
royaume : Frédéric, à la vérité , n’étoit que le fils
naturel cfe Henri I I , fils naturel lui-même du roi
Alphonse X I. Ce mariage fut approuvé par Ferdinand
& par les états de Portugal ; mais par des circonstances
qu’on ne prévoyoit point alors, il ne s’accomplit
pas. Le roi de Navarre , en apparence ami de
celui de Caflille , mais en effet le plus turbulent 8c le
plus irréconciliable de les ennemis, prévoyant que
l ’échange qu’il vouloit faire avec l’Angleterre , des
états qu’il avoit en Normandie , pour quelques autres
équivalents en Gafcogne , cauferoit tôt ou.tard la
guerre entre la Caftille 8c la Navarre, crut que la
pcfïeflion de Logrogno, ville forte & importante for
le bord de l’E b re , lui donnerait' dans cette guerre les
plus grands avantages, 8c d’après cette idée, il pro-
jetta de fe rendre maître de cette ville Caftillane. Dans
cette vue , il tenta d’en corrompre le gouverneur ,
don Pedre Manrique , auquel il fit offrir vingt mille florins.
Don Pedre, qui étoit le plus intègre 8c le plus
incorruptible des hommes , avertit le roi fon maître,
de cette propofition ; 8c. d’après les ordres de Henri ,
fe’gnit de fe laiffer gagner , reçut les vingt mille florins,
& au jour çonvenu , laiffa entrer dans Logrogno
deux cens cavaliers Navarrois : mais ceux-ci ne furent
pas plutôt dans la place , qu’ils furent défermés 8c
faits prifonniers : dans le même temps , don Juan ,
infant de Caftille , fe jetta , fiiivi d’une. armée , dans
la -Navarre, y eut de grands foccès , s’empara de
beaucoup de places, & s’avança jufqu a Pampelune.
L ’Italie étoit encore plus agitée que la Navarre, par
les troubles qu’y çaufa la double eleéfion d’Urbain V I
8c de Clément V I I , au pontificat. L ’Europe chrétienne
prefqu’entière, prit part aux diffenfions fufcitées par
ce ‘fchifîne ; la France foutenoitles intérêts de Qément:
l’Angleterre défendoit la caufe d’Urbain. Les rais de
Caftille & d’A ragon, plus fages , 8c vraifemblablement
plus éclairés que le refte des fouverains Européens,
refusèrent de reeonnoître l’un 8c 1 autre pontife, s’inquiétant
fort peu que le conclave divife eût. élu deux
papes au lieu d’un. Tout ce que fit Henri au fojet de ce
ichifme, fut de' convoquer à Illefcas , une aifemblée
d’évêques & de prélats ; & dans cette aifemblée , il
fut ftatué qu’on mettrait en réferve tous les revenus
qui appartenpient au pape , afin de les remettre à celui
des deux contendants qui refteroit feul poffefîeur de
la papauté. La même délibérationJùt prife a Burgos,
par- les évêques 8c les prélats qui s’y affemblèrenl
encore. Pendant que, fécondé par le clergé, Henri I I
éfcartoit ainfi de fes états le trouble 8c la divifion,
l’infant don Juan prenoit des villes, 8c continuoit de
faire des conquêtes. Le roi de Navarre épuife , &
craignant de voir à la fin fon royaume pafter fous la
domination du rai de Caftille, demanda la paix à Henri,
q ui, quelques avantages qu’ il eût, & quelques brillantes
que fu fient les efpéranees que lui donnoient les fîiccès
de don Juan, fe prêta volontiers aux propofitions du
roi de Navarre, & conclut avec lui un traité de p a ix,
dont les conditions furent que le Navarrois congédierait
les troupes A'ngloifes 8c Gafçônes , que le roi de
Caftille prêterait les fonds néceffaires pour le paiement 1
de ces troupes, & que toutes les places que don Juan
avoit prifes, feraient rendues. Quelques jours après
la conclufiondè cette paix, Henri II tomba dans un
état de foibleffe 8c de langueur qui épuife fes forces,
au point que , malgré tous les fecours 8c tous les remèdes
qu’on lui donna, il mourut le 2.9 mai 1 3 7 9 ,
après un règne cfe dix ans depuis la mort de Pierre-Ie-
Cruel, 8c de treize ans, à compter du jour où il fut proclame
roi de Caftille à Calàhorra. Quelques hiftoriens,!
