qui, ferme & inébranlable au milieu de l’orage, a été
Tendu à fes fejets , dont il n’a point celte depuis
d'accroître la profpérité, par l’étendue & la fageffe
de les vues, comme par. la jufteffe des moyens qu’il
employoit. Don Jofeph-Pedre-Jean-Louis , fils aîné
du roi Jean V , & de l’archiducheffe Marie Anne.,
fécondé fille de l’empereur Léopold, naquit le 6 Juin
1 7 13 :fon éducation fut confiée à d’habiles inftruéleurs,
qui virent leur élève, remplir au gré. de leur attente ,
les. grandes efpérançes que leur avoient. données fes
heureufes difpofitions. Formé de bonne, heure aux
affaires les plus importantes de l’état, aux négociations,
a , ^art épineux de gouverner , don Jofèph fit les
<lelices du roi Jean , l’ornement de. la cour, qui
s’embellit encore lors du mariage de ce prince avec
dona Anne-Marie-Viéloire, l’aînée des. infentes d’Ef-
pagne , qu’il epoufe au commencement de Tannée
1729. À Ion avènement à la couronne, il fit les réglements
les .plus utiles 'au commerce national ; & les.,
làges loix qu’il publia , firent murmurer les Anglois,
q u id ep u is bien des années en poffèflîon de faire
eux feuls, & prefqu.e à Texçîufïoh dés Portugais eux-
mêmes , le commerce. de Portugal, ne purent voir
avec indifférence çe foùverain reÏÏreindre leur exceü-
five liberté fer cet objet. Une entreprife encore plus
importante pour la tranquillité publiquefut l’affbiblife
fement de la. puilîance illimitée de î’inquifition , &
l ’abolition de linfernalè cérémonie des.autodafés ? abolition
fi. précieüfe à l’humanité,. & qui pourtant eut
des feites.fi cruelles par les. attentats de la haine des
erfonnes intéreflees à. la confervatîon des pratiques
omici.des & raonftrueufes de ce tribunal. Le ciel
parut récompenfer les généreux foins dix roi par
l’arrivée fer le Tage g de Ta flotte de là. baie de
tous-les-Saints., .qui apporta des richeffes immenfès
en marchandées, &. en efpèces d’ or & d’argent.
Pieux, mais éclairé, & point du tout füperffitieux,
don Jofeph voulut examiner fl les longues querelles
que lè roi fon père avoit eues avec là-cour de Rome,
à voient épargné à. Tetat une Bien forte exportation ;
& il vit avec etonnement que.,, malgré', ces démêlés
qui avoient feufirait tant d argent au Sàint-Siege , toute-'
fois, durant:le règne de Jean V , il étoit paffé du
Portugal a. Rome quatre-vingt-quatorze millions de
p:aftres tout, au moins. L’attention du roi à exciter
autant eu il. etoit pofliblë ,..les progrès du commerce
national, eut le. plus grand fuçcèsj.il accorda un oélroi
d une- nouvelle compagnie dès Indes orientalès ,. qui
s engagea d’envoyer tous les ans onze vailfeaux & afin
dé donner, plus de çonfiftance à cette compagnie &l de
facilite a fés^operations,.don Jofeph- envoya un am-
baffadeur à lempereur dé la. Chine, &. cet.ambaffà-
deur fut reçu à. Macao, & fer toute fe route par dés.
mandarins ,. avec la plus haute. diflinétion.Xes auteurs. ;
de /Hiji'oîre univerfelle depuis lè commencement du.' -,
monde Jpfqù a nos jours , &c. fë plaignent amèrement
de la conduite de don Jofeph. à l’égard des cômmerçans
Angle .s y mais ces auteurs-ne difent point qui1! étoit
temps àufli cie déliver les marchandé Portugais dès
entraves fort gênantes r humiliantes même ,, que les
Anglois mettoient à toutes leurs opérations :. cett<ÿ
conduite , difent-ils , tom. X X IX ,, page 602., fut telle
que fi quelqu’autre nation avoit pu fournir le royaume
ce. dont il avoit befbîn ,. on lui auroit donné la
préférence fer les Anglois. Pourquoi ne pas dire que
cette conduite prouvoit feulement que .don Jofeph
etoit avec radon , perfeadê que les marchands por-
tugais pouvant feuls fournir le royaume de ce dont il
avoit befoin, il étoit àufli inutile que pernicieux à.
letat de recourir aux Anglois , & de fouffrir que
1 ceux-ci, feus prétexte des marchandifes qu’i-s fournie
feient , fiffent la loi aux Portugal. Le roi eût vraifem-
blablement réufli dans fesvues, àufli fagesque patriotiques
, fi , pendant l’exécution, des projets qu’il avoit
conçus, un événement terrible, autant qu’il étoit‘imprévu
, ne fût venu jetter la confternation, porter la
: terréur, le ravage & la mort dans Lisbonne, & dans
prefque -toutes les provinces de ce royaume. On fait
quels coups le Portugal reffentit de ce terrible trem-
: lement de terre qui, en 175.5 , penfa caufer la ruine
I; total/e de cette monarchie, de Lisbonne fer-tout, dévaftqe
en même temps parle choc violent des.fecouffes
du tremblement de terre , pâr le débordement des eaux
. du Tage, &- par la. violence de l’incendie qui faifoit péris?
