défirërënf que l’ordonnance criminelle fût entegiftrée
fans qu’il en coûtât au roi de tenir un lit de juflice ; ils
îïiirënt la confiance à la place du defpotifine, la fim-
plicité à la place de l’intrigue ÿ & l’ordonnance fut
eriregiftrée.
Les fameux arrêtés, ouvrage de M. de Lamoignon,
fans être expreffément revêtus du caradère de loix ,
en ont acquis toute la force par l’éclat impofaut &
foutenu de leur réputation & de leur fagefle ; ce font
des axiomes de juftice au moins auffi refpedés que les
loix les plus formelles ; on ne connoîtque deux livres
qui ayent dû ainfi à l’évidence de la raifon, l’avantage
d’avoir d’abord & pour toujours , force de loi ;
ces deux livres font le célèbre ouvrage de Pi thon fur
lès libertés de l’églife gallicane, & les arrêtés de M.te
premier préfident de Lamoignon.
On fait comment Boileau , averti par ce magiftrat,
du projet au avoit l’univerfîté de préfenter requête
pour la philofophie fcholaftique contre les nouvelles
découvertes, & de fobligation oh le parlement pour--
toit fè croire de rendre un arrêt conforme à la requête
, publia ion Arrêt burUfque , qui empêcha peut-
être le parlement d’en rendre un qu’on jugeroit tel
aujourd’hui. On fait auffi par le poëme du Lutrin ,
comment le premier préfident fauvalee-at d’un procès
ridicule, a deux hommes d’un état refpedabîe.
En générât il concilia encore plus de procès qu'il
fi’en jugea. Quant aux plaideurs , il les plaignoit &
les fupportoit. Lai(fions- leur , difoit-il, la liberté de
dire les chofies nécejfiaires y 5* la confiolation a en dire
de fiuptrflues. N ’ajoutons pas au malheur qu 'ils ont
dT avoir des procès , celui (T être mal reçus de leurs juges ;
nous fibmmes établis pour examiner leur droit, & non
pas pour éprouver leur patience, & il leur laïffoit éprouver
la fienne Infatigable dans le travail : ma vie &
tua fiintèj difoit ià , font au public 3 & non à moi.
<* Quelqu’un lui parlant d’une affaire , put-il ÿ par quel*
» que marque de chagrin ou d’impatience , s’apper-
» cevoir qu’il en eût d’autres ? affligea-t-il les mal-
» heureux & leur fit-il acheter par quelque dureté,
» la juftice qu’il leur a rendue ? Je parle avec d'autant
» plus de confiance , que j’ai pour témoins de ce que
» je dis, la plupart de ceux qui m’entendent. »
C ’eft ainfi que parloit de lui, devant des auditeurs
qui le eormoiflb:ent , un homme qui l’avoit bien
connu & qui l’a bien peint , Fléchier.
Une réforme qui fait époque dans notre jurifpru-
dence, l’ab lition du congrès, fut l’ouvrage du premier
préfident & de fon fils aîné, alors avocat-
général ; le fils provoqua, par un plaidoyer éloquent,
jarret que le père eut la fàtisfadion ae prononcer,
êt que Boileau eut encore l’honneur de préparer par
ses quatre vers :
Jamais la b:che en rut, n’a pour fait cFimpuiflance,
Traîné du fond des bois un cerf à l’audience ,
Et jamais juge entr’eux., ordonnant le congrès,
De ce buriefque mot n’a kli fes arrêts,
C’eft auffi que l’uniou des lettres & des loix pourroit
les perfedionner les unes par les autres. Cette
union fe trouvoit au plus haut degré dans le premier
préfident de Lamoignon. Le doéte Baillet dit avec
plus de fimplicité que de nobleffe & d’élégance, mais
d après le P. Rapin , & d’après tous ceux qui avoient
connu le premier préfident i
« Que jamais h ntme n’avoit été plus univerfetle-
>» ment ni plus profondément favant ; qu’il favoit par
” coeur, tous les poëtes anciens & modernes ; qu’il
» n’ignoroit de rien ; qu’il favoit dans un détail & dans
» une exaditude inconcevables, les moindres minuties
» concernant les perfonnes , les lieux , les temps les
» plus élo'gnés de lui & les plus inconnus des autres ;
» & qu’il parloit fiir le champ de toutes fortes de
ri fujets de littérature avec tant d’érudition ,• tant de
» fuite, & tant d’abondance, que l’on croyok fou-
» vent, -quoique toujours fàuffèmenf, qu’il avoit étudié
ri tout récemment la matière dont il difcouroit ,• quoi-
» qu’il n’en eût point ouï parler depuis plusieurs
n années ».
Sur ce portrait, tout le monde va nommer un dee
defcendants du premier préfident, un des héritiers dé
fès talents ôc d ; fes connoiftances-.
