
degré d'eftime peut-on refufer à des morceaux tels que
ceux-ci !
Media vifi confurger'c campo
Trißia Syllani cecinere oracula mânes,
Tollentemque caput gelidas Anieràs ad undas y
Agricoles fratto Marium fugere fepulchro.
Nous ne connoilïons point de tableau plus énergique
ni plus terrible. Ces mânes de Sylîa qu’on voit
s’élever tcut-à-coup du milieu d’un champ, qu’on
entend prononcer de fmiftres oracles ; ce tombeau de
Marius brifé, cette ombre qui en fort ; ces laboureurs
tiemblants & fuyants à la vue du fpeéfre qui élève
fa tête effrayante ; ce tollentemque caput qui rappelle
Xaîtollentem iras de Virgile , & qui femble donner
une nature giganteique à l’ombre de Marius : quel
tableau !
Quels portraits que ceux de Tes. principaux per-
for nages , Céfar & Pompée ! combien de beautés,
& quelles beautés fournies aux tragédies de la mort
de Pompée, de Sertoriüs ! &c. & quelle gloire d’avoir
formé Corneille ! La vérification de Lucain eft d’ailleurs
prefqùe toujours ferme, pleine, harmonieufe ,
énergique , &c. & ce poëte eft mort à moins de
vingt-fix ans. Il étoit fils d’Annæus Mella & neveu de
Sénéque. Néron , qui, faifant aufîi des vers , étoit jaloux
de la gloire poétique de Lucain , cnerchoit en
.toute occâfion à lui nuire ; car .nul genre de tyrannie
n’échappoit à ce monftre. Lucain , pour s’en venger,
entra dans la confpirarion de Pifon , & fournit à
Néron un prétexte de l’immoler. On lui coupa les
veines ; & , poete jufqu’à la mort , lorfqu’il fentit la
chaleur abandonner les extrémités de fon corps;, il fe
fouvint des vers eu il avoit peint autrefois un foldat
mourant delà forte , & il mourut en les récitant. Il
faut avouer qu’il defeendit dans la tombe avec deux
grandes infamies ; l'une , d’avoir flatté fon tyran dans
la Pharfale , au point de dire que fi les deflins ne
pouvoient que parla guerre civile, procurer au monde
fempire de Néron, les crimes & les délaftres deviennent
des biens à ce prix :
Qtibd f i non aliam ventura fata Neront
lnvenere viam , magnoque eeterna parantur
Régna Deis 3 ccelumque fuo fervire Tonanti,
Non mfi fisvorum potuit poft bella gigantum
Jamnih.il, ô fuperi, querimur : Jcelera ipfa, nefafque
Hâc mercede placent.
éloge fi fort, que quelques-unS l’ont cru ironique ; mais
dans ce cas aufîi , l’infulte eût été trop forte.
L’autre infamie plus grande encore que la première,
eft que Lucain, gagné par l’efpérance de l’impunité,
accula de complicité Atilla fa mère. 11 mourut Pan
65 de J. C.
LUCAS, ( Hiß. Litt, itiod. ) On conncît quelques
fovants de ce nom :
i°. Lucas Tudsnfis ou Luc de T u y , ainfi nommé,
parce qu’il étoit évêque de Tuy en Galice, au treiziéme
fîéçles a.écrit contre les Albigeois ; & c’étoit tout
ce qu’il falloit foire contr’eux. On a de lui encore
une hiftoire d’Efpagne, depuis Adam jufqu’en 12369
& une vie de Saint Ifidore de Séville.
2°. Lucas Brugcnfis ou Luc de Bruges , doéleur
de Louvain , doyen de Saint Orner , mort en 16 19,
favant dans les Langues orientales, a écrit fur la
Bible.
30. R’chard Lucas , théologien anglois , doéïeur
d’Oxford, mort en 1715 , a laiffé des fermons &
d'autres ouvrages chrétiens.
4°*Paul Lucas, célèbre voyageur. Il voyagea dans
le Levant, fous Louis XIV & l'eus Louis X V ; & en
rapporta des manuferits & des médailles pour la brblio-
thèque du roi. En 1736, il voulut entreprendre de
nouveaux voyages, partit pour l’tfpagne à foixanté
& douze ans , & mourut à Madrid l’année foi vante'.
On a la-relation de fes divers voyages ; elle a été mife
en ordre par des gens de lettres , Baudelot, Fourmont
l’aîné, l’abbé Banier. Paul Lucas étoit né à Lyon en
1664 j il étoit fils d’un marchand de cette ville.
