
5 J S M E R
chanfons à chariots Ôc à.fatyres que venoit l’ancien proverbe
latin, des chariots d’injures ,plauftra injuriarum.
Cette compagnie, comme nous l’avons déjà dit,
fubfiftoit dans les états du duc Philippe le Bon avant
1444, puifqu’on en voit la-confirmation accordée cette
même année par ce prince. L’on voit aulïi au tréfor de
la iainte chapelle du roi à Dijon une fécondé confirmation
de la mère-folU en 1482 -, par Jean d’Am-
jboife , évêque de Langres, lieutenant en Bourgogne ,
Ôc par le feigneur de Beaudricourt, gouverneur du pays;
ladite confirmation eft en vers François.
Cette fociété de mère-folle était çompofée d’infanterie.
Elletenoit ordinairement affemblée dans la falle du jeu
de paume de la poiffonnerie, à la réquifition du procureur
fifcal, dit fifcal verd, comme il paroît par les
billets de convocation, compofés en versburlefques. Les
trois derniers jours du carnaval, les membres de la
fociété portaient des habillemens déguifés Ôc bigarrés de
couleur verte , rouge & jaune , un bonnet de même
çouleur à deux pointes avec des fonnettes, Ôc chacun
d’eux tenoit en main des marottes ornées d’une têtede
fou. Les charges &- les poftes étoient diftingués par la
différence des habits ; la compagnie avoit pour chef celui
des affociés qui s’étoit rendu le plus recommandable par
fa bonne mine , fes belles manières ôc fa probité. Il
étoit choifi par la fociété, en portoit le nom , & s’appelait
la mère-folle. 11 avoit toute fa cour comme un
îouverain, fa garde fuifle , fes gardes à cheval, fes officiers
de juftice,. des officiers de fa maifon ; fon chancelier
, fon grand écuyer ; en un mot toutes les dignités
de la royauté.
Les jugemens qu’il rendoit s’exécutoient nonobftant
appel, qui fe relevoit directement au parlement. On en
trouve un exemple dans un arrêt de la cour du 6 Février
1579 , qui confirme le jugement rendu par la mère-
folle.
Linfanterie qui étoit de plus de 200 hommes , portoit
un guidon ou étendard, dans lequel étoient peintes
des têtes de fous fans nombre avec leurs chaperons ,
plufieurs bandes d’o r , Ôcpour devife, fhtltorum infinitus
eft mimerus.
Ils portoient un drapeau à deux flammes de trois couleurs
, rouge, verte’ & jaune, de la même figure &
grandeur que celui des ducs de Bourgogne. Sur ce drapeau
étoit répréfentée une femme arnfe , vêtue pareillement
de trois couleurs, ronge, verte & jaune, tenant en
fa main une marotte à tête de fou, & un chaperon à
deux cornes, avec Une infinité de petits fous coiffés de
même, qui fortoient par-deffous Ôc par les fentes de fa
jupe. La devife pareille à celle de l’étendard, étoit
bordée tout-au-tour de franges rouges , vertes Ôc jaunes.
Les lettres-patentes que l’on expédioit à ceux que
l ’on recevoit dans la fociété, étoient fur parchemin ,
écrites en lettres de trois couleurs, lignées par la mère-
folle , & par le griffon verd , en fa qualité de greffier.
Sur ces lettres - patentes étoit empreinte la figure d’une
femme affife , portant un chaperon en tête , une ma- ,
rotte en main, avec la même infcription que l’éten-
dart.
M E R
Quand les Membres de la fociété s’affembloient pour
manger enfemble , chacun portoit fon plat. La mère-
folle ( on fait que c’eft le commandant, le général, le
grand-maître ) avoit cinquante fuiffes pour fa garde.
Cétoient les plus riches arrifkns de la ville qui fe prêtaient
volontiers à cette dépenfe. Ces fuiffes faifoient la garde à
la porte de la falle de l’affemblée, accompagnoient la
mère-folle à pié, à la referve du colonel qui montoit à
c h e v a l .
Dans les occafions folemnelles, la compagnie mar-
choit avec de grands chariots peints, traînés chacun
par fix chevaux caparaçonnés avec des couvertures de
trois couleurs , & conduits par leurs cochers & leurs
poftillons vêtus de même. Sur -ces chariots étoient feulement
ceux qui réçitoient des vers-bourguignons,
habillés comme le dévoient être les perfonnages qu’ils
repréfentoient.
La compagnie marchoit en ordre avec ces chariots
par les plus belles rués de la ville, & les plus belles
i poéfies fe chantaient d’abord devant le logis du gouverneur
, enfuite devant la maifon du premier préfident
du parlement, Ôc enfin . devant celle du maire. Tous
étoient mafqués, habillés de trois couleurs^ mais ayant
des marques diftinétives fuivant leurs offices.
