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il penfolt lui-même que le temps le rétabliroît ; maïs
yî reprochant trop vivement la corruption de fes con-
(sils, & ne pouvant détourner fà penfée des maux
<iui en étoient réfutés, il fut attaqué d’une efjfëce d’apoplexie
qui ne lui laifïa que le temps, de voir que
ipn terme approchoit : il s’y prépara fans crainte % fans
regret ; ôc quelques raifons qu’il eût de .regretter la
v i e , il mourut avec autant de tranquillité, que de réfi-
g n a t io n l é 6 juin 1 5 5 7 , dans la cinquante-cinquième
?nnee de (on â g e , ôc après qn règne auffi fage que glorieux
de ^ trente-cinq années. Il fut auffi, regretté de fos
füjets qu’il en avoit été ch é r i,. & nul de fès prédé.-
cefTeurs n’avoit autant que lui mérité leur tendjrefîe ;
lés voifins le refpeéferent, ils s’emprefferent tous d.e
rechercher fbn amitié, foit par la haute e f f im e qu’ ils
àvoient pour fès vertus , foit qu’il fu t,. quoiqu’ami de la
pa îx, toujours en état de d é fen d re fes peuples ÔC de faire
Fa guerre. ( Z ; C )
Ïean i y g roi de Portugal y (Hiß., de Portugal. )
Lorfque Jean I , fils naturel de don Pedre-lc-jo.fficier ,
fut éleve fur lé trône,. au q u e l i l n’avoit a u c u n droit,
!a nation e lle - .m em e regardé fon avènement à la couronne
comme l’ouvrage de la fortune * plus ençor.e
que comme la récompenfè des talons & des fervices
fignales rendus à la patrie par cet iîluffre fouyerain.La.
J E A
-p...— luuycidul. J^a.
révolution qui fit monter Jean IP'fur le meme trôné %
rut plus étonnante encore & elle le fut d’autant plus
que ce royaume poffedé 'depuis, fort long-temps par
rEfpagne, jaîoufe de le confèrver % ôc régi par les
ordres ÔC fous les yeux d’un miniftèré aéfîf ôc vigilant
, ne paroiffoit rien, moins, que prêt à. fe foufiraire
3 la domination Efpagnole ; mais que ne peut l’amour
de la patrie, fur-tout, lorfqu’il eff irrité par la crainte
fondée d’une fërvîtudé accablante | Çe fût à ce patrio--
tifme, bien plus.qu’à fes talens , que Jean IV fut. rede--
Vable de fbn é lé v a t io n ç e n’eff pas.que, fi là royauté.
*ut ete fars interruption dans fa famille, iL n-eut. eu
affez de mérite pour recevoir le fceptre que fès pères,
hii euflent tranfmis,. car il avoit beaucoup de connoif-
Jànces ; & peu dé, fouverams ont été auffi profon.dé-
men t, auffi habilement politiques que lui ;. mais, pour
pafTër du premier ordre des citoyens au rangfüprême
« n avoit par lui-même , ni affez d’âmb.trori | ni affez
de confiance * n i affez d’affivité. *«: & ce furent lès eir-.
confiances ,. le voeu dé fès concitoyens , la. fidélité dé
iès pa rtifan s la . grandeur clame, les confiais, ôc la
nob.e audgce de fon ëpoufë, qui firent plus pour liai
qu il n’èût été.' capable de faire par lui - même., Jean y
nls de Théodofe de Portugal,, duc dé Bragance, &
d Anne fille de Jean Fernandez ,, duc de prias ,
comptait parmi fés ancêtres une longue fuite de rois ;
car il étoit' petit-fils de Catherine,, fille d’Edouard ,
grince de Portugal,. & fils du roi Henri. Mais quelque
itluflre que fut fon o r ig jn e e llë .n e lui dônnoit-cepen--
dant aucune forte de d ro it , ni feulement, de. prétention
à là couronne. Les Efpagnols s’étant fendus
maîtres du Portugal,. après la mort du cardinal Henri,
®.n 1.5.80 , & l’ayant gardé fous lés règnes de Fnilippe
I I , Philippe III & Philippe I V , i l ne falloit pas moins
& uns révolution suffi fubite & auffi. furprenante que
çeHe qui Ce paffii fous ce dernier monarque Efpagnoé ‘
pour donner de la cpnfiftanee aux prétentions auffi
toibles qu’éloignées de Jean : il naquit à Villavicigfa
e I 3. p ars 1604 t l’hiûoire. ne dit rien des vingt-fix
premières, années de fa vie on croit qu’ il-, reçut une
excellente éducation , mais on n’a point appris qu’il
aucim Service éclatant, par aucune,
acuon bien importante c on fait feulement qu’à cet âge
il fuccéda à fon père comme duc de Bragance > & que>J.
