
aux aïeux un fàcrifice folemnel, en aéfton de grâces,
ii reçut la nouvelle qu’il venoit d’être nommé conful
pour la cinquième fois ; ce confulat étoit pour l’année
651 de Rome. A peine l’eut il obtenu , qu’il courut
le mériter comme le précédent par une nouvelle victoire.
Il joignit Catuîus pour combattre avec lui les
Çimbres ; il les atteignit près de Verceil. Les Cimbres
ignorant la défaite dês Teutons, ou ne la croyant pas
poffible , envoyèrent des ambaffadeurs demander à
■ Maiiiis dès villes & dès terres pour eux & pour leurs
frères. Qui font ces frères ? leur demanda Marins.
—— Les Teutons. — N’en foyez point en peine, reprit
Marins, ils ont la terre que nous leur avons donnée
& ils la gardèront éternellement. — - Cette infolente
ironie fera punie, dirent les Cimbres , & par nous &
par les Teutons , des qu’ils feront arrivés. — Ils font
arrivés, & les voici, . faluez le s, embraffez vos
frères , àit-Marins, en faifant paroître devant eux les '
chefs des Teutons enchaînée. Trois jours après , la
bataille fe livra dans la plaine de Verceil/ Cette féconde
viéloire fut encore plus complette que la première.
Marins en eut le principal honneur , félon
Juvénal, mais Catulus fut affccié à fa gloire.
Hic (Marius) tamen & Cimbros & fummapericula rerum
Excidit, & foins trepidantem proiegit urbem
Atqüe idebypcjlquam ad Cimbros Jiragemque volabant,
Quinunquam a'.rigerant majora cadavera corvi ,
Nobïlis omatur laurocollega fecundâ.
■*.. Sylla, qui fervoit dans l’armée de Catulus, avo’t
laiffé des mémoires oii il refufoit à Marins toute part
à la victoire ; cette opinion n’a point prévalu-.
Jufqu’ici Marius eft un héros , il va ceffer de l’être.
Il revient à Rome , & après avoir obtenu & mérité
tant de cônfùlats par des fervices & des vi&oîres, il ne
rougit pas de s’en procurer un fixième par brigue
& par argent, pour l’an 652. Il fait exiler Métellus
pour avoir refufé de prêter un ferment injufte ; il
remplit Rome de troubles, & en fortitbriifquement
pour n’être pas témoin du rappel glorieux de ce même
Métellus. Dans la guerre défignée par le nom de
guerre fociale ou des allies, Marius acquit peu de
gloire, il parut éclipfe par $yîîa , & par Sertorius
naiffant. La jaloufië éclate entre Marius & Sylla, au
liijet des fiâmes de la viéloire, données par Bocchus
au peuple Romain , ou on voyoit, c<?mme dans l’anneau
de Sylla, Jugurtha livré par Bocchu? à ce même
Sylla. Bientôt Sylla & Mariais fe difputèreirî le commandement
dans la guerre contre Mithridate. Lt' fénat
étoit pour Sylla -, le peuple pour Mariais ,• il y eut
de violentes féditions à ce fujet ; Sylla marche avec une
armée contre Rome, s’eri empare, oblige Marius à
prendre la fuite, le fait déclarer ennemi public', ainfi
que fès principaux partifans.' Quintus Scevola, l’Au- j
gure, beau-père de Marins le fils, ofa feul réfifter à
h., volonté abfolue de Sylla. Non, dit-il, je ne dicla-
rerai point ennemi de Rome , un homme p ar lequel ƒ ai
vu Rome & tItalie^ entière fauvées. 11 faifoit allufion à
la défaite des Cimbres.
-Cependant Marius, fbrti de Rome avec fon fils,
¥11.664 ) fe retira dans une maifon de campagne |
qu’il avolt près de Lanuvium ; il vouloit gagner la
mer , & fortir de l’Italie ; mais n’ayant eu le temps
de faire aucun arrangement pour un pareil voyage , il
envoya fon fils dans une terre de Scévola qui étoit
voifine, pour prendre chez fon beau-père les chofes
principales dont ils avoient befoin. Le jeune Marius
paffa la nuit dans la maifon de Scévola ; le jour étant
venu, il voulut joindre fon père, il apperçut des gens
à cheval, qu’il jugea envoyés par Sylla, pour faire la
recherche dans la maifon de Scévola , qui lui étoit
naturellement fufpeéle. Le fermier de Scévola ne put
fauv.er le jeune Marius, qü’en le cachant dans une
charrette remplie de fèves , qu’il mena vers Rome ,
en paffant au travers de ceux qui cherchoient Ma-
rj,us ‘ ils n’eurent aucun foupçon. Le jeune Marius
entra dans Rome & jufques dans la maifon de fa
femme, y prit tout ce dont il avoir befoin , en
fortit ainfi que de Rome & de l’Italie , fans faire
aucune rencontre fâcheufè, & n’efpérant plus pouvoir
rejoindre fon père, qui n’auroit pu l’attendre fi
long-temps fans être pris, il paffa en Afrique.