Quatre hérauts avec leurs marottes, marchoient à la
tête devant le capitàine des gardes ; enfuite pâroiffoient
les chariots, puis la mère-folle précédée de deux hérauts,
& montée fur une haquenée blanche ; -elle étoit fuivie
d e fes dames d’atour , de fix pages ÔC de douze valets de
pied : après eux venoit l’enfeigne, puis 50 officiers, les
écuyers, les fauconniers, fe grand veneur & autres.
A leur forte marchoit le guidon , accompagné de 50
cavaliers, & à la queue de Ta proceffion le fifcal v e r d &
les deux confeillers, habillés comme lui ; enfin les fuiffes
fermoient la marche. -
La mère-folle montoit quelquefois for un chariot fait
exprès, tiré par deux chevaux feulement, lorfqu’éüe
étoit feule ; toute la compagnie le précédoit, Ôc foivoit
ce char en ordre. D’autres fois on atteloit au char de
la mère-folle douze chevaux richement caparaçonnés ;
& cela fe faifoit toujours lôrfqu’on avoit confirait fur le
chariot un théâtre capable de contenir avec la mère-
folle des aéfeurs habillés fuivant la cérémonie : ces acteurs
récitoiènt aux coins des rues des vers François Ôc
bourguignons conformes au fojet. Une bande de violons
ôcune troupe de'muficiens étoient auffi fur ce théâtre.
S il arrivoit dans la ville quelque événement fin-
gulier , comme larcin, meurtre, mariage bizarre ,
feduéhon du fexe, &c. pour lors le chariot & l’infanterie
étoient for pied ; l’on habilloit des perfonnes de la
troupe de même que ceux à qui la chofe étoit arrivée ,
& on repréfentoit l’événement d’après nature. C ’eff ce
qu’cn appelle faire marcher la mère-folle, l’infanterie
dijonnoifè.
Si quelqu’un aggrégé dans la compagnie s’en ab-
fentoit, il devoit apporter une exeufe légitime , finon
il étoit condamné à une amende de 20 livres. Perfonue
n’etoit reçu dans le corps que par la mère-folle , Ôc for
les conclufions du fifcal- verd j on expédioit enfuite
M E R
au nouveau reçu des provifions qui lui coûtaient
unepiftole. • . A , . . .
Quand quelqu’un fe prefentoit pour etre admis dans
la compagnie ; le fifcal affis faifoit des queftions en rimes
, Ôc le récipiendaire debout, en préfence de la
mère-folle ÔC des principaux officiers de' l’infanterie ,
devoit auffi répondre en rimes ; fans quoi fon aggravation
n’était point admifè. Le récipiendaire de grande
condition, ou d’un rang diftingué, avoit le privilège de
répondre affis.
D’abord après la réception , on lui donnoit les marques
de confrère, en lui mettant for la tête le chapeau
de trois, couleurs, & on lui aflignoit des gages for des
droits imaginaires, ou qui ne produifoient rien, comme
on le voit par quelques lettres de réception qui fob-
fiftent. encore. Nous avons dit plus haut que la compagnie
comptait parmi fes membres des perfonnes du
premier rang , en voici la preuve qui méritoit d’être
tranferite.
Aile deréception de Henri de Bourbon , prince de
'Condé, premier prince du fang, en la compagnie de la
7nèie-folle de Dijon lan 1026.
Les foperlatifs, mirélifiques & feientifiques, l’opinant
de l’infanterie dijonnoifè , régent d’Apollon Ôc des mules
, nous légitimes enfans figuratifs du vénérable Bon-
tems & de la marotte, fes petits-fils, neveux ôc arrière-
neveux , rouges, jaunes, verds, couverts, découverts
& forts-en-gueule ; à tous fous , archi-fous, lunatiques,
hétéroclites, éventés , poètes dénaturé bizarres, durs
& mois, almanachs vieux 6c nouveaux, paffés , préfens
.& à venir, falut. Doubles piftoles, ducats Ôc autres ef-
pèces forgées à la portugaife , vin nouveau fans aucun
malaife, & chelme qui ne le voudra croire , que haut
& puiffâÉt feigneur Henri de Bourbon , prince de Condé
, premier prince' du far,g, maifon ôc couronne de
France, chevalier, &c. à toute outrance auroit fon
alteffe honoré de fa préfence les feftus & guoguelùs mignons
de la mère-folle, Ôc daigné requérir en pleine
affemblée d’infanterie, être immatriculé 6c récepturé,
comme il a, été reçu 6c couvert du chaperon fans péril,
& pris en main la-marotte, & juré par elle 6c pour elle
ligue off-'nfive 6c défenfive , foutenir inviolablement, t
garder 6c maintenir fiflie en tous fes points , s’en aider
6c fervirà toute fin, requérant lettres à ce convenables ;
à quoi inclinant, de l’avis de notre redoutable dame 6c
mère, de notre certaine fcience , connoiffance , puif-
fènee & autorité, fans autre information précédente, à
plein confiant de S. A. avons icelle avec allégreffe- par
«es préfentes, hurelu , berelu, à bras ouverts 6c décou- '
Verts, reçu 6c impatronifé, les recevons 6c iinpa-
îi'onifons en nôtre infanterie dijonnoifè , en telle forte
& manière qu’elle demeure incorporée au cabinet de
ï’intefte , ôc généralement tant que folie durera, pour •
par elle y être , tenir 6c exercera fon choix, telle
charge qu’il lui- plaira aux honneurs , prérogatives,
prééminences, autorité 6c puiffance que le ciel, fa
naiffance 6c fon épée lui ont acquis ; prêtant S. A.
