que l'intempérie des faifons, fource de contagions Sc
' d,e mortalités, que le combat delà fraîcheur Sc de la
chaleur exceffive , qu’on dit dangereux, euffent pu
caufer la mort d’un jeune prince ; on aima mieux
concevoir les, plus affreux fotipçon?. Charles - Quint
étoit en Provence , & vouloit conquérir la France ,
il falloitbien que ce fût lui qui eût fait périr le dauphin;
le peuple voulut abfoîument que le dauphin eût été
- empoifonné. On arrêta le comte Sébaftièn de Monte-
cuculi, italien ; Sc comme une erreur en fortifie une
autre-, quelques ccnnoiflances qu’il avoit en médecine,
fa patrie, tout fut érigé en préfomptions contre lui.
O n i accula d avoir verfe dans le vafe du prince , un
poifoii mortel ; on le mit à la queftion, moyen quelquefois
allez efficace de faire avouer ce qui eft déjà
cru, ou ce qu’on veut qui le foit ; il y révéla d’ étranges
chofes. Il avoir, dilbir-il , été pouffé à ce crime par
Antoine de Lève & par Ferdinand de Gonzague, créné-
saùx" de 1 empereur. Ce prince, fans lui rien prefcrire ,
1 avoit beaucoup, queftiônné fur tout ce qui fe pafïbit
a la cuiftne du roi de France ; car Montecuculi avoit
déjà été précédemment en France. Après cette conver-
fation , l’empereur l’avoit envoyé a de Lève Sc à i
Gonzague, qui lui avoient confié le plan du complot,
e t I avoient chargé de l’exécution ; Sç. fuivant ce complot,
il devoir attenter de même à la vie du roi &
des deux autres princes fes fils. Ni les moeurs du temps,
qui etoient celles de la chevalerie, ni le caractère de
l ’empéreur , qui fe permettoit la rufe , jamais le crime ;
ni l’intérêt de ce prince, qui ne pouvoit être de fe
rendre odieux par des crimes néceftairement inutiles,
puifque le roi n’auroit jamais manqué de fuceeffeurs ni
de vengeurs, ni la confiance avec laquelle Charles- ï
Quint pafl’a , trois ans après, par la France pour-aller
dans les Pays-Bas , ni la manière dont il ‘ fut alors
accueilli en France , rien ne permet d’appercevoir la
moindre ombre de vraifemblance dans cette accufation.
.Si N>n veut^ a b fo îum en t trouver quelqu’un qui eû t in-
tei e t , | noi? a fa i r e périr les trois princes avec ou fans
leur pere , mais a empoifonner le dauphin, fi la maxim.e
7T’Ue ^ M -cPme eft utile , en eft préfumé
^tre t l Ü j i t ’ c’eÆ (nt Catherine de
Médicis que pourraient tomber des foupçons plus rai-
fonnables , ce ferait elle q u i aurait voulu | par la mort
du dauphin fon beau-frère, procurer le trône au duc
d Orléans, fon mari^ pour devenir reine. Cette idée ,
qui du moins ne prefente qu’un feul crime , montré
en même temps un grand intérêt de le commettre. Auffi
ffit-cc -• Catherine de Médicis qu ’ a e eu fa i’indignatiop
des Impériaux , en repouffant le foupçon cui les !
accufoit eux-mêmes, & le cara$ère de Médicis"n’ aide
pas à la juftifier.
M o n te c u c u li fut écartelé à L yon , comme convaincu,
félon 1 arrêt (du -7 célobre 15 3 6) d’avoir empoifonné le ‘
dauphin, & d avoir voulu empoifonner le roi. François
Ier. pour venger fon fils, Voulut qu’on donnât à ce
jugement la plus grande folemnite ; il y affifta lui-ir ê» 1e ;
il y ht affifter les princes du fang, tous les prélats qui fe
trouvèrent alors à L y o n , tous les ambafladeur-s, tous
fes ten eu r s , même étrangers, qui l’avoient accoin-
Paê ne > ^ parmi lefquels il y avoit beaucoup d’italiens;
JFaut - il croire que pour donner une viélime aux
mânes du dauphin & à la douleur du ro i, on fe foit
fait un jeu barbare de faire périr un innocent dans
des tourments affreux , & qu’une politique infernale
ait voulu foifir cette cccafion d’exciter par la calomnie
, une haine univerfolle contre l’empereur ?
^ Ou bien fau t -il croire que la jeune Médicis, au
crime horrible d’avoir empoifonné fon beau - frère,
ait fu joindre a dix-fept ans , le crime habile de tour-
; ner vers l’empereur les foupçons d’un peuple , qui , à
la vérité, defiroit de le trouver coupable ? '
Ou bien enfin ce Montecuculi étoit-il un de ces
aventuriers moitié fcélérats , moitié fous , q u i, fans
complices , comme fans m o t ifsd an s un accès de fu-
peiftition religieufe ou politique, attentent à la vie dos
princes qu’ils pe connoiffent pas , Sc troublent un état
. fans fervir perfonne ?