Le père s’étoit rendu à Oftie, y avoit trouvé ,un
vaiffeau, s’étoit embarqué. La violence du vent le
força d’aborder dans un lieu fuipcél , & environné de
les ennemis ; les vivres lui manquoient, il commençoit
à fentir la faim; il apperçut des bergers , il s’en approcha
pour leur demander quelques feçours, ils n’en
avoient point à lui donner; mais l’ayant reconnu,
ils l’avertirent qu’ils venoient de voir des gens à cheval
qui le cherchoient. Il s’enfonça dans un bois oh il
paffa la nuit, tourmenté-par la faim; mais exhortant
les compagnons de fa fuite à fe réferver peur une
meilleure deftinée. En ant for le bord cfe la mer,
p:ès de Minturnes, à l’embouchure du Liris ou Gari-
güano , avec fa troupe fugitive, ils apperç.oivent des
gens à cheval qui viennent à eux ; en même temps ,
tournant les yeux vers' la mer-, ils voient deux vaife
féaux marchands qui fendoient les flots : ils coure/it
à la mer, fe jettent à l’eau, tâchent de gagner à la
nage les deux vaiffeaux. Marius, vieux &. pefant,
porté avec peine au-deffus de l’eau par deux efclaves,
atteignit enfin un des vaiffeaux, & y fut reçu , tandis
que les cavaliers arrivés for le bord , crioient aux
matelots d’aborder ou de jetter Marins à la mer. Celui-ci
eft réduit à implorer avec larmes la pitié des maîtres
du vaiffeau, qui, après avoir quelque temps délibéré &
balancé, ne voulurent point livrer cet illuftre foppîiant.
Les cavaliers fe retirèrent en menaçant.
Quand ils fe furent éloignés , les matelots , toujours
incertains, abordent à l’embouchure du Liris, propofènt
j Marius de defeendre pour fe repofer un moment ; à
peiiîft eft-il affis fur le rivage, il voit lever l’ancre,
il voit partir le vaiffeau; le voilà foui avec fes malheurs
&. iS dangers ; il fe traîne dans la fange des
marais, jufci?*t la cabane d’un pauvre bûcheron qui*
le cache fous u.: amas de feuilles, de rofeaux & de
joncs. Bientôt il entend un grand bruit du côté de
la cabane, c’étoient dës gens à cheval-, envoyés à fa
pourfuite , qui interrogeoi?ut le buc-héron , qui le prefo
foient &. l’intimidoient. Marries fentit qu’il alloit être
découvert ; il change d’afyle, & fe plonge tout nud
dans l’eau fale & bourbeufe de ces marais. Cëfont-
là çes marais de Minturnes, devenus fi fam:-ux par -
la fuite & les dangers de Marius ; il fu t apperçu, il
fut pris, traîné à Minturnes, la corde au c o l, livré
aux Magiftrats, condamné à périr ; mais, aucun'citoyen
ne voulut fe charger de l’exécution ; on envoya
un étranger , Cimbre ou Gaulois de naiffançe
pour le tuer dans fa prifon ; Marius lançant for lui un
regard , plutôt terrible qu’effrayé, lui cria du ton d’un
homme qui a la confcience de fa grandeur, & qui
fait que le ciel réferve des reffources extraordinaires
aux grands courages dans les grands périls : Quoi !
barbare, oferois-tu tuer Gains Marius? Le barbare ,
comme terraffé par la majefté d’un héros, s’arrête, fort,
jette fon épée , & s’écrie : non, je ne faurois tuer Caïus
Marius. Le fentiment dont il avoit été pénétré dans
cette occafion, fe communique aux Minturnois, ils
rougiffent d’être moins humains qu’un barbare. Marius
eft mis en liberté ; bientôt il s’embarque pour l’Afrique;
mais obligé de relâcher en Sicile, il y trouve de
nouveaux ennemis. Le quefteur de la province tombe
fur fa troupe, tue dix-huit hommes de fon- équipage,
& penfe le prendre lui-même. Marius fe rembarque
précipitamment, il aborde enfin en Afrique , & c’eft
pour y prouver encore des ennemis ; il voit venir à lui
un officier du préteur , qui lui dit d’un ton menaçant
: le prêteur Sextilius vous défend de mettre le pied
dans fa province, fous peine d'être traité en ennemi
public , fuivant le décret du fénat, auquel il a réfolu
dé obéir. Marius eut encore ici une de ces reffources qui
n’appartenoient qua lui. Va, dit—il à l’officier , va
dire à celui' qui ri envoie, que tu as vu Marius fugitif,
affis au milieu des ruines _ de Carthage. C ’eft ce.
mot que les hiftoriens & les poëtes ont fait valoir à
l’envi.
Cum Marius intuens Çarthaginem , ilia intuens
Marium , aller alteri pojfcnt effe folatio , dit Velleius-
Paterculus.
