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y f'ccombaffent )• avcient uns portion des terres de '
h république , atfignée pour leur fubfiffance, &
joui (Voient du droit de bourgeoifie. Les infirmes
étoient expofés à l’abandon , parce que, félon i’elprit
des loix de Lycurgue , un lacédémonièn-ne naifïbit
ni pour foi-même, ni pour les parents , mais pour la
république , dont il falloir que l'intérêt fût toujours-
préféré aux devoirs du &ng. Athénée nous allure
que de dix en. dix jours, les enfants paffoient en revue
tous nud.s devant les éphores, pour, examiner £
leur fanté pouvoit rendre à la république le iervice
qu’elle en attendoit.
Lacédémone ayant, avec une poignée de liijets , à
foutenir le poids des armées de l’Aiie , ne devoit la
confervation qu’aux grands hommes- qui naiffoient
dans fon fëin pour la. défendre : aufii toujours occupée
du foin dven former , c’étoit for les enfants que
je portoit la principale attention du gouvernement.
Il n’eft donc pas étrange que lorfqu’Antipater vint à
demander cinquante enfants peur otages , ils. lui aient
répondu- bien différemment de- ce que nous ferions
aujourd’hui qu’ils aimeroient mieux lui donner le
double dfoommes faits , tant ils eftimoient la perte de
l’éducation publique !
Chaque enfant de Sparte avoir pour ami particulier
un autre lacédémonièn ,. qui satrachoit intimement
à lui. C’étoit un commerce d’efprit & de
moeurs , d’ou l’ombre même du crime étoit bannie ;
ou y comme dit le divin Platon ,. c’etoitune- émulation
de vertu entre l’amant & la perfonne aimée. L’àmant
devoit avoir un foin continuel d'inipirer des fentiments
de gloire à l’objet de Ion affeéfidn. Xénophon compa-
roit l’ardeur & la modoftie de cet amour mutuel aux
enchaînement-du- coeur qui font- entre le. père &
iês enfants:
Malheur • à l’âmant: qui n’euc pas- donné un- bon
exemple à. fon élève qui ne l’eût pas corrigé de
lès fautes ! Si l’enfant vient à faillir , dit Elien, on
le- pardonne à- la feibleffe.- de lage ,. mais. la. peine
tombe fur fon tuteur , qui eft oblige d’être le garant
des fautes du pupille qu’il chérit. Plutarque rapporte
que dans les combats à. outrance que lé livraient
les. enfants il y- en eut un qui la-'ffa échapper
une plainte indigne d’un lacédémonièn,. fon amant
fut auflî-tot condamné- en l’amende* Un autre
auteur ajouteque fi quelqu’amant venoit à conce- .
voir , comme dans d’autres villes de Grèce ,rdes
defirs criminels pour l’objet de fes-affeéhons.il ne
pouvoit je fauver- d’ùne mort infâme que par une
fuite honîeufe. N’écoutons donc-point ce qu’Héfychius
& Suidas ont ofé dire contre-la nature de cet amour ;
le verbe Xaxvnou'i doit être expliqué dès habits & des
moeurs de Licédémone. y, &. c’ëft.ainfi qu’Athénée &.
Démpfthene l’ont entendu. -
En un mot,, ou régardoit l’éducation dé Sparte
cemme fi pure & fi'parfaite , que c’étoit une grâce de
permettre aux- enfants de- quelques grands hommes
étrangers, d’être mis fous la difcipline lâcédémonienne.
I>ux célèbres athéniens, Xéhophon & .Phocion,;pro-
feèreut det C2tte faveur,,. -
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De plus , chaque vier’ard, chaque père de fhmilîe*-
avoit droit de châtier les enfants d’autrui comme les;
fiîns propres ; & s’il le négVgeoit ,, on lui imputoit
la faute commife par l’enfant.. Cette loi de Lycurgue
teno:t les pères dans,une vigilance continuelle , 6i
rappeiloit fans ceffe aux enfants qu’ils appartenoient
[ a la republique. AiifFi le foumettoient-ils de leur pro^
pre mouvement à la cenfure de tous les vieillards;. -
jamais ils ne rencontraient un homme âgé, qu’ils ne-
s'arrêtaient par iefpeéf jufqua ce qu’il fût pafle; 6c
quand ils étoient affis , ils le levoient for le champ a
fon abord. Ceft ce qui faifoit dire aux autres peuples
de la Grèce, que fi la dernière faifon de la vie
avoit quelque chofè de flatteur, ce n étoit? qu’à Lacé~
démons.
Dans.cette république l’oifiveté des jeunes gens étoit
mifè au rang des fautes capitales , tandis qu’bn k re—
gardoit comme-une marque d’honneur dans les hommes
faits ; car elle fer voit à difeerner les maîtres des:-
efclaves : mais avant que de goûter les douceurs du
repos, il falloit s’être continuellement exercé dans la.
jeune lie à la lutte , à la courfèau faut, aux combats
aux évolutions militaires, à la chaffe, à la . danfe, &
même-aux petits brigandages. On, impofoit. quelquefois
à un enfant un châtiment bien fingulier on mordoit le-
doigt, à celui qui avoit- failli : Héfychius vous dira, les
noms différens qu’on donnoit aux jeunes: gens , félon,
l’ordre de lage & des.exercices, je n’ôfe entrer dans
ce genre de détails..