mais non les mieux inftruits , ni les plus fenfés , ont dit
fans preuve ni vraifemblance, qu’il mourut par les
effets d’un poifon très-fobtil que Mahomet, roi de
Grenade , lui avoit fait donner par un fèigneur maho-
metan. Mais les meilleurs hiftoriens & les plus judicieux
regardent ce récit comme très-fabuleux1 , 8c fondé
tout-au-plus fur quelque mauvais bruit populaire , produit
par la haine des Chrétiens contre les Maures , ÔG
par cet abforde penchant que le vulgaire a eu dans tous
les temps de rapporter la mort des fouverains à des
caufès extraordinaires. Les, éditeurs du diéfionnaire
de Moreri n’ont pas manqué d’affurer fort gravement
aufli , que le rai Henri I I mourut de poifon ; car ces
éditeurs aiment beaucoup les traditions vulgaires", 8c
ne croient pas non plus que les rois puiffent mourir
comme le refte des hommes. C ’efl avoir un goût bien
décidé pour le merveilleux ! (X. C. )
Henri I I I , roi de Léon 8c de Caftille, n’avoit pas
onze ans accomplis, lorfque la mort du roi don Juan
fon père , le fit monter fur le trône en 13 9 0 : fa minorité
fut tres-orageufe ; l’état fut en proie aux concuflions
& aux rapines^ des régents, 8c des autres grands du
royaume. Henri, dont la prudence étoit fort au-deffus
de fon âge 8c de la foibleffe de là complexion, fen-
fible aux maux de toute efpèce que caufoit lamauvaife
adminiftration des régents pendant fa minorité , réfolut
d’en arrêter le cours , en déclarant qu’il vouloit gouverner
foi-même, quoiqu’il n’eut pas encore quatorze
ans accomplis ; il convoqua l’affemblée des grands , 8c
leur déclara fes intentions ; ils applaudirent à fa réfo-
lution. Henri trouva les finances dans un çtat plus
déplorable qu’il ne l’avoit cru ; on aflôre que le roi,'
dans ce moment, étoit fi pauvre , qu’au retour d’une
chaffe on ne lui fervit point à dîner ; il en demanda la
raifon ; on lui répondit qu’il étoit fans argent 8c fans
crédit : vendez mon manteau , dit Henri , & achetez-s,
moi de quoi dîner. Pendant qu’il mangeoit un morceau
de belier quon lui fervit avec quelques cailles qu’il
avoit tuées à la chaffe , il apprit qu’il y avoit un fouper
fplendide cjiez l’archevêque de Tolède , -que les grands
y étoierit conviés , 8c que tous les jours ils fe donnoient
les uns aux autres,, de magnifiques feftins. Dès que la
nuit fut venue , le jeune monarque déguifé, alla vérifier,
par fes propres yeux , ce qu’on venoit de lui dire ; le
lendemain il fit venir dans fon palais, tous les convives
8c l’archevêque à leur tête 5 i l demanda au prélat
combien il avoit vu de rois en Caftille ? j’en ai vu trois
répondit l’archevêque , votre ay eul, votre père 8c
vous ; 8c moi qui fuis-plus jeune que vous, répliqué
Henri , j’en ai vu vingt fans vous compter ; car c’eft
vous qui êtes rois , 8c je fois le plus pauvre de yo$
ftijets ï je’ n’avoïs pas hier de quoi fouper ; il eft temps
que je règne feul, vous mourrez tous : je dois à ma
confervation 8c à mon peuple le facrifice' de tant de
tyrans qui lont opprimé. Le palais étoit entouré de
foldats prêts à exécuter les* ordres du roi ; les grands,
effrayés de cette terrible fentence, implorèrent fa clémence
: je ne fois pas aufli inhumain que vous, leur
dit Henri, vous méritez la mort, 8c je confens à vous
laiffer la vie 8c vos biens ; mais vous me reftituerez
tout ce qui m’appartient, 8c je fçaurai mettre mon
peuple à l’abri de vos vexations. En effet, ils n’obtinrent
la liberté que lorfque chacun d’eux eut rendu au
tréfor royal toutes les fommes dont il fut jugé redevable
: cette aélion , pleine de vigueur 8c de juftice ,
ànnonçoit un règne heureux; Henri eut néanmoins des
fe&ieux à contenir , des cabales à difliper, des guerres
à foutenir contre des puiflances étrangères ; fa prudence
foffit à tout, malgré fa grande jeuneffe. Il eut une
attention particulière à fe rendre agréable au peuple,
évitant avec un foin extrême tout ce qui pouvoit altérer
l’amour que les fojets avoient pour lui. Je redoute
plus , difoit—il, la haine de -mes fojets , 8c les malédictions
du peuple , que les intrigues 8c les armes de
mes ennemis. Ce prince fit punir quelques juifs ufo-
riers , défendit rigoureufement le prêt à ufore , 8c enjoignit
à tous les Juifs de fes états de porter for l’épaule
un morceau d’étoffe large de trois doigts : cette dif-
tinélion flétriflante le fit haïr de cette nation ; 8c l’on a
prétendu qu’un médecin juif lui avoit donné un poifon
lent qui le conduifit au tombeau, à lage de vingt-fept
ans, en 1406; mais il étoit fi valétudinaire, que fa
mort, quoique préccce, a pu être naturelle. (X. C. )
Henri IV , furnommé Yimpuijfant, roi de Léon
8c de Caftille , fils de Jean II 8c de Marie, infante
d’Aragon, naquit en 142,4, 8c foccéda à fon père en
1434. Un monarque reconnu impuiffant, entouré de
maîtreffes , 8c introduifent dans le lit de fon époufe un
jeune feigneur, qui étoit à la fois , 8c le mignon du
roi, 8c l’amant de là reine; des miniftres regardant
l’équité, la déceiice 8c la religion comme de vains
noms ; des grands révoltés , portant le mépris des
loix 8c de l’autorité royale au dernier excès ; une nation
entière avilie 8c corrompue par l’exemple de fes - chefs,
fe livrant fans honte à toutes fortes de débauches,
de perfidies, de trahifons, d’aftaflinats : tel eft l’affreux
fpeélacle que nous offre le règne de Henri IV. Il dura
vingt ans, ce règne qui plongea la Caftille dans un
abyme de' maux : nous ne. nous arrêterons point à
détailler des "(cènes fcandaleufes qui révolteraient les
efprits. ( X. C. )
Henri , comte de Portugal , (Hijî. de Portugal.)