On trouve dans les papiers de Maffisurs de Lamoignon
t divers traités manufcrits du premier préfi—
dent , concernant les eommifficns , les duels , &c.
tout ce qu’il dit fur ces différentes matières- eft clair #
lumineux , conforme à la nature & à la raifon. Il
mourut le vendredi Jo décembre 1677* Il étoit né le
ao odobre 1617;
Son fils aîné avoit été d’abord avocat-général, 8c
il Tétoit, comme nous l’avons dit, dans le temps de
l’abolition du congrès, M. Talon (Denis) premier
avocat-général ( I n y en avoit que deux alors ) , avoit
une penfion de 6000 liv. On propofa d’en donner une
femblable à M. de Lamoignon , alors fécond avocat-
général. On fut enfuite fix mois fins en parler au
roi. Le roi s’en fbuvint de lui-même , &. dit un jour
à M. de Lamoignon : vous ne me parlez pas de votre
penfion ! Sire, répondit M. de Lamoignon yj ’attends que
je Taie méritée. A ce compte , reprit le roi, je vous
dois des arrérages. La penfion fut accordée fur le
champ , avec les intérêts à compter du jour ou elle
avoit d’abord été propofée.
M. de Harlay, beau-frère de M. de Lamoignon i
étoit alors procureur-général , & M. de Novion ,
premier préfident i ce dernier étant fort ma’ade,
M. de Lamoignon , à qui le roi parla des changements
qui pouvoient arriver par là dans le parlement, lasfit
cette occafion de demander la place de premier pré-
fid.rn pour M. de Harlay, & celle de procureur-
général pour lui-même. La réponl’e du roi fut : pàur-
quoï ne fonge{ - vous pas pour vous à la place do
premier préfident ? Cependant il fut préfident à mortier 9
mais jamais premier préfident ; & on prétend que les
Jéfuites, dont le crédit influoit alors jufques lur les
places de magiftrature , Fécartèrent. de la première
préfidence par des intrigues fècrètes , ne pouvant
pardonner à un homme qui avoit été élevé chez eux 9
d'avoir des liftions ayeç des gens de mérite q>£
fl’étoieiit pas de leurs amis , & d’avoir pris pour bi-
b’io hécaire le vertueux Bailkt , qu’ils tachèrent de
En ^énéi a l, il fut l’ami de tous les favants & de
tous les gens de bien i il eut d étroites liaifons avec
Racine, avec Regnard, fur-tout avec Boileau, qui a
Corrpofé pour lui une de fès plus belles Epitres :
O -i, Lamoignon , je fuis les chagrins de la ville, &c.
& qui a confàcré les noms de Bâville & de Polycrene j
le P. Rapin a auffi chanté dans fbn poëme des Jardins,
les agréments de Bâville. Lé refus que fit le prefident
de Lamo gnon d’une place à l’Académie Françoife,
sturoit droit de fiirprendre de la part de 1 ami de
Boileau &. de Racine , on n’avoit des raifons de
croire ciüe deux princes du fang , proteéleurs de
l’abbé de Chaulieu , avoient tiré parole de M, de
Lamoignon de ne fe pas mettre fur les rangs & de
rte fe pas prêter à l’intrigue de quelques académiciens,
dont un des objets, enl’appellant, étoit d’exclure l’abbe
de Chaulieu ; M. le préfident de Lamoignon élu malgré
lu i, n’avoit plus que la reffource du refus peur tenir
parole à ces deux princes. Encore ce refus derwandoit-il
du courage. Le roi ne vouloit point qu’on élût l’abbé
de Chaulieu ; & M .de Lamoignon pouvoir craindre,
& craignoit en effet, que le roi, qui 1 avoit agréé ,
ne lût mécontent d’un refus qui pouvoit faire renaître
les efpérances de cet abbé. Le pt eficîent de Lamoignon
mourut en 1709. De lui defeendent les deux feules
branches de la maifbn de Lamoignon aüjOurdhuï
exiftantes. Il étoit fayeul de M. de Malesherbcs & le
bifayeul de M. de Lamoignon , a&uellement préfident à !
