
» champ dans leur fcciété ceux qui veulent embrafe.
» 1er leur manière de vivre*,■ mais ils les font demeu-
>j rer durant un an au-dehors, où ils ont chacun avec
» une portion, une pioche & un habit blanc. Ils leur
» donnent enfuite une nourriture plus conforme à la
» leur, & leur permettent de fe laver comme eux dans
» de l’eau froide,, afin de fe purifier ; mais ils ne les
il font pas manger au réfeéloire, jufqu’à ce qu’ils ayent
jj*encore durant deux ans,,éprouvé leurs' moeurs,
» comme ils avoient auparavant éprouvé leur coh-
33 tinence. Alors onles reçoit’, parce qu’on les en juge
» dignes; mais avant que de s’affeoir à table avec les
33 antres, iis proteftent folemnellement d’honorer &
» de fervir Dieu de tout leur coeur, d’cbferver la
« juftice envers les hommes ; de ne faire jamais vo-
»} lontairement de mal à perfonne ; d’affîfter de tout
33 leur pouvoir les gens de bien ; de garder la foi
» à tout le monde , & particulièremeqj: aux fou-
j) verains.
33 Ceux de cette feéle font très-juftes & très-exaéls
33 .dans leurs jugemens: leur nombre n’ëft.pas moin- j
' 3) dre que de cent lorfqu’ils jes prononcent, & ce .
?> qu’ils ont une fois arrêté demeure immuable.
j> Ils obfervent plus religieufement le fabat que
33 nuis autres de tous les Juïjs. Aux autres jours, ils
» font dans un lieu à l’écart, un trou dans la terre
» d’un pied de profondeur , où après s’être déchargés,
33 en fe couvrant de leurs habits , comme s’ils avoient
» peur de fouiller les rayons du foleil, ils rempliffent
33 cette foffe de la terre qu’ils en ont tirée.,:
» mais qu’un doux zéphir rend toujours très-agréable:
» & qu’au contraire les âmes des méchants n’ont pour
33 demeure que des lieux glaces & agités par de conti-
n quelles tempêtes,où elles gemifFent éternellement dans
33 des peines infinies. C a r , c’eft ainfi qu’il me paroît
que lès Grecs veulent que leurs héros , à qui ils
33 donnent le nom de demi-dieux , habitent des îles
» qu’ils appellent fortunées , & que les âmes des impies
»'foient à jamais tourmentées dans les enfers , ainft
33 qu’ils diferit que le font celles deSifyphe, de Tan-
n taie , d’ïxion & dé Titye.
jj Ils vivent fi long-tems , que plufieurs vont juf-
jj- qu’à cent ans ; ce que j’attribue à la fimplicité de
33 • leur vie.
jj Ils méprifent les maux de la terre, triomphent
jj des tourments par leur confiance, & 'préfèrent la
jj mort à la vie., lorfque le fujet en eft honorable. La
jj guerre que nous avons eue contré les Romains a
jj fait Voir en mille manières que ieur courage eft in-
jj vincible ; ils ont fouffert le fer & le feu plutôt que de
jj vouloir dire la moindre parole contre leur légifla-
» teur, ni manger des viandes qui leur font défendues,
jj fans qu’au milieu de tant de tourments ils ayent jette
jj une feule larme, ni dit la moindre parole, pour
« tâcher d’adoucir la cruauté de leurs bourreaux. Au
jj contraire, - ils fe moquoient d’eux, & rendoient l’ef-
33 prit avec joye, parce qu’ils elpéroient de p aller de
33 cette vie a une meilleure ; & qu’ils croy oient ferme-
» ment que, comme nos corps font mortels1 & corrup-
u tiblès j^nos âmes font immortelles & incorruptibles ;
jj qu’elles font dune fubftance aerienne très-fabtile f
33 & qu’étant enfermées dans nos corps comme dans
33 une prifon , où une certaine inclination les attire
" j> & les arrête, elles ne font pas plutôt affranchies de ‘
, j> ces liens charnels qui les retiennent comme dans Une
jj longue fervitude, quelles s’élèvent dans l’air &
jj s’envolent avec joye. En quoi ils conviennent avec
33 les Grecs, qui croyent que ces âmesheureufes ont 1
• » leur féjour au-delà de l’Océan, dans une région où
33 il n’y à ni pluie, ni neige, ni une chaleur exceffive,
» Ces même Efféniens croyent que les âmes font
créées immortelles pour fe porter à la vertu & fe
33 détourner du vice ; que les bons font rendus meil-
33 leurs en cette vie par lefpérance d’être heureux
33 après leur' mort, & "que les méchants qui’ s’imaginent
» pouvoir cacher en ce monde leurs mauvaifes aétions,
33 en font punis en l’autre par des tourments éternels.
