romain, qui excclloit dans ce genre de poème qu'on
appelloit des Mimes, & dont le principal mérite étoit
de la gaieté ;
Nec tamen hoc trihuens dederim quoque cotera , nam fie
Et Laberi 'Mimos , ut pulchrq poëmata mirer,
dit Horace , fat. 10 , Iib. i.
- Cornélius Nepos , en remarquant la différence de
moeurs & . d’ufages ekez les différentes. nations , dit
qu’en Grèce, bien loin qu’il foit Honteux à qui que
ce foit, de monter fur le théâtre , il n’y a point dans
cette févère Lacédémone , de veuve, fi refpeSable
qu’elle foit , qui n’aille jouer fon rôle fur le théâtre
pour de l’argent , mais qu’à Rome ce feroit une
infamie. Çe Laberius en eft un grand exemple. Céfar
exigea qu’il repréfëntât lui-même à fôixante ans. fes
Mîmes for la fcènç ; il fit ce qu’il put pour s’en
défendre, il fallut obéir à Céfar : il obéit j mais dans
un prologue dont on a beaucoup admiré la noble &
touchante éloquence, fans manquer au refpeél dû à
Cétar , il fe plaignit en romain , qu’on forçoit à fe
déshonorer. Ce prologue eft en effet un des plus
beaux monuments de l’antiquité ;
Neceffitas, cujus cursus tranfverfi impetum
Voluerünt mufti effugere, pauci potuerunt
Quo me‘ detrufit peut: extremisJenJîbus ?
Quem nülla âmbitio, ruiUa wiquam largino ,
Nullus timor, vis nulla, nulla auElerïtas
fiiovere potuit in juventâ de fiatu
Ecce 'm JeneElâ üt facile labefecit loco
Vin exccllentis mente clémente édita,
$ubnùffa placide blandiloquens oratiô !
Etenïm ipjî di negare cui nihjil potuerunt
Jiominem me denegare quis poffet pati ?
Ergà bis tricenis dnnis aSlïs fine nota
Eques romartus è lare'egrejjus meo ,
jDomum reyertar Mimus. Nimirum hoc die
U no plus vixi mihi quàm yivendum fuit :
Fortuna immoderata in bono otque atque in malo ,
tifri erat libitum Utterarum- laudïbus
■ F loris cacumen no fret famçe frangere :
Cur , clan vigebam membris prçeviridaiitibus ,
fiatisfacere populo & tali cùrn poteram viro,
Non fiexibilem me conçurvafii ut canyeres ?
Nunc me auo dejicis ? Quid ad feenam affero ?
Décorem fâhnce , an dignïtatem çovporis,
Animi virtutem ,. an voci-s jocundce fonum ?
Ut hedera ferpens vires arboreas necat, m me yetuflas. amplexu annorum enecat.
Sepulcri fijhilis, nifiil nifi nomen retineo.
« Où m’a réduit, prefque fur la fin de mes jours,
” renverfé, en un moment, par les plus douces ir.fi.
” ouations de ce grand homme , fi plein de bonté
» pour moi , & qui a bien voulu s’abaifler à mo„
” S.ar<* » d’inftantes prières. Apiès tout, û lcs
” Dieux mêmes ne lui ont pu rien refufer , fouffr;_
» roit-on, moi qui ne fuis qu’un homme, que j’euffe
” °® h“ tefufer quelque chofe ? Il faudra donc qu’après
»avoir vécu fans reproche, jufqua fôixante ans
» lortï chevalier romain de ma maifon , j’y rentre çomé*
« dien. Ah ! j’ai vécu trop d’un jour. O fortune ex-
n ceffive dans lesbiens comme dans les maux fi tu
n avois réfolu de flétrir ma réputation & de m’enlever
» cruellement la gloire que je m’étois acquife par les
” , ttres > pourquoi ne-m’as-tu pas produit fur le théâtre
i> Iorfque je pouvois céder avec moins de confùfion ’
» & que la vigueur de l’âge me mettoit en état de
il plaire eau peuple & à Cé&r j Mais maintenant
n qu apportai-je fur la fcène ? la bonne grâce du corps,
1 avantage de la taille, la vivacité de l’aélion, l’aeré-
1. ment de la vo ix ? Rien de tout cela. D e même que
F ” le lierre embraffant un arbre, l’épuifeinfenfiblement ■
[ n & le tue : ainfi, la v ieilleflè, par les années dont elle
” me charge, me laiffe fans force .& prefque fans vie.
n bc-mblable a un fepulchre , je ne conferve de moi
m que le npm «.
» la dure néceffité qui traverfe nos deffèins , dont ;
?> tant de mortels pnt voulu , &. fi peu ont pu
» éviter les coups violents & impréyus f moi, qui »
9) dans la fleur de l’age , avois tenu contre toute
i> follicitation , toute largeffe , toute craine , toute
g force ? tout çrçdit ; me voilà , dans ma vieilleffe ?.
