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dont M.- de la-Harpe a dit au contraire y
Ces accords languiffans, cette foible harmonie l
Que réchauffa Quinault du feu de Ton génie ;
êc dont on peut dire du moins que le temps paroît avoir
confacré d une manière plus fblemnelle les paroles que
tout le monde fait par coeur , que les airs qu’on commence
ou qu’on achève de dédaigner.
A ce talent brillant d’un violon plein de-goût, au
talent fublime qu’exigeoient du moins alors ces belles
compôfitions lyrico-dramatiques , Lulli joignoit un
troifième talent moins eftimable peut-être , mais dont
Molière faifoit un grand cas , parce qu’il tient de près
à l’art du Théâtre ; c’eft une pantomime parfaite
qui excitoit toujours infailliblement le rire orr ia jufteffe
précifè & fine de l’imitation ; Molière, excellent juge
d’un pareil talent, lui difoit : Lulli, fais-nous rire, & il
jouiffoit, Ôc il réfiéchiflbit fur fon art-; les gens du
monde appellôient auffi cela faire rire, mais ilsatta-
choient à ce mot une idée aviiiflante , ne diftinguant
peut-être pas allez le ridicule qui fait rire à lès dépens
& le plailàntqui fait rire aux dépens des autres , quand
ils l’ont mérité. Une pantomime fidelle n’eft-elle pas
une partie eflèntielle de la comédie, une partie morale
qui peint ôc corrige le ridicule du maintien, du
ton, du gefte, comme le poème peint celui des idées
& des diicours ? La pantomime n’eft-elle pas le talent
-de laâeur, comme une bonne comédie eft celui de
fauteur? Et l’un & l’autre talent ne liippolè-t-il pas
nne obfervation fine , exaéle & morale des caractères
■ ÔC des moindres nuances qui peuvent les peindre?
Louis XIV perluadé que tout vrai talent eft effentiel-
4e ment noble & né peut qu’honorer , trouva très-
bon que Lulli traitât d’une charge de lècrétaire du
roi ; mais M. de Louvois, qui pour être lècrétaire
d’état étoit fecrétaire du r c i, trouva très-mauvais que
Lulli, un homme qui faifoit rire, prétendît être ion
confrère : Eh [têié-bleu, lui dit Lulli, qui ne lavoit pas parler
à des miniftres , vous en ferleç autant f i vous le
pouvie^. En effet Louvois -favoit quelquefois faire
pleurer la France & l’Europe, & ne lavoit faire rire
perfonne. Louis XIV , malgré Louvois, annoblit Lulli.
Ce muficien avoit dans l’humeur toute l’impétuofité ,
toute l’inégalité que la lènfibilité donne , & c’étoit
fer-tout dans ce qui concemoit fon art qu’il ne pou-
voit fe contenir. D ’un bout du théâtre à l’autre il
diftinguoit le violon qui jouoit faux dans une répétition,
couroit à lu i, lui arrachoit fon infiniment, le lui bri-
foit fur le dos , le lui payoit enluite plus qu’il ne valoit,
lui demandoit pardon & l’emmenoit diner chez lui.
Il y avoit en tout beaucoup d’excès dans Ion caractère ;
tout en lui étoit & paroiflbit bizarre. Seneçai dans
une lettre qu’il fuppofe écrite des champs élifées, peu
de temps après la mort de Lulli »le repréfènte com-
» me un petit homme (f allez mauvailè mine ,& d’un
» extérieur fort négligé. De petits yeux bordés de
» rouge , qu’on voyoit à peine, & qui avoient peine
v a voir, brilloient en lui d’un feu lombre , qui mar-
f> quoit tout enfèmbk beaucoup d’efprit 6c beaucoup
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» de malignité. Un caraélère de plaifanterie étok
» répandu fur fon vifage, 6c certain air. d’inquiétude
» regnoit dans toute fa perfonne. Enfin fa figure entière
» refpiroit la bizarrerie ; ôc quand nous n aurions pas
” été fufiiflamment inftruits de ce qu’il étoit,. lur la
» foi de fa phyfionomie, nous l’aurions pris fans
» peine pour un muficien. »
Lulli étoit a la fois très-libertin & très-fuperftitieux ;
comme il avoit des mouvements impétueux , il lui
arriva de lè irapper rudement le - pieden battant la
mefure avec fa canne ; cet accident qui n’eût été rien
pour urr autre , devint fort grave par la mauvailè
qualité de fon fang ; il lè crut en danger, il eut
peur, 6c crut devoir prendre pour confeffeur un cafuifte
tres-févère , afin qu’il mît la confidence plus en lureté.