niain forte à ce que folie s’éternife, 6c ne foit empêchée,
ains ait cours 6c décours-, débit de fa marchan-
tjjfe? trafic 6c commerce en tout pays, foit libre par ml
M E R 5-5-7
' t o u t e n tout privilégiée ; moyennant quoi, il eft
permis à S. A. ajouter, fi faire le veut, folie for folie ,
franc for franc , ante , fub ante, per ante, fans inter-
miffion, diminution ou interlocutoire, que le branle de
la mâchoire ; 6c ce aux gages ôc prix de fa valeur,
qu’avons affigné 6c affignons for nos champs de Mars ÔC
dépouilles des ennemis de la France, qu’elle lèvera par
fes mains , fans en être comptable. Donné 6c fouhaité
à S. A.
A Dijon, ou elle a été ÿ
Et où l'on boit à fa fanté,
L’art fix cent mille avec vingt-fix ^
Que tous les fous étoient affis.
Signé par ordonnance des redoutables fëigneurs bu«
vans 6c folatiques, 6c contre-figné Defchamps , Mère,
ÔC plus bas, le Griffon verd.
Cependant, peu d’années après cette facétieufe réception
du premier prince du fang dans la fociété, parut
l’édit févere de Louis XIII, donné à Lyon le 21 Juin
1630, vérifié Ôc enregiftré à la cour le 5 juillet fuivant,
qui abolit 6c abrogea fous de groffes peines la compagnie
de la mère-folle de Dijon ; laquelle compagnie
de mère-folle, dit l’édit, eft vraiment une mère 6c pure
folie, par les défordres & débauches qu’elle a produits,
6c continue de produire contre les bonnes moeurs , repos
ÔC tranquillité de la ville , avec très-mauvais exemple.
Ainfi finit la fociété dijonnoifè. Il eft vraîfèmblable
que cette fociété, ainfi que les autres confréries laïques du
royaume, tiroient leur origine de celle qui vers le commencement
de l’année fe faifoit depuis plufieurs fiècles
dans les églifes par les eccléfiafti ques, fous le nom de la
fête des fous. Voye£ Fete des EOUS.
Quoi qu’il en foit, ces fortes defociétés burlelques
prirent grande favéur 6cfournirent long-tems.au public
un fpeélacle de-récréation 6c d’intérêt, mêlé fans-doute
d’abus ; mais faciles à réprimer par de fages arrêts du
parlement ,, fans qu’il fût befoin d’ôter au peuple un
amufement qui foulageoit fes travaux 6c fes peines.
( 0 . J.)
MERKUFATf, f. m. ( Hift, mod. ) nom que les
Turcs donnent à un officier qui eft fous le tefterdar ou
grand tréforierfa fonélion eft de difpofer des deniers
deftinés à des ufages pieux. ( — )
MER1D IA N I , ( Hift. anc. ) nom que les anciens
Romains donnoient à une efpèce de gladiateurs qui fe
donnoienten fpeélacle, 6c entroient dans l’arène vers
le midi, les bèftiaires ayant déjà combattu le matin
contre les bêtes.
Les Méridiens prenoient leur nom du tems auquel
ils dorinoient leur Ipeélâcle. Les Méridiens ne com-
bâttoient pas contre les bêtes, mais les uns contre les
autres l’épée à la main. Delà vient que Séneque dit que
les combats du matin étoient pleins d’humanité, en
cômparaifon de ceux qui les foivoient.
MERLIN , ( Ambroifè) ( Hift. (f Angle t. ) c’eft
le fameux enchanteur Merlin , dont le roman Ôc les
prophéties font fi célèbres. Cet homme, que Buchanan
i l