
rêfïort ; en preffant un bouton, iT faifoît entrer la pointe
dans le manche ; il paroiffoit piquer, & ne piquoit
point, & Grandier ne crioit point ; d’autres fois, ce
chirurgien laiffoit agir la pointe , & Grandier crioit.
L ’inégalité parut alors inanifefte. 11 y avoit des parties
lènfibïes & d’autres infenlibles ; cette différence ne
paroiffoit provenir que des paéles- qui avoient ôté- la-
fenfibilité a d,e certaines parties-, en la laiffant aux au-'
très. On propofa même de lui arracher lés onglespour
voir fi les fignes qu’on cherehoit y ne fèroient pas
cachés deffous ; & il'eft étonnant qu’un tel avis n’ait pas
été fuivi. Un autre ligne de forcellerie étoit l’horreur
du Crucifix,, comme la marque de la rage efU’horreur
de l’eau. Un des exoreiftes, -le P. Laélance ,dont le nom
doit être aufïi détefté que celui de Laélance, père de
Féglife, efl révéré , foiibit chauffer un Crucifix dé fer,
&. i’appliquoit brûlant fur leslèvres du patient, la douleur
faifoit reculer celui-ci : vous -le voyez, Meilleurs, -
s?écrioit l’exorcille, un prêtre un curé, un chanoine
à horreur du Crucifix, l’oeuvre du diable efl - elle affez
marquée ? Àinfi, l’inflruélion du procès & la prétendue
recherche des preuves ne fut qu’une torture continuelle.
Des témoins qui s’étoient prêtés à ces manoeuvres,,
jugeant qu’on pouffoit les ehofes trop loin , voulurent'
expliquer,après coup, leurs dépofitions, on les menaça
de les punir comme témoins qui avoient varié. On
combla enfin tous ces crimes ,, en condamnant Grandier
au feu. Cependant | par un refie d’humanité on ordonna
qu’il fer oit étranglé ,-aprës qu’on auroit commencé à
lui faire fèntir l’aélion des flammes ; les exorcifles
empêchèrent l’effet de. cette indulgence. Par une mé-
chancheté vraiment inconcevable r quand le bourreau
alla pour ferrer la corde, il la troyva arrêté par un
noeud. Cependant le feu gagnoit, le bourreau fut obligé
de fe fauver & de laiflèr brûler vif le- malheureux
Grandier. ‘ C e fl ainfi que des hommes traitent des
hommes qu’ils fçavent être innocens : l’enfer feul peut
expier cette infernale atrocité. Urbain Grandier fubit
cet horrible fuppliçe , le 18 août 1634.
Grands-Jours , (Hift. de France) efpeces d’àffifes
foîèmnelles ; c’étoient des feances que les feigneurs ou
nos.' rois tenoient ou faifbient tenir de temps en
temps en certaines villes de leur dépendance, pour
juger des affaires civiles- è£ criminelles. Les grands-
jours ont été appelles , au lieu de- grands-plaids y «dit
Loifeau.
Les comtes--de Champagne tenoient le s grands*-
jours à Troyes deux fois l’année comme les ducs
de Bourgogne leur échiquier, & les rois- leur parlement.
Les grands-j&urs de Troyes étoient la juftice de
Champagne, tant que cette province fut gouvernée
p ar fes propres comtes, & les fept pairs de Champagne
affifloiènt leurs comtes à la tenue des grands - jours.
Dans-les lettres- patentes^ de Charles VI. du 4, mars
140^,-il efl porté que le comte de Joigny , comme
doyen des fépt pairs • de Champagne , ieroit toujours
aflis auprès du comte, quand il tiendroit fon état &
grands-jours. C’ëfl vraifemblabîément de Troyes que
tous les autres grands - jours ont pris leur nom ; Car
Philippe-k-Çel* ordonna en 1302, que le*grands-jours
dè Troyes fe tiendroient deux fois l’an , & qu’ils s’y
trouyeroit des commiffaires eccléfiafliques & gentilshommes.
Le duc de Béni avoit aufïi le droit défaire
tenir les grands-jours pour le pays de fon obéifTance.
Dans la fuite ^ le nom de grands-jours a été fpécia-
lement appliqué à des tribunaux extraordinaires , mais
fouverains , que nos rois ont quelquefois établis dans-
les provinces éloignées des parlements dont elles'ref*'
fortifient, pour reformer les abus qui s’y introduifoient.
dans l’adminiflration de la juftice, pour juger les affaires
. qui y naiffoiènt , & pour affranchir les peuples desdroits
que les feigneurs ufurpoient fur eux par autorité«'
( a . r . y
GR A ND-#1A1TRE DES ARBALÉTRIERS DE
FRANCE , ( Hift. mod. ) c’ét-oit anciennement un des
grands officiers de la couronne , qui avoit la furin-
tendance fur tous les officiers, des machines de guerre,
avant l’invention de l’artillerie p on en trouve dans
notre hifloire une -faite depuis St. Louis jufques fous-
François premier (G.-).
