
vents pour fubmerger fon vaiffeau ; il fe plaît à fe
repréfenter ce malheureux au milieu de^îa tempête,
p â le , tremblant, implorant vainement le fecours de
Jupiter, & lui demandant timidement la vie. Il prend
plaifir encore à le voir étendu fur le rivage fervant
de pâture aux animaux : il l’infulte dans cet état, &
promet un facrifice aux tempêtes pour les remercier
d’avoir exaucé fes voeux,
Ppima quod f i prceda curvo Httore
PorreCta, rnergos jüveris,
Libidinofus immolabitur caper>
Et agna tempefiatïbus.
Il y a de la poëfie dans cette ode : les imprécations
prêtent toujours à la poëfie. Si .ces imprécations
ne fönt ici qu’un badinage, il eft de mauvas goût,
fi elles fönt férieufes, c’eft une barbarie bien indécente.
Il n’y a point de refpeft pour l’antiquité ' qui
puifTe faire exçufer un pareil oubli de la morale et
des bionféartces Voilà le modèle de toutes les grof-
fièretés du quinzième et du f.izième fiècles ; on a
dit : Nous avons l’exemple dHorace.
MEVÉ L E V IT E S , £ m. pi. { Hiß, moi. ) efpècede
jdervis ou de religieux turcs, ainfi nommés de Mevéleva
•leur fondateur. Ils affeélent d’être patiens, humbles,
jnodeftes & charitables : on en voit,à Conftantinpple
conduire dans les rues un cheval chargé d’outrés ou de
vafes remplis d’eau pour la diftribuer aux pauvres, Ils
gardent un profpnd filence en préfençe de leurs fupé-
çieurs & des étrangers, ôt demeurent alors les yeux fixés
en terre, la tête baiflëe & le çpjps courbé. La plupart
;s’habillent d’un gros drap de laine brune : leur bonnet,
fait de gros poil de chameau , tirant fur le blanc, reffem
ble à un chapeau haut & large qui n’auroit point de
bords. Ils ont toujours les jambes nues & la poitrine
.découverte, que quelquesruns fe brûlent avec des fers
chauds en ligne d’aufîérité. Ils fe ceignent avec une
Ceinture de cuir , & jeûnent tous les jeudis de l’année.
Guer moeurs des Turcs, tome I,
Au refte, ces . mevélevites, dans les accès de leur
dévotion, dament en tournoyant au fon de la flute ,
font grands charlatans, & pour la plupart tiès-débauchés.
( A '. R. )
MEUN. f Jean de ) f Voyeç Clopinez. )
MEURSIUS , ( Jean,) ( Hiß. Litt, mod.,) favant
hollandois, profefleur, d’hifloire , ' d’abord à L e yd e ,
cnfuite dans l’IJniverfué de Sora en Dannemarck. Ses
traités fur l’état de l’ancienne Grèce ; de populis
Atticcs]; Atùcarum kEïionum Itbri /f. ; Archontes Athénien
f i s ; Fer tun a Attica : ie Athcnaivrmorigine ; de fefiis
G/acoium, inférés dans les recueils de Groevius &.
de Gronoviùs , font d’une érudition inftruâive. On a
de lui encore une hftoire latins du Dannemarck &
une hiftoire de l’Univerfité de L.eyde fous ce titre :
Athcnce Batavoe. Ses oeuvres*ont été recueillies en
douze volumes in-folio. £ïé à Utrecht en 1 579 , il
piourtit en 16-41.
On a de Jean Meu r s iv s , fon fils , né eu 1613, à
Leyde , mort en Dannemarck à la fleur de fon âge J
divers ouvrages, ëntr’autres un traité de là conferva-
tion des arbres. Arboretum facrum , five de arborum
confirvatione.
M E Y N I E R , ( Jean ) baron d’Oppède, ( flijl,
de Fr. ) acquit une célébrité funefte dans la fanglante
& barbare exécution de Cabrières & de Mérindol
contre les Vaudois. 11 étoit premier préfident du parlement
d’Aix. Il fit rendre, par Cette compagnie,
un arrêt de profcription contre les Vaudois , & il
fo chargea de l’exécuter avec l’avocat général Guérin
& d’autres commiflaifçs ou animés de ce zèle fanatique
q ui, vingt-fept ans après , produifit. la Saint-
Barthélemy , où intéreffés à la_ ruine des Vaudois ;
dont on leur abandonnoit la dépouille; on prétend
que d'Oppéde étoit for-tout animé contre Çabrières,
parce qu’un de fes fermiers qui ne l’avoit pas p a y é ,
y avoit trouvé un afyle, Le baron de la Gardé étoit
avec fes troupes aux ordres de d’Oppède. On parcourut
tout le Comtat & une partie de la Provence
en faifant main-baffe fur tout ce cui_parut fufpeél.