quoique trois ans après,, il eût époufé dona I ouife de
Cuzman y fille aînée de Jean - Emmanuel. Ferez de
GuznjaH », duc. de Medina - Sjdonia ,. il- fouffroit tout
auffi impatiemment que le refis des. Portugais , le
joug aes; Efpagnols.^ Son çpoufè , née en Efpagne
étoit allie? aux maifons- le.s plus, illufi'res de cette:
monarchie ; mais par la nobleffe de fos. fèntimens ,,
par foii mérité ,. fès talens ôc. fa, fermeté ,, portée juf-
q u a 1 hçro'ifme y elle étoit infiniment, au-deffus de
13. haute na;fiance ,. &. ne s’occupa, qu’à, infpirer à
ion mari des iclé:s d élévation , & à fortifier la haine
qu il partageoit. avec (es compatriotes contre l’al-
.tiére Bu.rete de la domination Efpagnole. Le peu d’anv
bition du duc de Bragance,, & fpa indolence .naturelle
, eufient peut-être 6c vraifemblablement rendu
fès confeilS inutiles ,. fi les.. Portugais irrités des vexa-v-
tjons auxquellesdls étoient fans, oefiè expofés ,. n’euffent
enfin conçu lé dcfir le plus.véhément de recouvrer leur
liberté >6c dé s. affrancjiir pour jamais du defpotifme quj,
fos opprimoit,. La nation étoit mécontente ,, & les. occa-
fipns de fe foulev.e.r ne. lui manquaient pas ; ma’-s eîlô
avoit bejbin d’un chef, & elle jetta lès yeux fur le duc do-
Bragance ,.qui étoit à.l'a fleur de.fon âgé,; d’ailleurs petit-
fils de Jean , duc de Bragance,. qui avoit été l’un dés
çonc.urrens de Philippe II.;, lors de la mort du card-nap
Henri ^ mais Jean paroifipit de tous lès. hommes,. lé •
m?lns Pr0Prç P-our conduire une auffi grande entre-f-
Er‘‘e,’ . J* amener une révolution tranquille &. modéré
julqu à.l indolence, il vivoit à la-campagne avec b e a u coup
de magnificence ^ mais-dans lé plus grand.éloi-f-
gnement de toute forte d’affaires tépoux empreffé, père
tendre ,, maître généreux », voifin fociablb il fë c e n -
tentpit. de foire les déliççs. de fai famille 6c des. gentils-»-
hommes des.en virons r qui ne.nvioient point fés.riçhefo-
les , parce qu’il ne fos emplôyoit, qu’à, faire du bien t-
ia tranquillité empçehoit fos, Efpagnols, de.prendre quel-
quÇmbrage de l’a-ffeélion que le peuplé lui témoignait
Oè ils etoient. fort éloignés, de lè croire.capable. d exciter,
jamais des troublés ; ç ; n’efi pas cependant qu’il igno--
rat les dro.ts qu’il avoit à là couronne || fi le royaume,
venoit a.fefeparer de l’Efpagnq;, ce,- n’èft pas; qu’il ne
vit avec döiileur la-trifie fixation de fès concitoyens."