Grand-MaitRe de France , ( Hift. mod. ) offi-"
cier de la couronne, - appelle autrefois fouverain maître
dhôtel du roi ; il a le commandement fur tous les
officiers de la- maifon & de'la bouche du ro i, qui lui
prêtent tous ferment de fidélité , & des charges deP-
quelles il difpofe : depuis Arnould de Wefemale, qualifié
de fouverain maître d hôtel' du roi Philippe-le-Bel,
vers l’an 1290 ,- on compte quarante-deux grandsIfe]
maîtres de France , jufqu’à M. le prince de Condé,
aujourd’hui revêtu de cette charge , -qui pendant fa
minorité, a-été exercée parM. le comte de Charolois
fon oncle.
Grand-Maître i>es cérémôniês dè France
( Hift. mod. )_ officier du roi dont la charge étoit autrefois
annexée à celle du grand- - maître de la maifon -
du roijelle en fut féparée par Henri III, en 1585. Le
grand-maître des cérémonies a foin du: rang & de la
feance que chacun doit avoir dans les aéüons folem-
nelles, comme aux facres dés rois ; aux réceptions des
ambaffadeurs , aux obféques & pompes funèbres des
ro is .d e s rçines, dès princes & des' princeffes ; il a
fous lui un maître des cérémonies & un aide des cérémonies.
La- marque- de fa charge efl un bâton couvert
de velours noir , dont le bout-& le pommeau , font
d’ivoire. Quand le grand-maître, -le ■ maître, ou S l’aide
des cérémonies vont porter l’ordre & avertir les
cours- fouveraines , - ils prennent place au rang des
conféillers ; avec cette différence, que fi c’efl 1 é grand- •
maître, il a toujours un confeiller après lui ; fi c’efl le
maître ou l’aide des cérémonies , il fe met après le
dernier confeiller, - puis il parle affis & couvert, l’épée
au coté & le bâton de cérémonie en main.
GRANDVAL, (Nicolas Racot ) [Hift. Lia. Mod.)
auteur du poeme de Cartouche, dont le mérite confifle
dans une application quelquefois ingénieufe des plus
beaux vers de la Henriade & de nos. meilleures tragédies.
-L’entrevue de Cartouche & de fa maîtreffe,
avant le füpplice, efl la parodie d’une fcène de Rodrigue
& de Chimène, dans Le Cid. Cartouche apprenant
que l’homme qui l’avoil vendu, & qui étoit le plq»
grand fcélérat de fà troupe , avoit obtenu fe grâce,
s’écrie, comme Hippolyte , au fujet de Phèdre :
Dieux, qui le connoiflez
Efl-ce donc fe vertu que vous récompenfez !
Grandval-a feit auffi quelques comédies. Mort en 17 5 3.
G RANET, (François) ( Hift. Lit. Mod. ) aftocié
de F Abbé Desfontaines , lequel nous afliire que c’étoit
un homme de probité & d’honneur , qui aimoit la j
vérité en toutes ehofes ; & il faut avouer que la voix
publique ne s’efl pas élevée contre lui comme contre
l’abbé Desfontaines. L'abbé Granet a d’ailleurs donné
des Remarques fur les tragédies de Corneille & de
Racine , la traduétion de la Chronologie de Newvton &
Fédition des OEuvres du doâeur Launoi. Mort en 1741.
GRANGE, ( de là ) Plufieurs hommes de ce nom
ont été diversement célèbres :
i°. Jean de la Grange , cardinal - rniniflre foüs
Charles V. Il étoit furintendant des finances ; il fut
accufé de déprédations. A la mort de Charles Y ,
Charles V I , qui ji’aimoit pas le cardinal de la Grange, fe
permit de-dire : Dieu merci l nous voilà délivrés de la
tyrannie de ce capellan, motquin’etoit ni affez refpeétueux
pour la mémoire de Charles V , ni d’un fils qui regrettât
affez un tel père. Le cardinal de la Grange
çonnoiffant les difpofitious du jeune roi à fon égard,
prit le parti de fe retirer à Avignon, oh il mourut en
1402. Il.étoit évêque d’Amiens , & Charles V lui avoit
procuré le cardinalat en 1375*
2°. Jofèph de Cbancel de la Grange ou de la Grange
Ghancel, comme on difoit communément, efl reconnu
pour Fauteur des fameufes Philippiques ïÇhacun
les lit ces archives d’horreur
Ces vers impurs , appellés Philippiques ^
De l’impoflure effroyables chroniques.
Leur-atrocité a beaucoup contribué à leur fùceès, oc
leur réputation a été fort au-deffns de leur valeur réelle.