Les pères, en certains jours d é fêtes, faifoient enivrer
leurs efclaves, & les produifoient dans cet état:
méprifable devant la jeuneüe de Lacédémone, afin de;
la préfer.ver. de la débauche du.vin, êc lui enfeigner
la vertu par les défauts qui lui font oppofés ; co’mmè;
qui voudrait. faire admirer les beautés de la. nature.,,
en. montrant lès horreurs de la: nuit:/
Le larcin, étoit permis aux enfans, de Lacédémone
pour leur donner de Ladreffe , de la rufe & de l’activité
, & le même ufage étoit. établi cher les Grétois,.
« Lycurgue, dit Montagne ,.confidéra au larcin ,. la.
»- vivacité, diligence , . hardieffe ^enfemble l’utilité qui-
» revient au public,,que chacun , regarde plus ourieufè-
»- ment à la confervation dè ce qui eft fièn ;.&.le légis—
»• Iateur effima que de cette double, infiitution a.af-
» faillir & à défendre,, il s’en tjreroit. du fruit, pour
» la feiehee militaire de plus, grande confédération que:
». n’étefit le défordre & Linjuftice de femblables vols,,
»> qui ne pouvoient confifter qu’èn . quelque s, volailles»
» ©u légumes ; . cependant; ceux qui étoient; pris fur le.-
».fait, étoient châtiés-'pour leur mal-adrefîe..»-- '
Ils craignoient tellement la h'onte d’être .découverts
qu’un d’êux ayant volé un petit, renard ,.le, cacha fbus
fa robe, & fouffrit ,. fans-. jetter un feul cri ,, qu’il luL
déchirât le ventre avec les dents jufqu a ce qu’il tomba?
mort fur la place. Ce fait ne doit, pas paroître incroyable,
dit Plutarqueài ceux, qui lavent ce que les en-
fans-de la même ville font;encore. Nous-en avons vu
continue cet hiftorien*,, expirer: fous, lès verges, fur
l’autel de Diane Orthia^. fans-dire: ime- feule parole..
Ci çérom avoit aulîi été témoin; du. fpeétaclè. de. qça*
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enfans, qüî pour prouver leur patience dans la douleur,
foudroient, à 1 âge de fept ans, d’être fouettés jufqu’au
fang y fans que leur vifage en fut altéré. La coutume ne
l’auroit pas chez, nous emporté fur la nature ; car notre
jugement empoifonné par les délices, la molleffe, l’oifiveté
, la lâcheté , la pareffe , no.us l’avons perverti
par de honteufes habitudes. Ce n’efi pas moi qui parle
ainfi de ma nationon pourroit s’y tromper à cette
peinture,, ceft Cicéron lui-même qui porte ce témoignage
des Romains de fon fiècle y & pour que per-
fonne n’en doute, voici fes propres termes inos umbris,
deliciis, otlo, languore , défediâ, anîmum infecimus , ma- ■
loque more delinitum mollivimus. Tufc. quæft- liv+
cap. xxvij.: •
Telle étoit encore l’éducation des enfans de Sparte,
qu’elle les rendoit propres aux travaux les plus rudes.
Un accoutumoit leur corps aux rigueurs de toutes les.
Liions ; on les plongeoit dans l’eau froide pour les endurcir
aux fatigues de la. guerre, & on les faifoit coucher
fur des rofeaux qu’ils étoient obliges d aller arracher
dans l’Eurotas fans autre inftrument que leurs,
feules, mains. 1 __
On reprocha- publiquement à un 'jeune fpartiate de
s’être arrêté pendant forage lous le couvert d’une mai-
fon , comme auroit fait un efclave. IL étoit honteux
à la jeunefle d'être vue fous, le couvert d’un autre
toît que celui- du ciel, quelque temps, qu’il fît. Après
cela, nous étonnerons-nous que de tels enfans devint-
ferrt des,hommes fi forts, fi vigoureux & fi courageux
l
Lacédémone pendant environ fept fiècles n’eut: point
d’autres murailles qué les boucliers de fesfoldats, c’étoit
encore une infiitution de Lycurgue «■ Nous hopo-
»• rons la valeur, mais bien, moins qu’on, ne faifoit a
» Sparte ; auffi n’éprouvons-nous pas à l’afpeél d’une
» ville fortifiée,, lè fentiment de mépris dont-étoient
n affeâés les Lacédémoniens. Quelques-uns d’eux pat-
» fant fous les, murs de Corinthe ; quelles, femmes ,
»> demanderent-ils, habitent cette ville ?. Ce font, leur
» répondit-on, des. Corinthiens rNe favent-ils pas, re-
» prirent - ils y ces- hommes vils &. lâches T que les feuls
» rempa-rts-impénétrables à l’ennemi ,font des citoyens
» déterminés à. la. mort. », ? Philippe^ ayant écrit aux
Spartiates T qu’il empêcheroit leurs entreprifes : Quoi !.
nous empêcherois-^u de mourir, lui répondirent-ils ?.