OC qu il ne. ffil très-fenfible à. la conduite arbitraire 6c.
efpagnols ; mais il ne témoignoit
m triltelie , ni refTentiment ; 6c à.fbn Humeur é^ale
on ne lui eut point fiïppofé.lè défit de devenir °piur
grand-qu il n’etoit. Quelques, hifloriéns prétendent que-
la patience 6c. fà tranquillité, apparentes,. étoient ' alors
le voile dont il couvrait fà prudence confommée 6c la
plus fine politique :, il me femblè que c’eft- juger fort*
précipitamment des featiments.qu’avoit. alors, fo clicds^
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Brâgàncê, par fa conduite 6c fa manière de penfer j
lorlquM fut fur le trône; 6c c’èfi fe tromper, ce me
fembîe. Le duc de Bragance devenu r o i, eut fans doute
moins de peine qu’un autre , à couvrir fes projets politiques
des apparences-de la plus grande dignité, parce
• que cette elpèce d'indolence lui étoit naturelle-; mais
avant que de parvenir à la royauté, il me paroît qu’ il
n’avôit ni l’ambition de régner , ni le dcfir de fufeiter
les mouvements ôc les troubles qui le firent régner;
• 6c ce qui le prouve , à mon avis, ce furent les efforts
qu’il fit fur lui-même, 6c la peine qu’on eut à le déterminer
à fe laifïer porter fur le trône. La duchefl'e de
Bragance étoit vive au contrrire , prompte , franche ,
fans détour , fans diffimulation ; la vue la plus éloignée
du fceptre l’enflamma d’ambition , 6c ce fut elle, en
très - grande partie , qui fit prendre à fon époux la
réfolution de fe laiffer proclamer. Cependant la rigueur
outrée des Efpagnols révolta les Portugais, ils
•le foulevèrent dans quelques provinces. ; il y eut à
Evora une fédition le peuple nomma Le duc de
Bragance, 6c lui envoya même des députés , qui lui
offrirent, s’i l voulait fe mettre à la tête des mécontents,
la vie ôc les biens de tous les habitants c’Evora ; foit
que. le duc jugeât qu’il n’étoit point temps encore de
fe montrer à découvert, foit qu’il fût effrayé de la
grandeur ôc du danger de l’entreprifè , il rejetta ces
offres , alla lui-même appaifer le tumulte , s’en fit un
mérité à la cour de Madrid, 6c fe fèrvit du crédit
qu’il y avoit pour obtenir la grâce des habitants d’Evo ra ,
que l’on vouloit ptinir avec févérité. Des vexations
nouvelles vinrent bientôt ajouter au mécontentement
général : par le plus tyrannique abus de fa puiffance ,
le miniflère Efpagnol, .fous le prétexte de la guerre
que l’Efpagne fai foit aux Catalans révoltés ordonna
aux feigneurs Portugais d’affembler leurs vaffaux , de
fe mettre à leur tête ", 6c de fe tenir prêts à marcher :
fes feigneurs obéirent ôc furent arrêtés. sCet aéfe de
defpotifme fut foivi de la création d’une feulg d’impôts ,
plus aceablans les uns que les autres. L e peuple murmu-
roit, une découverte à laquelle il ne s’attendoit pas ,
fe rendit furieux : quelques lettres de Vafconcellos,
fecrétaire d’état Efpagnol , dévoilèrent aux Portugais
fes projets de la cour de Madrid » qui s’attendant à
cette découverte 6c aux foulévements Qu’elle oceafionr
oeroit, fe propofoit de les faire fervir de prétexte à.
l’exécution du deffein qu’elle avoit formé d’accabler
fes Portugais ÔC de les priver de l’ombre-de liberté,
qu’on leur avok laiflee. Les Lettres de Vafconcellos
irritèrent violemment le peuple ; 6c fon reffentiment
fot encore excité par Juan Pinto Ribeyro q u i, intendant
de la maiion du duç , étoit un homme aéfif
entreprenant,. adroit, ingénieux, plein de zèle. pour,
fon maître , dont il avoit: l’entière confiance par fes
obfervations for les excès du defpotifme Caftillan y for
la réfolution que cette cour paroiflbit avoir prife de
ruiner entièrement l’état y d’y précipiter le commerce,
dans la plus irréparable décadence ,. ÔC d’y éteindre
fe génie des fciences ôc des arts , il enflamma ceux.