’if’ous les ennemis de d’Oppède & de Guérin étoient
inconteftabkment Vaudois. Quatre milie perfonnes
furent maflâcrécs , & il en périt un bien plus grand
nombre de' faim & de milere dans les forêts, où
ils fe fauvèrent & où on leur coupa les vivres. On
étrangla de plus une multitude de prifonniers dans
une vafte prairie. 0 1 avoit réfervé quelques femmes
& quelques enfans qu’on prétendoit convertir : on les
avoit enfermés pour- cela dans une églife : on changea
d’av is , & on trouva plus court d’aller les y égôrger;
car , difoit-on, l’an et l’ordonnoit expreffément. D ’autres
femmes furent enfermées dans une' grange, &
d’Oppède y fit-mettre le feu, Si ces malheurepfes
paroilfoient à la fenêtre pour fe jefter en bas, on les
repouffoit à coups de fourçhe, ou o# les reçevoit fur
les pointes des hallebardes. Le baron de la Garde,
qui avoit fait la guerre avec le corfaire Barberquffe
& avec les Turcs , admirpit la froide rage de ces
Chrétiens, minières de paix ; il n’a voit jamais rien
vu de fembîàble.-Un de fes foldats ne put y tenir:
il monta fur la côte la plus éleyée ; il fit du. bruit,
il roula au fond des vallées de groffes pierres pour
avertir de l’approche de l’ennejm .ceux des Vaudois
qui ponvoient y être cachés ; il pouffa . l’imprudence
de la compaffi’on jufju’à leur crier de toute fa. force
de fe fauver au plutôt.
Il reftoit environ mille prifonniers dont on ne
favoit que faire, mais qu’ il n’y avoit pas moyen
d’épargner, puisque l’arrêt ne le pertnettoit pas.
On en pendit environ trois cents pour varier cette
fcène d’horreurs, &. on envoya les fëpt cens autres
aux galères. U y eut environ vingt - quatre villages
pu pourgs réduits en cendres. François I , trompe
par le zèle du car dinal de Tournpn, qui le trompoit
lui-meme:
( F allât te incautum pistas tua, me minus ille
Exultât démens. )
approuva, par des lettres-patentes du 18 août 1/411
la conduite du parlement d’A ix. Mais, fous Henri U ,
cette affaire fut foumife à l’examen du parlement de
Paris-, où elle tint cinquante audiences. Sans doute
la-canfe de l’humanité y fut foiblement défendue. Le
préfident d’Oppède plaida lui-même la fienne : il
jparla en'fanatique comme il avoit agi ; il prit un texte ;
ce fut ce vérfet du pfeaume par où commence la meffe :
Judica me, Deus, & difcerne caufam meam de gente
non fiinÜâ. Il prouva qu’il avoir fallu égorger tous
les Vaudois, parce que Dieu ^avoit ordonne a Saiil
•d’exterminer tous les Amalécites. Ses raifons furent
.-apparemment jugées bonnes : il fut renvoyé abfous,
& continua d’exercer fa charge. 11 mourut de la pierre
.en. 1558. Les proteftans cîifent que ce fut une ven-
.geance divine.; les catholiques, que ce fut une vengeance
humaine, & qu’un chirurgien proteftant lui
eaufa une mort douloureufe en le. fondant avec une
. fonde empoifpnnée.
Le baron de la Garde, pour la part qu’il avoit
eu e, peut-être malgré lu i, à l’expédition de Cabrières
& de Mérindol, garda la prifon pendant quelques
mois. L ’avocat du roi Guérin paya pour tous : il
fut pendu en 1 5 5 4 ; mais il parcît que,ce fut pour
des fauffetés & des concuflions étrangères à Faffsire
de Mérindol, car les plus grands attentats contre la
nature font quelquefois les moins punis.
M E ZE R A Y ( François-Eudes de ) ( Hifi litt.
mod. ) , fi connu par fa grande hiftoire de France,
& fur-tout par fon abrégé çhronologique , a paffé
long-temps pour un hiftorien très-exaéf.
Et que fon vers exaéf, alnfi que Mczeray,
dit Boileau. On fait aujourd’hui que Mézeray n’eff
pas affez ex a ff, & qu’il n’a pas pouffé affez loin fes
recherches. Il eut long-temps auui la réputation d’un
écrivain hardi, parce qu’on n’avoit pas une idée jufle
de là liberté de l’hiftoire. Un vieux préjugé dont on
ne fe rendoit pas compte, mais qui perçoit dans
toutes les idées & dans tous les difeours , perfuadoit
qu’ il n’étoit permis de parler de nos rois , même les
plus anciens & les plus mauvais, qu’avec éloge.