Salaria fati
Carthago Mariu/que tulit, pariterque jacentes
Jgnovere deis....
A dit Lu cain.
Et ces grands monuments fe confoloient entr’eux.
A dît M. l’abbé de Lille.
Marius refta en Afrique affez long-temps pour y
recueillir fon fils, qui, comblé d’honneurs , mais retenu
prifonniër par Hiempfal, roi de Numidie, accepta le
bienfait de la liberté que 1”amour lui offroit. Une "des
maî’relfes d’Hiempfkl conçut pour le jeune Marius,
une paffion fi généreufe, qu’elle confentit à fe priver
de lui, en favôrifant fa fuite ; c’eft le fojet d’une des
héroïdes de M. de Fontenelle. Aucune partie du monde
ne pouvoit recevoir Marius, il fallut fortir de l’Afrique ;
& peine étoit il embarqué avec fon fils , qu’ils virent
Recourir for le bord de la mer, des cavaliers Numides,
envoyés par Hiempfal à la pourfuite du jeune Marius,
qui put juger par-là de l’importance du fervice que
lui avoit rendu fa libératrice, &. du deffein qu’ayqji
formé Hiempfal de faire fa cour aux. Romains, aux
dépens de fon prifonniër, Les deux- Marius -pafferent
Piiiver affez tranquillement dans les ifles de l’Afrique,
& la fortune fe laffa enfin de les perfécuter ; mais
ils méritoient leurs malheurs, puifqu’après ces malheurs
mêmes ils furent cruels.
Cinna, ennemi de Syjla & du parti des nobles,
ami de Marius & de la fa'âion populaire, ayant été
nommé confol pour l’an de Rome 665 , obligea
Sylla de fortir de l’Italie, &. de partir pour la guerre
contre Mithridate, en le faifant accufer par un des
Tribuns ; il travailla au rappel de Marius, remplit
la ville de troubles, l’inonda de fang , fefit lui-même
chaffer de Rome, & dépofer du confulat. ( Voye%
l’article Merula ). Il revient avec Marius , qu’il
déclare proconfol & qu’il comble d’honneurs; ils
marchent contre Rome qui leur eft livrée ; ils y exercent
les plus abominables vengeances , font égorger
lés chefs de la nobleffe , les perfonnages confulaires
les plus diftingués , les Craffus, les Céfars, les Catulus,
les Merula, l’orateur Marc-Antoine, ayeul du Trium-
vir. Un figne de tête de Marius coûtoit la vie à ceux
qui fe prélentoient devant lui ; ceux qui venoient le
faluer, & auxquels ou à deffein , ou par diftraébon,
ou parce qu’il ne les démêloit pas dans la foule, il ne
rendait pas le falut, étoient -à l’inftant poignardés par
les efclaves èc les bourreaux , qui lui fervoient de
gardes ; on ;expofoit leurs têtes fur la tribune aux
harangues, on fouloit aux pieds leurs corps dans les
rues. Marius fe nomma lui-même confol pour l’an de
Rome 666. Ce fut fon feptième &c dernier confolats.
Il mourut en v.erfant le fang, en faifant précipiter du
haut du roc Tarpéien , le fénatcur Sextus Licinius ; il
mourut le 13 janvier de lan 666 de Rome. Fimbrja ,
un des exécuteurs de fes cruautés , crut ne pouvoir
nVeu#honorer fes funérailles , qu’en .les marquant
par l’affaffinat du vertueux pontife Quintus Scevola.
Celui-ci n’ayant été que légèrement blessé , Fimbria
le cita devant le peuple. Quel crime, lui d it - o n ,
pouvez vous reprocher à cet homme, qu’on ne peut
pas même affez dignement louer ? M lui reprocherai,
répondit ce forcené , de ri avoir pus reçu ajfcç avant
dans le corps le poignard dont il dey oit être tué fur U
place, Tel étoit Marius , tels étoient fes complices.
Marius le fils n’i0 ita de fon père que les cruautés;
Le premier jour de l’an 666, il tua de fa main un
tribun du peuple, & enenvoya la tête aux confiais ,
c’eft-à-dire , à fon père & à- Cinna. Il fut nommé
confol avec Carbon., pour l’an de Rome 670. Il fit
maffacrer les chefs de la faélion de Sylla, entr’autres,
ce refpeélable pontife Scevola, qui avoit échappé au
poignard de^Fimbria; il perdit contre Sylla , la ba-^
taille de. Saçriport, entre Segni & Paleftrine ( Segnia
& Prenefte ) , affiégé enfuite dans cette dernière ville ,
il tâcha- de- fe fauver. par des -fouterreins qui dor.noient
dans la . campagne ; mais trouvant toutes les iffues
fermées & gardées par des foldats , il prit le parti
de fe battre avec le jeune Telefinus, fon ami, & de
concert avec lui, dans l’dpérance qu’ils péri roient pa^