33 Tels font leurs fentiments fur l’excellence de l’ame.
33 II y en a parmi eux qui fe vantent de connoître les
» chofes à venir tant par l’étude qu’ils font des livres
33 faints & des anciennes prophéties, que par le foin
33 qu’ils prennent de fe fanélifier ; & il arrive rarement
jj qu’ils fë trompent dans leurs prédiélions.
33 II y a Une autre forte d’Efleniens qui conviennent
33 aVec les premiers dans fufage des mêmes viandes,
jj des mêmes-moeurs & des mêmes Ioix , & n’en font
jj différents qu’en ce qui regarde le mariage. Car ceux-
jj ci croyent que c’eft vouloir abolir la race des hommes
jj qué*d’ÿ renoncer,puifquë fi chacun embrafibit ce fen-
jj timent, on la verroit bientôt éteinte. Ils s’y condui-
33 fent néanmoins avec tant de modération , qu’avant
j> que de fe marier ils obfervent durant trois ans fi la
jj perfonne qu’ils veulent époufer paroît affez faine pour
jj bien porter des enfants,& lbrfqu’après être mariés elle
jj devient grofle,i!s ne couchent plus avec elle durant
jj fa groffeffe, pour témoigner que ce n’eft pas la vq-
jj lupté, mais le defir de donner des hommes à la ré-
j> publique , qui les engage dans le mariage ».
Jofephe dit dans un autre endroit qu’ils abandon•
] noient tout à Dieu. Ces paroles font affez entendre le
lèntiment des Efféniens fur le concours de Dieu. Cet
hiftoriën dit encore ailleurs que’ tout dépendôit du
-deftin, & qu’il fie nous arrivoit rien que ce qu’il or-
donnoit. On voit par-là que les Efféniens s’oppo-
foient aux Saducéens', & , qu’ils faifoient dépendre
toutes chofes des décrets de la providence ; mais en
même temps il eft évident qu’ils donnoient à la pro-
' vidence des décrets qui rendoient les événements nç-
ceffairés , & ne laiitoient à l’homme aucun refte de
liberté. Jofephe les oppofant aux Pharifiens qui donnoient
une partie des allions au deftin , & l’autre à
la volonté de d’homme , fait connoître qu’ils éten-
doient à toutes les aélions l’influence du deftin & la
néedfité qu’il impofe. Cependant, au rapport de Phï-
lon , les Efféniens'ne faifoient point Dieu auteur du
péché, ce quï eft affez difficile à concevoir ; car il
eft évident que fi l’homme n’eft pas libre , la religion
périt, les a&ions ceffent d’être bonnes & mauvaifes ,
il n’y a plus de peine ni de récompenfe; & on a
raifon
raifon de foutenir qu’il n’y > a plus d’équité dans le jugement
de Dieu. • • y L
Philon parle des Efféniens à-peu-pres comme Jolephê.
Ils conviennent tous les deux fur leurs auftérités, leurs,
mortifications , & fur le foin qu’ils prenoient de cacher
.aux étrangers leur doélrine. Mais Philon affure
qu’ils préféroient la campagne à la ville, parce qu’elle
eft plus propre à la méditation ; & qu’ils évitoient
autant qu’il étoit poffible , le commerce des hommes
corrompus , parce qu’ils croyoient que l’impureté des ,
moeurs fe communique auffi aifément qu’une mauvaife
influence de l’air. Ce fentiment nous paroît plus vrair
femblable que celui de Jofephe , qui les fait demeurer
dans les villes ; en effet, on ne lit nulle part qu’il y
ait eu dans aucune ville de la Paleftine des communautés
d’Eflejiiens ; au contraire, tous les auteurs qui
ont parlé de Ces feélaires , nous les reprefentent-comme
fuyant les grandes villes , ôl s’appliquant a 1 agriculture.
D ’ailleurs , s’ils euffent habité les.villes, il ^eft probable
qu’on les connoîtroit un peu mieux qu’on ne le
fait, & l’Evangile ne gârderoit pas fur eux un fi profond
filence ; mais leur éloignement des villes où
J. C. préchoit, les a fans doute fouftraits aux cenfurcs
qu’il auroit faites de leur erreur.
Des Thérapeutes. Philon ( Philo de vital contemp. )
a diftingué deux ordres d’Efleniens ; les uns s’atta-
choient à la pratique; ôc les autres, qu’on nomme
Thérapeutes , a la contemplation. Ces derniers etoient
auffi de la feéle des Efféniens; Philon leur en donne
le nom : il ne les diftingué de la première branche de
cette feéle, que par quelque degré de perfeélion.