LUCE ou LU CIUS, ( Hift. Eccléf. ) Il y a eu
trois papes de ce nom.
Le premier a le titre de Saint ; c’eft le foccefleur
de S& Corneille. Elu en feptembre 2^3 , il fouffrit
le martyre le 4 ou 5 mars 254.
Le fécond., nommé Gérard de Caccianemici, Bolo-
nois, élu en 1144, mourut à Rorae.cn 1145 , d’tin
coup de pierre qu’il reçut dans une émeute populaire.
Le troifième, Humbaldo AUincigoli, mort à Vérone
en 1185 , fût grand perfécuteur"des Hérétiques, &
prépara l’inquifition.
LUCIEN , ( Hift. Rom. ) naquit à Samofote fur
les bords de l’Euphrate dans la Comagène ; l’année de
fa naifîance n’eft pas connue ; il a vécu fous lès règnes
des deux Antonins & de Commode ; fes parents étoient
pauvres , & de condition médiocre, il fut d’abord
deftiné à l’état de fculpteur ; il avoit un oncle ftatuaire,
chez lequel il fut mis en apprentiflage. Pour fon début,
il brifa un modèle qu’on lui avoit donné à dégrofîîr ;
fon oncle l’en punit avec une rigueur qui dégoûta le
jeune Lucien de la fculpture , & le tourna entièrement
du coté des.lettres, pourlefquelles il avoit toujours
eu du penchant. Il fut Avocat à Antioche ; il
embraflfa enfuite la profefîion de Rhéteur, & voyagea
dans les principales villes de l’Afie mineure, de l’Ionie
& de l’Achaïe ; il s’arrêta long-temps dans Athènes ;
il arriva jeune encore dans les Gaules, alors excellente
école d’éloquence, & pépinière féconde d’orateurs. Il
voulut connoître l’Italie & Rome. Marc - Aurèle lui
donna une préfeélure en Egypte. Il fut marié ; il eut
un fils.
On a prétendu que Lucien avoit été d’abord chrétien
, & qu'il avoit apeftafié. M. l’abbé Mafîieu , fon
plus, moderne traduéleur, le lave de cette accufotion,
ainfi que de celle d’athéifme, de dépravation de moeurs
& de licence dans Tes écrits. « Lucien y dit-il, eft un
» philcfophe ennemi de toutes les fedes , mais non pas
» un focrilége : c’eft un écrivain foperficiel & mal
» inftruit, quand il parle des Chrétiens, mais non pas
»» un vil apoftat. S’il n’a vu dans les difciples de J. C.
»qu’une fede.particulière de cyniques nouveaux, il
v n’eft pas plus coupable à cet égard que Tacite,,
»Pline & d'autres écrivains, qui, comme lui, ont
» prétendu juger les Chrétiens fans les connoître »».
Quant à i’acctifation d’athéifme, M. l’abbé Mafîieu
tourne à l’avantage de Lucien , ce qui a donné lieu à
cette accufation : il eft certain que Lucien etoit un
-, indévot du paganifine ; ,« en cela même, dit M. 1 abbe
Mafîieu , Lucien, à fon infçu, & fans le vouloir , a
»> mieux fervi la religion Chrétienne , hors de fon
>» foin , qu’il ne l’eût fait peut-être par le feul exem-
.» pie de fa croyance, s’il eût été chrétien. Ce fut du
» foin même de l’idolâtrie , que. s’éleva le plus redou -
» table adverfaire. des idoles & le deftrudeur des
» fables dù paganifme ».
-• C ’eft une circonftance dont la rel'gion Chrétienne
peut fans doute tirer avantage ; mais il en réfuite
cependant que Lucien ne reconnoiiToit ni fes Dieux
ni le nôtre. # .. «;v
Quant aux moeurs de Lucien , les avis ont ete
partagés fur ce point encore plus que fur fes opinions.
’ Un de fes éditeurs, Bourdelot, en a fait un modèle
"de vertu : unicum commentiez . exemplum Lucianus ,
vitiorum omnium inimicus, unius vinutis & perfe&oe
philofophiot feëlator , cui nec viget quidquam fimile aut
; fecimdum.
Voilà certainement un beau zèle d’éditeur. M. i’abbé
Mafîieu fe môque avec raifbn d’un tel excès.
« On ne peut fe difîimuler, dit-il, esps,Lucien parle
» quelquefois avec une coupable complaifance d’un
.»» penchant infâme qui révolte la nature. .. il faudroit
v l’abandonner à tout l’opprobre dont il fe feroit
» couvert lui-même , s’il étoit l’auteur du Dialogue
» des Amours y où l’on trouve l’éloge de cette abomi-
» nation, ; mais d’habiles critiques penfent qu’on a
»» fauflement attribué cet ouvrage à Lucien, ÔL qu’on
» n’y . reconnoît ni fon ftyle , ni fa manière.