Ce direél eur regardant comme un grand péché de
fournir au Théâtre même des fous, exigea le facrifice
d’un opéra que Lulli étoit prêt à donner, ôc le brûla
lui-même: Lulli fans guérir entièrement, fe trouva
beaucoup mieux, reprit l’tfpërance ôc alors il auroit
fort regretté fon opéra ; un prince qui a>moit Lulli
ôc la mulique, lui reprocha la condefcendance qu’il
avoit eue pour les fcrupules excelïifs d’unjanfenifte rigo-
rifte, ôcil regrettoitbeaucoup l’opéra facrifié, foit qu’il le
connût, foit qu’il en eût bonne opinion feulement fur la foi
des talents de l’auteur. Monfèigneur, lui dit Lulli, confo-
leç-vous, j en ai gardé copie. D'autres content ce fait
autrement : ils düent que le fils de Lulli, témoin du
facrifice, pouffoit des cris de douleur en voyant brûler
l’ouvrage ÔC que Lulli lui difoit tout-bas : tais-toi, Colajfe
en a une copie. Colaffe étoit muficien aufli ôc gendre
de Lulli. Celui ci eut une rechute ; les frayeurs ôc les
remords revinrent, il fe fit mettre fur la cendre, ia
corde au co l, fit amende honorable, il pleuroit ôc
chantoit : il faut mourir , pêcheur. Il fallut mourir en
effet à cinquante-quatre ans en 1687 » des fuites de
ce malheureux coup qu’il s’étoit donné au pied.
LUNA ( Alvarez de ) ( Hifl. dEfp. ) connétable
de CafHlle, fous le roi Jean II; un de ces favoris
dont il eft toujours bon de rappeller la cataftrophe
aux favoris, gouverna le roi ôc l’état, Ôc les gouverna
mal, félon l’ufàge ; il irrita les grands , il opprima
le peuple , alluma la guerre dans le royaume ; ôc ,
entretenant de coupables intelligences avec les ennemis
de l’état, reçut de l’argent des Maures pour empêcher
la prife de la Grenade. Il finit par être convaincu
de ces crimes , ôc il eut la tête tranchée à
Valladôlid en 1453* Au lieu de prendre fur là confif-
cation, de quoi le faire enterrer, on expofa pendant
plusieurs jours, fa tête dans un baflin , où les partants
étoient invités à mettre leurs aumônes pour l’inhumation
du malheureux. Il avoit une terre nommée Ca-
dahalfo, mot qui, en efpagnol , lignifie échafaud.
On n’a pas manqué d’imaginer, après coup , comme
il arrive toujours , qu’un aftrologue lui avoit prédit
qu’il mourroit à Cadahalso.
Un autre Luna , ( Michel de ) interprète du roi
Philippe III, pour l’arabe, a traduit de cette langue
en efpagnol, l’hiftoire du roi Rodrigue, par Abul- .
cacin-Tarif-Abentarique,
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PIERRE DE LUNA. (Anti-Pape) (K B eno it XIII.)
LUNDORPIUS, ( Michel-Gafpard ) ( Hifl. Litt.
mod. ) auteur allemand, très-médiocre continuateur
de l’hiftoire de S l e id a n , jufqü’à l’an 1609.
LUNETTES, ( Hifl. des invent. mod. ) les lunettes,
ou plutôt les verres à lunettes qu’on applique fur le
nez ou devant les yeux pour lire, écrire Ôc en général
, pour mieux découvrir les objets voifins que
par le ’ fècours des yeux feuls , ne font pas a-la.
vérité , d’une invention aufli récente que les lunettes
d’approche ; car elles les ont précédées de plus de trois
fièclès ; mais leur découverte appartient aux modernes
, & les anciens n’en ont point eu connoiflance.
Je fais bien que les Grecs ôc les Romains avoient
des ouvriers qui faifoient des yeux de verre , de
cryftal, d’o r , d’argent, de pierres précieufes pour
les ftatues , principalement pour celles E des dieux.
On voit encore des têtes de leurs divinités, dont les
-yeux font creuies : telles font celles d’un Jupiter
Ammon , d’une Bacchante , d’une idole d’Egypte,
dont on a des figures. Pline parle d’un lion en marbre,
dont les yeux étoient des émeraudes; ceux de
la Minerve du temple de Vulcain à Athènes , qui,
félon Paufànias, brilloit d’un verd de mer , n’étoient
fans doute autre chofe que des yeux de béril. M. Buona-
jrotti avoit dans fon cabinet quelques petites ftatues
de bronze avec des yeux d’argent. On nommoit faber
Gcularius , l’ouvrier qui faifoit ces fortes d’ouvrages ;
-& ce terme fe trouve dans les marbres fépulchraux ;
ma’s il ne fignifioit qu’un faifeur d’yeux poftiches ou
artificiels, & nullement un faifeur de lunettes , telles
que celles dont nous faifons ufage.