Sur la conduite du régent à Fégard dè leur auteur, Voye^
Farticle Franchi (Nicolas) ouNigolo Fran co;, la
Grange s’étoit fauvé à Avignon ; on employa, dit-on, :
un affez vil flratagême pour le tirer de fon afyle. Il
y avoit dans la même ville d’Avignon un officier
françois qui s’y étoit réfugié pour un meurtre. On lui
promit fe grâce, s;ilpouvoitlivrer la Grange. Il le
livra, en l’attirant hors des limites du Comtat , fous
prétexte d’une partie de plaifir; des gens apoflés le
faifirent , il fut conduit aux ifles de Sainte Marguerite, '
& il y fut étroitement renfermé. Son fort eut beaucoup
de viciffitudes, qui toutes furent le produit de fon carac--
tère. Il{ paroît que ce la Grange étoit un enragé , que le
démon de la latyre avoit poffédé de bonne heure ;
dès l’enfance il s’étoit rendu redoutable à fes parents
ÔL à fes amis, par fes chanfons & fes épigrammes ; dans
la fuite, il s’etoit joué aux princes & aux puiffances ;
mais comme cette ardeur fatyriqüe lui laiffoit apparemment
des talents aimables & des moyens de plaire,
le gouverneur de faprifon le prit en amitié 9 ÔL malgré
lea* ordres rigoureux de la cour, il lui doruia toute la
liberté qui dépendoit de lui. La Grange, P pour l’on
j récompenfer , fit une épigramme contre lui ; le gouverneur
le remit au - cachot. La Grange trouva le
moyen de faire parvenir au régent , une ode, où il
demandoit grâce. Ce prince naturellement indulgent,
lui--accorda quelque adouciffement. La Gf-ange eut la
liberté de fe promener quelquefois, mais bien accorn^
pagrié. Il gagna les gardes qui l’accompagnoient dans
1 fes promenades ; ils lui procurèrent une barque, & il
fe feuva. 11 alla d’abord à Madrid ; mais l’ambaffadeûr
de France lui enleva 4a proteélion du roi d’Efpagne ;
il paffa en Hollande , & fut reçu -bourgeois d’Amsterdam.
Le roi de Pologne, Frédéric - Augnfle , électeur
de Saxe , lui envoya une montre de prix,
en l’invitant de paffer auprès de lui. Pourquoi des
. fouverains étrangers faifoient-ils ainfi des avances à
un méchant homme ,-juflegient puni dans fon pays pour
fes libelles calomnieux ? c’efl que ce méchant homme
étoit un homme célèbre par des talents faits pour être
accueillis ; c’efl que depuis que Corneille & Racine
avoient difparu, & avant que M. de Voltaire parût,
la Grange étoit un de ceux qui rempliffoient avec le
plus d’éclat la fcène tragique ; c’efl qu'Amafis pafïoit
pour une des meilleures pièces quifuffent au théâtre,
1 avant que Mérope eût prouvé qu’on pouvoit traiter
beaucoup mieux le même fùjet ; c’efl que dans la pièce
intituléè • Orefte & Pylade i une partie de l’intérêt du
! fujet- perçoit à travers la langueur du flyle & tous les
défauts de l’exécution; c’efl qu’J/zo & Melicerte faifoit:
un grand effet au th é â t r e& avoit une grande réputation
; c’efl que la méchanceté de Fauteur paroiffoit
problématique, & que fa gloire ne l’étoitpas : en effet,
: au milieu des erreurs du temps & des préjugés popu-
I laires, on doutoit fi les Philippiques étoient l’accent de
la calomnie ou le cri dè la- vertu indignée , fi c’étoit
un attentat criminel ou un dévouement héroïque. Ceux
. même qui rendoiént plus de juflice à M. le Régent,
& qui fçavoient combien il étoit incapable des crimes
que cette violente fatyre lui imputoit , pouvoient croire
Fauteur-perfoadé , & juger que cette erreur l’excufoit.
Quoi qu’il en foit, la mort de M. le Régent lui rouvrit
: lès portes de la France. Il y revint , mais pour y vivre
dans le filence & dans- la retraite; ce qui parut ne
lui coûter aucun effort, & ce qui peut encore foire
' penfer favorablement de lui. Il mourut le 27 décembre
1758 , au château d’Antoniat, près de Pé-
rigueux, où il étoit né. Il efl auteur auffi de plufieurs
opéras' & de quelques cantates , qui font aux opéras
de Quinaifft, aux cantates de Rouflèau , 'ce que fes
• tragédies font à celles de Racine & de Voltaire.
Un autre la Grange, plus moderne, né en 1738,'
mort, en 1775 , efl- avantageufement connu par fes
traduétions de Lucrèce & de Sénèque. '
GRANVELLE. Voye^ Perrenot. '
GRAS , ( Louife de Marillac , veuvè de M. le )
( Hift. Mod. ) bienfaitrice généreufe de l’humanité ,
eut la- gloire d’être affociée à S. Vincent - de - Paul
dans divers établiffements de charité, fur-tout dans
cehti de la communauté des Soeurs Grifes. « Peut-être
u n’efl-il rien de plus grand fur la terre , dit M. de
j Voltaire , -d’un ton pénétré, que le facrifice que fo$