mortier & garde desfetaux. M. le chancelier de Lamoignon
étoit fbn fils, & a écrit fa vie \ car dans cette
maifbn, les enfants fe font plu a confacrer , par des-
monuments domeftiques , les vertus de leurs peres
le premier préfident avoit écrit !a vie de Chretieri de
Lamoignon fon père ; celle du premier préfident y été
écrite par le préfident Chrétien-François de Lamoignon
fon fils, ( celui dont nous venons de parler ) & par
une de fès filles , Anne de Lamoignon, religieufe a la
Vifitation du fauxbourg Saint-Jacques ; celle de Chrétien
-François a été écrite comme on vient de le
dire , par M. le Chancelier de Lamoignon y le f:cond
de fes fils;; & celui - ci doit auffi à la piété filiale ,
répitaphe latine qu’on fit fur fà tombe dans 1 églifè de
Saint-Leu , ou il eft loué fans être flatté. Le chancelier
de Lamoignon avoit été long-temps avocat général, &
s’étoit fait un nom dans cette place. Préfident à mortier
enfuite , exerçant tantôt pour îe préfident de
Lamoignon fon neveu , tantôt pour le préfident de
N o v io n il eut la réputation d’un excellent juge ; il
la loutint à la tête de "la coUr des Aydes, dont il fut
premier préfident. Nommé chancelier , il porta à U
cour un caraélëre ferme , une vertu irréprochable y
des principes favorables àFautorité., mais plus encore'
à la juftice , une dignité perfonneile très-convenable
à la dignité de fa place. Il eut dans cette place à
lutter pendant treize ans, armé de fa feule vertu,
contre le crédit d’une femme puifiante 7 dont ÿ ne
crut jamais qu’il convînt au chancelier de France
d’être le courtifan, & qui s’en vengea en empêchant
jufqu’à trois fois le chancelier d’être garde des fceaux ;
elle le fit même déplacer en 1763 , ôç mourut fix
mois après. M. de Lamoignon, qui avoit tefufe alors
fà dériiiffion , parce qu’on vouloit la lui extorquer
pâr une intrigue , la donna Volontairement en 1768 9
lorfqü’on ne la lui denaandeit plus , mais lorflii une
maladie grave fe joignant à fon âge de quatre-vingt-
cinq ans , lui perfuada qu’il devoit fuivre l’exemple de
M. le chancelier a Agucffeau , qui avoit cru devoir
céder à l’âge , & fe retirer ; il furvécut plus long- temps
à fa retraite que n’avoit fait le chancelier d’Aguefleau ;
il reprit fa lanté & fa gaieté, & fut encore pendant
quatre ans , cher & agréable à fes amis. Il mourut en
1772.11 étoit né en 1683. Indépendamment du mérite
propre à fès places , il avo.t celui de n’être ni fans
littérature, ni fans connoifTances dans fh'.ftoire. Perfonne
ne favoit dans un auffi grand détail celle du règne de
Louis XIV , & le répertoire des anecdotes dont il
avoit la mémoire remplie , émit précieux à coufèrver.
M. de Bâville fon oncle, fécond fils du premier
préfident , & auteur d’une branche cadette, éteinte
depuis quelques années par la mort de M. de Mon-
trevault , fon petit-fils , fut parmi les intendants de
province , ce que fon père avoit été parmi les premiers
préfidents, ce que l’Hôpital & d’Agueffeau avoient été
parmi les chanceliers ï il pafia trente-trois années
confécutives dans fon intendance de Languedoc , fans
revenir à Paris , fans rentrer dans le fein de fà famille 9
fignalant également fon zèle & fa capacité dans des
conjonélures difficiles , & défiané par la voix publique
comme un digne fuceeffeur des Colbert & des Louvois.
M. de Voltaire & M. cTAlembert l’ont peint moins
avantageufëment, l’un dans le fiècle de Louis XIV ,
l’autre dans l’cîcge de M. Fléchier ^maison lui rendra
plus de juftice, lorfque des Mémoires fidèles & au-
deffus de toute critique auront diffipé les nuages qu’une
jufté pitié pour les malneureux proteftants a fait répandre
for quelques détails rigoureux de fon adtni-
niftration. M. de Bâville mourut le 17 mai 1724. Il
avoit une tante , Mademoifelle de Lamoignon , feeur du
premier préfident & de Madame deNefmond , qui vécut
dans le eé’ibat, fans être relïgieufe , & dont la vie
entière fut confacrée à la bienfaifance ^ à la chariié.
M. d’Alembert dans- fes notes for l’éloge de Boileau 9
cite divers traits , qui peignent en elle une belle ame ,
un caraélère aimable & intereffant. Elle ne pouvoit
pas fouffrir qu’on dît ni qu’on fk du mal ; elle ne par-
donnoh pas à Boileau, l’amr de toute fa ma fon, fes
épigrammes & fes fatyres ; elle l’en- reprenoit fouvent
avec douceur ; & fes principes fur la mé'difance ,étoient
fouvent entr’eux la matière d’une plaifanterie. Quoi l
lui difoit Boileau , vous ne permettriez pas même une
fatyre contre le grand-turc ? Non * répondoit-efte , ce fi:
un fouverain, il faut Te refpcêler— Mais au moins
contre le diable , ajoutoit Boileau. La religion la fk
héfiter un moment, mais fon caradère reprenant bientôt
le d.ffus ; enfin , dit-slW ? il ne faut jamais dire du
mal de personne»