
tes quatre vers plus phllofophiqües qü’on ne favoit
les faire alors :
Las d’efpérer & de me plaindre
Des Mufes, des grands & du fort*
C ’eft ici que j’attends la moit,
Sans la délirer ni la craindre.
Ceft le Summum nec me tuas diem , hec optes.
11 mourut en- 1646 , âgé de foixante & quatre ans.
MAZARIN , ( Jules ) ( Hifl. de Fr, ) né à Pifeina
dans l’Abruzze en 1602, d’une famille noble , fait
cardinal en 16 41, le 16 décembre, gouverna la France
depuis 1643 jufqu’à fa mort, arrivée.à Vincennes le
9 mars- 1661. Il régna au milieu des orages ; tout
ce qu’on a fait contre lui de chanfons & de libelles
formerait une bibliothèque confidèrable : mais ce
n’eft pas par des chanfons & des libelles, qu’il faut
juger les hommes célèbres. L’hifloire de fon miniflère
fe trouve dans tous les mémoires du temps 8 tantôt
avec éloge , tantôt avec cenfore. Tout eft dit fur ce.
point, tout eft connu , tout eft jugé. Nous nous
bornerons ici à quelques réfultats généraux.
Ce miniftre , qu’on a tant comparé avec Richelieu
ibn prédéceffeur & fon prôteéleur, avoit fans doute
jnoins d’étendue d efprit, moins d’élévation dans l’ame,
moins d’énergie dans le çaraétère, L’un gouyernoit
par la force , l’autre par l’adreflè, aucun par la raifon
ni par la' juftice ; l’un accabloit les ennemis, l’autre
les trompoit ; l’un commandoit , l’autre négoçioit.
Si Ion examine de quelle utilité ils ont été au monde,
& qu’on les compare, fous ce point de vue , il vaut
certainement mieux avoir appaifé des troubles- que
d’en avoir fait naître , il vaut mieux avoir terminé
la guerre de trente ans que de l’avoir entretenue &
ranimée ; la paix de Weftphalie ( 1648. ) & celle des
Pyrénées ( 1659) f°nt deux époques qui élèvent
Malaria au-deffus 'de Richelieu & des plus "grands
minvftres. Tant de droits réglés par le traité de
Weftphalie ; la fouveraineté des Pays-Bas irrévo»
cablement reconnue, la liberté de l’Allemagne, l’indépendance
de fes princes afturéè, & le code germanique
fondé pour l’avenir for cette bafe folide y la rivalité
des maifons de France & d’Autriche fufpendue par
le traité des Pyrénées ; de nouveaux noeuds formés
entre ces deux maifons ; & pjir l’effet de ces noeuds,
la fucceffion d’Efpagne préfentée de loin à la France
qui la recueillit dans la fuite : ces monuments de paix
valent bien l’honneur d’avoir inventé des moyens
nouveaux ou renouvelle des moyens anciens de
troubler l’Europe.
.Mazarin s’étoit annoncé de bonne heure pour un
miniftre de paix. Le trait - foivant devroit immorîalifer
beaucoup plus que des vi&oires. En 1.6'30, les François
& les Efpagnols étoient près d’en venir aux mains
dans les environs de Cafàl ; Maçarm s’élance entre les
deux armées, les arrête , les fépare, & par une
négociation heureufè , au moins pour le moment,
çonçlui« $rèy* fe médiation du duç dp ,
Savoie dont il étoit l’envoyé. Ce fait a été trop pe«-
célébré dans l’hiftoire , on a prefque oublié que
Mazarin , dans cette occafton éclatante, a épargné le
fang des hommes ; on fe' fouvient feulement qu’il fes
trompoit : on lui en a même fait un mérite , & dont
Louis de Haro a paru avancer un paradoxe , en obfer«
vant que Mazarin avoit un grand défaut en politique,
celui de vouloir toujours tromper.
On a auffi beaucoup vanté Richelieu d’avoir abaifle
les grands & les corps intermédiaires. La preuve
qu’il ne les avoit point abaifïes, c’eft la guerre de la
Fronde,. & la foibleffe des motifs apparents qui là
firent naître. Quelques édits burfaux', peu onéreux
exigés d’ailleurs par les conjonftutes, auroient-ik
excité une fi. violente tempête contre un miniftre doux
& modété , fi une multitude d’autres impôts établis
dès 1e temps du cardinal de Richelieu & l’inexa&itude
dans les payemens, fruits d’une guerre longue &
ruineufe, n’avoient aigri depuis long-temps fes efprits ?
Les troubles de la Fronde n’éclatèrent que fous M a za r in ,
mais Richelieu en avoit fourni & développé le germe ;
M a z a r in , fans avoir eu le tort de les exciter , eut le
talent de les difliper, il. eut le bonheur de triompher
deux fois de la haine publique, qu’il n’avoit pas méritée.