Mais prefque tous lés auteurs qui ont cru Monte-
cuculi coupable , l’ont regardé comme un infiniment
employé, par de. Lève ou. par Gonzague fous la cîireéiion
del empereur; les autresont accufé Catherine de Médicis,
quiqe paraît pas avoir été crue coupable en France ,011
ils ont juge qu il n’y avoit ni crime ni criminel, Sc
que le dauphin avoir péri d’un mort naturèlle : ce
qui rendrait l’arrêt înexpliquable & inconcevable.
Des pièces du temps témoignent que le-peuple
exerça fuç le cadavre déchiré de Montecuculi^ toutes
çe s^a.r^â^5 »toutes ces horreurs qui lui font familières;
L arrêt fournit, une circonftance qui mérite d’être
re.e ve e, c eft que Montecuculi s’étoit donné un com-
plice , qu’il avoit accufé le chevalier Guillaume de
IJintevule, feigneur des Chenets, d’avoir- eu connoif-
fançe de fon projet d’empoifonner le roi. Il prétendoit
le lui avoir confie a Turin Sc à 'Suze ; mais cette
accufation ayant ete reconnue faillie , l’arrêt condamne
Montecuculi à faire une réparation publique à Din-
teville , & adjuge a celui-ci une amende confidérâble
^ ^onfifqu6s de fon téméraire accufoteur.
• L’aH'ét' offre encore une circonftance- qui n’eft pas
indifférente ,. c’eft qu’on trouva un traité de l’ufa*e
des poifons, écrit-de la main de Montecuculi Iff
Au refte , l’arrêt garde le plus profond filence fur l’empereur
Sc fur tout autre inftigatëur du crime ; il ne punit
. & ne nomme qu un coupable ; il faut n’en pas chercher
davantage, reconnoître qu’il manque bien des lumières
fur cette funefte aventure. Adeb maxhna quoique
ambigua. fuhi ! dit T a c ite , Annal, liv. 3 , chap. 10.
M o n t e cu cu l i , (Raimond, comte d e ) ( Hifi.
}j°-\ ) Nous ignorons fi le fameux Raimond , comte
de Montecuculi, généraliffime des années de l’empereur.
Sc rival de Turenne étoit .de la même famille
que le malheureux Sébaftièn ; tous: .deux étôient ita-
hens, l’un de Ferrare_; l’autre du Modénois. Raimond
etoit ne en 1608, Il porta d’abord les. armes fous
Erneft (le Montecuculi fon o n d e , général de l’artillerie
impériale, qui l’inftitua fon héritier ; il fervit d’abord
comme iimple foldat, & paffa rapidement par tous
les dégres de. la milice. En 16 4 4 , il commandoit &;
eut un ayantape marqué fur les Suédois ; mais lç 6
jnars i445’, ^ fut battu Sc fait prifonnier à T ab o r ,
par le général Tortenfon; il refta' deux ans dans la-
captivité. Ces deux années ne furent point perdues
pour lui ; la leélure & l’étude le confiè rent, & contribuèrent
à le former dans l’art même qu’il ne pouvoit
exercer. 11 fe vengea de cette première défaite par de
nouveaux avantages , mais il fut encore battu le 17
mai 1648 , à Summerhaufen, près-cf Ausbourg , avec
le général Meiander , par le vicomte de Turenne,
joint aux Suédois, commandés par le général Wrangel
& le comte de Konigfmarck. Après la paix.de Munfter,
paffant en Italie , & affiftant aux fêtes du mariage de’
François, duc de Modène, avec Viéloire Fàrnèfe,
il eut le malheur de tuer dans un carroufel, d’un coup
de lance pouffé avec trop de force & qui perça la
ciiirafle , le' comte Manzani fon ami. Il fit la guerre
enfiiite avec bonheur Si. avec capacité , contre les
Suédois, tantôt en faveur du xoi de Pologne, tantôt
en faveur du roi de Dannemarck ; il la fit1 depuis
contre les T u r c s , non-feulement avec bonheur, mais
avec éclat Si avec gloire ; il remporta for e u x , en
1664 , la célèbre bataille de Saint-Gothard. En 1673
& 1675 , ü fot oppoféà M. de Turenne ; ce fut alors
quon vit ces deux grands généraux s’obforver , fe
mefurer , fe deviner , fe rencontrer par-tout où les
appelloient les principes d’une guerre favante , combinée
, réfléchie. Toute l’Europe avoit les' yeux fur ces
deux grands généraux , tous les militaires apprenoient
d’eux Tes fe'crets de leur a r t , & attendoient en filence
quel feroit l’événement de tant de préparatifs fi fagement,
11 habilement concertés. Cette campagne ( d e 1 6 5 7 ) ,
dit lé chevalier Folard , fut le chef - doeuvre. du
vicomte de Turenne & du comte de Montecuculi ; il
ri y en a point de f i belle dans i antiquité , il rfy a que
les experts dans le métier qui puijjént en bien juger.