dans, les flammes ceux qui s’étoient fauvésde l’écroulement
des. maifons» Alarmés, éperdus, les habitants de
cette capitale pensèrent d’abord, que cet incendie étoit
. un effet naturel de l’explofion des feux fouterreirisj mais.-
bientôt on découvrit qu’il avoit été allumé,. excité Sc.
etendù de rue en rue, par une troupe de- fcélérats ,
qui, profitant avec.la plus-monftrueufe inhumanité du,
défafire. général, pilloient,, à fefeyeur de la confufibm
t que^ eauloit l’incendie , les effetsles plus précieux. On-
fit d’abord monter le nombre dès; morts à Lisbonne,;
dans ce jour de terreur, à quarante mille ; mais, par
; des calculs, plus exaâs,. on trouva qu’il ne périt qu’èn—
; viron quinze, mille habitans dë cette capitale,. d’où lé
; roi , l’a reine & la. famille royale eurent le bonheur,
j de fe fâuver quelques momens . avant, la chute de lèur-.-
• palais. La. cour d’Efpagne. ne fut pas plutôt inflruite de;
; evenement & de la déplorable fituati on des Por—-
tügais,que, quoique plüfiëurs villes Espagnoles euffentt j fôuffert. des dommages confidérables par ce même;
• accident ^ elle fe hâta, d’envoyer,en Portugal des fecours,
i abondans, Les Anglbis,. ainfi que je l’ài obfervé,, fë;
: plaignoient- amèrement des Portugais , & ils murmu—
; roient hautement contre les r.égîemens faits, par le roîl
don. Jofeph ; cependantpar un trait bien, digne de:
cette grandeur d’âme,.de cette.générofité qui caraélërife:;
la nation. Britannique, à' peine le roi George inftruit;
du cléfaftre de Lisbonne',, eût recommandé a la con--
fideration de fes communesy cette grande calamité,,
qiie la chambre des communes mit le roi George IL
en, état d’envoyer aux Portugais les plus, grands-
les plus prompts fecours^ Cet. envoi fut fi. agréable,
à don Jojcph., que depuis il n’efi plus fervenu. ni mé—
fintelîigence, ni fejet de plainte entre les deux-nations«.
Par la bienfeifance & les 'feins attentifs de-leur fduve-
t ain:, lés Portugais avoieiirréparébn partie les finiflres,,
effets de ce. défafire, lorfqu’ùn nouvel, événement vint
encore'les plonger dans les a’armes & la cohflernation.
Le duc d’Aveiro avoit conçu une haine implacable
contre le roi, parce que ce prince s’étoit oppofé^u
mariage du fils de ce duc avec la foeur du duc de
Cadaval., auquel, dans la vue d’envahir tous fes biens,:
le duc d’Aveiro avoit fefeité les affaires les plus-cruelles.
Le duc d’Aveiro violemment entraîné par fa haine,
s’étoit ligué avec tous les mécontens du royaume, &
principalement avec les Jéfeites , qui, pour de très-
fortes raifons , venoient d’être chaffés de la cour , &
pour îefquels il avoit eu jufqu’alors la plus implacable
nverfion. La marquife de Tavora vivement ulcérée de
n’avoir pas été élevée au rang de duchefle, fe ligua
par la médiation des Jéfeites , avec le duc d’Aveiro ,
& pour entrer dans la confpiration , étouffa l’inimitié
qui régnoit depuis très-long-tems entre fa niailbri &
celle du duc. Jofeph Romeiro, domeftique du marquis
de Tavora, & Antonio-Alvarez Ferreira, ancien
valet-de-chambre du duc d’Aveiro, furent les, deux
principaux fcélérats que leurs maîtres chargèrent de
porter les premiers coups au roi. Plufleurs autres per-
îonnes.étoient intéreflees dans cette confpiration , outre
toutes celles qui tenoient par les liens de la parenté aux
maifons de Tavora & d’Aveiro. Afin de préparer les
Portugais à voir avec moins de terreur le crime qu’on
vouloit commettre, les Jéfeites & entr’autres Malagrîda,
( Voyèz fbn article & fefpendez votre jugement fer
•cette affaire ) ,
Le déchaînoient contre ce qu’ils appelaient Impiété du
fouverraïn, qui en effet avoit porté l’impiété jufquà bannir
les jéfeites de fa cour • Malagrida faifoit & répandoit des
prétendues prophéties qui annonçoient audacieufèment
la mort du roi. Lorfque les conjurés eurent pris toutes les
mêfnres qu’ils jugoient néceflaîresau fuccès du complot,
ils fixèrent le jour de l’affaflinat : les conjurés fe trouvèrent
.à cheval au rendez-vous donné , & fe partageant en
•différentes bandes, ils fe mirent en embufeade dans
;un petit efpace de terrein , oh ils étoient affurés que le
Toi pafferoit, & ou il paffoit en effet quand il fortoit
dans cortège. Peu de moments après , le roi venant à
paffer en chaife, don Jofeph Mafcarenhas, duc d’Aveiro,
Lortit , fe leva de deffous l’arbre où il étoit caché, &
