I
fe mànifefta par des danfe's & des feffins ; les Parifiens
qui lui donnoient le nom de Béninois , s’accoutumèrent
a Pappeller leur roi ; il y eut line trêve de
trois mois qu’on employa à traiter avec le pape ; dès
qu’elle eut été publiée, beaucoup d’évêques.& de ma-
giftrats firent affiner le roi de leur obéiffance. Ce fut
aans cet intervalle que Barrière fut condamné à être
tenaille & rompu vif pour avoir formé le deffôin d’at-1
tenter fur la perfonne du roi ; fa vie fut fouvent expoféc I
a de pareils dangers par les infinuations des moines & I
de quelques prêtres fanatiques : c’eft ce qui le difpc- I
fbit a faire des propofttions de paix à Mayenne qui, I
prétextant l’intérêt de la religion , ne vouloir rien con- I
dure fens 1 aveu du pape. La ligue fut fur fon déclin, I
tous les chefs fe firent acheter & ce fut Vitri qui donna I
1 exemple de cette vénalité : d’Alincourt remit Pon- I
toife ; la Châtre , Orléans & Bourges ; Ornano, la I
ville de Lyon : la préfence du duc de Mayenne .rete- I
noit Paris dont il fut obligé de s’éloigner avec fa
femme & fes enfàns; il s’y voyoit entouré de fana-1
tiques dont il ne pouvoit tempérer les faillies, ou d’am- I
bitieux prêts à tout facrifier à la fortune. Briffac à qui I
H en avoit confié le gouvernement, négocioit feèré-I
tement avec le roi; mais il avoit de dangereux fur- I
veilîans dans les fèize & dans la garnifbn Efpagnole I
fecondée par quatre mille hommes de la lie du peuple I
que l’ambaffadeur d’Efpagne foudoÿoit : cette milice I
de brigands à qui il étoit devenu fufpecf, réfolut de l’af-
fiaffiner & d’envelopper dans fa ruine le préfident le I
Maître; Luillier, prévôt des marchands, du Vair,
confeiller au parlement, & Langlois, échevin. Ce furent
en effet ces généreux citoyens qui ouvrirent les
portes de Paris au meilleur des rois ; Briffac qui lui ea
remit les clefs , reçut le bâton de maréchal de France.
Toutes les villes rentrèrent fucceffivement dans l’obéif-
fance en 1594. Le retour du calme fut troublé par I
l’attentat de Jean Chatel fur la perfonne du roi, qui I
ne fut bleffé qu’à la lèvre ; ce jeune homme qu’un faux I
zèle avoit féduit, fut condamné à la mort ; les jéfuites I
furent bannis de France & enveloppés dans fia' con-
damnation. Tandis que Biron diffipoit les débris de I
la ligue, le roi qui-venoit de déclarer la guerre àFEf-
pagne, engagea une aélion extrêmement vive à Fon- I
taine-Françoife; fe témérité fut juftifiée parle fuccès: I
quoiqu’il n’eût avec lui qu’un petit corps de cavalerie,
il mit en déroute dix-huit mille hommes, commandés
par le duc de Mayenne &. don Velafco. Cette viéîoire I
& l’abfolution du pape déterminèrent Moyenne à Je I
reconnoître : quoique ce duc eût toutes les qualités qui I
forment les grands hommes, on a dit qu’il ne fçut I
faire ni la guerre ni la paix, parce qu’il 11e faifit point I
le moment , où il pouvoit obtenir des conditions avan- I
tageufes. ’
Le roi attentif à réparer les pertes de la guerre, con- I
voqua l’affemblée des notables à Rouen; il s’y rendit, I
& y parla moins en roi qu’en père & en citoyen : je I
ne vous, ai point appellés, leur dit-il, pour vous affu- I
jettir aveuglément à mes volontés, mais pour rece- I
yoir yos coafeils, mais pour les çrcire lesfuivre; I
enfin peur me mettre fous .votre tutèle. On fit de feges
réglernens qui reftefent fans exécution. Le roi fe de-
laîfoit de fes fatigues,de la guerre dans les bras de
l’amour, lorfqu’ff apprit que l a ville d’Amiens avoit
été furprife par les Efpagnols. Partons, s’écria-t-il, c’eft
affez faire le roi de France , il eft temps de faire le roi
de Navarre. Il partit en effet, & la ville fut reprife. La
paix fut conclue par la médiation du pape. Les huguenots
avoient trop bien fervi Henri IV pour qu’il pût les
abandonner. Il leur accorda l’édit de Nantes , contenant
92 articles, qui nétôiént que le renouvellement des
édits précédents : il y eut 5 6 àiifres articles fecrets , dont
le principal leur accôrdôit plufieurs nouvelles-places
de lu reté. Le premier fruit de la paix fut la réforme
de plufieurs abus. La difeipline eccléfiaftique étoit
tombée dans Je relâchement ; il permit au clergé de
s’affembler pour la remettre en vigueur. Il dit aux
députés : Meilleurs, vous vous plaignez juftèment de
plufieurs abus ; je n’en fuis pas l’auteur , je lès ai
trouvés établis, je vous féconderai dans la réforme.
Jufqu’ici l’on vous a donné de bellës paroles; pour
moi, je réaliferai mes promeffes*; vous éprouverez
qu’avec ma cafaque grife & poudreufè , je fois tout
d'or au^edans.