Enfin M. de Turenné paroifloit prendre lé deffus, &
croyoit pouvoir fe promettre la v iâ o ire , lorf.ue le
coup de canon qui l’emporta le 27 juillet, près de
Salsbac , vint fauver la gloire de Montecuculi, &
valut aux François Une défaite ; ils repafsèrent le Rhin
précipitamment, Si la belle retraite du comte de
Lorges, neveu de Turenne, parut une victoire dans
la confiernation où l’ on étoit. Le marquis de Vaubrun,
qui commandoit l’armée avec le comte de Lorges,
fut tué au -combat d’Atlenheim , où Montecuculi char-
geoitles François,dans leur retraite, le duc de Vendôme
y futbleffé; il fallut envoyer Condé pour arrêter les
fuccès de Montecuculi : Condé lui fit lever les lièges
d’Haguenau & de Saverne, le força de repaffer le
Rhin , Sc termina par ce dernier exploit, fa carrière
militaire.
La plus grande gloire de Turenne fut d’avoir été
à la veille dé battre Montecuculi ; la dernière gloire
de Çondé fut de l’avoir contenu & repouffé ; & celle
de Montecuculi , fut de s’être méfufé avec ces deux
grands hommes, fans aucun défavan.age marqué. Il
ne reparut plus dans la carrière.
Montecuculi joignoit à fes 'grands talens, des vertus
& des Sentiments nobles; Il pleura fincérement fon
jlluftçe riyal ? qui alloit être fon_ vainqueur. C étoit ,
dit-il j un homme qui fiiifoit honneur à lhomme. D e
tous ceux qui ont loué Turenne , perfonne n’a auffi
bien connu que MonPécuculi , toute l’étendue de fes
talens & de fon mérite militaire.
Montecuculi, comme prefque tous les grands généraux
, étoit rigide obferVateur de la difeipline. Il
avoit une fois défendu, fous peine de m o r t , qu’on
pafsât dans un fonder , à travers les bleds ; il apperçut
un foldat q u i, malgré la défenfe, pafloit par ce fonder
; il envoya ordre au prévôt de l’armée de le faire
pendre ; le foldat, en s’avançant vers le général, lui
Crioit qu’ayant été âbfent dans le temps de la défenfe ,
il l’avoit abfoîument ignorée ; M o n te cu c u li croyant
que c’étoit une défaite, dit froidement : que le prévôt
fiijfe fon devoir. Le foldat réduit au défefpoir , & qui
n’avoit pas encore été déformé , s’écria: je tiétoïs pas
coupable, je le fuis maintenant ; il.tira fur le général,
Sc le manqua. Montecuculi reconnut à ce mouvement
d’énergie , l’indignation d’un innocent qui fe voit
opprimé ; il lui pardonna , &. rien n’étoit plus jufte ,
il l’avoit feul rendu coupable.
Montecuculi mourut à Lintz en 1680. Il aimoit
les lettres , il contribua beaucoup à l’établifTexnent de-
l’Académie des Gurieux de la Nature. On a de lui
des Mémoires fur fon art, qu’il avoit compofés dans
fes campagnes de Hongrie contre les T u r c s , & qu’il
avoit préferités en 1665 , à l’empereur. Ils ont été
traduits d’ italien en françois, par M. Adam , de
l’Académie Françoife, fecrétaire des commandements
de M. le prince de Conty ; & M. le comte de Turpin
a donné en 1759 > des commentaires fur ces Mémoires.
M O N T E G U T , ' Jeanne de Ssgla, femme de M . de)
( Hifl. Litt. mpd. ) Les oeuvres de cette femme aimable
& d’un talent diftingué, .ont paru en 1768 , recueillies
par M. de Montegut fon fils , confeiller au
parlement de Touloufe. Jeanne de Segla naquit à
Touloufe le 25 oélobre 1709 , d’une famille noble.
Son père , qui fe nommoit Jean - Jofeph de Segla ,
mourut à vingt-trois ans ; Jeanne n’en avoit que deux
alors. Elifabeth de Gras fa mère , époufa en fécondes
noces, M. de Lardos, célèbre avocat au parlement
de Touloufe, dont elle eut trois filles, Mefdamesds
Mafqueville , d’Anfeau de.Terfac , Sc de Druillet. La
jeune de Segla fut élevée à la campagne par une
tante paternelle. Elle avoit une facilité merveilleufe à
tout apprendre fans maître. Ce fut ainfi quelle apprit
l’italien, l’efpagnol, lTiiftoire ,1a géographie, le deffin ;
elle excella dans les talents agréables ôc dans tous les
ouvrages de fon fexe. Elle peignoit en miniature
avec beaucoup de défeatefle, Si fon fils a confervé
d’elle des tableaux , q u i, dit-il, feroient honneur aux
plus grands maîtres.
L ’:ndulgence, la bonté, la tendreffe percent partout
dans l’hiftoire de fa vie & dans fes ouvrages.
On voit dans fes lettres à fon fils, l’épanchement d’une
mère joint aux attentions délicates d’ une amie ; on la
voit attirer la confiance de fon fils, encourager fon
efprit, fes talens naiffans, ménager fa fenfibilité. « Eh
». bien , mon fils , lui dit-eile dans une de fes lettres ,
» vous voilà bien, rembruni pour une maladie que je