tira un coup ; de carabine contre le poftillon qui cbn-
duifoit la chaifë : mais par le plus heureux des miracles,
le feu prit fans effet j le coup ne partit pas, &. le pof-
tillon averti par la lumière de l’amorce, du danger qui
menaçoit le roi, preffa, fans rien dire , fes mules avec
ia plus grande vivacité ; & fon intelligence feuva don
Jofeph ; car il eft confiant que fi ce poftillon eut été
tué, c’en étoit fait de la vie du prince , qui reftoit au
pouvoir des confpirateurs : mais, malgré la- rapidité de
la courfe, les autres; conjurés, à mefere que la chaife
paffoit d’une embufeade à une autre , tirèrent leurs
coups de carabine ; mais les balles ne. portant que fer
le derrière delà chaife, le roi en hit quitte pour deux
dang.ereufes bleffures, depuis lepaule droite jufqu’au
coude en dehors & en dedans du bras, & même .fur
le corps. Toutefois lé danger croiffoità chaque, inftant,
il • reftoit encore plufieurs- conjurés, prêts à tirer aufli-
tôt que la chaife pafferoit .devant eux. Don Jofeph, fans
1 dire un' m ot, • fans la;fier échapper un cri, quelque
vives'que fuffent les douleurs qu’il reffemoit de fes
bleffures, ordonna tranquillement • de retourner fer
fes pas1, & de le conduire à la maifbn du chirurgien-
major, où il ne fut pas plutôt arrivé, qu’après avoir
rendu grâces à Dieu d’ayoir échappé au péril imm>
nent qui avoit menacé fa tête , il fit vifiterfes bleffures,'
& par l’habileté des panfemens & Tefficacité des remèdes
, il fut en peu de jours entièrement rétabli. Tous
les. conjurés furent pris, & fubirent le fort que méri-{
toit leur crime, : ils expirèrent fur la roue ou dans les
flammes, ou furent affommés à coups de maffue ; leurs
hôtels, - leurs armoiries, jufqu’à leur nom, fout fut
irrévocablement anéanti. Le peuple furieux les eût en-{
core traités avec plus de fève rite , & en effet il n’étoit
guère de tourment affez douloureux qui ,put expier,
cet horrible attentat. Le nonce du pape folliçitôit ouvertement
pour les jéfeites, avoit eu des liaifons avec
quelques-uns des confpirateurs, parloit très-librement »
& donnoit contre lui de violens foupçons; la cour
. lui fut interdite, & d’après de nouvelles découvertes ,
il fut conduit par une forte efeorte fer les frontières du
royaume. Le pape fort mal-à-propos offenfé , ordonna
l’ambaffadeur. Portugais de fortir des terres de
l’Eglife.. Les jéfeites furent tous atrêtés en même temps ,
embarqués & conduits à Çivita-Vecchia : les troupes
que cette, fociété avoit dans le Paraguai, furent complètement
battues & défaites par les Portugais & les
Efpagnols. Lorfque cetté conjuration fut diflipée , &
qu’il.ne, refta plus de traces de Cette affaire, les Portugais
alarmés fur les maux qu’eût caufés à l’état l’exécution
de ce complot,, s’il avoit .réufli, ne penfbient
qu’avec chagrin aux défordres qu’entraîneroit tôt ou
tard l’incertitude de la fecceflion à la couronne , quand
le. roi yiendroit à mourir. Don Jofeph, dans la Vue de
,nç laiffer aucun fejet de crainte à cet égard, donna
la. princefie du B r é f il fa fille en mariage à don
Pedre fbn frère. R affurés par cette union, qui fut
célébrée dans le mois de juin 1760 , les Portugais oubli
oient leurs cléfaftres paffés, & commençoient à efe
pérer de voir le royaume revenir à cet état paifible &
floriflànt, dont il avoit joui dans les premières années
de ce règne , lorfquun nouvel orage penfa renbuVeller
tous ces malheurs. L’Efpagne & la France liguées contre
l’Angleterre , follicltèrént don Jofeph d’abandonner les
intérêts de la Grande-Bretagne, & de faire avec elles
une alliance offenfive & défenfive ; & dans le même
temps que cette étrange propofition étoit faite à la cour
de Lisbonne, l’armee Efpagnole s’avançoit vers les
frontières du Portugal, & tout commerce avec les
habitans de ce royaume étoit interdit. Dans cette fituâ-
tion critique , don Jofeph demeura ferme & inébranlablement
attaché à l’Angleterre fon alliée. La guerre
lui fut. déclarée, & les Efpagnols firent avec tant de
feccès des irruptions en Portugal, qu’ils fe rendirent
maîtres de provinces entières : mais ce bonheur ne fe
foutint pas,: fecourus par les Anglois, les Portugais luttèrent
avec avantage contre l’Efpagne & la France •:
& , après bien de meurtrières & trop longues hefti-
.lités, le calme fe rétablit par un traité de paix a\aa