C’eft fur-tout par l’amour des lettres que le cardinal
de Richelieu eft fiipérieur a l’indifféreat Mazarin t
qui n’aimoit que la fortune ; il refte cependant un
monument précieux du cardinal Mandrin, c’eft le collège
& la bibliothèque qui partent fon nom.
Richelieu s’étoit principalement propofé. pour mo-?
dèle l’infléxible févérité de Ximénès ; Mazarin la fou-
pleffe artifiçieufe de Louis XI & de Ferdinand-le-,
Catholique.
On fait fi Richelieu étoit vindicatif & fanguinaire;
Mazarin , quoiqu’il fe foit cru forcé à quelques
coups d’autorité aflez hardis , ne fevoit point haïr,
oublioit aifément les injures & en a pardonné quelques-
unes aflez généreufement. On raconte que dans un
fbuper de frondeurs, le çhanfonnier Blot fit çontrç
lui te couplet, plus violent qu’ingénieux :
Creufons tous un tombeau
A qui nous perféeute :
Que le jour fera beau,
Qui verra cette chûte !
Pour ce Jules nouveau ,
Cherchons un nouveau Brute.
Le lendemain le cardinal -envoyé chercher Blotf
Si -sous croye£ avoir foupè hier avec tous gens de
vos amis , lui clit—i l , vous vous trompe[ y il y en
avoit quelques-uns des miens ; vous avc%_ du talent,
monfieur Blot , mais vous en faites un mauvais ufage :
que fàudroit - i t faire pour être de vos amis ? On
ajoute qu’il lui donna une penfiori de deux mille
flancs, à condition de renoncer à la fetyre ; ç’étoit lui
rendre deux fervices au lieu d’un,
L’ambition de Richelieu fe portoit à tous les objets}
il vouloit être tantôt patriarche Gaules , tantât
éle3eur de Trêves, tantôt régent du royaume après
Louis XIII, qu’il voyoit mourant fans voir qu’il l’éroit
lui-même davantage ; en effet il mourut plus de
cinq mois avant Louis XIII. Il avoit auffi l’ambition
d’être canonifé. II paraît que le dernier but de l’ambition
de Maçarin étoit d’amaffer des richeffes ; Richelieu
vouloit être fiche pour être puiffant, Mazarin
vouloit être puiffant pour être riche.
Richelieu & Malaria eurent tous deux le ridicule
de vouloir uforper la gloire d’autrui dans un genre
qui leur étoit étranger. Richelieu vouloit que Corneille
lui cédât la tragédie du Cid ; Mazarin, que Turenne lui
cédât la viéfoire des Dunes & la campagne de 1654.
C’eft à cette prétention d’être guerrier, annoncée déjà
depuis long-temps, que le grand Condé faifoit allufion,
lorfqu’il difoit au cardinal avec un fourire amer :
adieu, Mars.
M. le préfident Hénault a fait un bien beau portrait
du cardinal Mazarin ; il eft peut-être un peu embelli
comme ceux de Velleius Paterculus fon modèle , mais
il a de grands traits de vérité.
tt Ce miniftre , dit-il, étoit auffi doux que le cardinal
>» de Richelieu étoit violent. Un de fes plus grands
>? talens fut de bien connoître les hommes Le caractère
» de fa politique étoit plûtot la fineffe & la patience
w que la force. Oppofé à don Louis de Haro, comme
m Richelieu l’avoit été au duc d’Olivarès , après être
» parvenu , au milieu des troubles civils de la France,
» à déterminer toute l’Allemagne à nous céder de
» gre ce que fon prédéceffeur lui avoit enlevé par la
guerre ; il fut tirer un avantage encore plus précieux
» de l’opiniâtreté que l’Efpagne fît voir alors , &
* après lui avoir donné le temps de s’épuifer , il
w f amena enfin à la conclufion de ce célébré mariage
* ( de Louis XIV & de Marie Tfyérèfe ) qui acquit
M au roi des droits légitimes & vainement conteftés
B for une des plus puiffantes monarchies de l’univers.
w Ce miniftre penfoit que la force ne doit jamais
” être employée qu’au defaut des autres moyens , &
w efprit lui fourniffoit le courage conforme aux
* circonftances. Hardi à Cafal, tranquille & agiffant
w dans fa retraite à Cologne, entreprenant lorfqu’il
B fallut arrêter les princes; mais infenfible aux plaifan-
” teriés de la Fronde ., méprifànt les bravades du
* coadjuteur, & écoutant les murmures de la populace,
® comme on écoute du rivage le bruit des flots de
89 la mer. Il y avoit dans le cardinal de Richelieu
* quelque chofe de plus grand, de plus vafte & de
M Jnoins concerté ; & dans le cardinal Ma^arih
” plus d{adreffe , plus de mefores & moins d’écarts.