Traduction de M., Rollin,
Après la pièce,. Céfar donna un anneau à Laberius '■
comme pour le, réhabiliter, ce qui étoit reconnoître
qu’il l’avoit fait déroger. Laberius alors ayant voulu
comme autrefois9.prendre fa place au fpeétacle , parmi
les chevaliers Romains ceux-ci l’empêchèrent de
s’affeoir parmi eux , & firent enforte qu’il ne pût.
trouver de place. Cicéron voyant fon embarras , lui
dit, foit pour le railler, comme Laberius le crut, foit
feulement pour sexeufer ’ Recepijfem te nifi angufib
federem. Laberius piqué , lui répondit avec aigreur j
Mirum f i angufiè fiedes , qui foies duahis fellis federe ,
c’eft-à-dire, je vous recevrais, f i je nètois ajfis trop à
F étroit. — Je fuis furpris que vous foyeç ajfis à l’étroit ,
vouS' qui vous férue f également de deux fièges oppofés.
Littéralement : vous qui aveç coutume de vous ajfeoir
dans deux fièges ; efpèce de métaphore proverbiale ,
par laquelle il lui reprochoit d’avoir çherçhé tour-à~
tour l’appui de Pompée Ql de Céfar , d’avoir flatté
.Pompée avant fa défaite, & Céfar depuis fa victoire,..
Laberius avoit une maxime qu’on a retenue :■ Bencficium
dando accepit, qui digno dédit. C cfi recevoir un bienfait
que £ obliger quelqu’un qui le mérite. Laberius mourut
plufieurs mois après Jules-Céfar.
LABOUREUR , ( Jean le j ( Nifi. de Fr. ) né à
Montmorenci èn 1623, Hit choifi en 1644, pour
accompagner la maréchale de Girébnant, lorsqu’elle
çonduifit en Pologne la princeff, Marie de. Gonzague »
qui époufoit Ladiflas. Le Laboureur étoit alors gentils
homme fervant. Il embrafla dans la fuite l’état eçclé?
fiaftique , fut prieur de Juvigné, aumônier du roiV,
çommàndêur de l ’ordre d St Michel. Sesouvragés font
connus, fur-tout fis Commentair-.s fur les Mémoires
de Caftelnau ; fon Kiftoire du maréchal de Gi-ébriant s
fo Relation dq yo^age de la reine de Pologne ? fpj
Hiftoire de Charles V I , &c. Le poeme de Charlemagne
n’eft pas de lui , mais de Louis fon frère,
mort en 1679. L’hiftorien étoit mort en 1675.
L A C , ( Hiß. anc. ) Le refpeél pour les lacs faifoit
partie de la religion des anciens Gaulois , qui les
regardoient comme autant de divinités, ou au moins
de lieux qu’elles choifilToient pour leur demeure ; ils
donnoient même à ces lacs le nom de quelques dieux
particuliers. Le plus célèbre étoit celui de Touloufe ,
dans lequel ils jettoient , foit en elpèces , foit en
barres ou en lingots , l’or & l’argent qu'ils avoient
pris for les ennemis. 11 y avoit auffi dans le Gevaudan ,
au pied d’une montagne , un grand lac confacré à la
Lune, où l’on s’affembloit tous les ans des pays cir-
convoifins , pour y jetter les offrandes qu’on faifoit à
la déeffe. Strabon parle d’un autre lac très-célèbre
dans les Gaules , qu’on nommoit le lac des deux
corbeaux, parce que deux de ces oifèaux y faifbient leur
féjour ; & la principale cérémonie religieufe qui s’y
pratiquoit, avoit pour but de faire décider par ces
divins corbeaux, les différends,' foit publics, foit particuliers.
Au jour marqué , les deux partis fe rendoient
fur les bords du lac, & jettoient aux corbeaux chacun
un gâteau ; heureux celui dont ces oifeaux mau-
geoient le gâteau de bon appétit , il avoit gain de
caufe. Celui au contraire dont les corbeaux ne fai-
foient que becqueter & éparpiller l’offrande, étoit cenfé
condamné par la bouche même des dieux ; fuperfli-
tion affez fèmblable à celle des Romains pour leurs
poulets fàcrés. ( A . R. j
LACÉDÉMONE , république de , (HIß. de la
Grèce ) république merveilleufe , qui fut l’effroi des
Perfes , la vénération des Grecs, & pour dire quelque
chofe de plus,devint l’admiration de la poftérité , qui
portera fa gloire dans le monde , auffi loin & auffi
long-temps que pourra s’étendre l’amour des grandes
& belles chofes.