Il feroit bien étonnant fi les anciens les euffent
connues , que l’hiftoire n’en eût jamais parlé à pro- #
pos de vieillards ÔC de vue courte. Il feroit encore
plus furprenant que les. postes de la Grèce ôc de
Rome-, ne fe fuüent jamais permis à ce fujet aucun
de ces traits de fatyre ou de plaifanterie, qu’ils ne fè
font pas refufés à tant d’autres égards. Comment
Pline, qui ne laiffe rien échapper , auroit - il omis
cette découverte dans fon ouvrage, ôc particulièrement
dans le livre V I I , chap. Ivj , qui traite des inventeurs
des chofes? Comment les médecins grecs
ÔC romains, qui indiquent mille moyens pour foulager
la vue , ne dilent-ils pas un mot de celui des lunettes ?
Enfin, comment leur ufage , qui eft fondé fur les
befoins de l’humanité, auroit~il pu ceffer ? Comment
l’art de faire un inftrument d’optique fi fimple , ôc
qui nç demande ni talent ni génie , fe feroit-il perdu
dans la fuite des temps ? Concluons donc que les lunettes
font une invention des modernes, oc que les
anciens ont ignoré ce beau fecret d’aider ôc de foulager
la vue.
C’eft fur la fin du 13 e. fiècle, entre l’an 1280 ôc
1300, que les lunettes furent trouvées ; Redi témoigne
avoir eu dans fa bibliothèque un écrit d’un Scandro ■
Dipopozzo, compofé en 1298, dans lequel il dit:
« Je luis fi vieux , que je ne puis plus lire ni écrire
» fans yeires qu’on nomme lunettes , fença occhiali ;
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Dans le diélionnaire italien de l’Académie de la Crufc* ,
on lit ces paroles au mot occhiali : « Frère Jordanie
» de Rivalto, qui finit fes jours en 1311 , a fait un
» livre en 1305 , dans lequel il dit qu’on a découvert
» depuis 20 ans , l’art utile de polir des verres à
» lunettes ». Roger Bacon , mort à Oxford en 1292 ,
connoiffoit cet art de travailler les verres ; cependant
ce fut vraifemblablement en Italie qu’on en trouva
l’invention.
Maria Manni , dans fes Opufcules feieritifiques
tome I V , ôc dans fon petit livre intitulé de Gl'occhiali
del nafo , qui parut en 1738 , prétend que l’hiftoire
de cette découverte eft due à Salvino de gl’ armati,
florentin , ôc il le prouve par fon épitaphe. Il eft
vrai que Redi, dans fa lettré à Charles Dati, imprimée
à Florence en 1678 , *’«-4°. avoit donné Alexandre
Spina, dominicain , pour l’auteur de cette découverte
; mais il paroît par d’autres remarques du
même Redi , qu’Alexandre Spina avoit feulement
imité par fon génie ces fortes de verres trouvés avant
lui. En effet, dans la bibliothèque des pères de l’Oratoire
de Pife, on garde un maauferit d’une ancienne
chronique latine en parchemin, où eft marquée la
mort du frère Alexandre Spina à l’an 1313 , avec
cet éloge : quatcumqus victit aut audivit facta , fcivit,
& facere ocularia ab aliqûo primo facta , & communi-
care nolentf, ipfe fecit, & communicavit. Alexandre
Spina n’eft donc point l’inventeur des lunettes ; il
en imita parfaitement l’invention , ôc tant d’autres
, avec lui y réuilirent . qu’en peu d’années cet art fut
tellement répandu par-tout , qu’on n’employoit plus
que des lunettes pour aider la vue. Delà vient que
Bernard Gordon, qui é.drivoit en 1300, fon ouvrage
intitulé , Lilium Medicinot, y déclare dans l’éloge d’ua
certain collyre pour les yeux, qu’il a la propriété de
faire lire aux vieillards les plus petits caraélères, fans
le fècours des lunettes. (D . J. )
L unette d’approche , ( Hifl. des inventions modernes.
) Cet utile Ôc admirable inftrument d’optique ,
qui rapproche la vue des corps éloignés , n’a point
été connu des anciens , ôc ne l’a même été des modernes
, fous. le nom de lunettes d Hollande , ou de
Galilée, qu’au commencement du dernier fiècle.
C ’eft en vain qu?on allègue , pour reculer cette
date , que dom Mabiilon déclare dans fon voyage
d’Italie, qu’il avoit vu dans un monaftère de fon
ordre, les oeuvres de Ccmeftor écrites au treizième
fiècle , ayant au frontifpice le portrait de Ptolémée ,
qui contemple les aftres avec un tube à quatre
tuyaux ; mais dom Mabiilon ne dit point que le tube
fut garni de verres. On ne fe fervoit de tube dans ce
temps-là que pour diriger la vue, ou la rendre plus
nette, en féparant par ce moyen les objets qu’on re-
gardoit, des autres dont la proximité auroit empêché
de voir ceux-là bien diftinéiement.
Il eft vrai que les principes fur lefquels fè font les
lunettes d approche ou les télefeopes , n'ont pas été
ignorés des anciens géomètres ; ôc c’eft peut - être
faute d’y avoir réfléchi, qu’on a été fi long-temps fans