** O11 haiffoit l’un , & l’on fe moquoit de l’autre ;
w mais tous deux forent les maîtres de l’Etat.
Le Cardinal Mazarin qui, fans rien avoir de la
cruauté de Louis XI, fe piquoit d’en avoir la politique
mach’avellifte , en avoit auffi les petîteffes. On fait que
Louis XI , dans la maladie'de langueur dont il mourut,
cher.choit à faire illufion aux autres , ne pouvant fe
la faire à lui-même ; il pâroifîbit en public avec de
.riches vêtements , croyant] déguifer par la parure, fa ‘
décadence & fa foibleffe ; Mazarin en fit autant dans
fa dernière maladie. Il donna une audience publique,
où il çrut avoir un air de fanté , parce qu’il s’étoit
mis un peu de rouge. Le comte de Fuenfaldagne ,
ambaffadeur d’Efpagne , n’en fot point la dupe, & dit
à M. le prince, auprès duquel il le trouvoit : voilà un
portrait qui,re(femble un peu à M. le cardinal.
Le Roi & la cour portèrent le deuil à la mort du
cardinal. On a prétendu qu’il avoit amaffé plus de
deux cents millions ; cette immenfe richeffe a auffi été
révoquée en doute au moins quant au degré , mais
ce qui n’eft pas douteux, c’eft que , fans être prêtre,
il étoit évêque de Metz, & qu’il poffédoit dans la
même ville les abbayes de S. Arnould, de S. Clément
& de S. Vincent ; celles de S. Denis, de Quni, de
S. Viâor de Marfèiile , de S. Médard de Soiffons, de
S. Taurin d’Evreux , & plufieurs autres, fans compter ,
dit-on, la vente des bénéfices qu’il conférait, & tous les
autres profits qu’il fe réfervoit ou fe ménageoit, foit
dans les biens eccléfiaftiques, foit dans toute forte
d’affaires de finances & autres.
Les mariages de fes nièces forent de grandes &
importantes affaires. ( Voye^ les articles M a n c i n i ÔC
Ma r t i n o z z i . ) Charles I I , depuis Roi d’Angleterre ,
alors fugitif &profcrit pendant la tyrannie de Cromwel,
demanda au cardinal Mazarin une de fes nièces en
mariage, & fut refusé. Richelieu la lui eût accordée
& eût voulu la faire reine d’Angleterre. Quand les
affaires de Charles II parurent fe rétablir, Mazarin
voulut renouer la négociation ; il fut refofé à fori
tour. Voilà encore à quoi Richelieu ne fe ferait pas
expofé.
Le cardinal Mazarin dans fes lettres, paroît s’oppofer
de bien bonne foi au defir que Louis X IV , dans
l’ardeur de la.jeuneffe & de la paffion , montrait
d’époùfer mademoifelle de Mancini, qui fot depuis l'a
connétable Colonne ; on crort cependant aflez généralement
qu’il fut tenté de laiffer agir la paffion du Roi,
que ce fut dans cet efprit qu’il dit à la reine-mère, qu’il
craignoit bien que le Roi ne voulût trop abfolument
époufer fa nièce. On fait la réponfe que lui fit la reine-
mère, qui comprit, comme dit l’auteur du fiècle de
Louis X IV , que le miniftre déferait ce qu’il feignc't
de craindre : Si .le roi étoit capable dune telle bajjejfe
je me mettrois avec mon autre fils à la tête de la nation
contre lui & contre vous , réponfe que le miniftre,
ajoute-t-on, ne lui pardonna jamais , & qu’il dut d’autant
moins lui pardonner, qu’il fot obligé de s’ÿ conformer.
Dès qu’il put fe paffer du crédit de la reine , qui
l’avoit fait tout ce qu’il étoit & à laquelle il devrait
bien plus que Richelieu à Marie de Medicis, il travailla,
fourdement à diminuer ce crédit. Quant à la tentative
qu’il avoit faite en faveur de fa nièce fur l’efprit de
la reine- mère, ce n’étoit vraifemblabîement que l’effet
d’une irréfolution aflez naturelle en pareil cas ; car on
croit qu’en général il n’étoit pas de fa politique de faire
fa nièce reine , parce qu’il eût été beaucoup moins
roi lui-même, & qu’elle n’avoit pas pour lui le refpeôfc
& la tendreffe quelle lui devoit. M. l’abbé d'Àlainvâl
a publié en 1745 , les lettres dû cardinal Mazarin.
Parmi fes nièces, ce fot Hortenfe Mancini qu’il fit