L’hîftoire de Lacédémone eft pleine de pareils traits
elle eft tout miracle en ce genrei
le fais, comme d’autres,le prétendu bon mot dirfy-
fearite, que Plutarque nous a confervé dans Péîopidas..
Onlui vantoit l’intrépidité des Lacédémoniens à. affronter
la mort dans les périls de la guerre. D e quoi s’étonne-
fr-on,-répondit cet homme voluptueux,, de les vôir
chercher dans les combats une mort qui les délivre
d’une vie miférable. Le fybarite fe trompoit ; un fpartiate
ne menoit point.une trifte vie , une vie miférable ;
il' croyait feulement que lè bonheur ne confifte ni à
vivre, ni à-mourir, mais afàire l’un & L’autre avec gloire
ÔL avec' gaieté. «• Il n’éfoitpas moins doux a,un lacédé.-
», monien de vivre à l’bmbre dès bonnes loixr qu’aux Sy-
»> barites,à Lombre de.leurs Bocages^. Qbe- dis-je I Dans
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» Suze même, au milieu de la molleffe, le fpartiate
» ennuyé foupiroit après fes groffiers feftins, feuls
» convenables à fon tempérament. » Il foupiroit après
l’inftru&ion publique des filles qui nourriffoit fon eforit,
après -Jes- fatiguans exercices qui confervoient fa finté>
après fa femme, dont les faveurs étoient toujours des-
plaifirs nouveaux ; enfin après des jeux dont ils fe clé-
îaffoient à la guerre-
Au moment que les Spartiates enfroîenf en camr
pagne, leur vie etoit moins pénible, leur nourriture
plus délicate , & ce qui les touchoit davantage , c’étoit
le moment de faire briller leur gloire & leur valeur-.
On leur permettoit à l’armée, d’embellir leurs habits
& leurs armes, dè parfumer 6c dé trefîer leurs longs-
cheveux. Le jour d’une bataille, ils couronnoient leurs
chapeaux de fleurs. Dès qu’ils étoient en préfence de
l’ennemi, leur roi 'fe mettoit à leur tête, commandoit
aux joueurs de flûte de jouer l’air de Caftor ,, & en-
tonnoit lui-même l’hymne pour fignal de la charge-
C’étoit un fpeélacle admirable & terrible de les voir
s’avancer à. l’ennemi au fon des flûtes, & affronter avec
intrépidité ,fans jamais rompre leurs rangs toutes les
horreurs du trépas^ Liés par l’amour de m. patrie, ils
périffoient tous enfemble , ou revenoient viftorieux-
Quelques Chalcidiens arrivant à Lacédémone , allèrent
voir Argiléonide,mère de Brafidas, qui venoit
d’être tué, en les défendant contre les Athéniens. Ar-~-
giléonide leur demanda d’abord les larmes aux yeux,.
, fi fon fils étoit mort en homme de coeur, & s’il étoit
’ digne de fon pays. Ces étrangers pleins d’admiration,
pour Brafidas, exaltèrent fi bravoure &,fes exploits „
jufqu’à. dire que dans Sparte, il n’y avoit pas font
égaL Non, non, repartit Argiléonide en les interrompant
&. en effuyant fes larmes, mon fils étoit ,
j’efpère , digne de fon pays r mais fichez que Sparte
eft pleine de fujets qui ne lui cèdent point ni en vertu
ni en courage-
En. effet , les actions dè, bravoure des Spartiates
pafferoient peut-être pour folles , fi elles n’étoient
. conficrées par l’admiration de tous les fiecles.. Cette
audaeieufè opiniâtreté, qui les rendoit invincibles
fut tcujpurs entretenue par leurs héros , qui fivoienc
bien que trop de prudence émouffe la force du. courage
& qu’un peuple n a point les-vertus dont il n’a. pas
les ferupules. Auffi.les.Spartiates toujours impatiens de
combattre ,fe précipitoient avec fureur dans les ba-
, taillons ennemis , & de toutes parts environnés de lai
mort, ils n’envifigeoient autre chofè que la. gloire.
Ils inventèrent des armes qui h’etoient faites que
pour eux ; mais leur difeipline & leur vaillance produiraient.
leurs véritables forces.. Les autres peuples ,
ditSénequeycouroîent à la.,viéfoire quand ils fa voyoient
certaine; mais lés Spartiates couroient à la mort,, quand
- elle étoit affurée : & il ajoute élégamment r turpe eJB
; cuïlibet fagîjfe, Laconi verb deUberaffe ; c’eft une
honte a. qui que ce (bit d’avoir pris là foi te , mais efent
eft une à un lacédémonièn. d’y avoir feulement fôngéi
Les étrangers-alliés de Lacédémone r ne lui deman—
; dbient pour foutenir lèurs guerres r ni ar^nr^ ni
1 vaifléaux ni troupes v ils ne foi’ dëmandbientt qivaan