La fiigejfe de nos rois étoit une efpèce de phrafe
proverbiale, applicable à tous ; mais fi Charles cinq
étoit fage, Charles V I étoit fou ; fi Louis XII étoit
le père du peuple ,. Louis X I en étoit le tyran : Si
vous ne diftinguez rien, fi vous confondez tout dans
des phrafes de routine , vous trompez les rois & les
peuples au préjudice de la fociété : en épargnant au
vice la flétriffure qu’il mérite , vous privez la vertu
des récompenfos qui lui font dues..
Qu i ne hait point affez le vice
N ’aime point affez la vertu.
On demandoit férieufement à Mézeray, pourquoi
il avoit peint Louis X I comme un tyran ? Sa réponfe
fut {impie : Pourquoi üet oit-il ? Le D uc de Bourgogne ,
père de Louis X V , demandoit à l’Abbé de Choify
comment il s’y prendroit pour faire entendre que
Charles V I étoit fou. Monfiigneur9 je dirai qu’il
étoit fou.
Mais un reproche qu’on- peut faire à Mézeray, c’eft
que fa véracité a fouvent l’air & le ton de l’humeur ;
que c’eft fouvent fon cara&ère qui juge au lieu de
fon efprit, & qu’il juge quelquefois l’état plus que
la perfonne ; qu’il donne plus à des préventions générales
qu’aux circonftances particulières des faits.
Son ftyle eft bas & dur, mais d’une énergie quelquefois
pittorefque , & il a un grand mérite, celui
d.’être à lui.
Mézeray étoit né en 1610 à R y en Baffe-Normandie.
Son père étoit Chirurgien. Son frère cadet,
Charles-Eudes, étoit Chirurgien-Accoucheur, affez
habile dans fa profeflion : il étoit connu fous le nom
de Douay. Jean-Eudes, leur frère aîné, fut le fondateur
de la Congrégation des Prêtres nommés de
fon nom, Eudijles, Ce Jean-Eudes étoit l’objet des
plaifanteries & des perfécutions éternelles de Mézeray,
qui avoit autant de malice & de caufticité, que Jean
Eudes avoit de dévotion & de fimplicité. Mézeray
entra d’abord dans le fervice, & le quitta bieot t
pour fe livrer au, travail avec tant d’ ardeur , qu’il en
eut une maladie dangereufé. Le Cardinal de Richelieu ,
ayant appris fon état & eh ayant fu la caufe , lui
envoya cinq cents écus dans Une bourfe aux armes
de Richelieu. Le Cardinal lui fit aufii donner une
penfion confidérable. Quand les befoins de l’état & les
•dépenfes de la guerre amenoient des difficultés ou des
délais dans le paiement, Mezeray ie préfentoit à l’audience
du Cardinal , & lui demandoit la permiflîon
d’écrire l’hiftoire de Louis X I I I , alors régnant. Le
Cardinal entendoit ce que cela vouloit dire, & les
ordres étoient donnés pour que Mézeray fut payé.
Il fut fait Secrétaire perpétuel de l’Académie Fran-
çoife , à la mort de Conrart. Au x éleâions, fa méthode
étoit de donner toujours une boule noire à
l’Académicien élu, & auquel il avoit fouvent donné
fa voix. Cétoit, difoit-il, pour maintenir la liberté de
f Académie dans les èlcElions. La vérité eft que c’étoit
une des npmbreufos bizarreries de Mézeray, qui en
avoit de toutes les efpèces & qui en avoit même
beaucoup d’ infignifiantes & d’infipides, comme celle
de ne fe fervir jamais de la clarté du jour , de travailler
à la chandelle en plein midi, & s’il lui fur-
venoit des vifites, de reconduire tout le monde julqu’à
la porte le flambeau à la main au plus grand jour.
Ses moeurs étoient ignobles & crapuleufis, & il
en parloit d’un ton afforti à la chofe , lorfqu’il difoit
qu’il étoit redevable de la goutte à la fillette & à la
feuillette. Quand il fe mettoit au travail, il avoit
toujours une bouteille for fon bureau.
Quelques traits de fincérité ou d’humeur contre
les traitants, tra’ts auxquels on n’étoit pas accoutumé,
alors, lui firent retrancher fous le miniftère de Colb ert,
d’abord une partie de fe penfion, enfoite fe penfion
toute entière. Il mit à part dans une caffette les derniers
appointëmens qu’il avoit reçus en qualité
d'hiftoriographe ; & il y joignit ce billet : Vncï le
dernier argent que j ’ai requ du roi : il a cejfe de me