,«ui s’intéreffoient au bien' de la patrie ; de ce nombre
jfa'fiut. don J8.pdr'gue. d’À cun h a a rch ev êqu e de Life
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bonne , piqué contre la vice-reine qui avoit élevé à la
primatie de Brague, Mattos de Norogna ; don Michel
d’Almeida , dou Antoine , ôc don Louis d’A ’mada,
père 6c fils; M e llo ., grànd-veneur; don George»
frère de Mello ; don Louis d’Acunha » neveu de l’archevêque
; don Pedre Mendoza, 6c plufieurs autres
feigneurs 6c officiers de la maifon royale. Pinto fe
donna tant de foins, que tous ces mécontents fe raffem-
blèrent, 6c fous le fecret le plus inviolable > formèrent
une conjuration , dont le premier objet, fut de détruire
en Portugal la puiffance Efpagnole ; ôc le fécond ,
de placer le duc de Bragance for le trône,. Pimo , foit
.pour ne pas compromettre fon maître , foit qu’il 11e
voulût qu’exciter de plus en plus les conjurés, leur dit
qu’il ignorait les fentiments du duc de Bragance , relativement
à la couronne qu’on pardiffoit difpofé à lui
offrir ; qu’il le connoiffoit fans am b i t io n 6 c content
de fes vaftes 6c riches pofleffions ; . mais qu’ il le con-
noiffoit auffi prêt à facrifier 6c fes biens 6c fa vie
pour fervir fes concitoyens, Alors les conjurés délibérèrent
que s’ils ne. pouvaient faire autrement , ils for-
ceroiem le duc , quand la conjuration feroit prête à
éclater, d accepter la couronne* Cependant quelque
fecrètes que fiiffent les conférences des conjurés, 6c
quoiqu’il n-; pa. ût point y avoir aucune forte de liai fon
entr’eux 6c le duc de Bragance , le comte d’Glivarès,
en eut quélque foupçon ; 6c croyant tout renverfèr 3
il nomma le duc de Bragance général des- troupes y
avec ordre d’aller vifiter toutes, les places ; mais, en
même temps il ordonna aux gouverneurs Efpagnols
de quelques-unes de ces places, de fe faifir de ce général ;
celui-ci rendit inutile cet ordre, il vifita les places-
6c fe fit refpeéter ; il s’attacha les hffiitants de tous
les. lieux où il féjourna, 6c marcha fi bien accompagné,
qu’il eût été' très-dangereux de fonger à l’arrêter.
Le comte-duc d’Olivarès avoit prévu toutes, les difficultés.,
6c par fes ordres, Ofprio,, amiral de la flotta:
Efpagnole, qui eroifoit for la côte du Portugal invita
le duc de Bragance à venir dîner fur fon bord s’ilt
y eût été , jamais le Portugal me fe ferait fouffrait ».
la domination- Efpagnole mais par bonheur pour lé
duc , qui peut-être fe fût rendu for le bord d’Oforip r
une violente tempête forvint y fit périr la plupart des.
vaiffeaux de cette flotte , 6c difperfà le refie y ainfi y
jufqu’anx éléments tout fecondoit les conjurés. r qui v
pour fixer le jour 6c le moment de l’exécution dateur
grand- projet , n’attendoient plus- que- le eonfente-
ment du. duc de Bragance :: ils le lui demandèrent y il-
parut irréfolu % les pria de lui donner du. temps pour
fe déterminer , 6c fë décida enfin par les.avis d’Antoine*.
Paez-Viegeas, fon fecrétaire , 6c for-tout d’après- les;
mâles- 6c génereufês réflexions de l'a. ducheffe r foi®
époufe.. L ’exécution dé l’entreprife fut remife au.famedi
premier décembre 164a:: ce jour arrivé!-,, les.conjurés ÿ
au , nombre dé cinq- cents y fë divisèrent en. quatre
troupes ,, ôc. fe rendirent au palais par differents chemins*
A huit heures dû: matin Pinto tira un coud, d e
piûolet ; à, ce fignal’ tous lès'conjurés avancèrent
brufquement, chacun du côté! qui lui- étoit preferit ~
Mello ôc. fon frère. * fuivis d’une, foule de àtoyeiwi