Il femble que la nature n’ait jamais produit des
hommes qu’à Lacédémone. Par tout le refte de luni-
vers , le fecours des fciences ou des lumières de la
religion , a contribué à difcerner l’homme de la
bête. A Lacédémone on apportoit en naiffant, fi Ton
peut parler ainfi, des femences de l’exaéfe droiture &
de la véritable intrépidité. On venoit au monde avec
un eara&ère de philofophe & de citoyen , & le foui
air natal y faifoit des fages & des bravés. C ’eft-là que ,
par une morale purement naturelle , on voyoit des
hommes affujettis à la raifon, qui, par leur propre
choix ? fe -rangeoient fous une auftère d ifeipline&.
qui foumëttant les autres peuples à. la force des armes,
fe foumettorent eux-mêmes à la vertu : le foui Lycurgue
leur en. traça, le chemin , & les Spartiates y
marchèrent fins s’égarer , pendant fept ou- huit cents
ans ; auffi je déclare avec Procope, que je fois tout
facédéiriordm. Lycurgue me tient lieu de toutes chofes ;
plus de Solon ni d’Athènes.
Ly
affez
curgue étoit de la race des Héraelides ; Fön fait
preeifément le temps où il fleuriffoit , s’il eft
comme le prétend 2\riftote , qu’une inftxption
gravée for une anche de cuivre à Oïympie , mar-
quoit qu’il avoit été contemporain d’Iphitus , & qu’il
avoit contribué à la forféance d’armes qui sohfervoit
durant la fête des jeux olympiques. Les Lacédémoniens
vivoient encore alors comme des peuples barbares
; Lycurgue entreprit de les policer , de les
éclairer & de leur donner un éclat durable.
Après la mort de fon frère Polyde&e, roi de Lacédémone
, il refofa la couronne que lui offroit la veuve j
qui s’engagëoit de fe faire avorter de l’enfant dont elle
étoit grofle, pourvu qu’il voulût l’époufer. Pour lui ,
penfant bien différemment il la conjura de con-
ierver fon enfant , qui fut Leobotés ou Labotés j.
& , félon Plutarque Charilaüs, il le prit fous fa tutelle
, & lui remit la couronne quand il eut atteint
l’âge de majorité,.
Mais dès le commencement de fa régence, il exécuta,
le projet qu’il avoir formé , de' changer toute la face
du gouvernement de Lacédémone dans la police, I»
guerre, les finances , la religion & l’éducation ; dans
la poffeifion des biens, dans les magiftrats , dans les
particuliers , en un mot, dans les perfonnes des deux
lexes de tout âge & de toute condition. J’ébaucherai
le plus foigneufoment ' que je pourrai ces chofos-
admirables en elles-memes & dans leurs fuites, &
j emprunterai quelquefois des traits dfouvrages trop-
connus pour avoir bffpin dVn nommer les auteurs.
Le premier foin de Lycurgue , & le plus important 9
fut d’établir un fénat de 28 membres, qui, joints aux
deux rois , compofoient un-confoil de 30 perfonnes,,
: entre les mains defquels fut dépofee la puiffance de
la mort & de la vie , de l’ignominie & de la gloire
| des citoyens. On nomma Gérontcs les 28 fenateurs de
Lacédémone , & P aton dit qu’ils étoient les medérar-
teurs du peuple &. de 1 autorité royale , tenant l’équilibre
entre les uns & ks autres , ainfi qu’entre les deux
rois, dont l’autorité étoit égale.
Lycurgue, apres avoir formé le forât dès perfonnes1
les plus capables d occuper ce pefte , & les plus initiées-
dans la connoifianee de fos.fecretsy ordonna que les;
places qui viendroient à vaquer , feroient remplies
d’abord après la mort, & que pour cet effet,. le peuple^
éliroit, à la pluralité des fuff. ages, les plus gens de
bien de ceux de Sparte qui auroient atteint 60 ans.
Plutarque vous détaillera la manière dont fe faifoitr
l’élechon. Je dirai Jeulcment qu’on couronnoit fur le
champ le nouveau fénateur d’un chapeau de fleurs,,
& qu’il le rendoit dans- les temples , fuiv-i d’une foule
de peuple , pour remercier les dieux. A fon retour 9
fes parents lui préfentoient une collation,- en lui di-
fant tla ville {honore de ce fefiin. Enfoite il alloit fouper
dans la- fallë des repas publies, dont nous parlerons y
& on lui donnoit ee jour - là d,ux portions Après*
U repas , il en remettoit une à la parente qu’il efti»
moit davantage , & lui drfbit ‘. je vous offre le prix de-
; l’honneur que je viens de recevoir. Alors toutes les
• parentes & amies la-reconduifoient chez elle au milieu-
. des acclamations,. des voeux & d s bénédiéÜons^
Le peuple tenoit- fes affemblées générales & partie
cuiières, dans un lieu nud , où il n’y avoit ni ftatues«,,