»» Ce qu’il dit de cette turpitude dans queîques-au-
'»> très de fes écrits, ne peut être plus préjudiciable à
■ » fe réputation, que VEglogue de Coridon & d’Alexis,
» ne l’a été à celle du chafte V ;rgile ».
Mais le chafte Virgile , & dans cette églogue &
dans l’épifode de Ni fus & Euryale , & dans beaucoup
d’autres endroits , n’eft chafte que dans l’expreflion.
M. l’abbé Mafîieu conclut que les obfcénités font
beaucoup plus rares dans les ouvrages de Lucien
qu’on ne le croit communément, & que la haine du
vice & l’amour de la vertu y éclatent prefque partout.
La tradu&ion de M. l’abbé Mafîieu a paru en 1781.
Trois Lucien font honorés d» titre de Saints :
i°. Saint Lucien y prêtre d’Antioche , & martyr
fous Galerius.
2°. Un autre Lucien , martyrifé fous l’empereur
E é c î. ^
30. Le premier évêque de l’églife de Beauvais.
LUCIFER, ( Hift. Eccléf. ) évêque de Cagliari en
Sardaigné, au quatrième fiècle, a cè)a de remarquable
qu êtant îegardç par la plus grande partie de l’eglife,
comme fehifmatique, mort dans le fchifpie ( en 370 )
&L chef de fehifinatiques, nommés de fon nom Eu-
cifériens, il eft néanmoins révéré comme un faint à
Cagliari, où on célèbre fa fête le 20 mai , & où on
a imprimé en 1639 , un ouvrage fous ce titre : definfio
fanélitatis B. Luciferii. Cette idée de la fainteté de
Lucifer y paroît fondée fur ce qu’il foutint au concile
de Milan en 3^4 , la caufe de St. Athanafe contre
l’empereur Confiance, qui exila Lucifer ; car les tyrans
n’ont jamais fu répondre aux raifons que par l’exil &
les a élis de violence. Lucifer y qui n’étoit pas endurant,
fit contre cet empereur, des écrits très-véhéments, qui
furent imprimés à Paris en 1568 , par les foins de
Jean du Tillet, évêque ds Meaux.
LUCILIUS ,,( Caïus) ( Hift. Litt. de Rome ) chevalier
Romain , eft regardé comme l’inventeur de la
fatyre chez les Romains.
Eft Lucilius auftis
Pritnus in hune operis componere carmina morem ,
Detrahere & pellem, mtidus quà quifque per or a
Csderet, introrsum turpis.
Cependant Pacuvius El Ennius avoient fait des fatyres
avant lui ; mais il fut le premier qui donna de l’éclat
à ce genre, il lui en donna tant qu’il fit des fanatiques
qui ne permetîoient pas qu’on lui. reprochât un défaut.
Horace, qui n’étoit point fanatique , en fait un afîez
bel éloge , quand il dit qu’il ne refpeétait que la vertu :
Primores populi arripuit populumque tribu tim
Scihcet uni csquus virtuti a tque ejus alumnis.
qu’il cônfioit tout à fes livres, & fe peignoit tout
entier dans fes ouvi âges :
Ille velut fidis arcana fodalibus olim
Credebqt libris : ne que f i male ccffcrat, ufquam
Decurrens alïo , nequeji bene. Quo fit ut omnis
Vbdvâ patent veluti deferipta tabellâ
Vita'fenis.
Mais, comme dans la quatrième fetyre du premier
livre, Horace , en accordant à Lucilius du goût & du
talent pour la raillerie :
Facetus,
EmunEla naris.
lui avoit reproché la dureté de fes vers, la négligence
avec laquelle il les jettoit fur le papier par centaines,
fans jamais prendre la peine de les corriger ni de les
polir , & l’avoit comparé enfin à un fleuve, qui parmi
beaucoup de boue , roule néanmoins un fable précieux ;
Durus componere ver fus y
Nam fuit hoc vitiofus, in horâ feepè ducentos
Ut magnum , ver fus diStabat, flans pede in uno,
Chm fiuerct lutulentus , erat quod tcllere v elle s.
Qarrulus atque piger feritbendi ferre laborem ,
Scribendi rc£ïè, nam ut tnultiem, ml moror.
Horace pour ce jugement eut une efpèee de perfé