Le plus facré des droits- qui élèvent les hommes à la
fouveraineté , eft fans doute celui de la naiffance ; mais
ce droit., quelque facré qu’il foit, n’eft pourtant ni le
plus flatteur, ni le plus beau , ni le plus, refpeclable.
Que peut avoir en effet de flatteur 8c de précieux
un droit donné par le liazard ? le plus grand , le plus
illuffre des fouverains eft celui qui, s’élèvant par Ion
propre mérite , parvient au rang feprême par fes
.vertus 8c par l’éclat de fes aéfions,- Tel fut, foirant
quelques auteurs, Henri, que fes vertus firent feule s
cré^r comte de Portugal, quoiqu’il ne fût d’ailleur3
qu’ïïn étranger , difent-ils, dont on ignorait la naiffance.
Si ce fait étoit v r a i , Henri n’en ferait, à me*
y e u x , que plus eftimable encore ; mais ils, fe trom*
pent, 8c il eft très-prouvé que, par fa naiffance illuftre ÿ
ainfi que par fes .talents, il étoit fait pour commande f
aux hommes. Alphonfe V I , roi de Caftille 8c de
L é on , quelque terreur qu’il eût répandue parmi les
Maures, craignant lui - même que la conquête de
Tolède ne réunît contre lui tous ces ennemis , 8c ceux
même d’Afrique, demanda du fecours au roi de F rance,
Philippe I , . 8c au comte de Bourgogne : cés deux
fouverains invitèrent la nobleffe de leurs états à aller
en Efpagne fe fignaler fous les drapeaux du roi de1
Caftille ; 8c bientôt il pafla dans ce royaume une
nombreufe armée , conduite par Raymond , comte
de Bourgogne, Henri, frère puîné de Hugues , comte
de Bourgogne , 8c Raymond , comte de Touloufe ;
ces trois chefs fe diftinguèrent par les plus brillantes
aétions , 8c Alphonfe V I , pénétré d’eftime pour la
valeur de Henri, 8c .de reconnoiflance pour les.lervices
qu’il lui avoit rendus , lui donna le gouvernement des
frontières 8c des contrées méridionales de la G a lic e ,
avec le pouvoir de réparer.les anciennes v ille s, d’en
çonftruire de nouvelles , de reculer, aux dépens dès-
pofTeftions des Maures, les frontières de ce pays autant
qu’il le ' pourrait, de les défendre & d’attaquer les
Maures toutes lès fois qu’il le jugerait convenable ï
Henri répondit en grand homme à la confiance d’A l-
. phonfe, 8c en très-peu d’années? ce pays fut t r è s - ■
floriflant : fous fa protection, une foule de- chrétiens ,
jadis chafles de leurs pofteffions 8c retirés dans les
montâmes, vinrent s’établir dans les campagnes fou-
mifes a la domination de Henri ? qui , par degré ÿ
peupla, enrichit 8c fertilifa les provinces fituées entre
le Minho 8c le D o u ro , ainfi que la province de Tra-*
los-Montes 8c celle de Beira , jufqu’a lors foumifeauroi
Maure de Lamego , auquel il l’enleva, 8c qu’il obligea
de lui payer tribut. Alphonfe V I ,- rempli de la
plus haute eftime pour Henri, 8c voulant lui donner
des marques de la eonfidération qu’il ay oit pour fes
talens 8c fes rares qualités, lui accorda en mariage,
dona Thérèfe , fe fille naturelle ;• 8c en i 094 , lui
céda en pleine propriété , les provinces dont il n’a voit
ete jufqu’alors que gouverneur , lui donnant le titre de
comte, 8c la pernïiffion de conquérir tout ce qu’il
pourrait for les Maures jufqu’à la rivière de Guadiana.
Henri 8c fon époufe allèrent alors fixer leur réfidence
a Guimaraens, ville agréablement fituéè dans une plaine
tres-fertile , for le bord de la rivière d’A v e . La per-*
(miftion donnée. au comte de faire des conquêtes fur les
Maures, étoit très-analogue au caraélère,guerrier 8c
conquérant de Henri, qui in^îirant fes goûts aux Portugais
, fondit fur les Maures établis au-delà du Douro ,
8c eut les plus brillants foecès : on ignore les détails
de cette guerre on fçait feulement qu’elle fat très-
fonefte aux Maures , 8c que Hecha roi de Lamego ,
8c vaffal du comte, s’étant révolté contre lui , 8d
ayant même ravagé fes ^frontières du nouvel état,
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