Silleri fut chargé de pourfoivre à Rome la diffo-
lution de fon mariage avec Marguerite de Valois ;
la Négociation eût été facile , fi la reine n’eût refufé
d’ÿ con fen tir-pa r le dépit d’être remplacée ' par la
ducheffe de Beaufort fia rivale. Cet obftacle fut levé
par la mort, inopinée de la ducheffe. Dès que la reine
fut informée de cëtîe mort, elle concourut avec le
roi à la diffolution de fon mariage. Alors le monarque
libre de fon ch oix, époufa à L y o n , Marie deMedicis.
l a découverte d’une confpiration tramée par les ducs
de Biron, de Bouillon & le comte d’Auvergne , lui
caufa de nouveaux chagrins. Le maréchal duc de Biron
eut la tête tranchée le comte d’Auvergne, fils naturel
de Charles I X , obtint fe grâce , ainfi que le duc de
Boudlom^ q ui -fortit du royaume. La paie du foldat
avoit épuifé le tréfcr public ; ce fut pour le remplir
qu’on licencia les troupes. Cette réforme occafionna
de grands défordrès for les routes, mais ils furent
bientôt réprimés par. la vigilance dü gouvernement ;
l’économie de Sülli répara les profitions ruineufes,
du règne précédent , & à un règne de calamités
foccéda un règne d’abondance. L e roi , qüi s’çtoit
fouvent attendri for la misère de fe*s fojçts , difoit
qu’avant de mourir, il vouloir que tous les payfans
fuffent affez aifés pour mettre une poule dans leur pot ;
«vpreffion bourgeôife , qui exprime la' bonté compa-
tiffante de fon ame. Quoique r o i , fon coeur fiit capable
d’amitié : Stlli en fiit un glorieux 'témoignage ; il le
combla de biens & en reçut de plus grands fer vices.
Quand cet intègre miniftre fut nommé fur-intendant de
finances, l’état étoit chargé de trois cents trente millions
de dettes, fomme immenfe dans un temps où les mines
du Mexique & du Pérou à peine connues , n’avoieht
pas encore fait circuler l’or en Europe. Une; fage
économie ? une jüfte répartition des impôts, firent
renaître 1-àbcndànçe &. réprimèrent la cupidité des
H Jb v** Tçmfi I I I
exafteurs. Des manufaélures de foie, de fayance, de
verre , furent établies & perfectionnées. L’étranger
vint acheter en France, ce qu’il avoit accoutumé d’y
vendre. De nouveaux édifices forent conftruits , le
pont-nèuf fut achevé; les • maifons royales forent embellies
de jardins délicieux. E t, après toutes ces
dépenfes , ne devant rien, il avoit encore foi.xante
millions gardés dans la Baftillé. La charge de grand-
maître de l’artillerie fut donnée à Sulli , qui la remplit
avec autant d’intégrité que; d’intelligence : elle étoit
alors peu importante , parce que fes fonctions étoient
partagées. L’extinCtion de plufieurs charges, & fur-tout
de celle de grand-maître des arbalétriers , qui lui
furent réunies, larendit confidéràble ; elle devint même
une charge de la couronne.
Une ordonnance de police rendue en 1609 for la
police des fpeCtacles , montre combien nos moeurs
ont éprouvé de-révolutions. Il fut ordonné que depuis
la S. Martin julqu’au quinze de février les comédiens
ouvriroient leur porte à une heure après midi , &
donneroient leurs repréfentations à deux heures prêches
, afin que le fpeCtacle finît avant la nuit. Ce réglement
, qui paroîtroit aujourd’hui fort incommode,
étoit fort fage dans un temps où Paris n’étoit point
éclairé , où il n’y avoit point de guet pour veiller à la
fureté publique ; les rues fales & remplies de boue ren-
dôient la marche lente &. pénible. Cétoient autant de
cavernes de voleurs, qui attentoient à la vie & à la
bourfe du citoyen qui avoit encore à effuyer les outrages
de l’ivrognerié infblente & brutale, ' '
Quoique lé roi fût ' réconcilié avec le ’ chef de
l’églife , les théologiens '-turbulens continuèrent, à em
feigner. des maximes contraires à fon. indépendance.
Ce fut pour réfuter leurs paradoxes audacieux, quë
le fçavant Pithou publia fon ouvrage for les libertés de
l’églifè Gallicane. Ses affertions, fans avoir force dé
loi, font d’une grande autorité dans les matières contenu
tieufes. L’ïndifçrétion de quelques, jéfuites fut la caufo
de bien des’ troubles. Leurs démêlés avec Tuniverfité
ôc les curés .de Paris, partagèrent tous les efprits,
Après avoir été chaffés de France en 1^94, ils y
forent rétablis en 1603 ; en leur impofa la condition
de tenir deux jéfoites à la cour pour être les garans de
la modération qu’on exige oit1 d’eux. Cette condition
huyniliante dans fon. principe devint le fondement de
leur crédit * ils èurent la politique de ne donner pouf
otages que des hommes d’une dextérité éprouvée dans
les affaires & d’une grande fbupleffe dans le Caractère.
Les privilèges de la nobleffe trop multipliés en rendirent
ia. réforme néçeffaire. Henri I V , en donnant
un édit for les tailles, déclara que la profeffion des
armes n’annebliroit plus tous' ceux qui l’exerçoient,
Dans çes temps de troubles, tous les citoyens étoient
foldats, & à la faveur des anciens ufages. fe pa-
roient du titre de nobles, Les''hommes d'armes avoient
été réputés gentilshommes, & quiconque endoffoit
la cuiraflè, étoit homme dlarmes. Cet abus s’étendoit
encore plus lpiii j-celiii qui étoit né dans la plus vile
roture, prenoit le titre de gentilhomme %dès qu’il étoit
affe?< riche pour acheter up fiçr qv ,l|pblig:oU dq