Philon nous les repréfente comme des gens qui
faifoient de la contemplation de Dieu leur unique
occupation , & leur principale félicité. C’étoit pour
cela -qu’ils fe tènoient enfermés feul à feul dans leurs
cellules , fans parler, fans ofer fortir, ni' meme regarder
par les fenêtres. Us demandoient à Dieu que
leur ame fût toujours remplie d’une lumière celefte,
& qu’élevés au-deffus de tout ce qu’il y a de fenfibl'e,
ils puffent chercher & connoître la vérité plus parfaitement
dans leur folitude , s’élevant au g deffus du
foleil, de la nature , &. de toutes les créatures. Us
perçoient direélement jufqu a Dieu , le foleil de juftice:
Les idéeSvde la divinité , dès beautés & des trefors •
du ciel , dont ils s’étoient nourris. pendant le jour ,
les fuivoient jufques dans la nuit, julques dans leurs
fonges , & pendant leur fommeil même. Us débitoient
des préceptes excellents ; ils laiffoient a leurs parents
tous leurs biens, pour lefquels ils avoient un profond
mépris, depuis qu’ils s’étoient enrichis de la
philofophie célefte : ils Tentoient une émotion violente
, & une fureur divine, qui les entraînoit dans
l’étude de cette divine philofophie , & ils y trou-
voient un fouverain pîaifir ; c’eft pourquoi ils ne quitte
iënt jamais leur étude , jufqu a ce qu’ils fuffent parvenus
a ce degré de perfeélion qui les rendoit heureux.
On voit là , fi je ne me trompe , la contemplation'
des myftiques, .leurs tranfpons, leur union avec la
divinité qui les rend fpuverainement Hçiirevix parfaits
fur la terre,
Jlijloire,
Cette feéle que Philon a peinte dans un traité
qu’il a fait exprès , afin d’en faire honneur à fa religion
, contre les Grecs qui vantoient la morale & la
pureté de leurs philofophes , a paru fi famte , que
les Chrétiens leur ont envié la gloire de leurs auftérités.
Les plus modérés ne pouvant ôter abfolument
à la fynagogue l’honneur de les avoir formes & nourris
dans fon fein , ont au moins foutenu qu’ils avoient
embraffé le Chriftianifme , dès le moment que Saint-
Marc le prêcha en Egypte, & que changeant la religion
• fans changer de v ie , ils devinrent les pères & les premiers
inftituteurs de la vie monaftique.
Çe dernier fentiment. a été foutenu avec chaleur
par Eufebe , par Saint-Jérôme , & fur-tout par le
père Montfauçon, homme diftingué par fon lavoir,
non-feulement dans un ordre lavant , mais dans la
république des lettres. Ce favant religieux a ete réfuté
. par M. JBouhier, premier préfident du parlement de
Dijon , dont on peut confulter l’ouvrage ; nous nous
. bornerons ici à quelques remarques.
i°. On ne connoît les Thérapeutes que par Philon.
Il faut donc s’en tenir à f<pn témoignage ; mais peut-on
' croire qu’un ennemi de la religion Chrétienne, oi qui
a perfévéré jufqu’à la mort dans la profefficn du
Judaïline, quoique l’Evangile fut connu , ait pris la
, peine de peindre d’une manière fi édifiante, les ennemis
de fa religion & de fes cérémonies ? Le Juda’ifme & le
Cliriftianilme font deux religions ennemies; Vune travaille
: à s’établir fur les ruinés de l’autre : il eft impoftible qu’on
fafte un éloge magnifique d’une religion qui travaille à
l’anéantiftement de celle qu’on croit & qu’on prefeffe.
2°. Philon de qui on tire les preuves en faveur
du Chriftianilme dès Thérapeutes ,. étoit né l’an 723
de Rome. Il dit qu’il étoit fort jeune lorlqu’il compolà
fes ouvrages , & ques dans la fuite fes études furent
' interrompues par les grands emplois qu’on lui confia.
En luivàrit ce calcul , il faut néçeffairement que
Philon-a.it écrit avant J. C., & à plus forte raifon , avant
que le Chriftianifme eût pénétré jufqu’à Alexandrie.
Si on donne à Philon trente - cinq ou quarante ans
lorfqu il compofoit lès livres, il n’étoit plus jeune. Cependant
J. C, n’avoifaîor.s que huit ou dix ans ; il u’aveit
point encore enlèigné ; -l’Evangile n’étoit point encore
connu | les Thérapeutes ne pouvoient par conféquent
être Chrétiens : d’où il eft aifé de conclure que c’eft
une feéle de Juifs réformés , dont Philon nous a laiffç
le portrait. ,
30. Philon remarque que les Thérapeutes étoient
une branche des Ffleniens; comment'donc a-t^on pu,
en faire des Chrétiens , & laiflèr les autres dans le
Judaïlme? : . , • f
Philon remarque encore que c étoient des difciples
de Moïfe ; & c’eft là un çaraélçre de Judaïfme qui ne
peut être contefté, for-rtcut par des Chrétiens. L’occupation
de .ces gèns-]à çonfiftoit à feuilleter les facrés
volumes, à étudier la philofophie qu’ils avoient reçue
de leurs ancêtres, à y chercher des allégories, s’ima?
ginant que les. lèçrets de la nature etoient caches fous
les termes W plus clairs ; & pour s’aider dans eettq
I recherche , ils avoient les çotri^ent^ires des |
Tome III,